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L’homme est la
seule créature qui doive être éduquée.
—
La discipline
nous fait passer de l’état d’animal à celui d’homme. Un animal est par son
instinct tout ce qu’il peut être. Mais l’homme doit user de sa propre raison.
Il faut qu’il se fixe lui-même le plan de sa conduite. Mais comme il n’en est
pas immédiatement capable, il a besoin du secours des autres.
—
Une génération
éduque l’autre.
—
La discipline
empêche l’homme de se laisser détourner de sa destination : l’humanité.
Mais la discipline est purement négative car elle se borne à dépouiller l’homme
de son animalité ; l’instruction, au contraire, est la partie positive de
l’éducation.
—
La sauvagerie
est l’indépendance au regard des lois. La discipline soumet l’homme aux lois de
l’humanité. Cela doit avoir lieu de bonne heure. Ainsi on envoie les enfants à
l’école, non pour qu’ils y apprennent quelque chose, mais pour qu’ils
s’habituent à rester tranquillement assis et à observer ponctuellement ce qu’on
leur ordonne.
—
L’homme a
naturellement un si grand penchant pour la liberté, que quand on lui en laisse
prendre d’abord une longue habitude, il lui sacrifie tout. C’est précisément
pour cela qu’il faut de très bonne heure avoir recours à la discipline car
autrement il serait très difficile ensuite de modifier l’homme.
—
L’homme ne peut
devenir homme que par l’éducation. Et l’homme n’est éduqué que par des hommes, qui
ont également été éduqués.
— Il est possible que
l’éducation devienne toujours meilleure. C’est une chose enthousiasmante de penser
que la nature humaine sera toujours mieux développée par l’éducation.
— Il ne faut pas regarder
l’Idée comme chimérique et la rejeter comme un beau rêve parce que des obstacles
en arrêtent la réalisation. Une Idée n’est rien d’autre que la conception d’une
perfection qui ne s’est pas encore rencontrée dans l’expérience. Telle est, par
exemple, l’Idée d’une république parfaite, gouvernée d’après les règles de la
justice. Est-elle pour cela impossible ? Il suffit que notre Idée soit
correcte pour qu’ensuite elle ne soit pas du tout impossible, en dépit de tous
les obstacles qui s’opposent encore à sa réalisation.
—
L’éducation
est un art dont la pratique doit être perfectionnée par beaucoup de
générations.
—
L’éducation est
le plus grand et le plus difficile problème qui puisse être proposé à l’homme.
Aussi l’éducation ne peut-elle progresser que pas à pas.
—
Il est deux
découvertes humaines que l’on est en droit de considérer comme les plus
difficiles : l’art de gouverner les hommes et celui de les éduquer.
— On ne doit pas seulement
éduquer les enfants d’après l’état présent de l’espèce humaine, mais d’après
son état futur possible et meilleur, c’est-à-dire conformément à l’Idée de
l’humanité et à sa destination totale. Ordinairement les parents élèvent leurs
enfants seulement en vue de les adapter au monde actuel, si corrompu soit-il.
Ils devraient bien plutôt leur donner une éducation meilleure, afin qu’un
meilleur état pût en sortir dans l’avenir.
— Ordinairement les parents ne
se soucient que d’une chose : que leurs enfants réussissent bien dans le
monde et les princes ne considèrent leurs sujets que comme des instruments pour
leurs desseins. Les parents songent à la maison, les princes songent à l’État.
Les uns et les autres n’ont pas pour but ultime le bien universel et la perfection
à laquelle l’humanité est destinée et pour laquelle elle possède aussi des
dispositions.
— Il faut qu’éducation et
instruction reposent sur des principes. Dans l’éducation tout dépend de ceci :
il faut partout établir les bons principes.
— L’un des plus grands problèmes
de l’éducation est de savoir comment unir la soumission sous une contrainte
légale avec la capacité d’user de sa liberté. Comment puis-je cultiver la liberté
sous la contrainte ?
— L’homme est le seul animal
qui doit travailler. L’enfant doit être habitué à travailler. Il est extrêmement
mauvais d’habituer l’enfant à tout regarder comme un jeu.
— La volonté des enfants ne
doit pas être brisée mais dirigée. Briser la volonté, c’est produire une
manière de penser servile.
— Il faut veiller à ce que
l’enfant s’habitue à agir d’après des maximes (c’est-à-dire des principes subjectifs),
et non poussé par certains mobiles.
—
Il faut
instruire l’enfant des devoirs, et avant tout des devoirs envers soi-même. Le
devoir envers soi consiste pour l’homme à conserver la dignité de l’humanité en
sa propre personne. Il faut donc garder l’Idée de l’humanité devant les yeux.
Il est ainsi contraire à la dignité de l’humanité qu’un homme rampe devant les
autres.