Une recherche musicale, et ses Žchos mathŽmatiques : lÕhŽtŽrophonie

(Instruments of Algebraic Geometry [1], Bucarest, septembre 2017)

 

[in english]

 

Franois Nicolas, compositeur

 

Description : Macintosh HD:Users:francoisnicolas:Desktop:BUCAREST:Conférence sur l'hétérophonie:Algebraic Geometry - score.jpeg

 

Vous mÕoffrez aimablement la possibilitŽ de parler de musique devant un public de chercheurs en mathŽmatiques. Je voudrais saisir cette occasion pour vous parler dÕune recherche en musique.

Je voudrais ˆ cette occasion prŽciser deux choses :

-       les spŽcificitŽs de la recherche musicale, en particulier par rapport ˆ la recherche mathŽmatique ;

-       comment une recherche musicale spŽcifique – celle que je mne sur la notion dÕhŽtŽrophonie (vous pourrez, dimanche prochain, venir Žcouter mon Ricercare hŽtŽrophonique [2] qui met en Ļuvre cette notion) -  est susceptible de rŽsonner du c™tŽ de la mathŽmatique.

Recherche(s)

Au principe de cet exposŽ, il y a dÕabord lÕhypothse quÕil y a bien recherche en musique.

JÕentends ici le mot recherche en un sens fort : il ne sÕagira pas ici de la simple recherche dÕun thme musical par un compositeur (on trouve un bon exemple de ce type de recherche dans les cahiers dÕesquisses de Beethoven), de la simple recherche dÕun phrasŽ par un interprte (pensez ˆ lÕexploration instrumentale de Glenn Gould ou des baroqueux), ou mme de la recherche dÕun livret susceptible de porter un opŽra (pensez ˆ Wagner ou Schoenberg). En bref, il ne sÕagira pas de ce type limitŽ de recherche musicale qui sՎpuise dans une Ļuvre donnŽe.

Je voudrais vous parler dÕune recherche plus globale, susceptible dÕembrasser plusieurs Ļuvres musicales, une recherche configurant un projet compositionnel de vaste dimension, une recherche nŽcessitant un entrelacement entre pratique compositionnelle et ce que jÕappelle intellectualitŽ musicale (cÕest-ˆ-dire une formulation, dans la langue ordinaire – celle-lˆ mme que je vous parle – des enjeux musicaux) ; pour le dire simplement : une recherche qui articule pratique et thŽorie musicales sur une grande Žchelle.

La diffŽrence, en musique, entre la recherche Žtroite (dÕun thme, dÕun phrasŽ ou dÕun livret) et la recherche globale dÕune nouvelle orientation compositionnelle peut se comparer ˆ la diffŽrence, en mathŽmatique, entre la recherche Žtroite dÕun encha”nement dŽmonstratif particulier et la recherche globale dÕune nouvelle thŽorie – jÕy reviendraiÉ

Certes, vous savez mieux que moi que ces deux dimensions de la recherche mathŽmatique ne sont pas sans rapports (dŽmontrer un encha”nement donnŽ peut nŽcessiter une nouvelle thŽorie, et pas de nouvelle thŽorie globale sans inventions dŽmonstratives locales) mais elles fixent les deux p™les entre lesquels chaque recherche effective doit apprendre ˆ circuler.

Ainsi, en musique comme en mathŽmatiques, une recherche globale associera thŽories et modles, hypothses et expŽriences, intuitions et vŽrifications. Plus spŽcifiquement, comme je lÕai indiquŽ, une recherche musicale dÕampleur associera composition et intellectualitŽ, Ļuvres et textes, Žcriture et Žcoute.

Je parle ce faisant de recherche compositionnelle, et jÕexclus donc ici la recherche musicologique tout autant que la recherche technologique (telle celle, fort intŽressante au demeurant, qui se mne ˆ Paris ˆ lÕIrcam comme dans dÕautres centres de recherche Žquivalents du monde entier).

 

Aprs ce petit rapprochement entre recherches musicale et mathŽmatique, un bref mot sur leurs diffŽrences.

 

Comme vous vous en doutez, lÕopposition entre recherches compositionnelle et mathŽmatique porte sur les critres de validation pour les rŽsultats de la recherche en question : la musique ne dispose pas dÕun Žquivalent de la dŽmonstration mathŽmatique, la musique ne produit pas ses propres thŽormes, et on ne saurait mme pas dire quÕelle produit ses propres conjectures (sÕil est vrai quÕen mathŽmatiques, les ŽnoncŽs des conjectures et des thŽormes sont en tous points Žquivalents [3], les premiers ne se distinguant des seconds que par le fait quÕils sont en attente de validation dŽmonstrative ou de rŽfutation).

En musique, mme un chef dÕĻuvre ne vaut pas dŽmonstration musicale, et un morceau de musique nÕest donc pas une conjecture attendant dՐtre reconnue comme chef dÕĻuvre pour valoir dŽmonstration musicale. En vŽritŽ, la musique [4] ne conna”t pas de dŽmonstrations.

Les critres de validation de la recherche musicale sont donc plut™t ˆ rechercher ailleurs :

-       DÕune part du c™tŽ dÕune certaine rŽussite pratique : les Ļuvres produites Ē marchent Č-elles musicalement ? Mais que veut exactement dire ici Ē marcher Č ? Les musiciens ne sÕaccordent pas sur ce terme (comme les mathŽmaticiens peuvent sÕaccorder sur celui de Ē dŽmontrer Č).

-       DÕautre part du c™tŽ dÕune certaine productivitŽ : les idŽes mises en Ļuvre sont-elles musicalement stimulantes ? Mais, lˆ encore, la stimulation ne sera pas la mme pour tous les compositeurs et le critre de productivitŽ ne sera donc pas massivement partagŽ par les musiciens.

En vŽritŽ, derrire cette question des critres proprement musicaux, rode la grande question de la beautŽ : la beautŽ musicale constitue-t-elle toujours un critre de validation dÕune expŽrience compositionnelle, quitte alors ˆ se partager sur ce que beautŽ musicale veut exactement dire ?

Or le point aujourdÕhui est quÕil nÕy a plus accord entre musiciens sur la notion de beautŽ comme critre de rŽussite compositionnelle. On peut mme soutenir que le contemporain se dŽtache du moderne en ce point prŽcis : lˆ o le moderne (disons, en musique, ˆ partir de Schoenberg) visait ˆ reprendre au classicisme le flambeau de la beautŽ pour fonder une beautŽ spŽcifiquement moderne [5], le contemporain (disons, en musique, ˆ partir de 1968 [6]) dŽqualifie lÕopposition beautŽ/laideur pour promouvoir les notions de novation et de crŽativitŽ : une expŽrience musicale sera ainsi jugŽe comme novatrice et donc intŽressante, ou comme acadŽmique et donc inintŽressante, mais le critre de beautŽ ne sera plus tenu pour pertinent.

On peut pourtant soutenir que la beautŽ constitue la forme proprement artistique de la vŽritŽ : ainsi, en art, le nom de la vŽritŽ est beautŽ. RŽcuser le critre de la beautŽ pour lÕexpŽrience musicale contemporaine Žquivaudrait alors ˆ rŽcuser le critre de la vŽritŽ pour lÕexpŽrience scientifique – vous pressentez lÕampleur du basculement idŽologique ainsi opŽrŽ du moderne vers le contemporainÉ

Ce basculement idŽologique a pour consŽquence que toute recherche compositionnelle devient aujourdÕhui ipso facto une recherche sur les critres mmes de ce que composition musicale veut encore dire (lÕidŽologie du contemporain, ici, promeut – contre le moderne - la performance contre lÕinterprŽtation, lÕouverture des nouvelles inscriptions contre la fermeture des anciennes partitions, la mobilitŽ entre les pratiques artistiques contre la fixitŽ des dŽlimitations entre diffŽrents mondes artistiquesÉ).

Ma propre recherche sur la notion dÕhŽtŽrophonie sÕinscrit dans un tel contexte idŽologique : elle se veut une tentative de relancer la modernitŽ musicale, de reprendre les questions compositionnelles laissŽes en jachre ˆ la fin du sŽrialisme (grosso modo ˆ partir du tournant des annŽes 60) contre une figure nihiliste du contemporain qui voudrait sÕimposer comme seule actualitŽ inventive.

 

Venons-en maintenant ˆ la figure plus concrte de cette recherche compositionnelle qui est la mienne depuis quelques annŽes.

Une recherche compositionnelleÉ

Partons pour cela dÕune citation de Pierre Boulez, prŽlevŽe dans les dernires pages (Žcrites en 1960 [7]) de Penser la musique aujourdÕhui :

Ē On a confondu un peu vite, ˆ mon sens, une non-homogŽnŽitŽ des voix avec lÕabandon dÕun des principes les plus riches de la musique occidentale : deux, ou plusieurs ŅphŽnomnesÓ Žvoluant indŽpendamment lÕun de lÕautre, sans cesser dÕobserver entre eux une responsabilitŽ de tous les instants. LÕon devra ainsi concevoir la transformation de la notion de voix, non pas envisager son abolition, qui annihile un des domaines les plus importants de la dialectique de composition. Č

Boulez, ce faisant, oriente la composition musicale selon trois propositions :

1.     La composition doit continuer (plut™t quÕabolir) le principe ancestral de responsabilitŽ musicale entre Žvolutions indŽpendantes.

2.     Pour ce faire, la composition doit Žtendre ce principe de responsabilitŽ ˆ des Žvolutions non-homognes.

3.     Cette extension passe par une transformation (plut™t quÕune abolition) de la vieille notion de voix.

RŽsumons ceci dans le programme suivant : la dialectique de composition doit reprendre [8] lÕantique responsabilitŽ musicale entre voix indŽpendantes en lՎtendant ˆ des voix hŽtŽrognes, ce qui passe alors par une transformation de lÕantique notion de voix.

Ce programme sÕoppose alors explicitement ˆ un programme (quÕon dira Ē contemporain Č) qui prŽfre purement et simplement abandonner la notion de coresponsabilitŽ [9] et abolir la notion de voix musicale.

 

Incidente - On peut distinguer trois manires de rŽvolutionner un domaine donnŽ [10] :

1.     une rŽvolution par destruction puis reconstruction – cÕest, en politique, le paradigme des rŽvolutions insurrectionnelles (de la RŽvolution franaise ˆ la rŽvolution russe de 1917), dŽtruisant un ƒtat donnŽ pour reconstruire ˆ la place un ƒtat dÕun type nouveau ;

2.     une rŽvolution par abandon puis dŽplacement – cÕest, en politique, le paradigme des Ē zones libŽrŽes Č (des soulvements antiesclavagistes [11] ˆ une longue sŽquence de la rŽvolution chinoise [12]) ;

3.     une rŽvolution par adjonction-extension – le paradigme sÕen trouve cette fois dans la mathŽmatique [13] (voir par exemple lÕextension des nombres rationnels aux nombres rŽels par adjonction des coupures de Dedekind).

On peut indiquer que la modernitŽ musicale a expŽrimentŽ sŽparŽment ces trois types de rŽvolution : respectivement avec Boulez [14], Pierre Schaeffer [15] et Schoenberg [16].

Indiquons Žgalement quÕon peut soutenir quÕune rŽvolution de type nouveau devrait ambitionner de combiner ces trois types plut™t que de les tenir pour incompatibles entre eux ou de les pratiquer sŽparŽment [17].

 

Reformulons alors lÕorientation suggŽrŽe par Boulez pour mieux esquisser notre programme de recherche : il sÕagit dՎtendre la polyphonie (celle qui pratique exemplairement la responsabilitŽ collective) par adjonction de nouveaux types de configurations vocales.

Dans tout cet exposŽ, il faut entendre par voix musicale non pas nŽcessairement une voix physiologique (celle dÕun corps humain, chantant ou parlant) mais toute partie musicale apte ˆ sÕarticuler, phraser et ponctuer par elle-mme (de manire autonome donc) – disons : toute partie musicale qui discourt [18] ; on parlera ainsi dÕune fugue ˆ quatre voix (qui pourra tre alors jouŽe par un seul instrument), mais aussi dÕune voix mŽlodique ou rythmique dialoguant avec une harmonie orchestrale, etc.

Bref, la voix musicale est une notion discursive et nullement physiologique.

Configurations vocales

De quels types de configurations vocales [19] disposons-nous en musique ? Essentiellement de cinq.

 

1.     Il y a la monophonie ou configuration faite dÕune seule voix – cÕest lˆ notre singleton.

 

2.     Il y a ensuite lÕhomophonie ou configuration faite de plusieurs voix identiques cÕest-ˆ-dire jouant toutes la mme chose – exemplairement les deux moments cruciaux dans Wozzeck o tout lÕorchestre converge sur un mme Ē si Č - cÕest lˆ notre Un.

Exemples musicaux dÕhomophonie : Nabucco / Wozzeck [voir annexes]

 

3.     Il y a ensuite lÕantiphonie ou configuration opposant deux voix lÕune ˆ lÕautre, soit simultanŽment, soit en alternance – voir les antiques RŽpons, le contraste refrain/couplets, etc. – cÕest lˆ notre 1+1=2.

 

4.     Il y a Žgalement la polyphonie ou configuration faite de plusieurs voix diffŽrentes (elles ne jouent pas la mme chose) mais coopŽrant ˆ la mme rŽalisation globale – cÕest exemplairement le cas des diffŽrentes voix dÕun choral ou dÕune fugue – cÕest lˆ notre pluriel.

 

5.     Il y a enfin la cacophonie ou configuration faite de voix anarchiquement entassŽes et rivalisant tendanciellement les unes avec les autres – cÕest par exemple le cas de lՃpode de Chronochromie (Messiaen, 1959-1960) [20] - cÕest lˆ notre pur multiple.

On distingue ce faisant le pluriel - rŽpŽtition dÕun mme type de terme (1+1+1+1É) - et le multiple -  simple entassement de termes aux types disparates. Ainsi, le pluriel mobilise le semblable et le multiple lÕhŽtŽrogne - par exemple deux voix tonales seront dissemblables si elles ne partagent pas la mme tonalitŽ et deux voix seront hŽtŽrognes si par exemple lÕune est tonale et lÕautre dodŽcaphonique.

Exemple musical de cacophonie : Chronochromie [voir annexes]

 

RŽsumons : la musique conna”t lÕunicitŽ de la monophonie, lÕunitŽ de lÕhomophonie, la dualitŽ de lÕantiphonie, la pluralitŽ de la polyphonie et la multiplicitŽ de la cacophonie.

Nous pouvons schŽmatiser ces cinq configurations vocales de la manire suivante :

 

 

Ce faisant, nous formalisons ainsi des oppositions et des encha”nements qui structurent nos cinq configurations vocales mais en vŽritŽ, se dessine lˆ une figure logique bien connue [21] : celle dÕun hexagone des oppositions qui nous indique en creux lÕexistence (tout en bas) dÕun sommet ici absent faisant opposition forte avec la cacophonie.

CÕest ce sommet que nous allons adjoindre ˆ notre dispositif : appelons-le (dÕun nŽologisme) juxtaphonie [22] - quÕil suffise dÕentendre rŽsonner ici la notion de collage pour suggŽrer le type de collectifs vocaux ainsi dŽsignŽs (voir par exemple Charles Ives ou Bernd Alois Zimmermann).

Nous pouvons ainsi schŽmatiser lÕhexagone suivant (qui va cette fois formaliser diffŽrents types de rapports qualitatifs entre voix plut™t que diffŽrentes quantitŽs de voix) :

 

 

CÕest le jeu mme de cet hexagone dans son ensemble que nous proposons dŽsormais dÕappeler hŽtŽrophonie. On lÕindexera alors ˆ une logique gŽnŽrale de coexistence sÕil est vrai que la musique ne conna”t pas lÕantagonisme ˆ proprement parler et que lÕhŽtŽrophonie vise ˆ compossibiliser les diffŽrents types de rapports non antagoniques entre voix [23].

 

Avant de justifier le nom hŽtŽrophonie globalement donnŽ ˆ cet hexagone, examinons les propriŽtŽs logiques de cet hexagone des oppositions.

-       LÕhexagone repose sur trois sommets formalisant trois logiques collectives incompatibles deux ˆ deux : la polyphonie porteuse dÕune coopŽration (entre les diffŽrentes voix rassemblŽes), lÕantiphonie porteuse dÕune rivalitŽ entre elles et la juxtaphonie porteuse dÕune indiffŽrence.

-       Chaque paire issue de ces trois sommets configure un sommet dÕun autre type qui formalise respectivement lÕinteraction entre diffŽrentes voix (interaction commune ˆ la coopŽration polyphonique et ˆ la rivalitŽ antiphonique [24]), la non-coopŽration (commune ˆ la rivalitŽ antiphonique et ˆ lÕindiffŽrence juxtaphonique [25]) et la non-rivalitŽ (commune ˆ lÕindiffŽrence juxtaphonique et ˆ la coopŽration polyphonique [26]).

-       Ces trois nouveaux sommets sont en rapport logique de subcontrariŽtŽ (globalement incompatibles, ils restent compatibles deux par deux). Ils figurent nos trois configurations vocales restantes : la cacophonie prise comme emblme [27] de lÕinteraction entre diffŽrentes voix, lÕhomophonie comme emblme de la non-rivalitŽ [28] et la monophonie comme emblme de la non-coopŽration [29].

-       Chacun des six sommets est en contradiction forte [30] avec son symŽtrique [31] : il faut choisir entre coopŽration polyphonique et non-coopŽration (exemplairement monophonique), entre rivalitŽ antiphonique et non-rivalitŽ (exemplairement homophonique), entre indiffŽrence juxtaphonique et interaction (exemplairement cacophonique).

Au total, notre formalisation distingue classiquement :

-       deux types de sommets : les Ē produits Č [32] inscrits en bleu dans un rectangle blanc et les Ē sommets Č inscrits en vert dans un ovale gris ;

-       trois types dÕopposition entre sommets : les contradictions (en rouge) entre un Ē produit Č et une Ē somme Č, les contrariŽtŽs (en bleu) entre Ē produits Č et les subcontrariŽtŽs (en vert) entre Ē sommes Č [33] ;

-       un type dÕimplication entre sommets (flches en noir dÕun Ē produit Č vers une Ē somme Č) – par exemple : Ē si coopŽration, alors interaction et/ou non-rivalitŽ ČÉ

Ē HŽtŽrophonie Č

De quoi hŽtŽrophonie est-il ici le nom ?

HŽtŽrophonie vient ici nommer une propriŽtŽ remarquable de cet hexagone logique des oppositions : sa structure de nĻud borromŽen - cÕest le mathŽmaticien RenŽ Guitart qui lÕa dŽgagŽe [34]. Ceci veut dire que coopŽration, rivalitŽ et indiffŽrence (ou polyphonie, antiphonie et juxtaphonie) peuvent se nouer deux ˆ deux par le jeu du troisime.

CÕest trs exactement cette propriŽtŽ globale dÕentrelacement borromŽen que je propose dÕappeler hŽtŽrophonie.

LÕhŽtŽrophonie sera donc ici dŽfinie comme ce nouveau type global de collectivisation vocale qui tresse (borromŽennement) coopŽration polyphonique, rivalitŽ antiphonique et juxtaposition indiffŽrente entre voix de tous types.

Ainsi lÕhŽtŽrophonie est lÕentrelacement de collectifs de types diffŽrents. Elle dŽsigne donc un Collectif global fait de sous-collectifs - dÕo sa raisonance avec lÕidŽe politique de peupleÉ

Un exemple musical, intŽressant et inattendu, dÕune telle hŽtŽrophonie peut tre trouvŽ dans le discours du Buisson ardent intervenant au tout dŽbut de Mo•se et Aaron.

Exemple dÕhŽtŽrophonie parlŽ/chantŽ : le Buisson ardent

Exemple singulier dÕune voix hŽtŽrophonique : Sequenza III

Exemple dÕhŽtŽrophonie improvisŽe dans le jazz : Art Ensemble of Chicago [35]

[voir annexes]

 

Pour fixer pŽdagogiquement les idŽes, avanons ces deux matrices minimales dÕhŽtŽrophonie, qui assemblent de manires variŽes (simultanŽment et successivement) diffŽrents types de collectifs vocaux (ou phonies) :

                                   

 

Voici un exemple dÕune telle hŽtŽrophonie, extrait de mon Ricercare hŽtŽrophonique :

Description : Macintosh HD:FRANçOIS:ÉCRITS:HÉTÉROPHONIE:Pour Mélotonia:Images:Ricercare.jpg

Description : Macintosh HD:FRANçOIS:ÉCRITS:HÉTÉROPHONIE:Pour Mélotonia:Images:Ricercare-piano.jpg

(juxtaphonie entre les cordes & antiphonie avec le piano)

 

Ce faisant, je propose donc dÕentendre hŽtŽrophonie au sens fort dÕun nouveau type de discours musical.

LÕenjeu de lÕhŽtŽrophonie, on lÕa vu, est de nouer ou dÕentrelacer diffŽrentes configurations vocales hŽtŽrognes – on pourrait dire : diffŽrentes discursivitŽs musicales hŽtŽronomes. Mais il sÕagit, ce faisant, de produire un ensemble vocal qui affirme un nouveau type dÕunitŽ globale entre ses diffŽrentes configurations vocales et non pas qui se contente dÕune juxtaphonie ou dÕune cacophonie de diffŽrentes polyphonies. Le nom formel de ce nouveau type hŽtŽrophonique dÕunitŽ est nĻud ; son nom musical est discours. On dira donc que lÕenjeu de ce nouage va rŽsider dans sa capacitŽ ˆ composer un nouveau type de discours : un discours hŽtŽrophonique, qui ne saurait se limiter ˆ tre une hŽtŽrophonie de diffŽrents discours.

Dans lÕexemple donnŽ ci-dessus, il sÕagit donc que lÕensemble composŽ des deux interventions successives des cordes et de lÕintervention simultanŽe du piano fasse bien au total Ē un Č discours musical (en un sens nouveau, Žlargi, du mot discours) et ce, par-delˆ la disparitŽ des trois propos ainsi rapportŽs.

Pour donner deux Žquivalents politiques de cette question :

-       il sÕagit de savoir sÕil est lŽgitime de continuer de parler de Ē la Č rŽvolution chinoise (1927-1949) une fois identifiŽs les trois types de rŽvolution quÕelle a combinŽs (successivement ou par superposition partielle) : lÕun dÕabandon-dŽplacement, lÕautre de destruction-reconstruction, le troisime dÕadjonction-extension ;

-       il sÕagit Žgalement dՐtre capable de penser lÕexistence collective dÕun peuple non pas comme simple collectif dÕindividus (la masse sŽrialisŽe de Sartre dans Critique de la raison dialectique) mais comme unitŽ politique dÕun type nouveau entre diffŽrents collectifs de masse (ouvriers, paysans, femmes, jeunesÉ).

Donnons dÕautres images de ce que Ē discours hŽtŽrophonique Č peut vouloir dire :

-       le discours sonore dÕune ville tel que peru dÕune fentre ou dÕun point en surplomb ;

-       le discours dÕune large manifestation dŽfilant sous votre fentre ;

-       le discours dÕune Žcole de pensŽe (philosophique, musicale, politique et idŽologique)É

 

Tel est donc lÕenjeu formalisŽ de la recherche compositionnelle en question.

 

Qui dit formalisation de la recherche dit crŽation de Ē modles Č compositionnels pour cette thŽorie formelle de lÕhŽtŽrophonie – cÕest lˆ lÕenjeu des compositions musicales qui nourrissent concrtement cette recherche. Avant dÕy revenir, quelques mots sur dÕautres usages du terme hŽtŽrophonie dans le champ musical.

Le sens que je donne ˆ lÕhŽtŽrophonie se dŽmarque considŽrablement de lÕusage musicologique traditionnel donnŽ ˆ ce terme. Celui-ci vient de lÕethnomusicologie qui nomme ainsi une sorte dÕhomophonie approximative [36] – lorsque de vastes groupes de musiciens jouent vaguement ˆ lÕunisson. Ici, le prŽfixe hŽtŽro ne nomme plus lÕaltŽritŽ en tant quÕelle sÕoppose au mme (homo) de lÕhomogŽnŽitŽ mais dŽsigne une altŽritŽ dans une homogŽnŽitŽ, une altŽration localisŽe dÕune homogŽnŽitŽ globale [37]. Les deux sens dÕhŽtŽrophonie – le sens ethnomusicologique et le sens compositionnel que je lui donne – sont donc radicalement hŽtŽrognes.

Exemple musical : lÕhŽtŽrophonie au sens ethnomusicologique [voir annexes]

 

Je vous ai prŽsentŽ ma recherche musicale en privilŽgiant son abord formalisŽ, en particulier en privilŽgiant une forme dŽductive de la formalisation mobilisŽe. Mais il sÕagit bien sžr lˆ dÕune prŽsentation rhŽtorique des premiers rŽsultats, nullement dÕun compte rendu chronologique de la recherche en question.

En fait, lÕidŽe dÕhŽtŽrophonie, telle que clarifiŽe par la formalisation ici esquissŽe, sÕest avŽrŽe pour moi tre depuis toujours dŽjˆ ˆ lÕĻuvre dans mon travail compositionnel si bien que la recherche en question se rŽvle une mise au jour dÕhypothses intuitivement prŽexistantes.

Ds mes premires compositions, lÕintŽrt latent pour cette hŽtŽrophonie que je nÕai su nommer quÕil y a peu Žtait dŽjˆ lˆ : par exemple dans Deutschland (Ļuvre dÕil y a trente ans). Et je puis dŽsormais retracer une grande partie de mon Īuvre de compositeur en suivant le fil rouge de cette idŽe.

Je ne le ferai pas ici mais finalement cette formulation tardive dÕune intuition toujours dŽjˆ ˆ lÕĻuvre  validerait lÕhypothse bien connue selon laquelle on nÕaurait jamais dans toute sa vie quÕune seule vraie idŽe !

 

Exemple musical : cadence de Duelle (2001)

Exemple musical : Instress (2007)

Exemple musical : HŽtŽrophonie presto (2016)

[voir annexes]

Raisonances

Pour souligner ce point, je vous confierai mme que jÕai rŽcemment compris que toute ma vie personnelle et individuelle avait ŽtŽ guidŽe par ce principe de lÕhŽtŽrophonie sÕil est vrai que, depuis des dizaines dÕannŽes maintenant, je mne une vie enchevtrant six voix simultanŽes, tant™t polyphoniquement unifiŽes, tant™t antiphoniquement rivales, tant™t indiffŽremment juxtaposŽes, une vie quÕon peut donc dire Ē hŽtŽrophonique Č puisquÕelle entrelace une survie quotidienne (travail salariŽ et t‰ches quotidiennes), une vie de parent (ˆ la nombreuse progŽniture), une vie dÕamant, une vie de militant, une vie de musicien et une vie dÕintellectuel (qui sÕintŽresse par exemple aux mathŽmatiquesÉ).

 

JÕai dŽjˆ suggŽrŽ les rŽsonances de cette notion dÕhŽtŽrophonie en matire politique.

JÕindique ˆ ce propos que jÕorganise ˆ Paris en mai prochain [38] une semaine-anniversaire des cinquante ans de Mai 68 qui sÕintitulera prŽcisŽment HŽtŽrophonies/68 : son seul titre souligne les raisonances de la notion dÕhŽtŽrophonie avec lÕexubŽrance de la pensŽe collective libŽrŽe lors de ce soulvement historique.

 

Mais je voudrais conclure cette intervention en vous indiquant comment cette mme notion dÕhŽtŽrophonie pourrait Žgalement concerner certains aspects de la recherche mathŽmatique.

Je voudrais pour cela interroger la dimension hŽtŽrophonique de deux thŽories mathŽmatiques : en analyse, la thŽorie de lÕintŽgration et en arithmŽtique, la thŽorie des extensions de nombres.

ThŽorie de lÕintŽgration

On distingue classiquement trois temps dans la thŽorie de lÕintŽgration, trois temps qui ont dŽposŽ trois conceptions diffŽrentes de lÕintŽgration indexŽes de trois noms propres : Riemann, Lebesgue et Kurzweil-Henstock.

Description : Macintosh HD:Users:francoisnicolas:Desktop:BUCAREST:Conférence sur l'hétérophonie:Briend.jpg

Comme lÕon sait, ces trois thŽories de lÕintŽgration sont pour partie compatibles, voire complŽmentaires (Kurzweil-Henstock en un sens Ē complte Č Riemann par lÕintroduction dÕune jauge sur lÕaxe des abscisses), pour partie rivales (Riemann et Lebesgue Ē rivalisent Č quant ˆ lÕaxe dÕintŽgration privilŽgiŽ : abscisses ou ordonnŽes ?). Ne pourrait-on alors considŽrer lÕentrelacement de ces trois Ē voix Č mathŽmatiques comme configurant, au total, une conception hŽtŽrophonique de lÕintŽgration ?

Ceci pourrait alors se diagrammatiser de la manire suivante :

ThŽorie des nombres

Prenons maintenant la thŽorie arithmŽtique des nombres qui procde par extensions successives ˆ partir des nombres entiers - disons , , , , .

Diagrammatisons cela de manire un peu plus dŽtaillŽe :

Ne voit-on pas, lˆ aussi, la manire dont une vaste thŽorie, se dŽveloppe hŽtŽrophoniquement en jouant simultanŽment de diffŽrentes configurations numŽriques qui entretiennent entre elles des rapports variŽs ?

-       des rapports de coopŽration polyphonique (pour passer, par exemple, des rationnels aux rŽels par les coupures de Dedekind)

-       ou des rapports de rivalitŽ antiphonique (selon que lÕon Žtend au corps des complexes – en perdant alors la relation dÕordre – ou au corps des surrŽels – en perdant cette fois la complŽtude algŽbrique).

 

Il semble donc – et je terminerai lˆ-dessus – que la recherche compositionnelle visant ˆ reprendre lÕantique notion de discours musical pour lՎtendre en un discours hŽtŽrophonique, entrelaant polyphonie, antiphonie et juxtaphonie, puisse - par-delˆ sa propre productivitŽ musicale (laquelle constitue, bien sžr, son principal critre immanent de rŽussite) – rŽsonner avec des prŽoccupations analogues dans des domaines de pensŽe extrmement diffŽrents.

En ce point, le risque serait bien sžr de constituer le musicien – en lÕoccurrence le compositeur – en prophte de lÕhumanitŽ (on sait que Jean-Philippe Rameau a commencŽ de dŽriver dans ce sens ˆ partir de 1749, et dÕAlembert sÕest ˆ juste titre immŽdiatement dressŽ contre ces nouvelles prŽtentions de lÕintellectualitŽ musicale ˆ vouloir fixer le cap des sciences de lՎpoque).

SuggŽrons que le risque aujourdÕhui serait dÕautant plus grand pour lÕintellectualitŽ musicale que les musiciens pourraient tre tentŽs de se substituer ˆ ces potes contemporains dŽplorant mŽlancoliquement la fin [39] de Ē lՉge des potes Č [40].

Le musicien doit donc drastiquement autolimiter cette recherche musicale sur la notion dÕhŽtŽrophonie. Mais cela ne lui interdit nullement dÕadresser aux mathŽmaticiens, ces Ē alliŽs substantiels Č [41], quelque amical geste de la main pour leur signifier quÕils ne sont pas seuls ˆ tenter dÕinventer une nouvelle modernitŽ de pensŽe.

 

Je vous remercie.

 

***


 

Annexe : exemples musicaux

Homophonies

Verdi : Nabucco

Verdi : Nabucco (ChĻur des esclaves) [42]

Berg : Wozzeck

Description : Macintosh HD:FRANçOIS:"HÉTÉROPHONIE 68":GROUPE D'ÉTUDES:Hétérophonie? Juin 2016:Exemples:Wozzeck si.pdf

Unisson gŽnŽral sur un Ē si Č [43]

Cacophonie

LՃpode de Chronochromie : cacophonie de 18 voix [44]

Description : Macintosh HD:Users:francoisnicolas:Desktop:Épode.jpgDescription : Macintosh HD:Users:francoisnicolas:Desktop:Capture-d-ecran-2011-11-18-a-13.52.22.png

HŽtŽrophonies

En ethnomusicologieÉ

La notice Heterophony de Wikipedia [45] donne pour exemple paradigmatique de lÕhŽtŽrophonie ce duo soprano-hautbois de la cantate BWV 80 (J.-S. Bach) o le processus dÕaltŽration locale (mŽlismes) sur fond dÕidentitŽ globale (structure) ressort clairement :

 Description : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/0a/Ein_Feste_Burg_2.png/500px-Ein_Feste_Burg_2.png

On y trouve Žgalement, et selon la mme logique, cet exemple (Concerto pour piano K491 de Mozart) :

Description : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/5e/Mozart_K491_first_movment%2C_bars_211-14.png/500px-Mozart_K491_first_movment%2C_bars_211-14.png

On dira plut™t : dans ces duos, une voix nÕest localement autre que pour autant quÕelle est avant tout globalement mme. Pour nous, il sÕagit donc ici dÕune homophonie globale ˆ variations locales.

Sequenza III : une voix hŽtŽrophonique [46]

Ici lÕhŽtŽrophonie se retrouve au sein dÕune unique voix chantŽe (tout de mme quÕil peut exister dÕinnombrables voix intŽrieurement polyphoniques chez Bach et tous les classiques).

Description : Macintosh HD:FRANçOIS:ÉCRITS:HÉTÉROPHONIE:Pour Mélotonia:Images:Sequenza.jpg

Le buisson ardent : hŽtŽrophonie parlŽ/chantŽÉ [47]

Description : Macintosh HD:FRANçOIS:"HÉTÉROPHONIE 68":GROUPE D'ÉTUDES:Hétérophonie - 20 juin 2016:EXEMPLES:Exemples de collectifs:6. Hétérophonies:Buisson ardent:Buisson ardent 8.jpegDescription : Macintosh HD:FRANçOIS:"HÉTÉROPHONIE 68":GROUPE D'ÉTUDES:Hétérophonie - 20 juin 2016:EXEMPLES:Exemples de collectifs:6. Hétérophonies:Buisson ardent:Buisson ardent 9.jpegDescription : Macintosh HD:FRANçOIS:"HÉTÉROPHONIE 68":GROUPE D'ÉTUDES:Hétérophonie - 20 juin 2016:EXEMPLES:Exemples de collectifs:6. Hétérophonies:Buisson ardent:Buisson ardent 11.jpeg

Cette voix est composŽe de 12 chanteurs ! : 6 chants et 6 Sprechgesang (souvent les 6 chanteurs sont rŽpartis en deux groupes de 3 et les 6 Sprech en 3 groupes de 2). Donc 12=2*3+3*2

On a ainsi une coexistence de plusieurs discursivitŽs hŽtŽronomes (lÕune parlŽe, lÕautre chantŽe) en interaction rŽciproque.

Mes exemples

Cadence Žlectroacoustique de Duelle (2001) [48]

HŽtŽrophonie de dix voix regroupŽes en quatre configurations : deux hŽtŽrophoniques (4 pianos | 4 violons) et deux monophoniques-polyphoniques-antiphoniques (clavecin | flžte)

Description : Macintosh HD:FRANçOIS:"HÉTÉROPHONIE 68":GROUPE D'ÉTUDES:Hétérophonie? Juin 2016:Exemples:Duelle-XI.Cadence.plan.pdf

Instress (2007) [49]

HŽtŽrophonie de trois configurations : une polyphonique (ˆ trois voix : trio ˆ cordes), une monophonique (flžte) et une de structure variable (piano)

Description : Macintosh HD:FRANçOIS:ĪUVRES:ŅInstressÓÉ:Instress1.tif

HŽtŽrophonie presto (2016) [50]

HŽtŽrophonie par collage de cinq configurations de types diffŽrents :

   une hŽtŽrophonique (chĻur babŽlien de six langues)

   une antiphonique (contrepoint de deux chants monophoniques)

   une polyphonique (Magnificat de Bach)

   une antiphonique (superposition de deux voix musicales venues du jazz)

   une tant™t homophonique, tant™t polyphonique (Presto, pour percussions).

Description : Macintosh HD:FRANçOIS:Qui-vive:2016:Côté Court. 23 juin 2016:Hétérophonie:Hétérophonie Presto.png

Ricercare hŽtŽrophonique (2017)

pour piano et 12 cordes

Description : Macintosh HD:FRANçOIS:ÉCRITS:HÉTÉROPHONIE:Pour Mélotonia:Images:Ricercare.jpg

Description : Macintosh HD:FRANçOIS:ÉCRITS:HÉTÉROPHONIE:Pour Mélotonia:Images:Ricercare-piano.jpg

(juxtaphonie entre les cordes & antiphonie avec le piano)

 

***



[1] http://iag.math.fu-berlin.de/

[2] Ricercare harmonique, pour 12 cordes et piano (14Õ, 2017) – crŽation dans le cadre du festival Enesco, dimanche 24 septembre 2017 ˆ 13h, Radio Hall de Bucarest, par les solistes du Philharmonique de WŸrth dirigŽs par Facundo Agudin avec Horia Maxim au piano. http://festivalenescu.ro/en/program/wurth-philharmoniker/

[3] Voir lÕexposŽ dÕYves AndrŽ au sŽminaire mamuphi (10 dŽcembre 2005) : Ē SÕorienter dans la pensŽe : lÕart des conjectures Č.

Texte : http://www.entretemps.asso.fr/maths/Y.Andre.pdf

VidŽo : http://www.diffusion.ens.fr/index.php?res=conf&idconf=946

[4] pas plus, au demeurant que la physique – voir ˆ ce titre les justes critiques adressŽes par dÕAlembert ˆ Rousseau ˆ partir de 1749É

[5] Ce faisant, jÕinflŽchis lÕorientation soutenue il y a vingt ans dans mon livre La singularitŽ Schoenberg o je mettais lÕaccent sur la distance que le sublime imposait par rapport ˆ la beautŽ. Je nÕavais pas, ˆ lՎpoque, pris claire mesure du pŽril nihiliste que faisait courir la problŽmatique de Ē lÕart contemporain Č ˆ la musique et, plus largement, des consŽquences problŽmatiques de la distinction kantienne puis romantique entre le beau et le sublimeÉ

[6] Sinfonia de Berio (musique postmoderne), La Messe du temps prŽsent de Pierre Henry (musique concrte), Aus den sieben Tagen de Stockhausen (musique conceptuelle).

Notons la simultanŽitŽ de ce tournant avec la fin du free jazz (et donc du jazz comme trajectoire crŽatrice), fin quÕon symbolisera par la crŽation de lÕArt Ensemble of Chicago (qui va venir sÕincorporer ˆ la musique contemporaine improvisŽe).

[7] Voir lՎdition franaise de 1963 (Deno‘l-Gonthier) p. 152

[8] Entendons ici le sens crŽateur que Kierkegaard donne au mot Ē reprise ČÉ

[9] celle qui est au principe de lÕantique polyphonieÉ

[10] si lÕon entend ici par rŽvolution une transformation radicale et globaleÉ

[11] de Spartacus ˆ la Commune des Palmares dans le BrŽsil du XVII”

[12] suite en particulier ˆ la Longue marche (1934-1935)

[13] mme si la politique rŽvolutionnaire le pratique Žgalement, par exemple par son extension aux Ē larges masses Č contre son confinement dans un Parti-ƒtat (on pourra reconna”tre ici la diffŽrence entre rŽvolutions chinoise et algŽrienne)

[14] Son sŽrialisme, conu comme reconstruction globale de la musique, prend appui sur une radicalitŽ refondatrice attribuŽe ˆ Webern (contre une modŽration rŽformatrice attribuŽe ˆ Schoenberg) - je renvoie la discussion de ce point ˆ mon livre La singularitŽ Schoenberg (Ircam/LÕHarmattan, 1998).

[15] Sa musique acousmatique abandonne le vieux solfge et les vieux instruments de musique pour se dŽplacer vers les nouveaux objets et instruments sonores : le sonore nÕest pas ici conu comme reconstruction ou extension du musical mais comme nouveau monde, dŽlaissant lÕancien telle une jachreÉ

[16] Schoenberg concevait le moderne comme possible extension du classique par adjonction dÕune atonalitŽ puis du dodŽcaphonisme, lesquels ne prŽsupposaient nullement la destruction du ton (ni non plus du thme ou du mtre)É

[17] En un certain sens, cÕest bien ainsi que Mao TsŽ-toung a dirigŽ la rŽvolution chinoise (1927-1949) en articulant destruction-recontruction de lՃtat (insurrections urbaines, telle celle de 1949), abandon des villes et dŽplacement dans les campagnes (guerre prolongŽe Ē encerclant les villes par les campagnes Č), extension de la politique rŽvolutionnaire aux paysans par adjonction de la Ē ligne de masse ČÉ

[18] au sens du verbe discourir (il en va donc, centralement, en cette affaire, du discours musical, cÕest-ˆ-dire de la capacitŽ de la musique de discourir).

[19] On pourrait nommer Ćox ces configurations vocales pour mieux mettre en Žvidence la hiŽrarchie suivante de la structure vocale : voix (individuelle), Ćox (collectif de voix) et hŽtŽrophonie (entrelacs de Ćox).

[20] o 18 cordes miment un pŽpiement anarchique dÕoiseaux pendant prs de cinq minutesÉ

[21] dŽgagŽe par Robert BlanchŽ (ˆ partir du carrŽ dÕAristote) puis systŽmatisŽe par Jean-Yves Beziau

[22] On pourrait parler ici de collage mais cette nomination ne capterait plus la notion de voix (/phonie) au principe de notre logique musicale.

[23] On remarquera une approche du discours hŽtŽrophonique par double nŽgation plut™t que par affirmation directe (il nÕy sÕagit pas ˆ proprement parler dÕunification).

[24] lÕinteraction pouvant tre coopŽrante ou rivleÉ

[25] la non-coopŽration pouvant tre rivale ou indiffŽrenteÉ

[26] la non-rivalitŽ pouvant tre indiffŽrente ou coopŽranteÉ

[27] Rappelons que notre hexagone formalise des oppositions qualitatives entre voix dÕune mme configuration vocale quand notre pentagone de dŽpart formalisait des diffŽrences plus quantitatives entre configurations.

[28] soit lÕhomogŽnŽitŽ comme forme maximale de la non-rivalitŽ, son autre forme extrme – minimale – Žtant lÕindiffŽrence dÕun c™te-ˆ-c™te.

[29] faute de partenaireÉ

[30] incompatibilitŽ et stricte alternative

[31] par rapport au centre de lÕhexagone

[32] Ce terme, comme celui de Ē somme Č, doit ici sÕentendre au sens quÕil prend dans la thŽorie des catŽgoriesÉ

[33] Pour rappel, les contradictions renvoient ˆ la logique classique, les contrariŽtŽs aux logiques intuitionnistes et les subcontrariŽtŽs aux logiques paraconsistantes.

[34] Voir son exposŽ au sŽminaire mamuphi (8 octobre 2011 : L'armature hexagonale du corps ˆ quatre ŽlŽments,  et le formulaire de la logique borromŽenne associŽe) et son article L'idŽe d'objet borromŽen, ˆ l'articulation entre les nĻuds et la logique lacanienne  https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=ESS_028_0085

[35] Par exemple en 1984 avec Cecil Taylor : https://www.youtube.com/watch?v=Ah5OVkgUtF8

[36] Le musicologue Jacques Amblard Žcrit par exemple : Ē On sÕaccorde ˆ dŽfinir lÕhŽtŽrophonie comme lՎcriture superposŽe (ou le jeu simultanŽ) dÕune ligne mŽlodique et de ses diffŽrentes variations, variations le plus souvent rythmiques ou ornementales. Č

[37] En inscrivant lÕhŽtŽrophonie sous le signe de variations simultanŽes, lÕethnomusicologie thŽmatise ainsi lÕhŽtŽrophonie comme altŽration, autant dire comme mouvement allant du mme ˆ ses autres : dans cette acception, lÕaltŽritŽ ne serait donc pas au principe de lÕhŽtŽrophonie ;  elle nÕen serait pas constituante mais elle serait constituŽe ˆ partir dÕelle.

[38] du 8 au 13 mai 2018 au thŽ‰tre La Commune dÕAubervilliers (http://lacommune-aubervilliers.fr) - voir https://www.facebook.com/groups/1564159357244203

[39] Disons depuis le suicide de Paul Celan juste aprs 68 (avril 1970) qui vient clore le cycle ouvert par Hšlderlin ˆ partir de la RŽvolution franaise.

[40] La notion dՉge des potes vient du philosophe Alain Badiou qui nomme ainsi la longue pŽriode (prs de deux sicles) o la poŽsie sÕest subjectivement constituŽe en relve de cette pensŽe ontologique (sur lՐtre) que la philosophie abandonnait progressivementÉ La reprise actuelle par la philosophie de ses t‰ches propres (ontologiques et phŽnomŽnologiques, mŽtaphysiques et logiques) vient, de lÕextŽrieur, mettre un terme ˆ cet Ē ‰ge dÕor Č des potes (cl™ture exogne qui laisse alors entirement ouverte la question de savoir ˆ quel titre cet ‰ge a ŽtŽ ou nÕa pas ŽtŽ un ‰ge dÕor de la poŽsie elle-mme).

[41] RenŽ Char nommait ainsi les philosophes et surtout les peintres avec qui il faisait Ļuvre commune.

[42] https://www.youtube.com/watch?v=XttF0vg0MGo

[43] https://www.youtube.com/watch?v=Z32yX4Hv7-w

[44] https://www.youtube.com/watch?v=JedBQq8qGFE

[45] https://en.wikipedia.org/wiki/Heterophony

[46] https://www.youtube.com/watch?v=DGovCafPQAE

[47] https://www.youtube.com/watch?v=eCJQLaV1y_o

[48] https://www.youtube.com/watch?v=SHwk3pzTXbY&list=PLfaS0zIQOD6RI_IZCBWgkweT8q4mByj93

[49] https://youtu.be/06HrmySS6TE

[50] http://www.dailymotion.com/video/x51t99f