Sentiments esthŽsiques, motions musiciennes et affects musicaux : quÕen est-il du duende ?

(Lille, 14 mai 2004 [1])

 

Franois Nicolas (compositeur, Ens)

 

Argumentaire

 

On commencera par rŽpartir les Žmotions que procure la musique en trois grands types : les sentiments esthŽsiques (ceux de lÕauditeur faisant face ˆ la musique), les motions musiciennes (celle de lՎcouteur happŽ puis dŽlaissŽ par la musique) et les affects musicaux (les Žmotions immanentes ˆ la musique).

On caractŽrisera pour chacun de ces types dՎmotions leur sujet (respectivement lÕindividu psychologisŽ, lÕĒ un-dividu Č musicien et lÕĻuvre musicale) et leur corps (respectivement le corps physiologique, le corps musicien et le corps ˆ corps musical).

 

Sur ces bases on explorera la diversitŽ interne ˆ chacun de ces types.

En particulier on thŽorisera, par examen de lՃthique de Spinoza, ce quÕon appellera le topos des affects musicaux.

On soutiendra que la thŽorie des passions chez Descartes (six Žmotions primitives — contre trois chez Spinoza — en raison de la sŽparation cartŽsienne de lՉme et du corps) est par contre mieux ˆ mme de rendre compte des motions du Ē dividu Č musicien.

 

En conclusion, on examinera ce quÕil en est, parmi les motions musiciennes, du duende, cette mŽtamorphose extatique du flamenco dont Federico Garcia Lorca dŽlivre le chiffre poŽtique.

 

 


Introduction

Ē Les Žmotions en musique Č ? Mon premier projet Žtait de mettre un peu dÕordre dans ce qui se prŽsente comme un fatras en prenant pour cela modle sur Spinoza, singulirement de son ƒthique. DÕo lÕidŽe dÕune prŽsentation axiomatique dont un rŽsumŽ, Žcrit quelques mois plus t™t, donnait le canevas possible. [2]

Mais jÕai finalement abandonnŽ cette idŽe : lÕintŽrt de lÕexposition axiomatique est sa puissance — cf. Hugo : Ē Ce qui caractŽrise essentiellement lÕaxiome, ce nÕest pas dՐtre clair, cÕest dՐtre fŽcond. Č [3] —. Or cette fŽconditŽ ne saurait sÕattester dans un exposŽ de trente minutes. DÕo le parti finalement adoptŽ dÕun ordre dÕexposition plus cursif et inductif, Žpousant plus souplement lÕexpŽrience musicale immŽdiate.

Voici alors mon plan :

į       Trois types dՎmotions en musique.

į       Ensuite la variŽtŽ interne ˆ chaque type.

į       On terminera en examinant le cas particulier du duende.

Trois types dՎmotions en musique

Ē Il est juste de voir la Musique comme une Žquation de sentiments. Č

Pierre-Jean Jouve (II.1056, 1179)

Ē Chose inou•e, cÕest au-dedans de soi quÕil faut regarder le dehors. Č

Victor Hugo (Critique) (p. 699)

Et dÕabord : quÕentendre par Ē Žmotion Č en matire de musique ? SÕĒ il est jute de voir la musique comme une Žquation de sentiments Č (Jouve), alors tentons de mettre un peu dÕordre dans cette Žquation.

Je propose pour cela de distinguer trois types dՎmotions en matire de musique.

Les sentiments esthŽsiques

Ē De la mme faon que le sommeil ou le vin ne font que renvoyer ˆ plus tard le chagrin sans lÕeffacer, en produisant torpeur, langueur et oubli, de mme une mŽlodie donnŽe nÕapaise pas une ‰me en proie au chagrin ou la pensŽe agitŽe violemment par la colre, mais, ˆ lÕoccasion, simplement la distrait. Č

Sextus Empiricus : Contre les musiciens ; p. 425

Ē Ce qui est gnant, dans mon pome sur Bach, cÕest quÕil ne parle pas vŽritablement de la musique, mais de lÕimage que celle-ci mÕa suggŽrŽe. [É] Ce quÕil y a dans les vers, ce nÕest pas la toccata, cÕest mon impression subjective, lÕassociation dÕidŽes qui mÕest venue lorsque jÕai entendu cette musique. Č

Hermann Hesse : Musique (J. Corti, 1997) ; p. 187-8

 

JÕappellerai en premier lieu sentiments esthŽsiques (par rŽfŽrence ˆ la catŽgorie de rŽception) les effets les plus ordinaires de la musique sur les individus qui lÕentendent. Ce sont ces Žmotions qui vont spontanŽment sÕindexer dՎnoncŽs du type : Ē cÕest beau, cÕest Žmouvant, cÕest fort, cÕest emballant, cÕest ennuyeux, etc. Č. Ici la personne affectŽe par la musique est disposŽe face ˆ la musique ; elle la peroit, lÕauditionne, lÕentend. Elle se tient en extŽrioritŽ — cÕest le sens de la disposition Ē face ˆ Č la musique — et apprŽcie ses propres Žmotions individuelles comme effets : effets de la musique sur lÕindividu qui la peroit.

Cette extŽrioritŽ de lÕauditeur par rapport ˆ la musique peut tre indexŽe de la diffŽrence quÕinstaure Descartes ˆ lÕouverture de son TraitŽ des passions entre passion et action : Ē Tout ce qui [É] arrive de nouveau est appelŽ une passion au regard du sujet auquel il arrive, et une action au regard de celui qui fait quÕil arrive. Č LՎmotion esthŽsique a ainsi pour trait constitutif dՐtre scindŽe en une action du c™tŽ de la musique et une passion du c™tŽ de lÕindividu.

Sujet ?

Il sÕagit ici de lÕanimal humain individuel pris comme sujet psychologique. CÕest lÕindividu qui tente de rŽpondre ˆ cette question relevŽe par Theodor Reik dans un article de 1921 dÕune association amŽricaine de psychologie : Ē Que me fait la musique ? Č [4]

Corps ?

Le corps physiologique

Les motions musiciennes

JÕappellerai ensuite Žmotions musiciennes essentiellement deux Žmotions particulires : lÕune de ravissement ou dÕenlvement, lÕautre dÕabandon ou de dŽlaissement. Ces Žmotions touchent ˆ deux moments charnires : lÕun o lÕauditeur se trouve embarquŽ, captŽ, happŽ par une musique quÕil entendait jusque-lˆ ˆ distance respectueuse, lÕautre o le mme auditeur se trouve immanquablement dŽmuni in fine, quand la musique sÕarrte.

Quelques citations pour thŽmatiser ces sentiments bien connus des musiciens et amateurs de musiqueÉ

a — LÕenlvement

Ē Plus de public ni de salle, plus dÕorchestre ni de chef, le monde entier a disparu, anŽanti, pour se recrŽer ˆ mes sens sous des formes nouvelles. Č

Hermann Hesse : Musique (J. Corti, 1997) (37)

Ē Une de ces Žmotions quÕon pourrait appeler des tremblements de terre intŽrieurs Č

Victor Hugo (Les MisŽrables) (p. 303)

Ē Heureux ceux [É] que la musique Ē prend comme une mer Č Č.

Franois Mauriac (MozartÉ) (115)

Ē Vous prenez un livre. [É] Tout ˆ coup vous vous sentez saisi, votre pensŽe semble ne plus tre ˆ vous, votre distraction sÕest dissipŽe, une sorte dÕabsorption, presque une sujŽtion, lui succde, vous nՐtes plus ma”tre de vous lever et vous en aller. Č

Victor Hugo (Critique) (p. 560)

Ē Il est presque impossible, dans un salon, de se laisser prendre par la musique. Ce large cercle de visages beaux ou effacŽs ou affreux mais tous clos, nous dŽtourne de rien Žcouter. Č

Franois Mauriac (MozartÉ) (47)

b — Le dŽlaissement

Ē Je connais un homme qui, du moins en surface, devint pratiquement insensible ˆ la musique aprs une phase o il fut trop soumis ˆ ses effets. [É] Lorsque la musique sÕarrtait, il Žprouvait toujours un sentiment de dŽception. Il commena ˆ se construire un rempart contre cette trs dŽsagrŽable rŽaction de dŽsillusion, ˆ Žriger des barrires de dŽfense contre les effets des impressions musicales parce quÕil dŽtestait tre la dupe de ces influences mŽlodiques. Č

Theodor Reik : ƒcrits sur la musique (Les Belles lettres, 1984) ; p. 29

Ē Et cÕest la fin. Encore sous le coup de cette Žmotion grandiose, nous cherchons ˆ nous libŽrer par des applaudissements. Č

Hermann Hesse : Musique (J. Corti, 1997) ; p. 38

Ē On voudrait entendre cette musique au moment de mourir — ou plut™t, mourir comme est cette musique. Č

Hermann Hesse : Musique (J. Corti, 1997) ; p. 174

 

On peut dire que la subjectivitŽ de lÕindividu musicien se joue en propre dans cette Žpreuve de la dŽprise, en ce moment o la musique sÕarrte, car cÕest dans la rŽaction ˆ ce moment que le musicien va se distinguer du non-musicien :

— Pour le musicien, cette Žmotion de la dŽrŽliction, de lÕabandon va se donner comme dŽtermination ˆ continuer, sÕentend ˆ continuer de travailler — et continuer, ce nÕest pas simplement rŽpŽter mais ˆ la fois tenir le pas gagnŽ et travailler au prochain pas —.

— LÕamateur de musique, lui, le mŽlomane, pour autant quÕil Žprouvera ce mme abandon, sera tentŽ de simplement rŽpŽter lÕopŽration (de rejouer le morceau, de remettre le disqueÉ) alors que le musicien — sÕentend ici celui qui fait de la musique — aura pour ressort subjectif propre de reprendre son travail de musicien : de se remettre ˆ Žcrire, jouer, travailler son instrument ou la composition, etc.

 

Ces deux Žmotions proprement musiciennes se distinguent des Žmotions dites esthŽsiques par le fait quÕelles ne sont plus en extŽrioritŽ mais quÕelles touchent prŽcisŽment au franchissement de la barrire entre extŽrioritŽ et intŽrioritŽ, la premire fois dans le sens dÕune incorporation ˆ la musique, la seconde fois comme retour forcŽ ˆ lÕextŽrioritŽ, ˆ lՎtat individuel primitif.

Sujet ?

Il sÕagit ici du dividu musicien (un dividu, partagŽ entre diffŽrents mondes), pris comme simple sujet grammatical de lÕinterrogation Ē Qui Žprouve ces motions ? Qui est enlevŽ ? Qui est rejetŽ, Ē dŽchettŽ Č ? Č

Corps ?

Le corps instrumentiste, celui qui entre en rapport avec le corps physique dÕun instrument de musique.

Les affects musicaux

Ē Pour que lÕArt [É] demeure ce qui nous Žmerveille, ce qui nous Žternise en une seconde, il faut que notre contact avec lui reste rare. Č

Pierre-Jean Jouve (II.1171)

Ē Pour cet instant o cette mŽlodie vit en toi, elle efface tout ce qui est contingent. Č

Hermann Hesse : Musique (J. Corti, 1997) ; p. 153

Ē Vous prenez un livre. [É] Tout ˆ coup vous vous sentez saisi, votre pensŽe semble ne plus tre ˆ vous, votre distraction sÕest dissipŽe, une sorte dÕabsorption, presque une sujŽtion, lui succde, vous nՐtes plus ma”tre de vous lever et vous en aller. QuelquÕun vous tient. Qui donc ? ce livre. Un livre est quelquÕun. Ne vous y fiez pas. Un livre est un engrenage. Č

Victor Hugo (Critique) (p. 560)

 

Le troisime type dՎmotions, que jÕappellerai musicales, concernera les Žmotions en intŽrioritŽ du musicien en tant cette fois quÕil Žpouse les mouvements mme de la musique quÕil Žcoute. Ces Žmotions musicales ont pour caractŽristique essentielle dÕassimiler ce que vit le musicien ˆ ce que vit la musique elle-mme ; il nÕy a plus sens ici ˆ distinguer action de la musique et passion du musicien dans la mesure o lՎmotion musicale ici ˆ lÕĻuvre est ˆ la fois action et passion de lÕĻuvre.

Si lÕon se souvient que cette polaritŽ passion/action nous venait de Descartes, on peut dire que lՎmotion musicale, ne supportant plus la polaritŽ action-passion mais, tout au contraire la repliant sur elle-mme, va se trouver en accord spontanŽ avec la conception des affects dÕun Spinoza qui, rŽcusant la dualitŽ cartŽsienne de lՉme et du corps, soutient quÕil ne sÕagit lˆ que des deux faces de la mme rŽalitŽ :

Ē LÕEsprit et le Corps, cÕest une seule et mme chose, qui se conoit sous lÕattribut tant™t de la PensŽe, tant™t de lՃtendue. Č [5]

Je veux suggŽrer ainsi que la diffŽrence entre Žmotions esthŽsiques et Žmotions musicales a quelque chose ˆ voir avec la problŽmatique de lÕesprit et du corps, et que lՎmotion esthŽsique (o action et passion se disposent en vis-ˆ-vis) comme lՎmotion musicienne (o un corps prŽexistant se trouve mobilisŽ puis dŽmobilisŽ par un esprit musical extŽrieur) trouveront chez Descartes leur philosophie naturelle quand lՎmotion musicale trouvera plut™t chez Spinoza sa philosophie spontanŽe.

Sujet ?

Il sÕagit ici de lÕĻuvre prise comme sujet au sens cette fois philosophique du terme.

Corps ?

Le corps musical (cf. lÕembrasement sonore dÕun lieu par le corps ˆ corps dÕun instrumentiste et dÕun instrument).

*

Spinoza a dŽployŽ sa propre thŽorie des Žmotions au cĻur de son livre ƒthique en sa troisime partie intitulŽe Des affects. Pour marquer plus prŽcisŽment les diffŽrences entre nos trois types dՎmotions, je proposerai dŽsormais de parler de sentiments esthŽtiques, de motions musiciennes et dÕaffects musicaux.

VariŽtŽ dans chaque catŽgorie dՎmotions ?

Les sentiments esthŽsiques

Vous avez sans doute devinŽ que les premires Žmotions — les sentiments esthŽsiques — qui intŽressent avant tout le psychologue intŽressent moins le musicien car elles lui semblent par trop extrinsques : la musique vaut pour le musicien en raison de la singularitŽ des idŽes et pensŽes quÕelle dŽploie, en raison de lÕextrme originalitŽ des sensations et affects quÕelle organise et non pas pour sa possibilitŽ de communiquer ou transmettre un message, fut-il Ē sentimental Č. Autant dire que la musique vaut pour autant quÕelle est Žcoutable et pas seulement perceptible ou audible.

LՎcoute musicale — celle qui fait le musicien — est en effet une pratique toute diffŽrente de la perception aussi bien que de lÕaudition, lesquelles sont des manires de se rapporter en extŽrioritŽ ˆ un objet ou une situation sonores.

Pour le dire en deux mots, percevoir musicalement, cÕest essentiellement identifier un objet (reconna”tre un thme, un accord, un rythme, un instrument, une nouvelle situation sonore, etc.) et auditionner musicalement, cÕest essentiellement totaliser une pice, intŽgrer la totalitŽ des ŽlŽments dÕun morceau (le paradigme est ici le professeur de conservatoire auditionnant lÕexŽcution dÕune pice et vŽrifiant lÕexactitude de restitution sonore de tous les ŽlŽments du morceau musical).

ƒcouter musicalement est une tout autre affaire, plus passionnante, Žgalement plus risquŽe, et plus aventureuse. Je rŽsumerai sa singularitŽ par rapport ˆ la perception et lÕaudition des traits suivants : lՎcoute dÕune Ļuvre nÕest pas garantie pour le musicien (lˆ o la perception dÕun objet et lÕaudition dÕune pice le sont ; lÕattention du musicien y suffit) car il faut quÕil se passe quelque chose en cours dÕĻuvre, quelque chose que jÕappelle moment-faveur et qui est proprement le moment o lÕauditeur va se trouver saisi puis happŽ par lÕĻuvre et transformŽ en vŽritable Žcouteur.

LՎcoute musicale, qui fait accŽder le musicien aux affects musicaux, est en intŽrioritŽ lˆ o perception et audition, pourvoyeuses dՎmotions esthŽsiques, sont en extŽrioritŽ.

Cette diffŽrence sÕarticule ˆ une autre diffŽrence : les sentiments esthŽsiques sont provoquŽs par la musique mais ne sont pas proprement musicaux : ils pourraient tre provoquŽs par dÕautres causes ou actions que la musique. Les affects musicaux, par contre, sont musicaux ou ils ne sont pas : ils sont immanents au monde singulier de la musique et non pas la transposition ou la projection dans la musique dÕune pratique extŽrieure. Certes, on peut nommer ces affects musicaux de noms communs dÕaffects : on peut dire de telle cantate de Jean-SŽbastien Bach quÕelle est joie musicale, de tel Lamento quÕil est tristesse mme de la musique, de lÕouverture de Tristan quÕil est dŽsir pour la musique mais il faut alors concevoir joie musicale, tristesse musicale et dŽsir musical comme Žtant de nouvelles espces de joie, tristesse et dŽsir et non pas comme rŽalisation en musique dՎmotions prŽexistantes qui ne trouveraient lˆ quÕune teinte un peu spŽciale, quÕune nouvelle tonalitŽ.

Le point est lˆ : la vraie joie musicale nÕest pas concevable comme application ˆ la musique dÕune joie extrinsque ; tout au contraire, lÕexistence de joies proprement musicales est ce qui Žtend le genre Ē joie Č si bien que la musique ajoute des espces entirement nouvelles de joies ˆ la panoplie des joies quÕun tre humain est susceptible dՎprouver dans son existence et non pas habille de sons des joies prŽexistantes et donc extrinsques.

Ainsi les affects musicaux sont des inventions, des singularitŽs, nullement les retrouvailles dans la musique dՎmotions ŽprouvŽes par ailleurs, comme le sont par contre les Žmotions que jÕai appelŽes esthŽsiques.

Descartes

Pour explorer plus avant la dialectique entre Žmotions musiciennes et affects musicaux, jÕai proposŽ de mettre en jeu la distinction de lՉme et du corps telle quÕelle est diffŽremment traitŽe par Descartes et Spinoza.

La dualitŽ chez Descartes — je lÕai indiquŽ — sÕaccorde spontanŽment ˆ lÕexpŽrience des Žmotions esthŽsiques puisquÕon peut lire ces dernires comme une sorte dÕaction de lՉme de la musique sur les corps physiologiques des auditeurs.

On trouve des formulations sÕaccordant ˆ lÕidŽe que la musique agit le corps individuel dans le Compendium Music¾ que Descartes rŽdigea en 1618, en prŽambule ˆ sa carrire philosophique :

į       Ē [L]a fin [de la musique] est de plaire, et dՎmouvoir en nous des passions variŽes. Č [6]

į       Ē En ce qui concerne la variŽtŽ des passions que la musique peut exciter [É], une recherche plus exacte [É] dŽpend dÕune excellente connaissance des mouvements de lՉme, et je nÕen dirai pas davantage. Č [7]

į       Ē Ė la suite de cela, il faudrait maintenant parler des diverses vertus des consonances ˆ exciter les passions ; mais une recherche plus exacte de cette manire [É] dŽpasserait les limites dÕun abrŽgŽ. Car ces vertus sont si variŽes et dŽpendent de circonstances si lŽgres quÕun volume entier ne suffirait pas ˆ Žpuiser la question. Č [8]

į       Ē Je devrais traiter maintenant de chaque mouvement de lՉme qui peut tre excitŽ par la musique [É] mais cela dŽpasserait les limites dÕun abrŽgŽ. Č [9]

Ici la musique agit en sorte dÕexciter la passion de lÕauditeur, sa fin propre est Ē dՎmouvoir en nous des passions variŽes Č. Pour Descartes, la thŽorie vise ˆ dŽterminer quelles affectiones (propriŽtŽs) du son produisent des affectus (passions) variŽes. Le rapport affectio/affectus peut tre vu comme rapportant lÕesprit du son au corps de lÕauditeur. On sait que Descartes ne rŽalisera pas le programme quÕil annonce ˆ la fin de son premier livre : Descartes conclura certes son Ļuvre philosophique par un livre sur les passions mais il nÕy parlera plus de la musique : la musique qui a ŽtŽ au principe de sa vocation philosophique nÕy sera donc pas explicitement ˆ son terme.

Les affects musicaux

Pour explorer la variŽtŽ de ces affects, il faut nous tourner vers Spinoza.

Spinoza et le topos des affects musicaux

Spinoza entreprend, dans la partie centrale de son ƒthique dÕengendrer tous les affects ˆ partir de trois fondamentaux : le dŽsir (qui nÕa pas de contraire), la joie, et son contraire la tristesse.

ƒtonnante algbre dÕun imbroglio affectif classiquement prŽsentŽ comme le rgne du fluide, le triomphe de lÕindiscernable, le lieu par excellence de lÕindŽmlableÉ

Il faudrait ramasser les corrŽlations dŽmontŽes par Spinoza qui traduisent lÕengendrement gŽnŽralisŽ des affects par cette base de trois affects primitifs en un vaste schme catŽgoriel, un topos des affects dont le point de dŽpart pourrait tre le suivant :

Le point de vue spinoziste suppose, bien sžr, un corps adhŽrent ˆ lÕesprit, ce qui est le cas pour le sujet musical.

Les motions musiciennes

Ce type dՎmotions est plus difficile ˆ caractŽriser car il est essentiellement impur et mixte. Les (Ž)motions musiciennes sont de frontire, et Ē fr™lent le bord dÕun puits Č comme dirait Lorca.

Je propose de mÕen tenir stricto sensu ˆ trois motions musiciennes : celle du corps happŽ, celle du corps rejetŽ, et entre les deux celle du corps fondu dans le corps ˆ corps.

Ici la conception spinoziste bute sur une non-congruence du corps et de lÕesprit (puisquÕici la motion na”t prŽcisŽment de ce que le corps musicien nÕadhre pas intŽgralement ˆ lՉme musicale) si bien que le mode de pensŽe cartŽsien semble mieux adŽquat ˆ caractŽriser les Žmotions du dividu musicien comme il lՎtait dŽjˆ ˆ thŽmatiser celles des Žmotions esthŽsiques. Somme toute la dualitŽ cartŽsienne de lՉme et du corps trouve son espace de validation dans lÕidŽe du musicien comme dividu cÕest-ˆ-dire prŽcisŽment comme celui qui partage son existence entre plusieurs mondes sans rapports entre eux : le monde de la musique, la sociŽtŽ humaine, lÕespace dÕun amour, etc.

On peut alors indexer nos trois motions musiciennes aux trois passions cartŽsiennes de base qui constituent lÕenvers (ou le complŽment) des trois grands affects spinozistes :

LÕenlvement musicien consonne alors avec lÕamour cartŽsien, le dŽlaissement avec la haine (la fameuse Ē haine de la musique Č, car cette dernire ne tiendrait pas ses promesses dՎternitŽÉ), alors que lÕadmiration (pour la musique) prŽvaut dans lÕintervalle entre les deux.

*

Voici un rŽsumŽ des types distinguŽs :

 

ƒmotions :

Sentiments esthŽsiques

Motions musiciennes

Affects musicaux

VŽcues par

lÕindividu

le musicien

lÕĻuvre

Sujet

psychologique

grammatical

philosophique

Corps

physiologique

instrumentiste

corps ˆ corps

VariŽtŽ

Cf. les passions de Descartes

enlvement/dŽlaissement

Cf. les affects de Spinoza

 

Remarquons : cette analytique des Žmotions en musique prŽvaut quand la musique se trouve commandŽe par une Ļuvre, quand la musique est ĻuvrŽe, et que le rŽseau des Žmotions quÕelle gŽnre est aimantŽ par les affects musicaux intrinsques ˆ lÕĻuvre.

Mais quÕen est-il alors quand la musique nÕest plus ĻuvrŽe, quand par exemple la musique est improvisŽe, rŽellement improvisŽe (et pas Ē faussement Č improvisŽe comme dans beaucoup de pseudo-improvisations du jazz, ou ˆ lÕorgue liturgique) ? QuÕen est-il quand la musique est dŽsĻuvrŽe, sans sujet musical proprement dit et donc sans affects spŽcifiques ? LÕindividu est-il enfermŽ dans les sentiments esthŽtiques ?

Je ne le pense pas et je voudrais, en consŽquence, complŽter Ē lՎquation de sentiments Č quÕest la musique en examinant brivement une nouvelle figure de motion musicienne : le duende.

Le duende

De quoi sÕagit-il lˆ ? Du climax dans le flamencoÉ

Sorte dÕinstant de possession, dont Lorca insiste sur le caractre dŽmoniaque.

Lorca pour le dŽcrire, pour nous le faire ressentir, dŽploie la luxuriance de ses images.

La venue du duende prŽsuppose toujours un bouleversement radical de toutes les formes traditionnelles, procure une sensation de fra”cheur tout ˆ fait inŽdite, qui a la qualitŽ du miracle et suscite un enthousiasme quasi religieux.

La Nina de los Peines se leva comme une folle pour chanter, sans voix, sans souffle, sans nuances, la gorge en feu, maisÉ avec duende. Elle avait rŽussi ˆ jeter bas lՎchafaudage de la chanson, pour livrer passage ˆ un dŽmon furieux et dŽvorant, frre des vents chargŽs de sable, sous lÕempire de qui le public lacŽrait ses habits.

La Nina de los Peines dut dŽchirer sa voix, car elle se savait ŽcoutŽe de connaisseurs difficiles qui rŽclamaient une musique pure avec juste assez de corps pour tenir en lÕairÉ Elle dut rŽduire ses moyens, ses chances de sŽcuritŽ ; autrement dit, elle dut Žloigner sa muse et attendre, sans dŽfense, que le duende voulžt bien venir engager avec elle le grand corps ˆ corps. Mais alors comme elle chanta ! Sa voix ne jouait plus ; sa voix, ˆ force de douleur et de sincŽritŽ, lanait un jet de sang.

Voici quelques annŽes, un concours de danse avait lieu. Eh bien cÕest une vieille de quatre-vingts ans qui enleva le prix ˆ de belles femmes, ˆ des jeunes filles ˆ la ceinture dÕeau, uniquement parce quÕelle savait lever les bras, redresser la tte et taper du talon sur lÕestrade. Sur cette assemblŽe dÕanges et de muses, Žblouissante de beautŽ et de gr‰ce, celui qui devait lÕemporter, et qui lÕemportera, fut ce duende moribond qui tra”nait ˆ ras de terre ses ailes de couteaux rouillŽs.

Le duende opre sur le corps de la danseuse comme le vent sur le sable. Son pouvoir magique mŽtamorphose une jeune fille en paralytique lunaire, donne une rougeur dÕadolescent ˆ un vieillard cassŽ qui mendie dans les tavernes, fait ruisseler dÕune chevelure lÕodeur dÕun port nocturne.

ThŽorie et jeu du Ē duende Č [10]

Pourquoi le duende nous intŽresse-t-il particulirement aujourdÕhui ?

Parce que cÕest une (Ž)motion de musicien, qui ne relve pas des trois motions prŽcŽdemment relevŽes, cette Žmotion advenant dans le nouveau contexte de la musique improvisŽe.

CÕest une (Ž)motion qui engage le combat du corps du musicien et dÕune ‰me qui nÕest pas la sienne, la lutte dÕun corps aux prises avec un esprit prenant la forme dÕun dŽmon plut™t que dÕun ange. CÕest une (Ž)motion de la possession dÕun corps par une force spirituelle jaillie du sol, de Ē la plante des pieds Č.

Lorca thŽmatise la diffŽrence entre muse, ange et duende. La muse, cÕest pour nous cet esprit musical qui agit de lÕextŽrieur sur lÕauditeur. LÕange, cÕest lÕesprit de la musique lorsquÕil est indiscernable de son tre corporel, de sa figure dÕĻuvre — cÕest une chose frappante que lÕangŽlologie scolastique semble sÕajuster sans heurt aux Ļuvres musicales, comme si le fait quÕau Paradis les anges jouaient de la musique faisait que les thŽologiens entreprenaient en vŽritŽ de penser les Ļuvres musicales quand ils croyaient penser les angesÉ —.

Le duende, cÕest le dŽmon — Lorca : prŽcise : le dŽmon de Socrate et de Descartes, le dŽmon des philosophes doncÉ — et non pas lÕange. CÕest le pouvoir du dŽmon, non la puissance de lÕange. Un pouvoir, cÕest une action sur lÕextŽrieur de soi : ici le pouvoir de la musique sur le musicien quÕelle fait chavirer. Une puissance, cÕest une action sur soi, lÕaction de la musique sur elle-mme en une Ļuvre musicale.

Voici comment Lorca parle de tout cela :

Goethe, ˆ propos de Paganini, dŽfinit le duende : Ē Pouvoir mystŽrieux que tous ressentent et que nul philosophe nÕexplique. Č

Ainsi donc, le duende est pouvoir et non Ļuvre, combat et non pensŽe. JÕai entendu dire ˆ un vieux ma”tre guitariste : Ē Le duende nÕest pas dans la gorge, le duende vous monte en dedans, depuis la plante des pieds. Č

Tout homme, tout artiste, dira Nietzsche, ne gravit de degrŽ dans la tour de sa perfection quÕau prix du combat quÕil soutient avec le duende et non avec un ange, comme on le prŽtend, ni avec sa muse.

LÕange guide et comble, comme saint Rapha‘l ; garde et protge, comme saint Michel ; et il prŽvient, comme saint Gabriel.

LÕange Žblouit, mais il vole sur la tte de lÕhomme, il est au-dessus de lui, il rŽpand sa gr‰ce, et lÕhomme, sans le moindre effort, rŽalise son Ļuvre.

La muse dicte et, ˆ lÕoccasion, souffle.

La muse Žveille lÕintelligence, fournit des paysages de colonnes et la saveur trompeuse des lauriers.

Ange et muse viennent du dehors. LÕange donne des lumires. La muse donne des formes. En revanche, le duende, cÕest dans les ultimes demeures du sang quÕil faut le rŽveiller.

Chasser lÕange et envoyer promener la muse. Le vŽritable combat se livre avec le duende.

Pour chercher le duende, il ne faut ni carte ni ascse. On sait seulement quÕil bržle le sang, quÕil Žpuise, quÕil rejette toute la douce gŽomŽtrie apprise, quÕil brise les styles.

Nulle Žmotion nÕest possible sans la venue du duende.

Le duende meut la voix et le corps de la danseuse, Žvasion rŽelle et poŽtique hors de ce monde.

Lorsque cette Žvasion sÕaccomplit, tout le monde en ressent les effets : lÕinitiŽ qui admire comme le style triomphe dÕune matire pauvre, et le profane qui Žprouve confusŽment une Žmotion authentique.

Tous les arts sont susceptibles de duende, mais lˆ o il se dŽploie le plus librement, cÕest, naturellement, dans la musique, dans la danse et dans la poŽsie dŽclamŽe, parce que ces arts ont besoin dÕun corps vivant qui les interprte, Žtant une suite de formes qui dressent leurs profils sur un prŽsent exact.

Par lÕidŽe, la voix ou le geste, le duende se pla”t ˆ fr™ler le bord des puits, en lutte ouverte avec le crŽateur.

Le duende blesse, et cÕest dans la guŽrison de cette blessure qui ne se ferme jamais que rŽside lÕinsolite originalitŽ dÕune Ļuvre.

Nous avons dit que le duende aimait les blessures, le bord des gouffres, et quÕil hantait les lieux o les formes se fondent dans un Žlan qui dŽpasse leur expression visible.

Impossible pour lui de se rŽpŽter — il importe de le souligner. Le duende ne se rŽpte jamais, pas plus que ne se rŽptent les formes de la mer sous la bourrasque.

Dans le travail de la cape, face au taureau encore intact, et au moment de tuer, il faut le secours du duende pour mettre le doigt sur la vŽritŽ artistique.

Ainsi le duende blesse car il sŽpare le musicien du dŽmon musical, et cette blessure ne saurait se refermer. Le duende prend possession du corps vivant du musicien, lÕenflamme, et chaque Žvasion est irrŽductiblement singulire : pas dÕĻuvre ici pour cumuler les effets de vŽritŽ. Le duende pointe la vŽritŽ musicale mais nÕy Ļuvre pas.

On retrouve ici lÕidŽe du Ē corps ˆ corps Č mais cette fois comme combat du musicien avec le duende. Et cÕest prŽcisŽment parce que ce corps ˆ corps nÕest pas Ļuvrant quÕil est une blessure que Ē tous ressentent Č, que chacun, initiŽ ou profane, reoit et Žprouve (mme si seul le corps de lÕenduendŽ est ˆ lՎpreuve de cette motion).

Cette motion singulire met ˆ lՎpreuve lÕextime du musicien : ce qui lui fait Ē regarder au dehors le dedans de soi Č (Victor Hugo).

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Je terminerai ainsi sur cette motion musicienne singulire pour rappeler que le monde de la musique est vaste et que si les Ļuvres musicales en sont la pointe subjective, cette pointe qui travaille ˆ produire une beautŽ de lՎcoute, ces Ļuvres tirent leur puissance singulire de parcourir un monde qui ne sÕy rŽduit pas, un monde de la musique fait de corps et de sons, de corps musiciens en proie aux possessions sonores, et si lÕange de lÕĻuvre peut visiter ce monde, cÕest bien parce que ce monde est peuplŽ de ces diablotins qui font le sel de lÕimprovisation musicale, de ces petits diables qui, telles les hystŽriques de Charcot pour Freud, viennent constamment rappeler au musicien pensif quÕil nÕy aurait pas musique sans ces corps musiciens inflammables, sans ces voix dŽchirŽes et inconsolŽes, sans ces visages blessŽs et transfigurŽs.

Ce duende, nous dit Lorca, Ē met le doigt sur la vŽritŽ Č musicale ; sans doute sÕagit-il, pour nous musiciens, pour moi compositeur, de faire plus quÕy mettre le doigt, ce qui nÕest pas dire quÕil y faut tout un corps mais plut™t quÕil y faut un corps et autre chose que lui, un corps visitŽ par lÕidŽe, un corps qui soit tout aussi bien esprit, et donc pensŽe, et donc projet, et donc labeur et Ļuvre.

Mais le duende, plus que toute autre Žmotion, rappelle quÕil peut y en aller en musique de vŽritŽ plut™t que simplement de ces petits plaisirs que la gastronomie ou lÕĻnologie savent nous fournir.

Le duende nous rappelle que la musique est affaire de feu et de vent, de possession et dÕenvožtement, de saisissement et dÕemports, que la musique dŽvore ses enfants et embrase ses acteurs si bien que face ˆ lÕĒ ˆ quoi bon ? Č menaant aujourdÕhui tout effort de crŽation musicale, la musique rŽpond par le duende ceci :

Ē Combat avec moi, engage le grand corps ˆ corps avec mes ailes de couteaux rouillŽs et je tÕannoncerai le perpŽtuel baptme des choses fra”chement crŽŽes, lÕamour libŽrŽ du temps, lՎlan vers un prŽsent exact. Č

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[1] JournŽes CNA2 2004 Ē Musique et ƒmotions Č : http://www.univ-lille3.fr/ureca/sclement/CNA2Programme.htm

[2] Voici cette premire proposition :

DŽfinition : Entendons par Žmotion musicienne lÕeffet dÕun affect musical sur le corps du musicien.

Thse 1 : Un affect musical est un mouvement du corps musical.

Thse 2 : Le corps musical – qui nÕest ni le corps du musicien-instrumentiste, ni celui de lÕinstrument de musique — procde de la mise en rapport acoustique du corps ˆ corps musical (entre un musicien et son instrument) et dÕun lieu architectural.

Proposition A : Les corps musicaux peuvent tre rŽpartis en quatre types — virtuose, inspirŽ, exŽcutant ou interprŽtant — selon la manire dont le rapport acoustique prŽcŽdent est musicalement traitŽ.

Proposition B : Selon Spinoza (troisime partie de lՃthique), lÕespace gŽnŽral des affects relve dÕune gŽomŽtrie ˆ trois dimensions dont les vecteurs unitaires sont la joie, la tristesse et le dŽsir si bien que tout affect est algbre de ces trois motions fondamentales. On argumentera les raisons proprement musicales de retenir ce parti de Spinoza plut™t que celui de Descartes (algbre de 2*3=6 affects en raison chez lui dÕune dualitŽ de lՉme et du corps).

ConsŽquence 1 : Le corps du musicien jouant de la musique est soumis ˆ une torsion singulire : comme instrumentiste il participe de la composition du corps musical, et, comme auditeur, il est surface de projection de lÕaffect musical mis en Ļuvre. Pour le musicien, lՎmotion est Žpreuve de cette torsion et, par lˆ, expŽrience particulire de lÕaffect musical.

ConsŽquence 2 : On portera une attention particulire ˆ deux Žmotions proprement musiciennes qui encadrent toutes les autres : la reconnaissance (gratituda) initiale dÕun emportement et lÕabattement (abjectio) terminal dÕun dŽlaissement.

Enjeux : Sur ces bases, nous explorerons, exemples ˆ lÕappui, la variŽtŽ des affects musicaux et la diversitŽ des Žmotions musiciennes.

[3] Ē LÕavenir, ce sera le gouvernement des axiomes. [É] LÕaxiome, cÕest lÕaffirmation. [É] On ne part que dÕune affirmation. [É] Ce qui caractŽrise essentiellement lÕaxiome, ce nÕest pas dՐtre clair, cÕest dՐtre fŽcond. Č Victor Hugo (OcŽan)

[4] ƒcrits sur la musique, Les Belles Lettres, 1984 ; p. 86

[5] Mens, & Corpus una, eademque res fit, qu¾ jam sub Cogitationis, jam sub Extensionis attributo concipitur. (Scolie de la Proposition 2 Partie 3)

[6] Ē Finis, ut delectet, variosque in nobis moveat affectus. Č Compendium music¾, traduction de FrŽdŽric de Buzon (PUF, 1987) ; p. 54

[7] Id. p. 62

[8] p. 88

[9] p. 138

[10] 1930-1933. Cf. La PlŽiade : Īuvres compltes, Tome I, p. 919É