Compte rendu

 

 

relatif aux deux journées organisées par l’association Solidarité Sida, les 1er et 2 juillet 2002 :

 

 

États Généraux Solidays 2002

Sida-Traitements : Nord-Sud même combat !

 

 

En guise d’introduction

 

 

1)   Solidarité Sida

 

L’association Solidarité Sida est née il y a dix ans. Son objectif : «(…) mobiliser les jeunes contre la pandémie par des moyens d’action décalés.» (DPS, p. 3). Solidarité Sida se consacre à la prévention et distribue des fonds à d’autres associations.

 

2)   Festival Solidays

 

Depuis quatre ans, Solidarité Sida organise un festival de musique sur la pelouse de l’hippodrome de Longchamp. A cette occasion, un village accueille plus d’une centaine d’associations dont, par exemple, le DAL.

«Droit Au Logement (DAL) a eu une idée originale : profiter de la taille du stand (12 mètres carrés) pour montrer au grand public ce que peuvent être les conditions de vie d’une famille nombreuse dans un espace aussi réduit. L’association va déguiser le stand en taudis et y installer une véritable famille pour les deux jours du festival, ce qui ne manquera pas de choquer et donc de marquer les esprits.» (DPS, p. 1).

 

 

États Généraux Solidays 2002

 

 

Quelques jours avant que ne débute le festival de musique, se sont déroulés, les 1er et 2 juillet derniers, à l’Hôtel de Ville de Paris, des Etats Généraux organisés par Solidarité Sida, dont  l’«(…) objectif majeur (est) de servir de plate-forme aux politiques, ONG, bailleurs de fonds et acteurs privés pour exprimer et concevoir ensemble un effort concret d’accès aux médicaments pour tous.» (BEG).

 

Trois ateliers ont été proposés aux participants :

 

  1. L’accès aux traitements : Paradoxes et contradictions !
  2. Le marché des ARV : Comment surmonter les freins et dépasser les contraintes ?

3. La démultiplication des expériences associatives : Quels enjeux ? Quels moyens ? Quelles limites ?

 

Ce texte rend compte des ateliers 1et 3.

 

1)   L’invocation constante du concret

 

Solidarité Sida insiste sur la place centrale qu’occupent les associations dans le processus de lutte contre le Sida. Les associations jouent un rôle de transmission entre les pouvoirs publics et les acteurs de terrain. Elles traduisent en langage associatif (le concret) le langage politique (l’abstrait). Et réciproquement.

 

Ce sont les associations qui définissent ce qu’est le concret. Comme si le concret déjà existant n’était pas suffisamment concret. Comme si le concret, hors des associations, n’existait pas concrètement.

 

Le concret des associations est justifié par l’urgence et tient lieu de pensée. Autrement dit, la situation n’est pas pensée.

Le concret est à venir. Autrement dit, le concret n’est pas pour ici et maintenant.

 

Luc Barruet, Directeur-Fondateur de Solidarité Sida, dans le second édito du dossier de presse du festival Solidays, déclare : «Assez de discours. Ensemble, passons à l’action. Vite !»  (DPS, p. 1).

 

Qu’est-ce qui est déjà concret ?

 

Presque rien.

 

«(…) force est de constater que les avancées concrètes sont peu nombreuses, que des désaccords subsistent, que les intérêts économiques sont trop souvent pris en compte, que l’argent manque cruellement.» (BEG).

 

Qu’est-ce qui doit devenir concret ?

 

Presque tout.

 

Des actes

 

«Les gouvernements des pays du Nord se sont engagés à lutter contre le sida au niveau international et ont adopté, pour certains, des positions politiques fortes. Il importe maintenant qu’elles se transforment en actes concrets.» (BEG).

 

Des axes

 

«Définition d’axes concrets de collaboration et de programmes». (BEG).

 

Des prises de position

 

«Prises de position concrètes des leaders d’opinion». (BEG).

 

Une politique de développement

 

«Encourager une collaboration entre les industriels et les acteurs de santé pour inciter à une politique concrète de développement». (BEG).

 

Une liste de mesures

 

«(…) dresser une liste de mesures concrètes et urgentes face au drame que traversent les populations du Sud.» (BEG).

 

Etc.

 

2)   La force de constater ou comment être concrètement efficace… plus tard

 

Les associations sont les spécialistes du constat. Plus les associations constatent, plus elles sont conscientes que tout va mal et plus elles se promettent d’être efficaces. «(…) après le temps de la prise de conscience, est venu le temps de l’action.» (DPS, p. 6). Bref, elles tournent en rond. Elles en viennent même à constater que d’autres ont constaté qu’elles existaient pour constater.

«Force est de constater qu’au terme de ces premières rencontres, les institutions du Nord ont été contraintes de reconnaître l’expertise et la capacité d’action des associations.» (CREG).

 

3)   «(…) l’argent manque cruellement.»

 

Qui dit «argent» dit «gestion». Les termes économiques sont utilisés à profusion : où l’on parle d’«un cahier des charges permettant la mise en place d’un programme d’accès aux traitements ARV». (BEG).

 

D’où quelques critères d ‘éligibilité multiples et variés. Il faut bien choisir, il faut choisir bien.

 

Des critères relatifs aux ONG

 

Quels ONG vont entreprendre les programmes de prise en charge et d’accès aux ARV ?

 

Des critères relatifs aux bénéficiaires des traitements

 

L’un des critères retenus : appartenir à une association de lutte contre le Sida (sauver les siens d’abord).

«En s’appuyant sur son réseau interassociatif, dès septembre 2002, Solidarité Sida mettra en œuvre un programme d’accessibilité aux antirétroviraux, dont bénéficieront ses partenaires associatifs à l’étranger. L’enjeu fondamental est la survie d’acteurs de la lutte contre le sida, sans lesquels rien ne pourrait être fait dans leur pays.» (DPS, p. 6).

Autrement dit, l’aide humanitaire permet surtout de perpétuer l’aide humanitaire.

 

 

A Gênes, les Etats du G8 avaient annoncé la création d’un Fonds Mondial contre le Sida doté d’un montant de dix milliards de dollars. Une question qui reviendra souvent dans les ateliers : «Où sont les 10 milliards de dollars promis ?» (MS).

La question de l’accès aux ARV serait essentiellement une question d’argent à destination de l’aide humanitaire.

 

4) Les pays du Sud ne font pas beaucoup d’efforts…

 

Les pays «en voie de développement» feraient preuve d’une grande inertie. Les professionnels de l’aide humanitaire constatent que les pays «en voie de développement» ne se pressent pas pour demander de l’argent aux pays «riches».

 

Michel Kazatchkine, Président du Comité Scientifique du Fonds Mondial de Lutte contre le Sida, la Tuberculose et la Malaria, souligne la timidité des demandes concernant les traitements.

 

Pierre Schapira, Adjoint au Maire en charge des Relations internationales et de la Francophonie, regrette, lui aussi, la faiblesse des demandes.

 

Serge Tomasi, Directeur de la Sous-Direction du Développement social et de la Coopération éducative du Ministère des Affaires Etrangères, de la Coopération et de la Francophonie, pense qu’il faut aider les pays à présenter des demandes crédibles pour traiter l’épidémie. «Nous ne pouvons que répondre à leurs demandes !», déclare-t-il.

 

Au fil des débats, se dessinent trois hypothèses, qui laissent entendre que les pays pauvres sont les vrais responsables de l’échec humanitaire et de l’aggravation des effets du Sida en Afrique.

 

Première hypothèse : des pressions

 

Un intervenant dans la salle précise que certains pays subissent des pressions pour ne pas demander de l’aide.

 

Hakima Himmich, Présidente d’ALCS (Maroc), dit qu’on ne laisse pas le Maroc acheter les génériques. On laisse entendre que les génériques ne sont pas de même qualité que les autres médicaments.

 

Deuxième hypothèse : des difficultés de communication liées à la langue

 

Un intervenant dans la salle rappelle que les documents sont rédigés en anglais, ce qui ne facilite pas les procédures.

 

Troisième hypothèse : le manque de volonté

 

Michel Reveyrand, Conseiller pour l’Afrique du Directeur du Trésor du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, assure qu’il faut donner une capacité d’action aux gouvernements de ces pays afin qu’ils s’impliquent.

 

Eric Fleutelot, Responsable des Actions internationales d’Ensemble contre le Sida-Sidaction, pense que les Etats du Sud aussi doivent financer l’accès aux ARV.

 

ET QUAND BIEN MEME les demandes seraient faites, et correctement faites : les associations n’obtiennent pas toujours l’argent demandé.

 

Un intervenant dans la salle (Togo) dit que l’argent destiné aux associations est détourné par l’Etat togolais.

 

 

Conclusion

 

 

Les associations de lutte contre le Sida prétendent militer pour un accès aux traitements pour tous. Au nom du concret, de l’efficacité, de l’urgence, elles subordonnent leurs actions au bon vouloir des pouvoirs publics, dont elles traduisent les intentions. Les associations croient exercer ou feignent d’exercer un contre-pouvoir, renforçant ainsi ces mêmes pouvoirs publics dans leur immobilisme.

 

Pour résumer, les associations s’agitent pour pas grand-chose et les pouvoirs publics se dédouanent à peu de frais.

 

Jean-Christophe Legendre

Septembre 2002

 

 

Abréviations utilisées dans le compte rendu :

DPS : Dossier de presse du festival Solidays.

BEG : Brochure destinée aux participants des Etats Généraux.

CREG : Compte rendu destiné aux participants des Etats Généraux, à l’issue des deux journées.

MS : Manifeste de Solidays, à l’issue des deux journées.