Sida en Afrique : la France doit fournir les traitements !

 

Compte rendu de la réunion du 11 janvier 2001

 

Réunion constitutive du collectif des signataires de la déclaration.

Présents : Michel Gay, Éric Giquel, François Nicolas, Bernard Sichère, Cécile Winter, Pascal Winter (invitée : Gaëlle Krikorian de la commission Nord-Sud d'Actup).

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La première décision a été de se nommer désormais Sida en Afrique : la France doit fournir les traitements ! Il nous semblait important que figurent dans ce titre les mots Afrique et France et que cet intitulé déclare une conviction : la nôtre.

 

Un premier état des signatures rassemblées a été fait. Quelques constatations.

- Nous sommes maintenant en possession de trois listes : la première, disparate, celle des signataires de départ, s'augmentant de telle ou telle individualité au fur et à mesure de la circulation de la pétition ; les deuxième et troisième, plus homogènes dans leur composition, car résultant de campagnes spécifiques sur des lieux particuliers de travail.

- Il s'avère que cette pétition, mise en circulation, remporte immédiatement l'adhésion des gens à qui on la présente. Pour beaucoup la signer apparaît spontané car ce qu'elle déclare relève pour eux d'une sorte d'évidence. N'importe qui, mettant ce texte en circulation dans n'importe quel milieu, voit ainsi des signatures se collecter. Pour ces raisons, on peut dire que ce texte reflète en un sens une volonté générale.

Chacun, signant ce texte, le fait pour des raisons qui lui semblent évidentes mais qu'il serait intéressant d'expliciter, non pour les homogénéiser mais en sorte qu'elles acquièrent plus de force par leur formulation. D'où l'idée de rédiger des textes détaillant les diverses convictions à l'oeuvre derrière cette déclaration.

Proposition particulière : Il semble intéressant d'afficher la liste des signataires sur le lieu où un travail de collecte des signatures a été mené. Cela permet aux gens touchés par cette initiative de prendre mesure de son impact, de suivre son tracé.

 

- Il ne faut pas pour autant sous-estimer d'un côté l'indifférence que cette déclaration parfois traverse, dans certains milieux professionnels par exemple, de l'autre l'hostilité qu'elle rencontre. Pour indices, des objections ont déjà été faites contre ce texte, soit pour relever qu'il serait irréaliste puisque ne prenant pas en compte la législation existante sur la propriété intellectuelle, soit pour le taxer de néo-colonial puisque proposant de se substituer à des initiatives qui devraient appartenir en propre aux pays africains.

D'où notre proposition de rédiger des textes argumentaires répondant à ce type d'objections.

Proposition particulière : nous répercuter les discussions menées autour de cette déclaration, tant les raisons énoncées pour y adhérer que les arguments dressés contre elle. Ceci aidera à la constitution de documents reflétant l'état des débats autour de notre prise de position.

 

- On remarque, avec plaisir, la diversité des catégories socioprofessionnelles présentes dans le collectif des signataires. Chaque strate sociale traverse positivement notre proposition.

Un point cependant frappe l'attention : la présence très discrète des médecins, en particulier de ceux des hôpitaux. Une raison avancée à cette absence notable : beaucoup de ces médecins sont sous influence des laboratoires pharmaceutiques puisqu'ils dépendent d'eux par exemple pour leurs déplacements dans les congrès internationaux. Visiblement cette dépendance engendre pour le moins une grande prudence de leur part. Ceci n'est pas gênant pour notre initiative et indique seulement qu'il ne nous faut guère compter sur le dynamisme de cette partie de la population...

 

 

Nos tâches maintenant.

- Première tâche : faire publier cette déclaration.

 

- Seconde tâche : répercuter cette déclaration auprès des responsables gouvernementaux.

Décision est prise de demander dans un premier temps rendez-vous auprès de Jacques Chirac pour lui porter cette pétition. Après tout, il est directement concerné par cette initiative qui mentionne ses propres déclarations sur ce sujet. Par ses propos réitérés, Chirac semble en effet témoigner d'une sensibilité particulière sur cette question. Il paraît légitime qu'il soit saisi en premier d'une déclaration concernant le rôle que doit jouer la France.

 

La période électorale qui s'ouvre va être favorable à l'interpellation du personnel politique pour lui demander de se prononcer sur le bien fondé de notre proposition. Pour engager cette campagne de la manière la plus étendue possible, décision est prise de convoquer une première réunion publique du regroupement Sida en Afrique : la France doit fournir les traitements ! le samedi 5 mai 2001 après-midi à Paris. Le but sera d'y informer tous ceux qui se reconnaissent en notre conviction, de débattre de propositions d'actions pour la suite en fournissant pour ce faire du matériel adéquat (textes argumentaires, tracts, affiches...).

Retenez dès à présent cet après-midi sur vos agendas !

 

- La tâche la plus importante est d'élargir et renforcer l'impact de la conviction qui est la nôtre.

Une discussion lors de cette réunion, en particulier avec la représentante d'Actup qui nous a fait la gentillesse d'être présente ce soir-là pour échanger des informations, a témoigné de premières résistances à notre initiative. L'une d'elles se présente sous la forme d'un réalisme juridique : elle consiste à énoncer que ce que nous proposons contrevient à la législation internationale existante (via l'OMC) en matière de propriété intellectuelle. Étant donné l'état des forces en présence, qui ne permet pas de mettre en pratique ce qu'il pourrait y avoir de positif dans cette législation, l'objection est qu'on ne voit a fortiori pas comment un gouvernement du Nord entrerait en conflit avec les traités internationalement ratifiés.

A cela il est objecté ceci :

Nous parlons en notre nom. Nous déclarons une conviction. Rien ne peut nous en empêcher, sauf nous-mêmes.

Aucun de nous n'a signé quoi que ce soit en matière de lois ou d'accords internationaux. Nous n'avons donc pas à conformer nos convictions à des textes qui ne sont pas les nôtres, à les normer sur la législation existante.

Il est clair que notre initiative vise à ajouter à la situation existante une conviction jusque-là inexistante. Le déploiement de cette conviction est la condition pour que quelque chose puisse éventuellement se modifier dans l'ordre législatif régnant.

Il est clair que la matérialisation de cette conviction passera par des actes gouvernementaux (nous ne proposons pas le développement d'activités parallèles, souterraines, en marge) et que ces actes impliqueront de facto un déplacement des législations existantes. Un tel type de déplacement est en vérité monnaie courante : la législation passe son temps à se modifier pour prendre en compte ce qui se passe. Celle qui existe aujourd'hui n'est donc faite que pour être à son tour modifiée ! Ou encore - notation du rédacteur de ce compte rendu - comme disait Victor Hugo : "Le droit prime la loi. Quand les lois sont contre le droit, il n'y a qu'une façon de protester contre elles : les violer." (Choses vues, 1860-1862)

Par ailleurs une législation existante, prise dans son ensemble, est entièrement incohérente ; c'est là une donnée bien connue de la jurisprudence. Pour notre cas, comme il est clair que la législation aujourd'hui tend à verrouiller la propriété intellectuelle, il nous faudra argumenter juridiquement du côté d'un autre pan législatif, par exemple du côté de la notion d'assistance en personne en danger pour l'étendre à celle de populations ou de pays en danger. Pour donner un exemple de cette plasticité des lois, une notion comme celle de crimes contre l'humanité, qui se trouve aujourd'hui de plus en plus convoquée, tend à déplacer d'autres pans législatifs, à prendre le dessus sur d'autres lois, à les subordonner à une urgence supérieure. Ceci simplement pour dire que la question législative n'est qu'un vaste chantier, subordonné aux situations politiques et qu'il n'y a pour nous aucune raison de mettre la formulation de notre propre conviction sous la norme tel ou tel règlement, sous la tutelle de tel ou tel accord international.

 

Nos idées :

1. Constituer de ce côté juridique un argumentaire détaillé.

2. Ne pas nous instituer comptable de cette législation, en particulier laisser à ceux qui en sont responsables (les gouvernements) la charge d'habiller juridiquement telle ou telle future décision politique de l'État français. Nous déclarons qu'il serait possible pour la France de fournir les traitements à l'Afrique pour peu que la volonté politique en soit suffisamment constituée ici même, dans ce pays. Qu'il apparaisse plus tard nécessaire d'inscrire cette initiative politique dans de nouveaux contours juridiques ne doit pas aujourd'hui nous encombrer.

3. Notre propos est de constituer notre conviction en volonté politique générale, suffisamment impérative et urgente pour que l'énergie politique ainsi constituée déplace alors ce qui devra l'être sur le terrain juridique.

D'où la nécessité de notre propre travail : rencontres, rendez-vous, textes, réunions...

4. Notre initiative porte sur la France, sur les marges de manoeuvre dont dispose ce pays, sur ce qu'il nous semble requis qu'il entreprenne face à une épidémie détruisant les populations des pays d'Afrique. Cette initiative est compatible avec d'autres, au développement plus international. La nôtre est circonscrite : elle vise à constituer en débat public notre idée propre. Que chacun se prononce sur elle, argumente, contrargumente. Voilà pour nous l'enjeu actuel.

 

Nous comptons jusqu'en mai prochain nous réunir régulièrement pour faire avancer ce travail. Chacun est invité à se joindre à nous pour ce faire. Notre prochaine réunion est fixée le jeudi 25 janvier à 21 heures. Qui souhaite s'y joindre peut nous contacter. Toutes les forces sont les bienvenues.

 

Nous comptons vous tenir régulièrement informés de l'état d'avancée de cette initiative. Vous pouvez répercuter ces messages comme bon vous semble, par Internet, en les imprimant pour les afficher ou les distribuer.

Ne manquez pas en retour de nous tenir au courant des réactions, positives ou négatives, que cette campagne ne va pas manquer de susciter.

 

 

(Compte rendu rédigé par François Nicolas)