Question de spatialisation : Mise en rapport de sept problématiques

(Compte rendu du groupe Spatialisation - Ircam, 16 novembre 2004)

François Nicolas

 

 

Résumé

Les dispositifs techniques généraux examinés ont été : le spatialisateur, la Timée, la WFS, la synthèse additive spatiale (SAS), l’écoute au casque interactive (B.IN.AU.R) à quoi se sont ajoutés les dispositifs techniques particuliers des compositeurs du groupe (Pascale Criton, Cécile Le Prado, François Nicolas, Emmanuel Nunes, Valerio Sannicandro, Philippe Schoeller + le travail de Pierre Boulez présenté par Andrew Gerszo).

Il s’agira de synthétiser les échanges du groupe en avançant un cadre conceptuel et une typologie aptes à situer le travail de chacun. À ce titre, on sera amené à faire jouer les distinctions suivantes : spatialisation/localisation, diffusion/rayonnement, espace abstrait/lieu concret, intégration du lieu dans l’œuvre/intégration de l’œuvre dans le lieu, champ/corps, espace extérieur/intérieur, frontalité/intimité,…

On insistera sur l’importance, apparue lors de ces rencontres, de lier toute problématique musicale de l’espace à une approche renouvelée de l’écoute et de l’écriture (l’espace composé étant en dernier ressort espace pour l’écoute et le compositeur étant confronté au problème de comment écrire musicalement un tel espace pour l’écoute), en sorte que chaque proposition de « spatialisation » s’avère indissociablement un projet de renouvellement de l’écoute et une exigence d’inventer de nouvelles modalités d’écriture musicale. À ce titre, on thématisera comment la typologie précédente des « spatialisations » s’articule, explicitement ou implicitement, à des typologies en matière d’écoutes et d’écritures.

On conclura sur l’importance, une fois cette clarification catégorielle établie, d’évaluer les différentes orientations présentées d’une manière cette fois plus concrète et quasi-expérimentale.

 

Présentation PowerPoint

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Introduction

Il s’agit ici de faire synthèse du travail d’un groupe, certes réuni autour d’un seul thème (la spatialisation) mais composé de manière fort diverse.

 

D’abord il était composé de compositeurs et de scientifiques. D’où la difficulté de faire dialoguer ces deux populations.

Dans quelles conditions y a-t-il interaction entre une offre scientifique et une demande musicale, en particulier compositionnelle ?

Modèle possible : la demande musicale comme excitateur, et l’offre scientifique comme résonateur ; la demande musicale excite alors la demande scientifique, ou la laisse indifférente.

Un enjeu du groupe était de dépasser cela : que la demande musicale prenne mesure de l’état de l’offre scientifique (offre diversifiée, on va le voir) pour évaluer elle-même :

1) ce qui de cette offre pouvait intéresser telle ou telle demande,

2) ce qu’il était possible de changer de l’offre elle-même : dans quelle mesure le résonateur peut-il s’adapter à l’excitateur ? Certes il ne saurait s’y conformer mais il peut au moins tenter pour partie de s’y acclimater.

 

Ma tâche : rassembler de manière si possible synthétique ce qui fut déployé selon sept projets bien différents et sans autre rapport entre eux que ce mot de spatialisation. Gageure !

 

Difficulté supplémentaire : le groupe n’adonné lieu qu’à des présentations abstraites. Il n’y a pas eu d’écoutes partagées (cf. lourdeur des dispositifs technologiques à mobiliser). Or nécessité cruciale de telles pratiques d’écoute pour évaluer la nature exact des dispositifs techniques offerts par l’Ircam et leur pertinence pour tel ou tel projet. D’où le projet apparu d’une semaine de travail collectif, projet que présentera ensuite Olivier Warusfel.

 

Ma méthode d’exposition :

Une fois rappelé de quoi il retourne derrière ce mot de spatialisation, présenter (à ma manière) les enjeux, questions des points de vue présentés dans le groupe puis proposer ensuite des « enveloppes » plus synthétiques.

La synthèse, telle que je l’envisage ici, n’est pas la constitution d’un point de vue surplombant l’ensemble. Je ne suis pas sûr qu’un tel point de vue existe, et s’il existait, je suis encore moins sûr de pouvoir le dégager. Il s’agira plus modestement de constituer le terrain pour mettre en rapport des points de vue qui se sont présentés comme dispersés, en ribambelle… Mon but est donc d’échafauder une structure commune où ces points de vue puissent trouver leur place, non pas pour tout ranger dans des petites cases mais pour créer des résonances entre ces points de vue.

Les schémas que je serai amené à vous présenter sont donc conçus non pas comme des meubles à tiroirs mais comme des réseaux susceptibles d’instaurer des résonances plus ou moins vives entre les points de vue considérés.

7 problématiques

Ordre alphabétique !

·      Pierre Boulez et la spatialisation dans Dialogue de l’ombre double (présentation par Andrew Gerszo)

·      Pascale Criton et un projet basé sur Modalys (déjà présenté hier) et articulé au projet de synthèse additive spatiale (S.A.S.)

·      Cécile Le Prado et la spatialisation de Secret Lisboa dans le cadre d’une écoute interactive au casque (voir le projet de B.IN.AU.R)

·      François Nicolas et la Timée dans Duelle

·      Emmanuel Nunes et la spatialisation dans Lichtung et surtout Quodlibet

·      Valerio Sannicandro et un projet avec la Timée pour la pièce Alteræ Naturæ

·      Philippe Schoeller et un projet avec la WFS.

« Spatialisation »

Quelques délimitations élémentaires

• Spatialisation ? C’est la constitution d’une spatialité, non pas la constitution d’un espace.

• Spatialité ? C’est la propriété de ce qui est spatial.

• D’où que la spatialisation soit la prise en charge (musicale) de ce qui, dans la musique, relève de l’espace.

• Que veut dire prise en charge musicale ? Cela veut dire que ce qui de la musique relève de l’espace va être intégré à la composition musicale.

• D’où la question : comment intégrer dans la composition ce qui, dans la musique, relève de l’espace ?

« Spatialisation » ?

 

• Constitution d’une spatialité, non d’un espace

• Spatialité : propriété de ce qui est spatial, c’est-à-dire relève de l’espace

• Spatialisation (musicale) : prise en charge (musicale) de ce qui, dans la musique, relève de l’espace.

Les sept problématiques

Je vais d’abord les exposer rapidement : moins leurs « résultats » que les intuitions et questions de chaque projet, en cours…

Je ne prendrai plus l’ordre alphabétique mais, grosso modo, l’ordre chronologique de présentation à l’intérieur du groupe.

Pierre Boulez : La spatialisation comme représentation

On a d’abord thématisé cette spatialisation comme étant « extérieure ». Extérieur voulait ici dire : sans interaction de l’espace sur la composition elle-même, sans véritable rétroaction. D’où qu’on ait aussi pu dire dans le groupe que la spatialisation apparaissait chez Boulez comme redondante c’est-à-dire répétant les caractéristiques écrites pour les inscrire dans l’espace. En fait, plutôt que de redondance, il faut je crois parler de « représentation » au sens d’une présentation seconde, répétée, de parties (phrases, motifs, figures, entités telles un trille, accords…) déjà présentes dans l’écriture et instrumentalement présentées (voir la diapo).

La spatialisation comme représentation

 

Figures

• présentes dans l’écriture

• présentées par les instruments

• représentées par la spatialisation

Emmanuel Nunes

Quodlibet : la spatialisation comme inspect d’un Timbre

Il s’agit là de créer un lieu interne à l’orchestre d’où on l’écoute.

L’espace concret de la salle est alors catégorisé comme un vaste Timbre, qu’on compose, comme on compose le timbre d’un grand orchestre. D’où une première continuité entre questions d’orchestration et questions de spatialisation.

Le lieu est dans l’œuvre et non plus l’œuvre dans le lieu.

Ceci se fait sans spat et par les moyens ordinaires de répartition de l’orchestre dans l’espace.

La spatialisation comme inspect d’un Timbre

 

• Continuité entre orchestration et spatialisation

• Le lieu est dans l’œuvre (plutôt que l’œuvre dans le lieu)

• Écoute intérieure du corps collectif

• Pas de haut-parleur : donc pas de dialectique entre musique et image de musique…

Lichtung : la spatialisation comme déploiement d’enveloppes

Il s’agit ici d’instrumentaliser le haut-parleur par le moyen d’enveloppes sur sa diffusion et, par là, de simuler son interaction avec la salle en majorant la spécificité de ses impacts sonores.

WFS : la spatialisation comme virtualisation

Tendanciellement il s’agit ici d’abolir le haut-parleur par une enveloppe de transducteurs, de dissoudre donc les sources « réelles » au profit de surfaces englobantes, enveloppant le lieu.

L’espace sonore est conçu comme un champ d’ondes doté de pôles, intérieurs ou extérieurs à l’espace enveloppé, fonctionnant comme sources « virtuelles », comme « images » de sources…

Cette voie est donc celle d’un approfondissement de l’image sonore — d’où qu’on parle à son endroit d’holophonie, par analogie avec les images visuelles des hologrammes —. D’où l’importance, dans son cas, de la catégorie de « virtuel ».

La spatialisation comme virtualisation

 

• Abstraction tendancielle du lieu concret

• Abolition du haut-parleur (par une ceinture de transducteurs)

• Logique de champ d’ondes

• Constitution de pôles fonctionnant comme sources virtuelles

• Des images sonores conduisant à une holophonie

Philippe Schoeller : Synthèse granulaire intégrant la spatialisation et l’orchestration

Projet de travail sur un matériau sonore fait par synthèse granulaire en sorte d’incorporer la spatialisation à la composition même de la synthèse, de croiser don en un sens spatialisation et orchestration.

François Nicolas (Duelle avec la Timée: la spatialisation comme adresse musicale

Les enjeux sont ici les suivants :

• Remettre la dialectique de la musique mixte sur ses pieds et la rétablissant sur sa base instrumentale : en redonnant à la logique instrumentale le rôle dirigeant.

Instrumentaliser le haut-parleur plutôt qu’amplifier les instruments — rapprochement avec Lichtung

• Garder le face à face de l’écoute, garder le lieu scindé entre plateau de la source et espace de projection.

• Écriture : remonter d’une tablature à une notation des effets pour accéder à une écriture à la lettre d’une nouvelle structure musicale : celle de la spatialisation.

La spatialisation comme adresse musicale

 

• Remettre la dialectique de la musique mixte sur sa base instrumentale

• Instrumentaliser le haut-parleur plutôt qu’amplifier les instruments

• Spatialisation saisie par la directivité d’une source s’adressant à un lieu concret

• Privilégier une écoute

— face à la source

 dans la distance (et non pas en immersion)

• Structurer la spatialisation en sorte de pouvoir l’écrire à la lettre : K, ∆, Ω…

Valerio Sannicandro

Le projet d’Alteræ Naturæ n’a pas été discuté comme tel. D’où ma retenue pour en parler. À l’occasion d’une discussion sur le projet d’Emmanuel Nunes, Valerio a pu cependant expliciter quelques enjeux de son travail propre.

Je les résumerai en disant qu’il s’agit pour lui de jouer de la Timée et de ses directivités moins dans une logique de modèle instrumental que pour composer un nouveau type de synthèse sonore. Soit un nouveau lien entre spatialisation et orchestration — rapprochement avec intuition de Schoeller sur une potentialité de la WFS…

Cécile Le Prado : la spatialisation comme immersion dans une topographie imaginaire

Le projet est ici d’une immersion dans un réseau sonore (l’image est ici celle non pas d’une salle mais d’une ville).

L’espace est alors non scindé. La scène sonore composée est découpée dans un lieu, mais indifférente à ce lieu.

Le point d’écoute se trouve en mouvement (écoute interactive en casque)

L’écoute est essentiellement rétroagissante : cf. cela conduit à concevoir une œuvre ouverte d’un type nouveau (sans doute une œuvre de « l’art des sons fixés » plus encore qu’une œuvre musicale proprement dite).

La préoccupation d’écriture prend alors la forme d’un souci d’outils de script permettant un contrôle à haut niveau des différents logiciels mobilisés : créer une surface de représentation jouant le rôle d’une partition…

Ce travail s’inscrit dans la nouvelle technologie nommée B.IN.AU.R

La spatialisation comme immersion dans une topographie imaginaire

 

• Espace non scindé (pas de scène sonore réelle)

• Écoute au casque

• Écoute en immersion dans un réseau sonore

• Écoute en mouvement

• Écoute rétroagissant

• Écriture de scripts contrôlant, à haut niveau, la disparité des outils informatiques

• Moins une spatialisation que l’invention d’un lieu imaginaire pour l’oreille

Pascale Criton : la spatialisation comme constitution de bords, nouveaux lieux de frottements

Il s’agit ici de privilégier une écoute ayant pour modèle celle de l’instrumentiste, une écoute qui se trouve donc installée à la frontière du corps en mouvement et du lieu de projection sonore.

Comme l’écoute instrumentiste travaille sur une dualité, se tenant au point même de la frontière entre l’espace instrumental et l’espace d’écoute — d’où une écoute ni extérieure (faisant face au corps rayonnant), ni intérieure (au corps collectif), mais se tenant en un bord, en une position qu’on pourrait dire extinrieure —, pour s’accorder à ce type d’écoute, il faut un matériau singulier : ce sera en l’occurrence un matériau privilégiant le frottement, donc le contact entre deux hétérogénéités.

Soit au total une logique de brouillage des séparations, d’indistinction non pour effacer les distinctions mais au contraire pour les faire jouer au point même où les distinctions se frottent l’une à l’autre.

Ce projet, articulant Modalys et synthèse spatiale du rayonnement, participerait d’une technique qui tend à s’appeler Synthèse additive spatiale (soit SAS !).

La spatialisation comme constitution de bords, nouveaux lieux de frottements

 

• Écoute prenant modèle sur celle de l’instrumentiste, laquelle se tient sur le bord de deux régions de l’espace.

• Écoute d’un matériau correspondant à cette position de bord puisque fait de frottements

• Un lieu pour la musique, c’est essentiellement l’entre-deux d’une dualité.

• Au total, moins une spatialisation que la composition d’un lieu musical singulier.

Deux polarités

Mon propos est maintenant d’éclairer les rapports existants entre ces sept manières de procéder, puisque chacune, a priori, est indépendante des six autres.

J’exposerai pour cela (ce sera mon petit inventaire à la Prévert) :

·      2 polarités

·      4 (+1) catégories,

·      5 écoutes,

·      3 écritures.

Chacune de ces modalités est une manière d’envisager une synthèse possible des sept points de vue. Autant dire que je vais vous proposer différentes synthèses (j’espère cependant non divergentes) et je me dispenserai de faire la macro-Synthèse de ces synthèses partielles…

Polarité (A) de l’abstrait et du concret

Partir d’une grande polarité quant à la conception musicale de l’espace, dont les emblèmes pourraient d’un côté le Spat et, de l’autre, le modèle instrumental (réactivé dans le cadre de la musique mixte par la Timée).

Dans la première logique, on a un effacement des cloisons du lieu alors que dans le second, on prend musicalement appui sur les caractéristiques acoustiques concrètes du lieu, soit la polarité d’une spatailité abstraite (sans murs, illimitée) et d’une localisation concrète (double localisation : la salle comme lieu, et la localisation des sources dans ce lieu spécifique…)

Au total, on peut thématiser ainsi la polarité proposée :

Spatialité abstraite

(ceinture de transducteurs effaçant les cloisons)

Spat — Wfs

Localisation concrète

(des instruments dans une salle)

Timée

Champ diffusant

(train d’ondes)

Corps rayonnant

(faisceau de vecteurs)

Espace illimité

Espace borné (murs, plafond, plancher)

Son diffusé

Son projeté

Espace inorienté

Espace orienté

Espace d’un seul tenant

Espace séparé

(zones de projection/d’écoute)

Mais, cette polarité à peine posée, il faut constater son brouillage immédiat :

Rapprochement WFS/Timée par un jeu contrôlé avec la salle

La WFS peut générer des sources virtuelles qui, telle une source bien réelle (voir la Timée), non seulement interagissent et jouent avec la salle mais surtout vont pouvoir être contrôlables. Autant dire qu’une approche par un espace abstrait et des sources virtuelles s’avère pouvoir jouer d’un lieu concret. Ainsi la WFS, qui semblait simplement prolonger le Spat, nous rapproche en fait du pôle opposé représenté par la Timée.

Cependant reste alors la distinction entre sources virtuelles et sources réelles, que je préfère, pour ma part, renommer comme distinction entre sources instrumentales et images de sources (je renomme « image » ce qui est ici usuellement nommé « virtuel » : l’intérêt, à mon sens, est de remplacer la dialectique problématique réel/virtuel par la dialectique plus puissante de la chose et de son image…).

Toujours est-il que nos deux pôles tendent à se rapprocher, ce qui est précisément bon signe quand à l’intérêt de la polarité retenue puisqu’elle aimante donc un espace de pensée sans le cloisonner.

Sous-polarité : séparation spatiale ou non dans le cadre de la localisation concrète

Une seconde diversification apparaît, cette fois à l’intérieur de l’orientation « localisation concrète » : selon que ce lieu est ou non partagé, du point de l’écoute, entre une scène de projection et une zone d’écoute.

Deux logiques en effet se distinguent :

— l’une partage le lieu selon le principe d’un face à face entre instrumentistes et auditeurs (cf. Duelle avec la Timée mais également le travail de Boulez dans Dialogue de l’ombre double…) ;

— l’autre constitue l’ensemble du lieu comme lieu interne à la production instrumentale (instruments tout autour du lieu) si bien que les auditeurs ne font plus face à l’orchestre mais sont disposés à l’intérieur de celui-ci (cf. Quodlibet de Nunes, mais aussi le Boulez de Répons). Ici il n’y a plus vraiment dialectique entre sources et murs pour une tout autre raison que dans le cas du Spat ou de la WFS : parce qu’ici les sources sont les murs. On se rapproche alors par ce biais de la première voie (avec ceinture de haut-parleurs).

Polarité (B) de l’extérieur et de l’intérieur à la partition

Autre grande polarité : l’opération de spatialisation est-elle intérieure ou extérieure à la composition proprement dite ?

Extérieur ?

Cf. Boulez qui constitue à ce titre une particularité parmi les 7 problématiques examinées.

Pappel : extérieur veut dire ce qui est sans interaction de l’espace sur la composition elle-même, sans même rétroaction. J’ai proposé précédemment de parler ici de représentation, mais il faudrait maintenant préciser qu’il s’agit ici d’une représentation sans rétroaction sur la présentation elle-même.

Intérieur

Quel type d’interaction a-t-on entre l’opération de spatialisation et les autres opérations musicales, plus classiques, de composition ?

On peut résumer les points de vue selon quatre catégories musicales :

La synthèse

Cf. Sannicandro et Schoeller

Rapprochement Timée/WFS (2) : homologie via la synthèse

Le projet Valério Sannicandro vise, on l’a vu, à articuler via la Timée la spatialisation à la synthèse sonore, comme le projette dans l’autre voie, Philippe Schoeller avec la WFS. Rapprochement donc, via le projet d’articuler intimement la synthèse sonore et la spatialisation (autant dire, tendanciellement l’orchestration et la spatialisation), de deux bords a priori opposés.

Le timbre

Cf. Nunes dans Quodlibet

Le phrasé

Cf. Duelle : il s’agit ici que la spatialisation dote le discours musical de nouvelles possibilités de phrasé.

Le frottement

Cf. projet de Pascale Criton : l’opération de spatialisation est conçue sur le modèle du travail de l’instrumentiste, se tenant à la jonction de deux régions et jouant du frottement non seulement des corps mais aussi, grâce à son écoute propre, tout à fat singulière, de ces régions sonores.

Cas particulier

Cécile Le Prado présente ici un cas particulier (relevant — je l’ai suggéré — peut-être plus de l’art des sons fixés de Michel Chion que de la musique proprement dite) puisqu’elle crée une scène sonore découpée à l’intérieur d’un lieu indépendamment des caractéristiques acoustiques de ce lieu.

Au total, quatre manières d’intégrer la spatialité à la composition :

• par le timbre (Nunes)

• par le phrasé (Nicolas)

• par la synthèse (Sannicandro, Schoeller)

• par le frottement (Criton)

On peut remarquer que cette nouvelle polarité extérieur/intérieur tend à brouiller la précédente :

— la « synthèse » rapproche deux voies écartées par la polarité A (abstrait/concret) et divise en deux la voie Timée… ;

— la rétroaction de l’écoute rapproche Criton de Le Prado ;

*

Au total, on pourrait représenter l’ensemble des septs points de vue ainsi, en imaginant que les deux positions au-dessus et en dessous (Boulez/Le Prado) appartiennent en fait à un autre plan et participe d’un axe vertical, qui serait orthogonal au plan de l’hexagone :

Notre travail de synthétisation  n’est pas terminé ! Il nous faut examiner le lien de tout cela avec l’écoute et l’écriture.

Il est en effet apparu que la spatialisation convoquait, de manière intrinsèque, l’écoute et l’écriture.

Pourquoi ? Pas simplement pour des raisons pratiques mais, plus essentiellement, parce que toute spatialisation étant prise en charge (musicale) de ce qui, dans la musique, relève de l’espace, est aussi intégration de cela à la composition musicale proprement dite. Or une telle intégration à la composition passe nécessairement, peu ou prou, par un dispositif d’écriture qui s’articule à un projet en matière d’écoute musicale.

5 écoutes

Si l’on reparcourt les projets, on y discerne alors 5 modalités d’écoute :

5 Écoutes de la spatialisation

 

• Écoute à distance et séparée d’un corps musical (Nicolas, Boulez)

• Écoute intérieure d’un corps musical collectif (Nunes, Boulez)

• Écoute au bord d’un corps rayonnant (Sannicandro, Criton)

• Écoute en immersion d’un espace musicalisé (Schoeller)

• Écoute mobile d’un espace sonorisé (Le Prado)

3 Écritures

De même si l’on reparcourt les sept projets, on peut discerner trois manières différentes d’envisager l’écriture :

— tablature : inscription du geste instrumental (ex. lancement d’un patch numéroté)

— notations : inscription de l’effet sonore (ex. flèche décrivant une trajectoire spatiale générée par l’ordinateur)

— lettres : inscription à la lettre d’une structure musicale (ex. lettres des figures de directivité pour la Timée : K, ∆, Ω)

Ces trois modalités ne sont pas incompatibles : une partition est de toutes les façons un amas disparate de signes de natures hétérogènes.

3 Écritures de la spatialisation

 

• Tablatures :

inscription du geste instrumental : ex. lancement d’un patch

• Notations :

inscription de l’effet sonore : ex. figuration d’une trajectoire spatiale

  • Écriture proprement dite (à la lettre) :

inscription d’une structure musicale : ex. lettres des figures de directivité pour la Timée (K, ∆, Ω…)

Pratique !

Phase pratique maintenant indispensable !

Enjeu selon moi très important : identifier non seulement ce que chaque technologie peut offrir au compositeur mais aussi l’impossible propre à chacune d’entre elles ; c’est ici la voie royale pour s’approprier musicalement une technologie car c’est le véritable moyen pour comprendre son réel selon la bonne vieille formule que l’imaginaire ne rencontre pas l’impossible mais que le réel se configure en des points propres d’impossible.

Or le problème pour un compositeur est non seulement : que peut-on imaginer faire avec le Spat, la Wfs, la Timée ?, mais aussi : quel est le réel de ces dispositifs ? Il en va ici de la détermination du point par lequel un compositeur peut espérer s’y rapporter concrètement.

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