Lhtrophonie comme formalisation musicale dun peuple ?
(Journe Musique et Politique – Ircam, 21 octobre 2017)
Franois Nicolas
Rsum
Pas plus que la diffrence
des deux sexes (qui nest pas la distinction grammaticale de trois genres [1]),
luvre musicale ne met en jeu lantagonisme politique (qui ne se rduit pas
la lutte et au combat). Cette dernire limitation restreint la puissance
formalisatrice de luvre musicale aux units fondes sur la coexistence de
termes opposs.
Dans ces conditions,
- Peut-on tendre le type polyphonique dunit
musicale un nouveau type dunit quon nommera htrophonique (tout comme le type polyphonique a prcdemment tendu les types homophonique – cf. grgorien - et antiphonique – cf. rondeau) ?
- En particulier, quelle adjonction musicale
mettre en uvre pour tendre un pluriel de voix un multiple de collectifs
vocaux ?
- Peut-on interprter une telle symbolisation
musicale dans les termes (entirement htrognes) de proccupations politiques
contemporaines : quest-ce que peuple veut politiquement
dire, suivant quelle dialectique entre non-antagonisme et antagonisme, et selon
quelle articulation l agonisme (H. Arendt, C. Mouffe) ?
- Au total, o prcisment le musicien doit-il
autolimiter la puissance formalisatrice de la musique et ses raisonances centrifuges (l mme o,
partir de 1750, lintellectualit musicale de Rameau ne sut se
suspendre) ?
***
[Notes dexpos]
Plan trs simple :
1 – Htrophonie ?
2 – Formalisation ?
3 – Peuple ?
4 – Formalisation musicale dun peuple ?
5 – Antagonisme ?
Conclusion
Du point de lintellectualit musicale (qui nest pas la philosophie), il faut penser le pluriel des modernits (comme il y a un pluriel des penses et des arts) plutt que La Modernit (ou Lart ).
La proposition de lhtrophonie intervient dans une situation particulire, notre situation actuelle, avec des modernits en panne, ensables face un Contemporain arrogant. Que sagit-il alors de continuer ?
La modernit musicale – entendue comme dmarrant avec Schoenberg – vise continuer la beaut musicale dont le classicisme tait lemblme. Pour Schoenberg, continuer la beaut impliquait dinventer un type nouveau de beaut - une beaut moderne – plutt que dabandonner le beau (fut-ce au profit du sublime comme le romantisme lavait tent).
Le Contemporain, lui, a abandonn la notion de beau au profit de la notion dexprience (mais une exprience dont on ne connat jamais les critres de russite ou dՎchec est-elle bien toujours une exprience ? Si exprience = traverse dun danger, encore faut-il trancher in fine si le danger a bien t travers ou si lon y a sombr).
Contemporain opre ici comme nom propre (cf. lart contemporain [2]) et non pas nom commun (comme lorsquon parler de ce qui est contemporain diffrentes pratiques ou penses).
Ce nom propre nat apparemment autour des annes 60 dans les arts plastiques (emblme en France : Art Press [3]).
Sa gnalogie remonte Duchamp.
Traits distinctifs analyser (voir prochaine journe cette saison le 24 mars 2018).
En musique, la gnalogie remonte Cage.
Sommaire du numro 1 dArt Press (dcembre 2 - janvier 1973) :
- Duchamp
- Cage
- Joseph Kosuth (art conceptuel ⟹ Art after Philosophy o il situe la pratique artistique au del du tableau et mme de lobjet )
- Carl Andre (aux pavages drisoires)
- Hans Haacke ( dont la pratique rejoint la sociologie
Nihilisme de lart contemporain : continuons de faire en faisant rien plutt que de ne plus rien faire !
Remarquons au passage quil ne sert
rien de nier le nihilisme car toute ngation du nihilisme sy intgre immdiatement :
o
nier le nihilisme
actif (qui pose vouloir le rien ) verse dans le nihilisme passif
( ne pas vouloir le rien ⟹ ne pas vouloir ) ;
o
nier le nihilisme
passif (qui pose ne rien vouloir ) verse dans le nihilisme actif
( si non pas ne rien vouloir, alors au moins vouloir le
rien ! ).
Le seul rapport dopposition vritable au
nihilisme passe par laffirmation quon peut vouloir quelque chose (la musique,
la mathmatique, la politique mancipatrice, lamour entre les deux sexes).
Pour moi, il sagit de continuer Schoenberg, entendu comme un moderne ayant lui-mme projet de continuer le classicisme.
Il y a donc une hypothse sur la modernit musicale : elle a voulu continuer le classicisme musical en le rvolutionnant par une inflexion radicale. Il sagit aujourdhui de continuer cette modernit, en reprenant ( reprise ) la rvolution quelle a voulu tre par rapport au classicisme.
Ce nest donc pas exactement lhypothse aujourdhui dun no-classicisme (A. Badiou).
Continuer se dit en effet en deux sens : simplement prolonger ou radicalement inflchir (cf. par exemple rvolution par adjonction-extension).
Il sagit pour moi de continuer lautonomie relative de la musique en inventant une autonomie de type nouveau.
On rencontre ici ncessairement Rancire qui critique comme moderniste la conception de la modernit comme autonomie de lart . Son objection tient au fait que lart nest pas indpendant des formations sociales qui rendent possibles de parler dart.
cela, on peut objecter dabord quil sagit ici des arts et non pas de LArt, et donc quil y a diffrentes autonomies des diffrents arts et non pas LAutonomie de lArt.
Ensuite que lautonomie en question est relative et non pas absolue.
Enfin quautonomie ne veut pas dire indpendance.
Il y a donc des autonomies relatives de diffrents domaines artistiques par ailleurs restant bien dpendants des formations sociales et du chaosmos. Autonomie nest pas autarcie ou indpendance. Et ceci est facile penser dans le cadre de la thorie de lՎmergence : un niveau suprieur peut tre relativement autonome du niveau infrieur dont il continue pourtant de dpendre.
Trois manires de rvolutionner un domaine (cest--dire de le transformer globalement – soit de part en part – et radicalement – soit en le dotant dune nouvelle logique) :
- par destruction-reconstruction ;
- par abandon-dplacement ;
- par adjonction-extension.
Cf. trois types de rvolution musicale au XX sicle :
- R ? Srialisme (cf. lecture par Boulez de lopposition Schoenberg-Webern). Ainsi srialisme dodcaphonisme (cf. point de dbat rcurrent avec A. Badiou qui ne les distingue pas).
- E ? Schoenberg : Schoenberg voulait largir la musique tonale, thmatique et mtrique, et non pas la dtruire ou labandonner. Par adjonction de la srie dodcaphonique. Cf. Berg : concerto pour violon
- D ? Ionisation de Varse : abandon des hauteurs dtermines et dplacement de la musique vers le monde des timbres de percussions dlivrs des hauteurs dtermines
Cependant ces trois types ne sont pas ncessairement alternatifs. On peut aussi les combiner en une rvolution quon dira alors R.E.D. :
- Boulez : R. pour tonalit mais E. pour thmatisme
- Pour ma part : R. pour mtre ; E. pour harmonie ; D. pour mtre (⟹ logique du phras et du geste). Autrement dit articuler :
o R. pour expressivit
o E. pour harmonicit
o D. pour discursivit
Indiquons ici un point capital pour comprendre le rle de cette question de la rvolution dans les dbats politiques depuis les annes 60 : tout comme une philosophie de la musique contemporaine [4] doit tre une philosophie contemporaine de la musique, une politique rvolutionnaire, si elle se veut politique de la rvolution, passe ncessairement par une rvolution de la politique – tout lenjeu dune politique maoste est pass par ce point sil est vrai quelle se pense comme une rvolution de type nouveau de la politique : une rvolution R.E.D. articulant une destruction de la forme-Parti et une reconstruction de lorganisation politique, ladjonction de la ligne de masse pour tendre la politique chelle de tout le peuple, labandon de la centralit de figure tatique pour un dplacement de la politique distance de lՃtat .
ce titre, toute une partie de la confrontation politique aux Partis communistes de France et dItalie se jouaient essentiellement sur cette rvolutionnarisation de la politique, de ce que politique voulait dsormais dire. Do la ligne de partage avec les compositeurs militants du PCI qui, comme les nouveaux militants politiques, allaient galement aux usines pour parler aux larges masses ouvrires : sagissait-il alors de se mettre politiquement lՎcole des ouvriers pour traiter ensemble, intellectuels et ouvriers, des questions de rvolution politique dans lusine (rvolution des rapports de production, rvolution du rapport du lieu-usine la politique, rvolution lusine du rapport travail intellectuel-manuel, etc.) ou sagissait-il au contraire, comme les PC le faisaient depuis des dcennies, daller enseigner voir duquer les ouvriers de ce que les intellectuels savaient mieux que les ouvriers (par exemple aller les duquer Schoenberg ou daller leur apprendre les rudiments de lՎconomie marxiste) ? La ligne de partage nՎtait donc pas : aller ou non aux usines ? mais y aller pourquoi ? Pour rvolutionner la politique (en nouant un type nouveau dalliance intellectuels-ouvriers bas sur la politisation des questions de lusine), ou pour y faire propagande sur une suppose politique de la rvolution (codifie comme passage pacifique au socialisme dՃtat) ?
Le plus spcifique de la rvolution de type nouveau est du ct de AE.
Le paradigme sen trouve dans les mathmatiques.
- Si on adjoint un nouvel lment ou un lment de type nouveau, on tend les oprations dans le nouveau monde :
o Poncelet (adjonction des points linfini ⟹ compactification)
o 2 ⟹ extension algbrique des nombres rationnels
o nombres complexes (adjonction de i ⟹ compltude des oprations algbriques)
o analyse non standard (adjonction dun ε ⟹ meilleure diffrentiabilit-continuit)
o gnrique G ⟹ forcing
- Si on adjoint un nouveau type doprations, on tend les lments du nouveau monde :
o Dedekind : coupure
o Conway : paire {ordinal, partie}
Plus largement, il sagit dՎtendre une situation en y adjoignant une Ide !
Marx tend la politique socialiste en adjoignant le proltariat (gnrique) la situation de classes sociales.
Htrophonie comme adjonction dune Ide au monde existant des voix musicales.
On peut soutenir que la polyphonie a tendu la monophonie grgorienne et lantiphonie mdivale par adjonction du contrepoint.
Mais, plus prcisment, adjonction de quoi ?
- de voix de type nouveau (voix htrophoniques : modle = Sequenza III) ;
- doprations de type nouveau, (mme si Coopration, Rivalit et Indiffrence existent dj) ;
- de leur articulation-interaction (plutt quՈ proprement parler de leur nud ).
Htrophonie comme articulation quon dira C.R.I. :
- Coopration polyphonique ;
- Rivalit antiphonique (faudrait-il parler plutt de comptition, de confrontation ?) ;
- Indiffrence juxtaphonique.
Cette articulation C.R.I. est-elle un nud borromen ? Pas sr
Si lon voit bien, par exemple, comment
il peut y avoir antiphonie entre polyphonies juxtaposes, ou juxtaposition
entre antiphonies de polyphonies, il est plus difficile dimaginer une
polyphonie dantiphonies juxtaposes
- Voix bulgares :
https://www.youtube.com/watch?time_continue=6&v=qJRdRVdmq9A
( partir de 215)
- Mon Ricercare htrophonique :
https://www.youtube.com/watch?v=YAx-TRqDWCU&index=10&list=PLfaS0zIQOD6RI_IZCBWgkweT8q4mByj93
Passage du pluriel (polyphonique) au multiple
(htrophonique) : le pluriel est le produit dune unit dun type fixe (homognit),
le multiple est la somme dՎlments de type htrogne
Soit lhtrophonie comme somme (ou colimite) et P comme produit (ou limite) !
En ce sens, lhtrophonie aurait plus voir avec les librations quavec l galit . Or le lien entre les deux peut tre thmatis comme lenjeu de la Fraternisation - la fraternisation comme galisation des librations.
Lhtrophonie serait ainsi comme la fraternisation des librations dans un peuple.
En contrepartie, la forme dune uvre htrophonique serait celle dune runion (runion de voix) !
Voir plus loin limportance de ce thme
de la runion pour le peuple
Penser, cest formaliser ; formaliser, cest penser.
Avec lide de formalisation, il sagit de penser la forme autrement que dans lopposition forme/contenu.
Formalisation =
- penser dynamiquement la forme, comme formation ;
- penser cette formation dans une dialectique trois termes, non deux : une sorte de R.S.I. lacanien.
La dialectique ici compte 4 (entendu comme 3+1, non comme 2*2) : trois termes et leur compte-pour-un.
Cf. Hegel : Si lon tient absolument compter [] la forme abstraite peut tre considre comme quadruple et non comme triple. (Science de la logique, II. 564 – Janklvitch)
Cf. les quatre termes de la double
scission (place, force, subjectif, objectif) et non les trois de lalination
(position, ngation, ngation de l ngation) A. Badiou (Thorie du sujet, 66)
Cf. la musicalit comme articulation de trois dimensions ou trois excs :
Noter que lՎcoute est ici un vide central, un non-ajustement entre trois excs (discursivit, harmonicit, expressivit)
Thorie des modles :
{modle, symbolisation, thorie, interprtation} = formalisation
Renommons :
{situation, symbolisation, forme symbolique, interprtation} = formalisation
Ici situation ≡ ralit (R), forme symbolique ≡ S et symbolisation-interprtation ≡ I
La dynamique est engage par une Ide sur une situation. La penser plus avant pour lui permettre dintervenir sur la situation passe par sa formalisation cest--dire une mise en forme symbolique ouvrant construction formelle puis interprtation intervenante dans la situation de dpart.
Une formalisation est une forme particulire de fiction : faisons comme si lordre symbolique correspondait la situation de dpart par symbolisation et interprtation et voyons ce qui en dcoule.
Formalisation = fiction symbolise, par ex. thorise.
De mme quun signifiant reprsente un signifi pour un autre signifiant, un symbole formel reprsente une chose (dune situation) pour un autre symbole formel. En effet, ce qui diffrencie lordre symbolique de la situation, cest quil y a des rapports explicites denchanement entre symboles alors quil ny a pas prsentation dans la situation des rapports entre ses objets.
z(t)= - ½gt2 +z0
o g, t et z0 reprsentent lacclration du champ de pesanteur, le temps et la hauteur initiale pour z (la hauteur du corps en question).
Tout de mme, dans une partition, une note ( la par exemple) reprsente le jeu du corps-accord affrent pour une autre note ( do par exemple).
Attention : formaliser nest pas ncessairement figurer (si lon appelle ici figures des symboles non arbitraires et semblables – en un certain sens - ce quils signifient). Il peut y avoir des formalisations figuratives mais les formalisations gnralement sont plutt abstraites, arbitraires.
Admettons que formalisation puisse ici quivaloir reprsentation (de la situation de dpart), reprsentation formelle. On dira alors que toute reprsentation nest pas ncessairement figurative.
Formalisation = reprsentation mais par forcment en figures : reprsentation figuration.
Par exemple, mes diagrammes sur thorie/modle (tel celui qui suit) sont une figuration dune reprsentation non figurale (dune reprsentation thorique – en gnrale algbrique, comme pour la seconde loi de Newton - dun modle).
- La perspective comme formalisation symbolique de lespace et de ce qui sy joue.
- Les tableaux italiens (cf. Arasse) qui figurent lAnnonciation lIncarnation cest--dire la descente de linfini dans le fini.
- Que formalise un tableau abstrait (non figuratif) ?
- Que formalise un pome ? Un vnement ?
- Dans la gomtrie algbrique, lalgbre formalise la gomtrie.
- En musique, la partition formalise le corps-accord musical.
Une formalisation tourne autour dun espace vide central. Dans cet espace se joue limaginaire de la fiction mais vont pouvoir se loger dautres fictions, dautres imaginaires.
Cf. il y a manque et excs de la formalisation :
- manque : la formalisation manque la spcificit de la situation. Elle slectionne et structure de faon finie une situation infinie. Do les reproches quon lui fait : elle hirarchise, trie, partage
- excs : elle formalise, sans le savoir, de tout autres situations. Excs donc de raisonances de toute formalisation. Cest du ct de cet excs que va se loger une possible formalisation par la musique de situations non musicales.
(thorme de Lowenheim-Skolem)
Mon hypothse essentielle : une possible formalisation musicale dune question politique ne peut vraiment se raliser que par excs. Cest donc un en-plus indirect. Ce nest pas lide de directement formaliser musicalement une situation politique (cela serait simplement lillustrer dun point de vue sonore). Cest plutt quune formalisation musicale dune situation musicale peut dlivrer, en plus, une formalisation dune situation politique.
Soit : une telle formalisation musicale dun non-musical constitue une raisonance en plus et non pas au principe de la formalisation.
Une formalisation directe, cest une logique de narration, de figuration, de description, de mimtique, avec des symboles devenant des tiquettes (le symbole reprsente la chose en soi et non plus pour un autre symbole) – cf. (mauvaise) musique de film.
Cf. le dbat sur la symbolique chez Bach :
- symbolisation directe (Albert Schweitzer) : chaque mot ou ide du texte, un motif musical. Au passage, dans ce cas, difficile de penser que le motif musical reprsente lide du texte pour un autre motif
- symbolisation indirecte (Charru & Theobald) : cest la structure symbolique, musicalement construite selon une logique musicale, qui peut ensuite sinterprter en-dehors de la musique.
Hypothse : pour mettre en jeu la formalisation musicale (en lisant, jouant ou coutant), il faut tourner autour du vide de la formalisation, mettre en rapport de symbolisation/interprtation des notes et des corps-accords et cette spirale met en jeu une fiction, une imagination qui peut tre alors suractive par des raisonances non musicales – en imaginant des gestes, affects, contenus , histoires non musicaux pour ces ralits musicales.
Hypothse rcapitulative : le vide autour duquel joue la formalisation musicale cre ainsi un espace propice aux raisonances extramusicales.
Hypothse gnrale : peuple masses
Masses = multitude dindividus, de gens
Un peuple (dune situation : dune ville, dun pays) est un collectif de type particulier car une runion de diffrents collectifs et pas seulement de gens individuels.
Cest une des tches de la politique que de constituer un tel type de collectif, de constituer et dorganiser des peuples. Le peuple nest donc pas une donne pour la politique mais un rsultat politique.
Terme central pour la politique, entendue comme quelque chose faire – on fait de la politique et non pas on en discute ou on la commente.
On fait de la politique comme on fait de
la musique, on fait des mathmatiques et on fait lamour.
Il y a la runion politique qui est le cur de lactivit politique.
Et il y a le peuple comme runion politique de diffrents collectifs. Dans ce dernier cas, que veut dire runion ?
Runir suggre un second temps dont unir serait le premier. Mais il sagit non pas dunir nouveau (de r-unir) mais plutt dunir ceux que rien dessentiel ne dsunit.
Ici le premier temps est une union ngative : une absence de dsunion.
Et le second temps – celui de la r-union – est affirmatif : il matrialise laffirmation dont labsence de dsunion tait grosse.
La runion du peuple est la ralisation affirmative de lunit dont les gens et les collectifs taient capables.
Noter : runion union. Une organisation politique doit tre unifie. Un peuple na pas ncessairement besoin politique de lՐtre. Un peuple doit tre runi, ce qui est un peu autre chose.
Sil y a sens parler de fte populaire (Rousseau), cest me semble-t-il en ce sens : la runion affirmative ralise de ceux que rien ne dsunissait.
Le peuple est un tel type de runion entre diffrents groupes, collectifs, voix collectives.
Peuple {voix individuelles}
Peuple = {voix collectives}
Lenjeu de cela, cest la politique tendue aux masses.
Cf. quatre dimensions affirmatives du communisme :
1) mise en commun (contre proprit prive) ;
2) travail polymorphe (contre division sociale du travail) ;
3) politique par tous, pour tous, de tous (contre politique tatique) ;
4) internationalisme entendu comme pense politique chelle de toute lhumanit (contre politique identitaire chelle de nations).
La question des peuples – de la constitution de peuples – intervient plus directement
- au point 3 : politique pour tous = constitution politique dun peuple (et non pas donne a priori, naturelle, ou sociale) ;
- au point 4 : il y a des peuples, lhumanit est faite de diffrents peuples.
O lon va retrouver nos deux points :
- un peuple est une voix htrophonique ;
- lhumanit est une htrophonie de peuples, cest--dire de voix htrophoniques.
Hypothse : formalisation par excs, formalisation latrale et pas centrale.
Il ne sagit pas de composer une musique qui formalise directement un peuple : cela serait une musique descriptive, non autonome, narrative, illustrative (mauvaise musique de film).
Cest plutt une formalisation musicale qui se trouver marcher aussi pour un peuple donn.
Il y en a aussi dans les mathmatiques :
- en thorie de lintgration :
- en thorie des nombres :
relations
de coopration polyphonique entre rationnels et rels, entre rels et
surrels ;
relations
de rivalit antiphonique entre complexes et surrels.
Cf. C.R.I. = diffrents types de diffrences quon doit retrouver dans un peuple :
- diffrences internes une coopration ;
- diffrences de rivalit, de comptition sportive, de confrontation (ex : entre frres, dans une fratrie) autolimites (saine adversit non antagonique) ;
- diffrences dindiffrence.
Importance de lautolimitation de la rivalit ou de la confrontation dans le peuple, et cette autolimitation est affaire de justice sil est vrai que pratiquer la justice, cest articuler trois pratiques :
1. celle du courage,
2. celle de lintelligence,
3. celle de lautolimitation.
Jinsiste sur le faire plutt que le dfinir pour valoriser lintriorit subjective plutt que lextriorit objectivante : la pratique plutt que la dfinition, lintellectualit pensive plutt que la philosophie rflexive.
Donc ici, je ne donne pas une dfinition (philosophique ou politique) de la justice.
Je caractrise ce que cest que se tenir dans la justice. La justice existe mesure du fait quon peut la pratiquer.
Pour quel peuple alors, en quelle situation ?
Ex.
- musique bulgare : quel peuple formalise-t-elle ?
- la musique de mon Ricercare htrophonique formalise quel type de peuple ?
Tout le point est l.
Donc pour formaliser musicalement une situation politique, il faut lobtenir par ricochet, indirectement, comme un cadeau gracieux dune formalisation en manque-excs de prcision et de spcification, par clinamen inattendu.
Cela veut dire que la musique en question doit tre autonome, tenir par elle-mme. Elle ne saurait tre descriptive, imitative, narrative.
Reste alors la difficile question de lantagonisme politique :
- lantagonisme est essentiel la politique ;
- la musique – spcifiquement luvre musicale – ne connat pas lantagonisme (cf. expos lanne dernire : une uvre ne peut se sparer en deux camps se battant mort pour la destruction de lautre, ce serait une autodestruction de luvre, son suicide).
Comment une musique ignorant lantagonisme pourrait-elle formaliser une situation politique o lantagonisme est central et structurant ?
Cf. une politique sans antagonisme est un agonisme inluctablement tatique, institutionnel, parlementaris, dmocratique (cf. C. Mouffe !)
Cf. la politique dont on a esquiss quatre objectifs stratgiques lve des ennemis.
Mais lantagonisme politique nest pas le jeu dun Nous/Eux (C. Mouffe) car ce nest pas lopposition de deux communauts. La politique, cest politique contre politique, Ide contre Ide, orientation contre orientation (et non pas Nous/Eux, car le Nous comme le Eux sont subordonns lantagonisme des Ides politiques en jeu).
Lantagonisme est entre politiques : ce nest pas seulement une contrarit (incompatibilit) mais bien une contradiction forte (cest lune ou lautre, sans chappatoire politique ; donc la ralisation de lune dtruit lautre).
Car la politique, cest la transformation du monde, de lhumanit.
Donc la construction politique dun peuple est antagonique la construction politique dun camp ennemi.
Cela, la musique ne le connat pas.
Elle connat certes les subjectivits de lantagonisme (rvolte, colre, soulvement, courage) mais pas lantagonisme comme tel : sil sagit de doter lennemi dune musique spcifique, cette musique doit rester une bonne musique pour tre intgre dans la mme uvre (et non pas conduire la confrontation de deux pices de musique : lune belle et subtile, lautre barbare et arrire).
Lhtrophonie peut-elle formaliser un peuple ? Plus gnralement, une uvre musicale peut-elle formaliser quelque chose qui concerne directement la politique, quelque chose de politique ?
La rponse sera clairement : Non !
Lhtrophonie peut voquer la runion dun peuple, une musique peut voquer quelque chose qui touche la politique mais ni lune ni lautre ne sauraient au sens propre formaliser quelque chose de politique ; tout au plus peuvent-elles se proposer de le figurer, de lillustrer, de le raconter mais ceci sera alors immanquablement aux dpens de la musique elle-mme puisque celle-ci se sera alors dpouille de sa vraie puissance formalisatrice et de son autonomie (relative).
La musique voque en jouant latralement, indirectement du vide central qui lanime – celui-l mme que lՎcoute proprement musicale met en uvre, entre partition et corps-accord, vide constitu par la propre formalisation immanente de la musique.
Lhtrophonie pourra donc voquer, par sa propre constitution collective, la runion dun peuple mais elle ne saurait formaliser sa constitution proprement politique (et non pas sociale ou culturelle) dans lantagonisme dune politique contre une autre politique.
***
[1] masculin/fminin/neutre (+ picne)
[2] Wikipedia :
L' art contemporain dsigne
— de faon gnrale et globale — l'ensemble des uvres
produites depuis 1945 nos jours, et ce quels qu'en soient le style et
la pratique esthtique mais principalement dans le champ des arts plastiques.
Dans cette classification, l'art contemporain succde l'art moderne
(1850-1945).
En France,
l'expression art contemporain est aussi utilise —avec un
sens plus restreint — pour dsigner les pratiques esthtiques et
ralisations d'artistes revendiquant une avance dans la progression des
avant-gardes et une transgression des frontires entre les domaines
artistiques (dpassant la frontire de ce que le sens commun considre
comme tant de l'art, c'est--dire les arts plastiques, en exprimentant le
thtre, le cinma, la vido, la littrature), ou une transgression des
frontires de l'art telles que les conoivent l'art moderne et l'art classique .
On parle aussi
d'art contemporain pour dsigner — par convention — l'art des
annes 1960 et d'aprs. Le pop art marquerait, de ce fait, une rupture par
rapport l'art moderne.
[3] Wikipedia :
Art Press
est une revue mensuelle internationale de rfrence dans le monde de l'art contemporain.
Son premier numro est sorti en dcembre 1972 - janvier 1973.
Dans son roman autobiographique, La Vie sexuelle de Catherine M., Catherine Millet explique que la fondation de la revue et l'acquisition de son indpendance financire sont largement lies sa constitution individuelle, elle aussi marque par l'indpendance d'un esprit libre.
[4] contemporain entendu ici au sens commun