Adorno et Weill, sur Mahagonny
Samedi d’Entretemps
(Ircam, 19 novembre 2005)
Laurent Feneyrou
Nous
commenterons ici l’article de Theodor W. Adorno sur Mahagonny, écrit en 1930, et dont
l’auteur précisa en 1963 qu’il relevait de la « physionomie[1] » et non de
l’analyse musicale.
*
S’opposant
à ce que Bertolt Brecht nommait la « totale crétinisation de l’opéra[2] », les songs de Mahagonny et de L’Opéra de
quat’sous
ouvrirent une nouvelle esthétique dramatique et lyrique corrodant la forme
archétypale de l’opéra, mais dont la fonction sociale était encore celle du
divertissement vespéral de la société bourgeoise. De la collaboration entre
Brecht et Kurt Weill naquirent, entre 1927 et 1933, le Mahagonny-Songspiel (1927), étude
préliminaire à l’opéra en trois actes Grandeur et décadence de la ville de
Mahagonny
(1927-1929), L’Opéra de quat’sous (1928), d’après John Gay, la cantate Berliner
Requiem
(1928-1929), la cantate radiophonique Le Vol de Lindbergh (1929), Happy End (1929), comédie avec
musique en trois actes de Dorothy Lane (Brecht ayant écrit les textes des songs), l’opéra scolaire en
deux actes Celui qui dit oui (1930), le ballet chanté Les Sept Péchés
capitaux
(1933), et les musiques de scène pour La Vie d’Édouard II d’Angleterre (1928) et Homme pour
homme
(1931). Citons enfin la ballade La Mort dans la forêt (1927) et deux chœurs a
cappella
composés en 1929.
Selon Brecht, l’introduction de nouveaux
éléments dans le Zeitoper (avions, locomotives et autres téléphones…)
était destinée à donner a posteriori un sens à un genre qui en était pour le moins
dépourvu, excluant ainsi une réelle discussion sur ses contenus. Ces diversions
furent accomplies sans changement de fonction, ou plutôt dans le but de laisser
strictement inchangé l’art lyrique. Brecht vilipendait cet opéra « actualisé quant au contenu et technicisé dans sa forme[3] », mais tout aussi
culinaire, et dont les innovations ne remettaient nullement en cause le
caractère : « Le vieil opéra existe encore, non seulement parce qu’il
est vieux, mais essentiellement parce que la situation qu’il sert est toujours
la vieille situation. Elle ne l’est pas tout à fait. Et en cela résident les
chances de l’opéra nouveau. Aujourd’hui, on peut déjà se demander si l’opéra
n’est pas désormais dans une situation où d’autres innovations ne conduiront
plus à la rénovation de ce genre, mais au contraire déjà à sa destruction[4]. » L’influence de
l’opérette se fit un temps manifeste, dont le Mahagonny-Songspiel et L’Opéra de
quat’sous
conservent non sans une certaine indifférence les moyens et les formes, tout en
les déformant en un ricanement rigide, voire satanique, selon les termes
d’Adorno. Songs
et airs à succès s’y confondent. L’œuvre saisit les détritus du monde bourgeois
et en anéantit les effets narcotiques : après Baudelaire, ce qui est
démodé, ce qui est mort au culinaire de la classe dominante, le rebut de l’art
devient essentiel, entraînant le rejet de la société qui le suscite. Ceci
implique le renoncement au subjectivisme musical, au profit d’une valeur universelle,
partant une simplification du langage, des moyens d’expression et des
techniques vocales, contraires à la puissance, à l’élargissement de la
tessiture et à la purification du timbre résultant de la division du travail.
La simplicité sera un état, et non une primitivité reconstruite : la
clarté et la tension de la diction, la netteté de l’accentuation, la concision
de la dynamique et la mobilité des mélodies, fondées sur la transparence des
contenus affectifs, modifieront le niveau technique issu du capitalisme et
viseront à l’assouplissement du théâtre dans la forme, l’action, voire le
sentiment.
Weill et
Brecht créent le song, stase inscrite dans une transition naturelle pour l’un, indice
de rupture
pour l’autre. Séparer les éléments de la représentation théâtrale, isoler les
numéros chantés, insérer les méthodes du théâtre épique dans l’opéra conduit
essentiellement à une radicale distanciation, où la musique et l’action sont
désormais traitées comme des composantes autonomes dans l’architecture de l’œuvre.
Une telle distanciation mène à la condamnation d’un théâtre socialement
nuisible, celui de la magie (un mot que Brecht partage avec Adorno) et de
la pure jouissance, un théâtre honteux, malade d’esthétisme, de séduction et
d’ivresse, et dédaignant le politique – selon Louis Althusser, Brecht aurait
compris que, déterminé par le politique, le théâtre avait peu à peu cherché à
effacer cette détermination. Le marxisme lui fournit alors une structure, un
instrument et un objectif : le bannissement de l’effet dans le jeu, le jeu
en fresque et l’austérité de la mise en scène copient la rigueur toute
cléricale dans l’enseignement de la lutte des classes. Essentiellement
matérialiste, l’art, comme élément de pédagogie sociale, se doit d’extraire
l’activité humaine de son indignité, de mettre en permanence sur scène des
situations intenables sur l’état global de la société de sorte que, selon
Walter Benjamin, le théâtre épique fait appel à la conduite sociale,
culturelle, et à ce titre, idéologique, d’un public collectif. Ses
exigences : rendre visible et maniable comme une arme une vérité
hégéliennement concrète où s’englue l’homme ; rendre flagrante l’armature
artistique de la mise en scène ; représenter la société et la nature
humaine comme transformables, les conflits comme sociaux, empiriques, de
classes, et le développement des caractères, des situations et des événements
comme discontinu ; implanter la contradiction dans les idées, les qualités
et les comportements, à la condition qu’ils soient typiques et qu’ils
présentent une signification historique et sociale ; décentrer l’œuvre, la
fiction, le personnage par rapport au monde, à la société, à l’histoire, de
telle sorte que la conscience demeure dans un perpétuel décalage relativement
au réel ; assigner pour tâche à l’acteur, dans l’architecture
scénique, de garder la tête froide, de sortir avec art de son rôle et de
montrer la chose en se montrant, et inversement ; faire du mode de
réflexion dialectique un plaisir, une joie de comprendre ou, selon Adorno,
« déclencher un processus de réflexion et non transmettre des sentences[5] » ; engager
la responsabilité du spectateur, lequel poursuit dans la vie une œuvre qui ne
recèle pas en soi sa propre vérité et qui ne décide rien pour lui ;
dépasser les conquêtes des classiques et constituer en une unité réalisme et
poésie…
Au
comédien, lors de son intervention lyrique, il est permis de se préparer à vue
en changeant de place ou en déplaçant un élément du décor. Les musiciens, sur
scène, demeurent visibles, et lorsque l’ensemble joue, les lumières l’intègrent
aux décors, troisième élément autonome. Sur un écran apparaît le titre de
chaque numéro. Action, musique et décors, ou plutôt mot, chant et lumière se
présentent ensemble et pourtant séparément, représentent le même processus,
mais chacun à sa manière. Aussi l’action, l’intrigue, ne se poursuit-elle
jamais dans les songs. Hors de cette action, réelle, la musique s’inscrit dans
une dramaturgie dialectique et s’écarte de l’événement. Le strict isolement des
numéros de l’œuvre scénique détermine une structure se souvenant d’un art
antérieur à l’avènement du capitalisme et de ses avatars wagnériens, quand
l’aria alternait avec le récitatif. Comme l’écrivait Benjamin dans un essai
fameux sur le théâtre épique, « les songs, les légendes, les
conventions gestuelles distinguent chaque situation des autres. Les intervalles
qui en résultent ne favorisent pas l’illusion du public. Ils paralysent sa
volonté de s’identifier[6]. » Un tel refus de
l’identification vaut bien naturellement pour la musique : « l’un des
outils les plus importants pour évaluer la musique est le thermomètre médical.
la température normale du corps s’élève à environ 37 degrés. s’agissant d’une
musique passionnée, échauffante ou même seulement intense, il faut vérifier si
cette température est encore intacte[7]. » Le chant ne
surgit en aucun cas là où manquent les mots, dans l’excès, la démesure du
sentiment. En lui, le comédien accomplit un changement de fonction et modifie
son style de jeu : il dit-contre-la-musique, montre quelqu’un
qui chante,
laisse percer le plaisir qu’il prend à une mélodie qu’il ne suit pas
aveuglément et dont il ignorerait presque le contenu affectif :
« Pour le chant, en particulier, il importe que celui qui montre soit
montré[8]. » Brecht raillait
d’ailleurs celui qui se donne l’air de ne pas remarquer qu’il vient de quitter
le terrain du parler, que celui-ci soit « soutenu » ou
« prosaïque », alors que son chant s’élève déjà.
Dans L’Opéra de quat’sous, l’allemand de Luther
côtoie les anglicismes, les clichés du langage familier et le jargon des
voleurs de grands chemins, dont les préjugés, les sensations et les réactions
sont ceux de la classe dominante. Analogiquement, Weill procède à un mélange
d’éléments baroques, de ballades, de complaintes élimées de la musique légère
et de rythmes de tango, de fox-trot ou de blues : traitement distinct de
la strophe et du refrain ; assemblage de fragments, de décombres et de
formules rhétoriques altérées ; espressivo assaisonné de
grotesque ; déroulement rythmique assoupli par le jazz, gauchisant et
anéantissant les rapports de symétries inhérents à la période classique[9] ; harmonie
d’obédience tonale ou plutôt accords parfaits dont les fils fonctionnels de la
progression, de la tension et de la cadence sont rompus, « coupés au
ciseau » et accolés l’un à l’autre, contre les règles académiques ;
appoggiatures faussées et altérations chromatiques des progressions mélodiques
soutenues diatoniquement et éludant toute communication… Selon Adorno, Weill,
falsifiant ainsi ses accords, déplace les accents modulatoires dans l’abîme
démoniaque, modulant du rien vers le rien. Ou, comme l’écrivait Bernard Dort, L’Opéra
de quat’sous
ouvre sur le vide, « donne le vertige du vide[10] ».
Brecht
avait écrit des songs strophiques pour ses Sermons domestiques, publiés en 1928. En
juillet 1924, il envisagea de composer un opéra sur le thème de la quatrième et
avant-dernière leçon de son recueil de poèmes, les Psaumes et Chants de
Mahagonny,
qui fut à l’origine de sa première collaboration avec Weill, à l’occasion du
Festival de Baden-Baden de 1927. Weill adapta en quelques jours ces chants à un
effectif de chambre, sous la forme d’un Songspiel. Songspiel, song et jeu, jeu de songs, est Mahagonny, tirant sa révérence au
Singspiel
classique avec son alternance de récitatifs et d’arias, tout en étant
l’héritière de L’Histoire du soldat et de Renard de Stravinski. La
réduction du drame et de l’effectif instrumental s’accompagne d’une
discontinuité, d’une fragmentation, d’un refus du déroulement et de la
stylisation, où la parodie psychologique et structurelle s’incarne dans des
mélodies du patrimoine populaire et de ses rythmes de danses. Le thème de Mahagonny est le culinarisme,
matière et marchandise. Et si le degré de jouissance dépend, selon la
bourgeoisie, de l’irrationnel, de l’ivresse et des illusions de l’art musical,
Brecht attaque la société désireuse de ce type d’opéra et en révèle le
caractère d’indécente provocation dans l’Allemagne d’alors. « L’opéra
satisfait sciemment au déraisonnable du genre de l’opéra. Ce déraisonnable de
l’opéra réside dans le fait qu’ici des éléments rationnels sont utilisés,
plastique et réalité recherchées, mais qu’en retour tout est conservé et aboli
par la musique. Un homme mourant est réel. S’il chante en même temps, la sphère
de la déraison est atteinte[11]. » En 1929, Weill
acheva la partition de son opéra Grandeur et décadence de la ville de
Mahagonny,
dont les révisions datent d’octobre de la même année et dont la première eut
lieu au Neues Theater de Leipzig le 9 mars 1930, sous la direction de Gustav
Brecher – des contacts avaient été pris au Krolloper de Berlin avec Otto
Klemperer, qui fustigea la « grossièreté des situations et de la
langue ». La scène du bordel et le Jeu de Dieu à Mahagonny furent censurés. Un
scandale mémorable s’ensuivit, où les accusations politiques, en réaction aux
slogans inscrits sur des pancartes et des affiches, le disputaient à une
relative déception née de l’attente de l’œuvre. Des éléments du parti nazi perturbèrent
le spectacle. Cinq autres représentations eurent tout de même lieu, malgré la
fronde des ultra-conservateurs du conseil municipal. L’opéra fut ensuite donné
à Brunswick et à Kassel, dans une version remaniée et expurgée, en son finale,
de son propos anarchisant, puis à Francfort, en octobre 1930, représentation à
laquelle Adorno assista, comme à Berlin, en 1931, sous la direction de
Zemlinsky. À l’exception des interludes instrumentaux, les numéros du Songspiel s’intègrent dans
l’opéra, amplifiés harmoniquement et symphoniquement. Les songs ne sont toutefois plus
le genre musical principal. Certes, les formes traditionnelles dominent
(chœurs, ritournelles, chorals, finales), mais Weill menace le genre de l’opéra
et introduit une autre distanciation par l’utilisation de citations musicales,
du Freischütz,
de la Prière d’une vierge, musique de salon fameuse à l’époque, ou de
Wagner, l’air de Jimmy étant une réplique du monologue de Tristan.
C’est à
l’occasion de Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny que Brecht distingua
les formes de l’épique et du dramatique dans un tableau comparatif devenu
célèbre[12] :
Forme
dramatique du théâtre |
Forme
épique du théâtre |
La
scène « incarne » un processus |
Elle
le raconte |
Implique
le spectateur dans une action et |
Fait
de lui un observateur, mais |
Épuise
son activité |
Éveille
son activité |
Lui
est occasion de sentiments |
L’oblige
à des décisions |
Lui
procure des émotions |
Lui
procure des connaissances |
Le
spectateur est plongé dans une action |
Il
est confronté à elle |
On
fait appel à la suggestion |
On
fait appel aux arguments |
Les
sentiments sont conservés |
Poussés
jusqu’à la connaissance |
L’homme
est supposé connu |
L’homme
est l’objet de la recherche |
L’homme
immuable |
L’homme
qui se transforme et transforme |
Intérêt
passionné pour le dénouement |
Intérêt
passionné pour le déroulement |
Une
scène pour la suivante |
Chaque
scène pour soi |
Les
événements suivent leur cours linéairement |
Avec
des sinuosités |
Natura
non facit saltus |
Facit
saltus |
Le
monde tel qu’il est |
Le
monde tel qu’il devient |
Ce
que l’homme devrait faire |
Ce
que l’homme est obligé de faire |
Ses
instincts |
Ses
motivations |
La
pensée détermine l’être |
L’être
social détermine la pensée |
Plus loin, Brecht définit les différences entre
opéra dramatique et opéra épique :
Opéra
dramatique |
Opéra
épique |
La
musique sert |
La
musique transmet |
Musique
rehaussant le texte |
Commentant
le texte, |
Musique
imposant le texte |
Présupposant
le texte, |
Musique
illustrant |
Prenant
position, |
Musique
dépeignant la situation psychologique |
Donnant
le comportement |
*
Martin Kaltenecker
explicite, dans sa riche postface (« Ground ») à la traduction des Moments
musicaux,
les trois motifs de l’interprétation de Mahagonny selon Adorno, distincts
des thèses de Brecht : 1. construction par blocs, qui en termine avec les
névroses, l’ivresse et le durchkomponiert du wagnérisme ; 2. utilisation d’un
matériau en ruines, mais au second degré ; 3. lien entre un contenu
critique et le regard de l’enfance, oblique, biaisé, devenu moyen de
désenchantement de l’ordre capitaliste. Ajoutons une quatrième thèse : la
crise du sujet – qui mènera à sa liquidation dans l’introduction au Fin
de partie
de Samuel Beckett[13]. En effet, Adorno
définit Jimmy comme un « sujet sans subjectivité », un « Charlie
Chaplin dialectique », un « lambeau de force productrice, qui met en
œuvre et met à nu l’anarchie et doit mourir pour cela », un homme
« qui ne se fond peut-être pas entièrement dans les catégories sociales
existantes, mais qui les ébranle toutes[14] », entraînant dans
sa chute la ville de Mahagonny. L’affaiblissement social d’un sujet ayant
renoncé à sa souveraineté et l’affaiblissement du sujet en tant que principe
esthétique constitutif résultent du stade tardif de la bourgeoisie contraignant
ce sujet, comme catégorie de l’histoire et résultat d’un processus d’aliénation
sociale, à s’affirmer avec d’autant plus d’énergie qu’il est devenu
fantomatique et impuissant, hypostasié et creux – la faiblesse subjective
résulterait donc, dans Mahagonny, d’un échec historique et social objectif,
d’une identité détruite, celle du sujet et de l’objet. Alors Grandeur et
décadence de la ville de Mahagonny esquisse la représentation d’une sorte de Far
West conçu comme le « conte de fées immanent du capitalisme, saisi dans le
feu de l’action par des enfants qui jouent[15] ». La violence s’y
révèle au fondement du droit en vigueur – outre une violence de la nature, à
laquelle participe pleinement l’image de l’ouragan. Entre ordre et terreur, ce
droit se double de sa destruction causée par la dialectique de l’anarchie qui
lui est inhérente : anarchie de la production marchande et de la
consommation, la réification des relations humaines étant résumée dans le
commerce de la prostitution. Adorno retrouve ici les accents de la « Critique
de la violence[16] », où Benjamin
distingue une violence mythique, celle de la Grèce antique, dans sa dialectique
séculaire entre violence qui fonde le droit et violence qui le conserve, d’une
autre violence, pure et immédiate, divine, souveraine, révolutionnaire, non
réductible à une fin, absolument « en dehors » et
« au-delà » du droit, et qui le dépose. Avec Mahagonny, la violence
annoncerait, par un gestus révolutionnaire empreint d’abjection, l’effondrement
du capitalisme.
Revenons
aux thèses 1 et 2[17].
1. Le bloc éloigne de la fusion du
Gesamtkunstwerk
wagnérien[18], de ce « théâtre
de fumée » selon la vindicte de Brecht. Célèbre est son aversion pour
toute musique hypnotique, introspective, subjective, dans laquelle l’auditeur
se perd, de laquelle il s’enivre, ou s’abrutit, et qui provoque des états d’âme
dont la nature importe moins que la force. Écrite pour le cérémonial de la
représentation, cette musique, asociale, et de plus en plus absolue, plonge
l’auditeur dans l’illusion et le rêverie, dans l’impuissance et la docilité, le
transformant en cire « dans les mains des magiciens » et
conditionnant ses émotions. À la lumière du Reich de Bismarck, le Gesamtkunstwerk se comportait, par une
telle force irrésistible de persuasion, en laquais d’un modèle tyrannique ainsi
porté en apothéose : « L’idéologique, chez Wagner par exemple, était
toujours si culinairement conditionné que le sens de ces opéras était,
pour ainsi dire, un sens en train de s’effacer, et qui se résorbait alors dans
la jouissance[19]. » Cet
antiwagnérisme était d’ailleurs caractéristique de la fin de la République de
Weimar, où l’opéra, comme institution déterminée par l’ordre social existant,
s’avérait impossible à rénover, toutes les innovations le détruisant
esthétiquement ou légitimant une industrie qui n’était plus au service des
producteurs et qui récusait toute transformation de la société. Or, selon
Brecht, le drame classique, le naturalisme de l’Empire et l’expressionnisme de
la République de Weimar avaient conféré à la musique de scène la même fonction,
d’essence wagnérienne. Dès lors, l’introduction du song devint un dépassement
de cette essence wagnérienne, mais aussi du surgeon expressionniste et, pour
Brecht, d’une sensibilité anarchiste, agraire et préindustrielle, à laquelle se
rattachent ses premières œuvres scéniques et leur discours volontiers
apocalyptique.
Ici se devine déjà le Rausch de l’Essai sur
Wagner[20]. Selon Adorno, Wagner
tendrait à étourdir l’auditeur et à le soumettre à l’idéal de l’autorité
absolue : l’artiste comme prophète naïf, brutal et autoritaire, saisi dans
la dialectique de l’instinct et de la domination, discréditant l’intellection
et favorisant un irrationalisme anhistorique qui rend suspect tout progrès
historique comme l’édification d’une conscience responsable. La tendance
régressive et totalitaire de Wagner se manifeste dans le désir d’intégrer tous
les arts au sein d’une totalité supérieure et dans l’ivresse absolutiste qui
accompagne fatalement le Gesamtkunstwerk. Cette ivresse, Adorno la traque au sein
même de la perception musicale, de la réalisation instrumentale et du leitmotiv, ambigu, dynamique,
mais ne produisant rien de neuf, et atomisé, même si Wagner feint l’unité. Bien
plus, les œuvres de Wagner tendraient, dans la fantasmagorie, à prendre le
caractère de marchandises. Là où le rêve est élevé à son stade ultime, comme
dans la scène du Venusberg de Tannhaüser, la réification,
l’inaccessibilité de la marchandise, est la plus proche. D’où le caractère de
sorcier, de magicien, d’enchanteur d’un Wagner dissimulant la production sous
l’apparence du produit. Le phénomène esthétique ne laisse plus apercevoir les
forces et les conditions de sa production réelle. Son apparence a des
« prétentions à l’Être », Adorno dixit. Et Brecht d’annoncer
le mouvement même du commentaire d’Adorno sur Wagner dans son introduction à Mahagonny : dans cette œuvre, plus
la réalité devient floue, irréelle, onirique, en raison de la musique, plus le
processus est gros de jouissance et plus la marchandise domine. Au Rausch wagnérien, Brecht
répond par une liberté saisie sous la forme biaisée de l’ivresse, le centre de Mahagonny étant en effet
constitué, comme l’écrit Adorno, d’une scène de beuverie.
2. La ruine d’emblée, la brisure et
la dispersion, comme écriture de la vérité et d’une vérité lue dans les
déblais, se nouent ici à l’Origine du drame baroque allemand de Benjamin. Le
langage, ébranlé par la révolte des éléments, mis en pièces, suscite une
modification et une intensification de l’expression. Un laconisme abrupt se
donne sous la forme du chaos, du rompu et de l’inachèvement : « Dans
ses fragments, le langage réduit à l’état de ruine a cessé de servir simplement
à la communication et, en tant qu’objet nouvellement né, sa dignité égale celle
des dieux, des fleuves, des vertus et autres figures de la nature, dont les
couleurs tirent sur l’allégorique[21]. » Un tel
morcellement, visible dans la peinture, est principe de la contemplation
allégorique, les objets se détachant obstinément sur l’édifice partiel, et
encombre les officines des magiciens ou les laboratoires des alchimistes, comme
l’art baroque pouvait les connaître.
À
l’évidence, Mahagonny se distingue non seulement du leitmotiv wagnérien, par
lequel la construction motivique, associative, légitime une écoute flottante,
mais surtout d’un type d’atomisation en brèves unités, où la volonté du sujet
maîtrise le tout et dissimule la volonté organisatrice dans la fantasmagorie.
La forme de Mahagonny est au contraire une juxtaposition, par fragments, des
décombres du monde bourgeois, mais loin d’en donner une totalité close.
« La forme dans laquelle on enfermera une réalité qui se désagrège, et
alors qu’aucune autre ne se profile encore, ne doit pas elle-même revêtir
l’apparence d’une totalité. En outre l’élément de l’intermittence, qui
détermine en profondeur la dialectique de Mahagonny, ne peut se réaliser
que dans une forme elle-même intermittente[22] », écrit Adorno.
Indice de rupture, cette intermittence, celle non du reportage, mais du montage, comme chez Ernst Bloch
ou Hanns Eisler, dévoile la discontinuité au sein d’une suite de vingt et un
numéros, dont le modèle est la ballade, et dont chacun est une scène en soi,
introduite par un titre. Contre la totalité, Weill cède le pas à une
démonologie, à la « terreur de figures totémiques », à l’agencement
« avec la colle puante des pots-pourris d’opéras déconfits[23] » – une musique
fabriquée avec des débris épars du passé, mais résolument moderne. La
construction, le montage des matériaux, rendant ces débris déjà morts et
factices, « c’est de l’épouvante ainsi créée qu’elle tire la force d’un
manifeste[24] ». Mahagonny, à travers ses emprunts
au music-hall et aux moyens les plus éculés du divertissement, serait le
premier opéra « surréaliste ». Adorno démontre en outre que si
l’opéra va au-devant de son propre dépècement, le pot-pourri est depuis
toujours inscrit en lui. Par l’intermittence de la structure musicale, par
l’abrogation de la surface organique de l’œuvre, par la brisure du continuum esthétique, Weill
insinue dans nos consciences l’effroi, sinon la terreur d’une désintégration,
d’un divorce entre le sujet et la réalité, entre le phénomène musical et ce
qu’il y a derrière lui, conduisant à la non-réconciliation entre ce qui s’est
mis socialement à diverger. Adorno y vit, in fine, l’influence de
Mahler : « Tout un Mahler curieux s’immisce perpétuellement dans cet
opéra, dans les marches, l’ostinato, la confusion trouble d’un majeur-mineur.
Comme Mahler, Weill utilise ici la force explosive de ce qui est très bas, afin
de briser ce qui se tient au milieu et participer à ce qui se situe tout en
haut[25]. » Le renoncement
au culinaire dévoile le double mensonge de l’âge d’or esthétique et éthique de
la bourgeoisie, et signe l’entrée dans la dialectique, visant la transformation
de la société, mais aussi de l’opéra, sous le choc de la catastrophe, selon une terminologie
riche de résonances benjaminiennes.
Un
dernier et difficile obstacle : loin de la méthode micrologique de
Benjamin, toute entière à la contemplation de l’image-monade, d’un fragment de
la réalité valant pour tous les autres, Adorno étudie la dislocation de l’œuvre
comme résultant d’une dislocation sociale, assimilant donc le procès global, la
médiation universelle qui, chez Hegel comme chez Marx, institue la totalité – c’est en somme
l’interprétation du rapport entre structure et superstructure. Si le sujet est
totalement et dialectiquement conditionné par le geste social, dans une
déchirure située entre son temps propre et celui de l’histoire, chacun de ses
actes naît des contradictions, les reflètent et en créent de nouvelles. Eisler
rattachera la force d’une même dialectique, chez Brecht, à sa lecture de
Lénine, Brecht introduisant ses transformations à l’intérieur même d’un jeu qui
les produit en retour. Liées à une conception d’ensemble du sujet, de la mise
en scène, du rapport entre la représentation et l’histoire, ses révolutions
techniques supposent une connaissance de la nature et des mécanismes du
théâtre, qu’elles ne suppriment ni ne renversent. Cette nouvelle praxis, de la secousse, de
l’à-coup, du bond, du soubresaut, de l’écart non organique, entre les éléments
de l’œuvre, dissipant par là même l’illusion scénique, Roland Barthes la décrit
admirablement : « L’art critique est celui qui ouvre une crise :
qui déchire, qui craquelle le nappé, fissure la croûte des langages, délie et
dilue l’empoissement de la logosphère ; c’est un art épique : qui discontinue les
tissus de paroles, éloigne la représentation sans l’annuler[26]. » Ou encore,
selon Adorno : « L’engagement de Brecht fait pour ainsi dire subir à
l’œuvre d’art ce vers quoi elle gravite historiquement elle-même : il la
disloque[27]. » Ces déchirures,
ces songs
ou ces apologues, ce déliement des articulations ou ces intervalles réservés à
la prise de position critique devaient mener à la dissolution même du caractère
de l’œuvre.
Tout
ceci allait bientôt se révéler comme un immense malentendu sur l’œuvre de
Weill. Adorno lui-même ne s’y trompa pas très longtemps : « Kurt
Weill, dont la musique, pendant la période préfasciste, passait pour être de
gauche, critique envers la société, trouva dans le Troisième Reich des
successeurs apocryphes qui transformèrent au moins sa dramaturgie musicale,
ainsi que de nombreux aspects du théâtre épique brechtien, au profit du
collectivisme de la dictateur de Hitler », écrira-t-il[28], faisant de Weill une
figure du « compositeur-manageur ».
*
Or, la
question de la totalité irriguera les débats à venir avec Georg Lukács. Les
écrivains antifascistes allemands en exil avaient fondé la revue Das Wort dirigée par Brecht,
Feuchtwanger et Bredel. Deux articles d’inspiration opposée y traitèrent en
septembre 1937 de l’expressionnisme et déclenchèrent un vif débat. Leur
référence était l’article « Grandeur et décadence de
l’expressionnisme », où Lukács rejette l’illusion de réalisme dans
l’expressionnisme, son subjectivisme, voire son solipsisme, et condamne
l’absence, en art, d’une figuration totale de rapports vivants et mouvants. Sur ce
dernier point porta la critique de Bloch et d’Eisler : l’ensemble clos, la
totalité du système capitaliste, de la société bourgeoise et de son unité entre
économie et idéologie, forme-t-elle un tout dans la réalité ? Dans sa
réponse, Lukács affirma la nécessité d’une telle totalité, citant Karl
Marx : « Les rapports de production de chaque société forment un
tout. » Ainsi s’opposent deux conceptions du réalisme. Selon Lukács, la
totalité objective joue un rôle décisif si l’écrivain recherche une
appréhension et une représentation de la réalité effective, variée, riche, enchevêtrée,
profonde et « rusée ». Lecteur de Hegel, qu’il étudia à Moscou avec
Lifschitz, chantre d’une systématisation de l’esthétique dans l’enchaînement du
marxisme, Lukács distingue le Réalisme, seul capable de donner une figuration (Gestaltung) d’ensemble des
processus sociaux, des autres méthodes littéraires, et condamne le montage, le
monologue intérieur, l’attitude critique dans la dramaturgie non
aristotélicienne face à l’identification : Eisler incarnerait un sociologus
vulgaris,
utilisant comme argument principal le point de vue de classe, transformé en
construction moderniste et imprégné du pathos de la négation.
Inversement, Eisler, avec Brecht, Bloch et Adorno, saisit la nécessaire
discontinuité du réalisme. Cette critique est même une constante chez Brecht
dont le théâtre résulte d’une suite de fragments, lacération dramaturgique
empêchant le sens final de prendre. « L’épique, c’est ce qui coupe
(cisaille) le voile, désagrège la poix de la mystification[29]. » Mais l’éloge du
fragment n’est pas un éloge de la maxime : le fragment de Brecht ne
condense pas, il n’est pas concis. Il peut être lâche, détendu. Bientôt, dans
de telles dramaturgies, la musique, introduite par montage dans l’action,
empruntera aux techniques et aux exigences du cinéma.
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[1] Adorno (Theodor W.), « Préface » (1963), in Moments musicaux, Genève, Contrechamps, 2003, p. 7.
[2] Brecht (Bertolt), « Réponse à une enquête [sur L’Opéra de quat’sous] » (1929), in Écrits sur le théâtre, vol. II, Paris, L’Arche, 1979, p. 310. Voir aussi Weill (Kurt), De Berlin à Broadway, Paris, Éditions Plume, 1993.
[3] Brecht (Bertolt), « Notes sur l’opéra Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny » (1930-1938), in Écrits sur le théâtre, vol. II, op. cit., p. 324 – un opéra qui ne modifiait donc en rien les structures de la domination.
[4] Ibid., p. 334-335. Mahagonny, assis sur une « vieille branche », la scie déjà et en mine les fondements.
[5] Adorno (Theodor W.), Théorie esthétique (1970), Paris, Klincksieck, 1989, p. 53. « Les tentatives de Brecht pour détruire les nuances subjectives et les tons intermédiaires par une objectivité conceptuelle rigoureuse sont des artifices ; dans ses meilleures œuvres, c’est un principe de stylisation, non pas une fabula docet » (id.).
[6] Benjamin (Walter), « Qu’est-ce que le théâtre épique ? » (1939), in Œuvres, vol. III, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2000, p. 326 (traduction, Rainer Rochlitz). Autres traductions : Maurice Regnaut, in Théâtre populaire, 1957, n° 26, et Philippe Ivernel, in Benjamin (Walter), Essais sur Brecht, Paris, La Fabrique, 2003.
[7] Brecht (Bertolt), Journal de travail 1938-1955 (24 avril 1942), Paris, L’Arche, 1976, p. 276. Nous avons conservé, pour cette citation du Journal de travail, la typographie de l’édition française, sans majuscule.
[8] Brecht (Bertolt), « Notes sur L’Opéra de quat’sous » (1931), in Écrits sur le théâtre, vol. II, op. cit., p. 319.
[9] Pour autant, Weill se distingue du jazz, par
l’opposition du rythme de la mélodie et de la scansion littéraire.
[10] Dort (Bernard), Lecture de Brecht, Paris, Seuil, 1960, p. 69.
[11] Brecht (Bertolt), « Notes sur l’opéra Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny », op. cit., p. 327.
[12] Ibid., p. 328-329 ; tableau suivant, ibid., p. 330.
[13] Voir Adorno (Theodor W.), « Pour comprendre Fin de partie » (1958), in Notes sur la littérature, Paris, Flammarion, 1984, p. 207 : « Il [Beckett] prolonge la ligne de fuite de la liquidation du sujet jusqu’au point où il se recroqueville en un “ça” dont l’abstraction, la perte de toute qualité, pousse littéralement ad absurdum l’abstraction ontologique, jusqu’à cet absurde en quoi se transforme brusquement la simple existence dès qu’elle n’est plus équivalente qu’à elle-même. » Adorno évoque aussi la « subjectivité éclatée » et le « solipsisme ».
[14] Adorno (Theodor W.), « Mahagonny » (1930), in Moments musicaux, op. cit., p. 105-106.
[15] Ibid., p. 104.
[16] Benjamin (Walter), « Critique de la violence » (1921), in Œuvres, vol. I, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2000. Benjamin y décrit notamment, p. 238, ces différences : « Si la violence mythique est fondatrice de droit, la violence divine est destructrice de droit ; si l’une pose des frontières, l’autre est destructrice sans limites ; si la violence mythique impose tout ensemble la faute et l’expiation, la violence divine lave la faute ; si celle-là menace, celle-ci frappe ; si la première est sanglante, sur un mode non sanglant la seconde est mortelle. »
[17] Concernant la thèse 3, outre le regard oblique, la mobilisation des moyens artistiques dans un but didactique, transformant l’expérience vécue (Erlebnis) en expérience réfléchie (Erfahrung), explique en partie l’allusion, à la fin du texte sur Mahagonny, à la Jugendbewegung. Dans Dissonances, l’essai « Critique du Musikant » (1956) abordera la Jugendmusik, puisant à la chanson populaire et au répertoire de la Renaissance, une musique réalisée avec désinvolture par des compositeurs spécialisés, n’obéissant à aucune nécessité créatrice. La Jugendbewegung, ce mouvement dans lequel la musique de jeunesse s’intégra au début du xxe siècle, ne stimulait chez l’enfant ni son discernement critique ni son aptitude à la recherche, n’affinait guère ses facultés individuelles, mais aspirait à créer un collectif, insuffisant parce que privé de conscience sociale. Il est ainsi facile de comprendre comment l’hitlérisme, l’idéologie du Blut und Boden et le fascisme culturel trouvèrent dans les nombreuses et florissantes associations de ces mouvements de jeunesse et du mouvement musical un matériau prompt à s’intégrer dans leur politique culturelle. Comme Adorno le montre dans l’essai « Critique du Musikant », c’était un présupposé intrinsèque de la Jugendmusik que d’être philonazie, même si c’était avec une certaine dose d’inconscience.
[18] Pour une critique de Wagner, voir Bloch (Ernst), L’Esprit de l’utopie (1918), Paris, Gallimard, 1977.
[19] Brecht (Bertolt), « Notes sur l’opéra Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny », op. cit., p. 332.
[20] Adorno (Theodor W.), Essai sur Wagner (1938), Paris, Gallimard, 1966.
[21] Benjamin (Walter), Origine du drame baroque allemand (1928), Paris, Flammarion, 1985, p. 224.
[22] Adorno (Theodor W.), « Mahagonny », op. cit., p. 106.
[23] Ibid., p. 108.
[24] Id.
[25] Ibid., p. 109. Sur Mahler, voir notamment Adorno (Theodor W.), « Discours de Vienne » (1960) et « Epilegomena » (1961), in Quasi una fantasia, Paris, Gallimard, 1982, et Mahler, une physionomie musicale (1960), Paris, Minuit, 1976. Sur Weill, voir encore Adorno (Theodor W.), « Zu gesellschaftlichen Lage der Musik » (1932), in Gesammelte Schriften, Musikalische Schriften V, vol. XVIII, Francfort, Suhrkamp, 1984. Adorno y montre comment la déliaison des conditions sociales innervent toute la musique de Weill, dont l’impact social et polémique ne peut se maintenir que tant que demeure sa négativité, sa communication dialectique…
[26] Barthes (Roland), « Brecht et le discours : contribution à l’étude de la discursivité », in L’Autre Scène, 1975, nos 8-9 ; repris dans les Œuvres complètes, vol. III, Paris, Seuil, 1995, citation p. 261.
[27] Adorno (Theodor W.), Théorie esthétique, op. cit., p. 313.
[28] Adorno (Theodor W.), Introduction à la sociologie de la musique (1962), Genève, Contrechamps, 1994, p. 73. Le compositeur-manager, Weill en l’espèce, coordonne composition et exécution « de manière directoriale » et adapte sa production aux desiderata de la reproduction et de la consommation, donc aux critères d’exploitation.
[29] Barthes (Roland), « Brecht et le discours : contribution à l’étude de la discursivité », op. cit., p. 263.