ThŽoriser (musicalement) la musique ˆ lĠombre (antiphilosophique) de Wittgenstein ?

 

(JournŽe mamuphi [a] : Wittgenstein et la musique – 9 novembre 2013)

 

Franois Nicolas

 

On partira de deux orientations longuement mises ˆ lĠŽpreuve dans le sŽminaire mamuphi :

á       thŽoriser la musique gagne ˆ se faire ˆ la lumire des mathŽmatiques et ˆ lĠombre de la philosophie ;

á       plus une mathŽmatique et une philosophie parlent de musique, moins elles oprent comme lumire et ombre pour une thŽorie musicienne de la musique.

QuĠen est-il alors de ces orientations concernant Wittgenstein ?

á       SĠagirait-il ici de thŽoriser la musique ˆ la lumire dĠune logique et ˆ lĠombre dĠune antiphilosophie ?

á       Wittgenstein centrant son antiphilosophie sur des actes dĠordre esthŽtique dont la musique fournit le paradigme, est-il possible de sĠy rapporter en dŽlaissant son rapport ˆ la musique ?

Il sĠagira en cette intervention ni de rivaliser (quant ˆ la musique) ou de critiquer (ˆ quoi bon ?) mais de clarifier : clarifier, lorsquĠune antiphilosophie sĠen mle, quĠen est-il de lĠombre et de la lumire ?

 

*

 

Je commencerai par une double citation. DĠabord une affirmation :

Ç Personne nĠa besoin de philosophie pour rŽflŽchir sur quoi que ce soit : on croit donner beaucoup ˆ la philosophie en en faisant lĠart de la rŽflexion, mais on lui retire tout, car les mathŽmaticiens comme tels nĠont jamais attendu les philosophes pour rŽflŽchir sur les mathŽmatiques, ni les artistes sur la peinture ou la musique ; dire quĠils deviennent alors philosophes est une mauvaise plaisanterie, tant leur rŽflexion appartient ˆ leur crŽation respective. È [b]

Une question ensuite :

Ç En quoi la philosophie peut servir ˆ des mathŽmaticiens ou mme ˆ des musiciens – mme et surtout quand elle ne parle pas de musique ou de mathŽmatiques ? È [c]

Il sĠagissait lˆ, vous lĠaurez reconnu, de Gilles Deleuze, philosophe suffisamment consensuel de nos jours pour que ces propos puissent tre aujourdĠhui entendus par tous.

Deleuze avance ici deux points qui vont guider mon exposŽ.

á       Un musicien nĠa nul besoin de philosophie pour rŽflŽchir sur la musique, en particulier nul besoin de philosophie pour en saisir le vrai (et moins encore pour dire le vrai si tant est que la vŽritŽ puisse jamais tre dite). Tout de mme, un mathŽmaticien nĠa nul besoin de philosophie pour rŽflŽchir sur la mathŽmatique. ConsŽquence : si un musicien se rŽfre ˆ la philosophie autrement quĠen homme normalement cultivŽ, si un musicien convoque la philosophie de lĠintŽrieur mme dĠun propos musicien sur la musique, cela ne va aucunement de soi et il convient alors que le musicien, autant que faire se peut, prŽcise pour quelles raisons il y procde.

En tous les cas, nous prŽcise Deleuze, si la philosophie peut servir au musicien, ce ne sera gure en parlant de musique. Et, tout de mme, si la philosophie peut servir au mathŽmaticien, ce ne sera gure en parlant de mathŽmatique.

Le musicien qui sĠintŽresserait ˆ une philosophie pour autant quĠelle lui parlerait de musique aurait un rapport essentiellement narcissique ˆ la philosophie et ce rapport ne pourrait alors quĠŽgarer sa pensŽe propre. Si un musicien choisit de se rŽfŽrer ˆ une philosophie donnŽe, cela devra donc tre essentiellement pour ce que cette philosophie peut Žnoncer en gŽnŽral plut™t que sur la musique en particulier. Autant dire que la philosophie la moins susceptible dĠintŽresser le musicien serait celle qui sĠafficherait comme Ç philosophie de la musique È (si tant est que ce syntagme dĠailleurs ait un sens proprement philosophique). LĠhistoire atteste des frictions inŽvitables que toute supposŽe Ç philosophie de la musique È suscite entre musiciens et philosophes tant il est vrai quĠils ne sauraient dŽjˆ sĠaccorder sur ce que le simple mot musique veut dire pour les uns et pour les autres (quĠil suffise de rŽexaminer sous cet angle les confrontations entre Rameau et Rousseau, Wagner et Nietzsche, Schoenberg et Adorno et dĠautres encore). SĠintŽresser ˆ des Žcrits philosophiques traitant de musique est en vŽritŽ le meilleur moyen pour le musicien non servile ou non-vassal de devenir anti-philosophe (au sens trivial du terme), ce qui nĠa gure de vertu musicale.

Ces deux idŽes, qui pour mamuphi ont cet avantage supplŽmentaire de traiter mathŽmaticiens et musiciens ˆ ŽgalitŽ subjective face ˆ la philosophie, me conduisent aux deux questions suivantes :

1.     Pourquoi alors envisager de se tourner en musicien vers la philosophie, ce qui en fait voudra dire – jĠy reviendrai - vers telle ou telle philosophie ?

2.     PuisquĠil ne sĠagit gure, dans ce cas, de se tourner vers quelque philosophie se prŽsentant comme Ç philosophie de la musique È ou Ç philosophie sur la musique È, quelle philosophie particulire alors privilŽgier ?

Je voudrais aborder notre sujet du jour Ç Wittgenstein et la musique È sous ces angles en me demandant – en nous demandant : pourquoi se tourner en musicien vers Wittgenstein, et spŽcifiquement vers Wittgenstein, sachant quĠil ne saurait alors sĠagir pour lĠessentiel du Wittgenstein qui parle de musique ?

 

Nous avons, dans mamuphi, une certaine habitude de pratiquer ce type de questions – nos rencontres ont commencŽ en 1999 (au sicle prŽcŽdent !) – et je voudrais donc les Žclairer par quelques petits rappels sur les orientations qui prŽsident au sŽminaire accueillant cette journŽe en ce lieu.

Musicien & musicologue

DĠabord il convient, sur ces questions comme sur bien dĠautres, de distinguer le plus clairement possible les positions respectives du musicien et du musicologue, chacune, bien sžr, ayant sa propre lŽgitimitŽ.

Pour les dŽlimiter au plus bref, je dirai que le musicien se caractŽrise de faire (de) la musique et le musicologue dĠen parler. DĠo deux rapports ˆ la musique disjoints : le musicologue parle de musique en extŽrioritŽ objectivante (la musique est pour lui un objet - son objet) quand le musicien fait de la musique en intŽrioritŽ subjectivante (il la compose et/ou il la joue, la fait entendre, la donne ˆ Žcouter). Et quand ce musicien, qui a priori nĠa gure besoin de parler de musique, choisit cependant dĠajouter ˆ sa pratique ordinaire de musicien artisan (de working musician) un Ç dire la musique È (jĠappelle ce type de musicien le musicien pensif et jĠappelle intellectualitŽ musicale cette activitŽ dĠun dire musicien), la musique nĠy joue nullement un r™le dĠobjet ; en particulier la musique nĠy est aucunement ˆ dŽfinir : son existence concrte et assurŽe constitue tout au contraire pour le musicien lĠaxiome de dŽpart rendant possible son Žventuel dire.

Pour filer une mŽtaphore mamuphique, un musicien pensif ne dŽfinit pas plus la musique quĠun mathŽmaticien de la thŽorie des ensembles ne dŽfinit un ensemble ou quĠun gŽomtre ne dŽfinit lĠespace en gŽnŽral.

Ceci dŽbouche alors sur deux types de Ç discours sur la musique È, en particulier sur deux manires entirement diffŽrentes de thŽoriser la musique.

Nous avons lĠhabitude, dans mamuphi, de confronter diffŽrentes manires de thŽoriser la musique (je renvoie pour cela ˆ notre dernier ouvrage collectif ThŽoriser la musique ˆ la lumire des mathŽmatiques et ˆ lĠombre de la philosophie).

En gros, nous pratiquons la confrontation entre quatre manires de thŽoriser la musique : les thŽories mathŽmatiques de la musique, les thŽories musiciennes de la musique, les thŽories musicologiques de la musique, les thŽories philosophiques de la musique.

Ce faisant, nous excluons a priori de notre champ dĠinvestigation bien dĠautres manires de thŽoriser la musique : les thŽories psychologiques ou psychanalytiques, sociologiques ou Žconomiques, politiques ou politologiques, ethnologiques ou anthropologiques, etc.

Tout ceci pour rappeler quĠune thŽorie ne se caractŽrise nullement dĠun supposŽ objet prŽexistant mais prŽsuppose un cadre de rŽfŽrence qui  dŽlimitera ce que thŽorie et musique vont pouvoir vouloir dire dans le syntagme abstrait Ç thŽorie de la musique ÈÉ

Concernant notre journŽe, il conviendra donc dĠadmettre dĠemblŽe que le rapport ˆ Wittgenstein sera tout diffŽrent pour un musicien et pour un musicologue ; il va de soi quĠil le sera tout autant pour un philosophie ou pour un historien de la philosophie, pour un mathŽmaticien ou pour un ŽpistŽmologue, et je me rŽjouis au demeurant que cette journŽe, par sa diversitŽ dĠintervenants, nous fournisse lĠoccasion de mettre en rŽsonance diffŽrents rapports subjectifs au mme intitulŽ : Ç Wittgenstein et la musique È.

 

Pour ma part, je ne suis pas musicologue ; je ne suis pas non plus philosophe ou mathŽmaticien (mme si jĠessaie dĠtre ordinairement cultivŽ dans ces domaines, comme en dĠautres) : je suis compositeur, donc musicien. Et cĠest sous cet angle subjectif – celui-lˆ mme dont il est question dans les propos de Deleuze – que ma contribution va sĠinscrire.

 

Pourquoi alors se tourner en musicien vers Wittgenstein, sĠagissant de prŽfŽrence du Wittgenstein qui ne parle pas de musique ?

Il me faut immŽdiatement prŽciser, avec une tonalitŽ un peu polŽmique qui, sur ce sujet, me semble difficilement Žvitable (aprs tout, Wittgenstein en Žtait familier) : heureusement quĠil ne sĠagit pas pour le musicien pensif de sĠintŽresser ˆ la supposŽe Ç philosophie musicale È de Wittgenstein car celle-ci nĠest gure susceptible dĠapp‰ter le compositeur contemporain.

Quelques dŽlimitations minimales sur ce point.

Voici dĠabord un grand intellectuel viennois du dŽbut du XXĦ sicle, musicalement cultivŽ – il connaissait la musique et jouait honntement de la clarinette - qui affecte dĠignorer purement et simplement la musique de lĠƒcole de Vienne – la comparaison avec le jeune Adorno est ici Žcrasante -, qui dŽclare nĠaimer gure Mahler et dont les rŽfŽrences musicales semblent unilatŽralement tournŽes vers une Vienne antŽrieure et devenue confite de ces traditions que la modernitŽ intellectuelle nĠa de cesse de borcarder. Ce choix musical de Wittgenstein constitue Žvidemment son choix personnel tout ˆ fait lŽgitime mais on conviendra quĠil ne prŽsage gure dĠune vive acuitŽ intellectuelle en matire de pensŽe musicale contemporaine !

Ensuite comment le musicien pourrait-il reconna”tre son art dans les fameuses propositions du Tractatus sur la musique :

á       la premire aligne Ç le disque de phonographe, la pensŽe musicale, la notation musicale, les ondes sonores È [d] [4.014], coinant ainsi la pensŽe musicale entre une technique – latŽrale - productrice dĠimages de la musique (plut™t que la reproduisant – cĠest tout diffŽrent), et une pensŽe littŽrale (le solfge) – elle centrale - spŽcifiant rien moins que la logique musicale proprement dite : comment le musicien pourrait-il se sentir concernŽ par une telle confusion catŽgorielle ?

á       la seconde accuse lĠalignement prŽcŽdent et nous en livre la clŽ conceptuelle en formatant lĠactivitŽ musicale sur un fonctionnement langagier : Ç QuĠil y ait une rgle gŽnŽrale gr‰ce ˆ laquelle le musicien peut extraire la symphonie de la partition, et gr‰ce ˆ laquelle on peut extraire la symphonie des sillons du disque, et derechef, selon la premire rgle, retrouver la partition, cĠest en cela que repose la similitude interne de ces figurations apparemment si diffŽrentes. Et cette rgle est la loi de projection qui projette la symphonie dans la langue de la notation musicale. CĠest la rgle de traduction de la langue de la notation musicale dans la langue du disque. È [e] [4.0141] Ainsi, voilˆ lĠŽcriture musicale – le solfge – rabattue sur une langue : Ç la langue de la notation musicale È ! Comment le musicien pensif, sĠattachant ˆ soigneusement situer la pensŽe musicale ˆ lĠÏuvre dans le rŽseau complexe dĠune partition musicalement Žcrite, dĠexŽcutions sonores infiniment diversifiŽes et dĠenregistrements mŽcaniques portant trace projective de cette activitŽ pourrait-il sĠaccorder ˆ une telle problŽmatique de la traduction entre langues diverses ?!

Petite prŽcision en ce point. Le statut de la partition au regard de lĠÏuvre musicale me semble assez simple ˆ clarifier : cĠest ce qui autorise lĠexistence du morceau de musique comme faisceau dĠexŽcutions musicales toutes diffŽrentes.

Pour le musicien pensif, il faut donc bien, comme Deleuze le lui conseille, laisser de c™tŽ ce que Wittgenstein dit de la musique et se tourner plut™t vers le reste de ses propositions.

OpŽration de tri difficile ˆ opŽrer au demeurant, sĠil est vrai que la musique fonctionne comme paradigme, latent ou dŽclarŽ, de cette philosophie, si – plus encore – il est vrai que dans cette philosophie, Ç la musique serait partout È ! : comment alors dŽcouper dans cette philosophie une part significative qui enfin Ç ne parle plus de musique È ?

 

Mamuphi nous suggre alors une premire rŽponse : il faut aller examiner ce que devient cette philosophie quand elle parle plut™t de mathŽmatique. Mais, comme on va le voir, les difficultŽs sur ce nouveau versant ne sont pas moindres : elles sĠavrent mme bien plus graves.

 

Ë se tourner vers ce Wittgenstein qui ne traite pas explicitement de musique, le musicien mamuphique voit ˆ nouveau les obstacles sĠaccumuler.

JĠen Žnumrerai au moins quatre, et non des moindres, qui touchent tous au type trs particulier de discours philosophique quĠest celui de Wittgenstein.

1.     DĠabord, et pour aller au plus direct, comment un musicien pensif pourrait-il se reconna”tre dans lĠŽnoncŽ [7] cŽlbre concluant le Tractatus : Ç De cela dont il est impossible de parler, il nĠy a quĠˆ faire silence. È [f].

Pour tous les intellectuels qui ne se reconnaissent aucunement dans un supposŽ tournant langagier de la pensŽe et qui identifient dans la sophistique analytique anglo-saxonne la mme scolastique quĠun Lacan pouvait reconna”tre dans lĠŽcole psychologisante de Chicago ou quĠun Boulez pouvait discerner dans un certain dodŽcaphonisme acadŽmisant dĠoutre-mer, cet ŽnoncŽ du Tractatus dŽlimite trs prŽcisŽment ce contre quoi la pensŽe ne peut que se dresser par principe - je cite, en vrac :

-   Ç Ce quĠon peut pas dire, il faut lĠŽcrire È (Michel Deguy [g])

-   Ç Dire dŽsormais pour soit mal dit. [É] Dit est mal dit. [É] DŽsormais plus tant™t dit et tant™t mal dit. È (Samuel Beckett [h])

-   Ç Il nĠest rien devant quoi la pensŽe doit se taire. [É] Ce quĠon ne peut pas dire, puisquĠon doit le dire, on peut le dire. È (Guy Lardreau [i])

-   Ç LĠintellectuel est celui qui tente de dire au point mme o lĠon ne peut dire. È (Franois Regnault)

-   Ç Ë lĠŽgard de ce dont on ne peut parler, le devoir est de bien dire. QuĠest-ce dĠailleurs que lĠinconscient sinon prŽcisŽment une frontire dont la psychanalyse se propose de penser ˆ la fois les deux c™tŽs ? È (Jean-Claude Milner [j])

-   etc., etc.

-   JĠajouterai pour ma part que lĠintellectualitŽ musicale du musicien pensif est prŽcisŽment ce qui sĠattache ˆ dire la musique au point mme o la pensŽe musicale nĠest pas un dire.

Donc, premier problme pour le musicien pensif : comment se rŽfŽrer ˆ un discours philosophique qui lui enjoint, au lieu mme de sa propre rŽflexion, de faire silence et de sĠen tenir ˆ sa fonction principale de musicien artisan : montrer la musique en la faisant ?

2.     Seconde difficultŽ : comment se rŽfŽrer ˆ un discours Ç philosophique È qui dŽclare expressŽment cantonner la philosophie ˆ une activitŽ de dŽlimitation dont lĠimpensable serait le rŽel ? Deux ŽnoncŽs : Ç La philosophie nĠest pas une thŽorie, mais une activitŽ. È [k] [4.112] Ç [La philosophie] doit marquer les frontires du pensable, et partant de lĠimpensable. Elle doit dŽlimiter lĠimpensable de lĠintŽrieur par le moyen du pensable. È [l] [4.114]. Quel intŽrt le musicien pensif aurait-il ˆ se rŽfŽrer ˆ une telle philosophie, lui qui prŽcisŽment tente dĠarracher la musique ˆ la sphre convenue de lĠimpensable, de lĠirrationnel, de lĠineffable et de lĠindicible ?

3.     Troisime difficultŽ, non moins massive : comment, pour un musicien mamuphique, se rŽfŽrer ˆ une philosophie qui non seulement confond mathŽmatiques et logique – cĠest lˆ lĠorientation dite logiciste : Ç La mathŽmatique est une mŽthode logique. È [m] [6.2] – mais, pire encore, nĠa de cesse de rabattre la mathŽmatique ˆ une non-pensŽe : Ç La proposition [de la] mathŽmatique nĠexprime aucune pensŽe. È [n] [6.21] Je sais bien que ce que Wittgenstein appelle ici Ç pensŽe È ne sĠaccorde gure ˆ ce que le musicien pensif appelle pensŽe – par exemple dans le syntagme Ç pensŽe musicale È [o] - mais prŽcisŽment, pourquoi alors se rŽfŽrer ˆ une philosophie qui thŽmatise ce que penser veut dire en en excluant les mathŽmatiques, chres ˆ mamuphi ?

4.     Quatrime difficultŽ : comment le musicien pensif habituŽ du sŽminaire mamuphi et donc un peu instruit de logique contemporaine – toute notre annŽe 2005-2006 par exemple fut consacrŽe aux Questions de logiques [p] – pourrait-il se rŽfŽrer ˆ une philosophie qui enserre la logique dans une acception si rŽductrice : celle de la bonne vieille logique propositionnelle ? Quelques ŽnoncŽs, lˆ encore du Tractatus, pour faire ressortir la difficultŽ : Ç Les propositions de la logique sont des tautologies. / Les propositions de la logique ne disent donc rien. / Les thŽories qui font appara”tre une proposition de la logique comme ayant un contenu sont toujours fausses. È [q] [6.1-6.11-6.111]. Comment accorder ces ŽnoncŽs aux dŽveloppements les plus stimulants de la logique mathŽmatisŽe contemporaine : celle qui a abandonnŽ le vieux fantasme de fonder les mathŽmatiques pour mieux tirer parti de sa propre fondation dans la gŽomŽtrie contemporaine et ainsi recaractŽriser ses enjeux propres de pensŽe : non la grammaire formelle des tautologies propositionnelles mais la structure formelle de la preuve et de la dŽmonstration ?

 

Ainsi le musicien pensif, qui sĠacharne ˆ dire la musique, qui se tourne vers la philosophie pour lĠaider ˆ sĠorienter dans les lumires que les diffŽrentes sciences peuvent lui apporter, qui attend de la philosophie quĠelle lĠencourage dans son effort pour formuler dans la langue commune une pensŽe musicale non langagire, qui attend pour ce faire de la mathŽmatique (laquelle partage avec la musique cette expŽrience dĠune pensŽe non langagire se soumettant ˆ lĠŽpreuve rŽpŽtŽe de sa projection dans la langue vernaculaire) quelque lumire de pensŽe, qui sĠattache ˆ tirer parti de la logique mathŽmatisŽe de la dŽmonstration pour mieux la confronter ˆ la logique musicale de la dŽduction, comment ce musicien pourrait-il tirer parti dĠune telle Ç philosophie È ?

 

Ë ces difficultŽs, massives, dŽcourageantes pour tout musicien de bonne volontŽ qui ne fait bien sžr pas mŽtier de commenter ad libitum les commentaires philosophiques –Wittgenstein nĠa-t-il pas lui-mme suffisamment raillŽ le bavardage universitaire pour dŽcourager toute personne de sĠy livrer ˆ son endroit ?-, la philosophie (jĠentends la philosophie crŽatrice de concepts et de nouvelles thŽories - nĠen dŽplaise ˆ Ludwig W.) va cependant apporter une premire rŽponse – et cĠest lˆ sa fonction que nous appelons dĠombre, dĠombre portŽe pourrait-on prŽciser (ˆ se disposer sous des branchages bien choisis plut™t que sous un soleil ˆ son zŽnith, le contraste ombre/lumire est plus apparent).

Je la trouverai en ce qui me concerne chez le philosophe Alain Badiou qui caractŽrise ce type prŽcis de discours philosophique comme constituant une antiphilosophie [r] : disons un type de discours qui rapproche Wittgenstein de Rousseau, Kierkegaard ou Nietzsche (pour nĠŽvoquer ici que des discours dont les musiciens cultivŽs sont un peu familiers, en raison en particulier de la place que la musique y joue).

On mĠobjectera que cĠest lˆ le choix dĠune ombre trs spŽcifique : cĠest lĠombre dĠune philosophie, non de la philosophie en gŽnŽral. Mais cĠest prŽcisŽment une loi de la pensŽe quĠun non-philosophe ne saurait b‰tir son intelligence propre de la philosophie quĠen choisissant une philosophie spŽcifique pour le guider dans le dŽdale de propositions dont la somme brute se prŽsente sinon de prime abord comme fatras contradictoire, comme jungle inextricable, comme ce verbiage que Wittgenstein critique : cĠest seulement du point dĠune philosophie donnŽe quĠon peut espŽrer comprendre les autres philosophies – en se dŽclarant par exemple aristotŽlicien pour explorer Platon, ou kantien pour Žtudier Hume, ou sartrien pour explorer Hegel, etc., dans mon cas badiousien pour mieux comprendre Wittgenstein)

Wittgenstein serait antiphilosophe au triple titre suivant :

1.     il dissout toute consistance thŽorique du discours philosophique en rabattant la philosophie sur une pure activitŽ ;

2.     la rŽduction de la philosophie ˆ une pure activitŽ a pour contrepartie une dŽqualification du concept philosophique de vŽritŽ (dŽsormais tenu pour inepte : la philosophie nĠa plus pour propos de thŽoriser ce que vŽritŽ veut dire) et une promotion de la catŽgorie de sens (et lĠon sait que la religion, donc la mystique, rode en tous ces lieux o la figure du sens veut mettre la notion de vŽritŽ sous tutelle) ;

3.     Wittgenstein oppose alors ˆ lĠacte philosophique (dissimulŽ et sournois, pure et simple manipulation par un Ma”tre retirŽ dans les coulisses Žnonciatives) un acte dĠun tout autre type dont lĠessence serait dĠtre gagŽ sur la position de qui le pose, un acte gagŽ sur lĠacteur plut™t que caractŽrisable par lĠaction en soi.

LĠantiphilosophie se dŽploie donc en se dressant contre la prŽtention philosophique ˆ discourir sur ce quĠest ou nĠest pas la vŽritŽ – sur le concept de vŽritŽ – et en pr™nant ˆ lĠinverse un ordonnancement des actions ˆ une logique du sens qui rŽcuse ultimement toute sŽparation radicale entre ŽnoncŽ et Žnonciation.

Si lĠon sĠinscrit ˆ lĠombre de cette proposition badiousienne [s], on voit alors comment mes quatre points prŽcŽdents se dŽcantent.

Je les rappelle sommairement :

á       lĠexistence dĠun supposŽ impensable (ˆ rebours de lĠaxiome rationaliste hŽgŽlien : Ç tout le rŽel est rationnel È et donc bien sžr pensable) que Wittgenstein installe au principe de sa disjonction radicale du dire et du montrer et qui vient se dresser, bonens volens, entre les pratiques du musicien pensif et celles du musicien artisan ;

á       la philosophie exclue de la pensŽe vŽritable et condamnŽe au bavardage professoral : comment alors dŽsirer sĠinstaller ˆ lĠombre dĠune telle logorrhŽe ?

á       la mathŽmatique rŽduite ˆ la logique et par lˆ dŽpourvue de tout contenu de pensŽe propre (sans mme parler de son Ç contenu de vŽritŽ È !), lĠŽnoncŽ mathŽmatique aurait chez Wittgenstein pour paradigme la figure dĠune simple ŽgalitŽ et son activitŽ essentielle tiendrait ainsi ˆ de simples permutations de part et dĠautre du signe Žgal ! – allez expliquer cela ˆ Euclide, Euler, Galois, Riemann, Hilbert !) : quelles lumires attendre dĠun tel jeu formel ?

á       ultimement, la logique rŽduite au vieux calcul propositionnel et donc ˆ la figure tutŽlaire des propositions tautologiques : ˆ quoi dialectiser la logique musicale si les figures contemporaines de logique se rŽduisent ˆ ces platitudes ?

Un dŽsert de la pensŽe ayant ŽtŽ ainsi systŽmatiquement Žtabli, lĠantiphilosophie nĠa plus en effet quĠˆ sĠavancer pour promettre le charme de son acte inou•.

 

Quel est cet acte pour Wittgenstein ? Il est essentiellement de modle esthŽtique, et qui plus est une esthŽtique dont le paradigme interne est musical.

Ainsi, nous Žtant ŽloignŽs le plus possible de ce qui du discours wittgensteinien pouvait concerner la musique, nous la retrouvons finalement, logŽe au cÏur mme de son discours.

Autant dire que lĠimpasse pour le musicien pensif se prŽsente ici comme totale : comment envisager de thŽoriser la musique en musicien ˆ la lumire de la mathŽmatique ˆ lĠombre de cette antiphilosophie wittgensteinienne si dĠune part la musique nĠest pas une pensŽe mais une manire dĠagir lĠimpensable, si dĠautre part la mathŽmatique nĠest quĠune extension prŽtentieuse des tautologies logiques et si lĠanti-philosophie en question prend la musique pour modle de lĠacte de monstration quĠelle promet ?

En ce point, le musicien se trouve condamnŽ au dilemme suivant : soit, gonflŽ dĠorgueil dĠtre ainsi disposŽ sur un piŽdestal, il enfle, telle la grenouille de la fable, ˆ la mesure de lĠexcellence antiphilosophique quĠon lui prte ; soit il se tourne ailleurs.

 

Je ne voudrais cependant pas mĠen tenir ici ˆ ce seul dilemme et ˆ la conclusion qui pour moi sĠen impose : thŽoriser en musicien la musique implique une tout autre ombre philosophique que celle procurŽe par les Žcrits de Wittgenstein.

Bien sžr, cette conclusion proprement musicienne ne concerne pas directement les activitŽs musicologiques, moins encore philosophiques qui rŽpondent ˆ de tout autres critres que ceux du musicien.

QuĠen est-il pour le mathŽmaticien pensif ? JĠai tendance ˆ penser quĠil ne doit gure mieux y trouver son compte que le musicien, et je souponne quĠil en va de mme pour le logicien contemporainÉ

Je ne voudrais donc pas me limiter ˆ cette impasse, non seulement parce que le musicien, pensif ou non, reste a priori un homme ordinairement cultivŽ qui pourra donc continuer, en toute innocence si je puis dire, de lire et relire Wittgenstein ˆ de toutes autres fins cette fois que celles de thŽoriser la musique (les enjeux de la culture et ceux de la pensŽe ne sont nullement les mmes) mais Žgalement pour des raisons moins pragmatiques et plus essentielles au musicien pensif : cĠest que son intellectualitŽ musicale – son activitŽ verbale tentant de projeter la pensŽe musicale ˆ lĠÏuvre dans la langue vernaculaire – ne se rŽduit nullement ˆ sa dimension thŽorique.

Petite prŽcision : La projection dont il est ici question – celle dĠune pensŽe musicale non langagire dans la langue ordinaire du musicien – nĠest pas la mme que celle dont il est question dans le Tractatus. Je mĠŽtonne un peu quĠon nĠŽclaire pas davantage cette notion de projection en ayant recours aux lumires mathŽmatiques de la gŽomŽtrie projectiveÉ

Massivement dit, lĠactivitŽ du musicien pensif entrelace un discours thŽorique, un discours critique et un discours disons esthŽtique :

á       le discours thŽorique sĠattache ˆ thŽoriser le monde que constitue la musique par elle-mme (Ç monde È Žtant ici pris en un tout autre sens que celui de Wittgenstein) et il le fait en ayant pour interlocuteur principal les discours scientifiques, singulirement mathŽmatique ;

á       le discours critique sĠattache ˆ formuler la pensŽe musicale ˆ lĠÏuvre dans tel ou tel morceau de musique en examinant le dialogue que les Ïuvres entretiennent musicalement entre elles ; le discours critique sĠy attache en prenant pour principal interlocuteur les autres arts et les autres intellectualitŽs artistiques ;

á       enfin le discours quĠon dira Ç esthŽtique È sĠattache ˆ dŽgager les raisonances extŽrieures que le monde-Musique et la pensŽe musicale (qui y est ˆ lĠÏuvre) entretiennent avec dĠautres mondes (plus largement, avec le chaosmos) et avec dĠautres pensŽes ; ce discours prendra pour interlocuteur les discours non scientifiques des disciplines quĠon dit Ç humaines È : politique, psychanalyse, histoire, anthropologieÉ

Au total, lĠentrelacs de ces trois formes de discursivitŽ composera une intellectualitŽ musicale proprement dite (celle par exemple de Rameau, qui en quelque sorte lĠinventa, mais aussi de Schumann, de Wagner, de Schoenberg, de Boulez et de certains autres – ils ne sont pas si nombreuxÉ) et cĠest au niveau global de cet entrelacs que le musicien pensif prendra pour interlocuteur la philosophie comme telle – mieux : une philosophie donnŽe, celle qui lui semblera le mieux convenir aux enjeux propres de son intellectualitŽ musicale (ce sera clairement Descartes pour Rameau ; on peut se demander sĠil sĠagit bien de Schopenhauer pour Wagner ; quant aux autres, la question reste en partie ouverte, ce qui traduit dĠailleurs bien quĠil ne sĠagit pas ici dĠune nŽcessitŽ absolue).

 

Seconde prŽcision gŽnŽrale avant dĠen revenir ˆ Wittgenstein et ˆ son possible apport pour une intellectualitŽ musicale non thŽorique.

Si la philosophie procure au musicien pensif un abri intellectuel apte ˆ lui faciliter la dŽlicate opŽration dĠentrelacer une thŽorie, une critique et une esthŽtique, elle le fait de trois manires que je vais rapidement dŽcrire en recourant mŽtaphoriquement au lexique des Ç sciences de la nature È, les seules sciences - comme lĠon sait - quĠadmettait Wittgenstein.

LĠombre philosophique guide le musicien (plut™t quĠelle ne lĠŽclaire) dĠune manire simultanŽment gŽographique, gŽologique et mŽtŽorologique :

á       gŽographiquement, la philosophie aide chacun, donc aussi le musicien pensif qui le souhaite, ˆ sĠorienter dans le dŽdale des orientations de pensŽe contradictoires et rivales ;

á       gŽologiquement, la philosophie aide chacun ˆ discerner les conditions intellectuelles de possibilitŽ pour ses propres ŽnoncŽs ;

á       mŽtŽorologiquement, la philosophie dŽgage le temps quĠil fait pour la pensŽe, les questions urgentes de lĠheure.

Au total, la philosophie fournit ainsi ˆ qui veut lĠombre ˆ lĠabri de laquelle examiner tranquillement – non pas sous les pleins feux du soleil – la carte, les soubassements et lĠair ambiant dans lesquelles toute pensŽe doit apprendre ˆ se mouvoir par elle-mme. Il ne sĠagit pas lˆ de la lumire propre aux rŽsultats mathŽmatiques – quĠils soient sous formes de thŽormes, de notions ou de mŽthodes – mais bien dĠombre protectrice, telle celle quĠun vaste chne peut fournir au dos dĠun marcheur au long cours.

En quelque sorte, lĠombre apaisante (ici philosophique) guide et oriente – voir lĠimage du cadran solaire - quand la chaude lumire (ici mathŽmatique) Žclaire et vivifie.

 

Si lĠon adopte cette problŽmatique de lĠombre, les Žcrits de Wittgenstein sont-ils susceptibles de sĠy inscrire pour le musicien critique et soucieux des raisonances avec les disciplines non artistiques et non scientifiques ?

Peuvent-ils lĠaider ˆ diriger son discours, ˆ le stabiliser sur un socle un peu ferme et ˆ le sensibiliser aux questions de lĠheure ? Peuvent-ils abriter lĠŽdification dĠune pensŽe musicienne qui soit ˆ la fois orientŽe, stable et contemporaine ?

En ce point, o il nĠest plus exactement question de mathŽmatiques, ni mme de logique mathŽmatisŽe, le champ des pensŽes dĠordre philosophique susceptibles dĠopŽrer comme abri pour le musicien pensif sĠŽlargit considŽrablement. Il nĠest dĠailleurs nullement nŽcessaire au musicien de caler son propre entrelacs sur une seule philosophie donnŽe : le musicien peut recourir ˆ des ombres philosophiques diffŽrentes selon les circonstances et la nature thŽorique, critique ou esthŽtique de son propos sans quĠil doive ipso facto sĠassurer de la consistance proprement philosophique de lĠentrelacs rŽsultant. DĠune certaine faon, le musicien pensif au travail fait feu de tout bois pour trouver par ci le concept ou la notion qui va le stimuler, par lˆ la mŽthode dĠinvestigation qui le dynamisera, encore ailleurs le groupe dĠŽnoncŽs susceptibles de consolider telle ou telle de ses hypothses.

Mon propos prŽcŽdent a ainsi privilŽgiŽ le seul Tractatus. Mais qui ne sait que la bibliographie de et sur Wittgenstein est sans limites ; je ne saurais donc raturer la possibilitŽ dĠy trouver dĠautres ombres pour dĠautres orientations musiciennes que la mienne.

 

Tout lĠintŽrt de cette journŽe mamuphique qui sĠengage va prŽcisŽment tre de nous indiquer ce quĠil en est dĠautres approches, musiciennes peut-tre, musicologiques sžrement, et philosophiques et mathŽmaticiennes.

Donc, que mille orientations sĠŽpanouissent et rivalisent mamuphiquement lors de notre journŽe !

 

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[a] www.entretemps.asso.fr/maths

[b] QuĠest-ce que la philosophie ? (p. 11)

[c] Deux rŽgimes de fous, Ed. de Minuit, 2003

[d] ÒDie Grammophonplatte, der musikalische Gedanke, die Notenschrift, die SchallwellenÉÒ

[e] ÒDa§ es eine allgemeine Regel gibt, durch die der Musiker aus der Partitur die Symphonie entnehmen kann, durch welche man aus der Linie auf der Grammophonplatte die Symphonie und nach der ersten Regel wieder die Partitur ableiten kann, darin besteht eben die innere €hnlichkeit dieser scheinbar so ganz verschiedenen Gebilde. Und jene Regel ist das Gesetz der Projektion, welches die Symphonie in die Notensprache projiziert. Sie ist die Regel der †bersetzung der Notensprache in die Sprache der Grammophonplatte.Ò

[f] traduction dĠƒtienne Balibar / Ç Ce dont on ne peut parler, il faut le taire. È (Pierre Klossowski) / Ç Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence. È (Gilles-Gaston Granger) / ÒWovon man nicht sprechen kann, darŸber muss man schweigen

[g] Memento in Critique de la raison phŽnomŽnologique (p. 215)

[h] Cap au pire

[i] Fictions philosophiques et science-fiction (p. 235)

[j] LĠÏuvre claire

[k] ÒDie Philosophie ist keine Lehre, sondern eine TŠtigkeit.Ò

[l] ÒTheorien, die einen Satz der Logik gehaltvoll erscheinen lassen, sind immer falsch.Ò

[m] ÒDie Mathematik ist eine logische Methode.Ò

[n] ÒDer Satz der Mathematik drŸckt keinen Gedenken aus.Ò

[o] Ë ce titre, les rapprochements avec la mme expression dans lĠintellectualitŽ musicale de Schoenberg me paraissent inappropriŽs, mais jĠimagine que nous aurons, lors de cette journŽe, lĠoccasion de revenir sur ce pointÉ

[p] Noter le pluriel de Ç logiques ÈÉ

[q] ÒDie SŠtze der Logik sind Tautologien. / Die SŠtze der Logik sagen also Nichts. / Theorien, die einen Satz der Logik gehaltvoll erscheinen lassen, sind immer falsch.Ò

[r] Alain Badiou, LĠantiphilosophie de Wittgenstein, Žditions Nous, Collection Antiphilosophique, 2009

[s] JĠaimerais, au passage, que ceux qui rŽcuse cette disposition prennent au moins soin de rŽpondre de manire prŽcise aux questions philosophiques dŽtaillŽes que le livre de Badiou adresse attentivement au TractatusÉ