François NICOLAS : Interventions de l’année 2007-2008

 

 

 

¨         Samedi 6 octobre 2007 : Séminaire mamuphi (Paris, Ens, 10h) – D’un quatrième moment-mamuphi [1]

 

Samedi 13 octobre 2007 (Paris, Ircam, 10h) : Samedi d’Entretemps consacré au livre de Violaine Anger : Le sens de la musique (1750-1900) (Éditions Rue d'Ulm, 2005) - Les partis pris de l’anthologie raisonnée Le sens de la musique (1750-1900) de Violaine Anger

 

·          Vendredi 19 et samedi 20 octobre 2007 : Colloque « Les mutations de l’écriture » (Paris, Ens) - « Les enjeux logiques des mutations en cours dans l’écriture musicale »

Voir vidéos du Colloque : http://www.diffusion.ens.fr/index.php?res=cycles&idcycle=365

 

Lundi 29 au mercredi 31 octobre 2007 : Colloque international Esthétique et logique : de Leibniz aux contemporains (Clermont-Ferrand)

         30 octobre, 16 h. : Les enjeux de la logique musicale en ce début du XXI° siècle (à la lumière de Grothendieck, Girard & Badiou) [2]

         30 octobre, 20 h. : Concert de musique improvisée avec G. Assayag et L. Mariusse

 

Lundi 5 au mercredi 7 novembre 2007 : Colloque international Sibelius (Paris, Institut finlandais)

         7 novembre, 10 h. : Wagner-Sibelius : une généalogie obscure ? [3]

 

¨         Samedi 10 novembre 2007 : Séminaire mamuphi (Paris, Ens, 10h)

Déconstruire la music theory (1) : David Lewin [4]

Déconstruire la music theory (2) : Milton Babbitt

 

Jeudi 15 et vendredi 16 novembre 2007 : Colloque Leonhard Euler, mathématicien, physicien et théoricien de la musique (Strasbourg)

         Euler/Rameau, après Pythagore/Aristoxène (Des rapports d’un type nouveau entre théories mathématique et musicale de la musique) [5]

 

Vendredi 29 et samedi 30 novembre 2007 : Colloque Boucourechliev (Paris, EHESS)

         La dimension critique de l’intellectualité musicale chez André Boucourechliev [6]

 

¨         Samedi 1° décembre 2007 : Séminaire mamuphi (Paris, Ens, 10h) / École mamuphi (Paris, Ircam, 15h)

Quelques raisonances musicales de l’exposé de Francis Borceux

 

 

¨         Samedi 15 décembre 2007 : Séminaire mamuphi (Paris, Ircam, 10h)

 

Mardi 11 et mercredi 12 décembre 2007 : Des rapports entre musique et mathématiques (École européenne supérieure de l’image, Angoulème)

 

Dimanche 16 décembre 2007 (15h15) : Écouter Parsifal, une œuvre pour notre temps [7] (Cercle National Richard Wagner - Hôtel Bedford, salon Pasquier, 17 rue de l’Arcade, Paris 8°)

 

¨         Samedi 12 janvier 2008 : Séminaire mamuphi (Paris, Ens, 10h)

 

¨         Samedi 2 février 2008 : Séminaire mamuphi (Paris, Ens, 10h)

 

 

¨         Samedi 15 mars 2008 : Séminaire mamuphi (Paris, Ens, 10h) / École mamuphi (Paris, Ircam, 15h)

 

Jeudi 3 et vendredi 4 avril 2008 : Colloque « Mai 68 et la musique » (Paris, CNR)

                  Interview par Yves Riesel

Quelques repères sur l’événement « Mai 68 » et ses résonances musicales

Diaporama

Enregistrement et projections (vidéo Dailymotion)

Les voix de Mai 68 dans le Requiem de Bernd Alois Zimmermann

Diaporama

Enregistrement et projections (vidéo Dailymotion)

 

¨         Samedi 5 avril 2008 : Séminaire mamuphi (Paris, Ens, 10h)

 

Quel rôle de la musique dans l’antiphilosophie nietzschéenne ?  - Sur Nietzsche musicien (La musique et son ombre) de Florence Fabre

 

¨         Samedi 17 mai 2008 : Séminaire mamuphi (Ens, 10h) / École mamuphi (Paris, Ircam, 15h)

 

Jeudi 22 mai 2008 : Atelier « Mai 68 et la musique » (Paris, CNR)

Video (Dailymotion)

 

 

Lundi 26 mai 2008 : Quand la peinture écoute la musique… à sa manière (À propos des peintures d’œuvres musicales réalisées par Daniel Seret) (Colloque Musique et arts plastiques, Paris-Sorbonne, mai 2008)

Diaporama

Erkennung pour grand orgue (Œuvre de F. Nicolas, par Jean-Luc Étienne, avec des peintures de Daniel Seret) :

·          Mouvement I

·          Mouvement V

 

Samedi 7 juin 2008 (Paris, Centre culturel tchèque, 15h) : Conférence sur Instress

Video (Dailymotion) :

·          http://www.dailymotion.com/Fanclois/video/x5pcy1_instress-f-nicolas-presentation-12

·          http://www.dailymotion.com/Fanclois/video/x5pczf_instress-f-nicolas-fin-22

 

 

Mardi 10 juin 2008 (École des Mines de Nancy) – Alliances musique / politique ?

 

Samedi 21 juin 2008 (Paris, Institut Henri Poincaré – Journée annuelle de la Société mathématique de France) : Musique et mathématiques

Pour des rapports d’un type nouveau entre mathématiques et musique, en germe dans l’échange Euler/Rameau de 1752 [9]

Diaporama

–––––



[1]

On soutiendra qu’il y a eu quatre moments mamuphi :

1.        le moment Grec (VI° siècle av. J.-C.)

2.        le moment-Descartes ;

3.        le moment des Lumières ;

4.        le moment actuel ou moment-2000.

On écartera, ce faisant, d’autres moments qui ont également rapporté, chacun à leur manière propre (mais manière non mamuphi…), mathématiques, musique et philosophie :

·          un moment-quadrivium (ou moment scolastique du Moyen Âge),

·          un moment américain (dans l’après-guerre) qu’on qualifiera de moment réactif,

·          un moment-Xenakis qu’on qualifiera de moment obscur.

On dégagera quelques directives pour notre quatrième moment mamuphi en vue, en particulier, d’éclairer la confrontation entre théories mathématique et musicale de la musique…

 

[2]

De même que Rameau, voulant théoriser la musique de son temps, a mobilisé une conception de son temps (cartésienne, en l’occurrence) de ce que théoriser voulait dire, de même pour caractériser ce qu’est la logique musicale contemporaine, il importe de recourir à une conception contemporaine de ce que logique veut dire.

Nous chercherons une conception contemporaine de la logique (conception a minima non langagière) dans les travaux mathématiques de Grothendieck (1928), philosophiques de Badiou (1937) et logiques de Girard (1947).

 

S’il est vrai que « logique musicale » se dit en trois sens,

·          la théorie des topos de Grothendieck nous éclairera sur ce qu’il en est de la logique de la musique comme monde, et sur le rôle proprement logique que joue ici l’écriture musicale (le solfège) ;

·          la refondation de la logique formelle sur les mathématiques (à l’inverse des conceptions antérieures) par Jean-Yves Girard nous éclairera sur ce qu’il en est de la logique de la musique comme discours, et sur les caractéristiques proprement logiques de la dialectique musicale (le développement) ;

·          enfin le déploiement d’une logique complète du sujet (en un réseau de quatre figures) par Alain Badiou nous éclairera sur ce qu’il en est de la logique de la musique comme stratégie à l’œuvre (la Forme).

On conclura sur les enjeux logiques des mutations contemporaines en matière d’écriture, de dialectique et de forme musicales.

 

[3]

Si l’annonce par Hegel de la mort de l’art est bien connue, il est moins connu que cette annonce s’accompagne de la prescription suivante : « Dans l’art, il n’y a rien d’obscur. » (Esthétique).

On pourrait à ce titre soutenir que pour Hegel l’art qui serait mort — condamnant ainsi la musique à un état de survie, soit mélancolique (le deuil interminable de sa grandeur passée), soit sensualiste (les jeux sans enjeux) — serait précisément celui qui récuse toute puissance créatrice de l’obscur.

D’où l’intérêt de la proposition philosophique d’Alain Badiou établissant (Logiques des mondes) la puissance subjective singulière de l’obscur (voir son « sujet obscur »).

Qu’en est-il en musique des puissances artistiques de l’obscurcissement ? Dans quelle mesure une telle prise en compte introduit-elle une vision plus ample, plus diversifiée et par là plus confiante des développements de la musique du XX° siècle ?

 

On examinera ce point à l’occasion de la question suivante : qu’en est-il de la généalogie Wagner-Sibelius ?

On interrogera cette généalogie à la lumière du triplet {Schoenberg-Debussy-Sibelius}, empiriquement attesté par trois Pelléas quasiment synchrones (l’opéra de Debussy en 1902, le poème symphonique de Schoenberg en 1903, la musique de scène de Sibelius en 1905) mais qui prend surtout sens à la lumière de leurs rapports intimes à l’œuvre de Wagner.

On soutiendra ainsi que ces trois généalogies qui ont en grande partie configuré la musique du XX° siècle peuvent s’éclairer réciproquement comme généalogies fidèle (Schoenberg), réactive (Debussy) et obscure (Sibelius).

 

S’agissant ici d’une intervention dans un colloque consacré à Sibelius, on se concentrera sur l’examen de la IV° symphonie de Sibelius pour exhausser ce que obscurcissement inventif veut musicalement dire. On soutiendra qu’il en va ici de la destinée du corps symphonique comme tel.

 

[4]

I

On inscrira d’abord cet examen de David Lewin dans le cadre plus général d’une déconstruction de la music theory.

Cette conception proprement américaine de ce qu’une théorie de la musique devrait être aujourd’hui aime à se parer d’une double légitimité :

·           celle de Schoenberg, qui aurait été le promoteur d’un nouveau système musical (le « dodécaphonisme »…), apte à relever l’ancien système tonal ;

·           celle de la mathématique, qui assurerait aujourd’hui la cohésion de toute théorisation.

Théoriser la musique aujourd’hui aurait ainsi pour emblème le projet de mathématiser un système-Schoenberg :

1)       d’une part en dégageant de Schoenberg le système qu’il aurait inventé, ou « systématiser Schoenberg » ;

2)       d’autre part en théorisant le système-Schoenberg ainsi produit sous la prescription suivante : une telle théorie doit être scientifique, donc mathématisée.

 

Il est pourtant d’autres manières, bien plus musicales, de comprendre Schoenberg (en particulier nullement comme inventeur d’un supposé « système dodacaphonie »). Il est également bien d’autres rapports musiciens possibles aux mathématiques (nullement pour mathématiser les lois musicales). Il est enfin bien des manières de concevoir aujourd’hui ce que théoriser la musique veut dire (une théorie n’est pas forcément scientifique !) si bien que la voie néo-positiviste prônée par la music theory ne saurait prétendre hégémoniser le champ concerné.

Déconstruire la music theory, c’est précisément dégager ses orientations de pensée sous-jacente en sorte d’élargir notre espace de travail, à nous musiciens pensifs de ce début de XXI° siècle.

 

II

Comment dans ce cadre caractériser la théorie de la musique très particulière construite par Lewin ?

On commentera pour ce faire des extraits des textes B et C, en accordant une importance toute particulière à l’analyse, musicalement très significative, des interactions entre leitmotivs de la Magie et du Graal dans Parsifal (GMIT 7.2).

On soutiendra sur cette base les points suivants :

1.         D’abord il s’agit chez Lewin d’une théorie musicale (et non pas mathématique) de la musique. Sa logique diffère donc essentiellement de celle de Topos of Music (G. Mazzola) puisque l’interprétation musicale (qui circule des mathématiques vers la musique) prévaut chez Lewin sur la puissance formalisatrice (celle qui circule par contre de la musique vers les mathématiques).

2.         Cette théorie musicale de la musique est mathématisée. C’est ce qui contribue à sa spécificité et inscrit ainsi qu’une théorie musicale mathématisée puisse différer d’une théorie mathématique.

3.         Cette théorie (musicale mathématisée) de la musique s’avère d’ambition systématique : elle vise non pas un agrégat plus ou moins disparate de formules mathématiques (tel celui dont Euler, pourtant, se satisfaisait dans sa théorisation mathématique de la musique) mais bien une formalisation mathématique systématique de la musique (d’où une problématique des théorèmes propre à ce type de théorie).

4.         Ce qui de la musique doit être, pour Lewin, ainsi (systématiquement) théorisé, c’est précisément sa dimension elle-même systématique : cette théorie de la musique entreprend en effet de théoriser la musique comme système, de dégager les « systèmes musicaux » implicitement à l’œuvre en sorte que si la théorie doit être selon Lewin systématique, c’est bien parce qu’il y s’agit de théoriser la dimension « système » de la musique, la musique comme système (d’où par exemple les Generalized Interval Systems) et non pas par exemple comme discours, ou comme réseau d’œuvres, ou comme contenu de vérité composé pour l’écoute, etc.

5.         Au total on a donc ici affaire à une théorie musicale, mathématisée et systématique, de la musique conçue comme système, une théorie musicale systématique des « systèmes musicaux ».

 

III

Qu’en est-il alors des rapports d’une telle théorie particulière à l’intérieur du dispositif général de la music theory ? Ce point sera l’enjeu de la discussion qui suivra avec Stephan Schaub.

 

[5]

Le début du XVIII° siècle voit se constituer en parallèle deux nouvelles théories de la musique :

·          une théorie spécifiquement mathématique (Euler) ;

·          une théorie spécifiquement musicale (Rameau).

Le vieux face à face des théories mathématiques et musicales de la musique prend ici un nouveau tour, récusant l’antique opposition Pythagore/Aristoxène.

En cette substitution de la polarité Euler/Rameau à la vieille polarité Pythagore/Aristoxène, que se joue-t-il ?

 

Il en va là, non seulement de deux nouvelles théories, mais bien de deux types nouveaux de théories :

·          Euler déploie un type nouveau de théorie mathématique de la musique dans la mesure où sa théorie ne vise plus (comme chez les Pythagoriciens) à renforcer l’antique tutelle arithmétique sur la musique (tutelle célébrée jusqu’aux Scolastiques, St Thomas en tête) mais, tout au contraire, à prendre mathématiquement en compte l’autonomie attestée des lois musicales (autonomie à l’égard non seulement des lois mathématiques mais également des lois physiques et physiologiques).

L’enjeu de cette théorie d’un type nouveau est avant tout d’ordre mathématique : il s’agit d’une part d’attester d’une puissance de pensée propre aux mathématiques (puissance d’autant plus significative qu’elle ne se voudra pas prise de pouvoir sur les autres disciplines de pensée mais bien capacité à formaliser mathématiquement des régimes hétérogènes de consistance) et d’autre part d’éprouver sur un même objet (ici la musique) de quelle manière la diversification en cours de la mathématique (naissance de la topologie, de la combinatoire, de l’analyse, de la théorie des graphes, etc.) ne menace pas son unité profonde mais, tout au contraire, l’approfondit.

·          Rameau institue un type nouveau de théorie musicale de la musique, une manière proprement contemporaine de théoriser la musique contemporaine (pour lui la musique tonale) en normant sa théorie selon des critères d’origine philosophique récente (Descartes) ce qui le conduit à doter sa théorie d’un unique principe (de nature physique : la résonance du corps sonore).

L’enjeu, pour Rameau, est bien sûr d’ordre musical : cette théorie vise moins un pur savoir qu’à orienter la nouvelle musique qu’il s’agit alors de composer, en organisant en particulier une résistance progressive à l’air italianisant du temps ; à partir de 1750, ceci va conduire Rameau à doubler cette théorie d’une critique et d’une esthétique proprement musicales, inventant par là ce qui s’avèrera être la première intellectualité musicale entièrement déployée.

 

L’échange de lettres intervenu fin 1752 entre Euler et Rameau permettra alors de mieux prendre mesure des rapports entre ces deux nouveaux types de théorie : leur conjonction (contemporanéité des modes de pensée), leur disjonction (hétérogénéité de leurs subjectivités respectives) et leur rivalité (quant à la manière par exemple d’évaluer la consonance de l’octave) indiquera qu’il s’agissait là non seulement de nouveaux rapports mais bien de rapports d’un nouveau type (si l’on veut bien admettre que les théories respectives de Pythagore et Aristoxène, ne pouvant envisager de se confronter l’une à l’autre, s’ignoraient plutôt qu’elles ne rivalisaient).

 

On conclura en suggérant de quelle manière ce second temps Euler/Rameau des rapports entre théories mathématique et musicale de la musique est aujourd’hui derrière nous, non pas selon le nouveau motif de leur fusion (motif proprement américain de la music theory) mais selon le motif de nouvelles figures de raisonances entre musique et mathématiques.

 

[6]

On rappellera d’abord que l’essentiel des écrits d’André Boucourechliev relèvent d’une dimension critique (évaluation des œuvres) plutôt qu’esthétique (rapport de la musique à son extérieur) ou théorique (formulation des lois musicales). À ce titre, ces écrits s’apparentent formellement à ceux d’un Schumann ou d’un Boulez (critique) plutôt que d’un Rameau et d’un Pousseur (théorie) ou d’un Wagner et d’un Stockhausen (esthétique).

 

On examinera ensuite les rapports d’André Boucourechliev à Boris de Schloezer et on montrera de quelle manière la plupart des grands thèmes boucourechliéviens (aussi bien théoriques – « le langage » -  qu’esthétiques – « la modernité » comme distincte de la contemporanéité – ou critiques – l’auditeur comme acteur de « l’unité » de l’œuvre -) s’enracinent chez de Schloezer, lequel fournit en quelque sorte le programme de travail du musicien pensif Boucourechliev.

 

Comment sur cette base schloezérienne caractériser les orientations spécifiques de la critique boucourechliévienne ?

Celle-ci configure

·          une généalogie principale : Beethoven-[Wagner]-Debussy-Stravinsky-sériels (dont une des particularités est de contourner Schoenberg) ;

·          des contemporanéités assumées (avec les musiques de l’ouverture et de l’aléa) ou récusées (avec Cage ou Xenakis…).

Rejetant explicitement une problématique tant musicologique qu’historienne, cette « critique » musicale circule souverainement du présent vers le passé en sorte d’en rehausser la « modernité », et, par là, d’orienter l’auditeur d’aujourd’hui.

Si « moderne » nomme bien (cf. de Schloezer) la subversion préfigurante de qui se tient à contre-courant, cette critique identifiera alors la modernité

         chez un Beethoven, au sein donc du classicisme musical, selon le motif d’une composition par masses et formants plutôt que par thèmes et mélodies ;

         chez un Schumann, soucieux de conquérir, au cœur même de la fragmentation romantique, une forme spécifique d’unité ;

         chez un Chopin réhabilitant pour notre temps la figure qu’on pourrait croire dépassée de l’interprète créateur ;

         chez un Wagner, agent à la fois d’une forme ouverte, de la musique de l’espace et d’un langage musical structuré comme un inconscient,

         chez Debussy, comme singularité (dressée face à Schoenberg) réinventant le timbre sous sa modalité de spectre sonore ;

         chez un Stravinsky dont l’unité musicale l’emporte sur la diversité au fil d’une préoccupation insistante quant à ce que « style » veut musicalement dire ;

         enfin, bien sûr, dans un sérialisme ayant accompli son programme de travail dès 1965 et se trouvant à partir de là rétroactivement évaluable.

Soit au total le motif d’une modernité au labeur d’une unité musicale non plus donnée mais à conquérir, non plus au principe mais à l’horizon du musicien (où l’on retrouve, au demeurant, le croisement schloezérien des déterminations phénoménologique et gestaltiste).

 

Bref, autant de thèses dont la vive intelligence musicale est toujours susceptible de nous solliciter, nous musiciens, en ce début de XXI° siècle.

 

[7]

I. Ce qu’est / ce que n’est pas Parsifal.

 

I.a - Six méprises : Parsifal n’est pas un opéra

·          proto-nazi

·          crypto-chrétien

·          para-maçonnique

·          pseudo-bouddhiste

·          obscurantiste

·          mythologique

 

I.b – Parsifal : un opéra de la réactivation subjective d’un processus collectif ensablé et moribond.

 

 

II. Comment écouter Parsifal ?

 

II.a - Parsifal serait-il inécoutable car sa musique serait

·          narcotique (Nietzsche),

·          planante - il s’agirait de se laisser bercer dans un « sentiment océanique » (Romain Rolland),

·          un permanent trompe-l’œil (Adorno) ?

 

II.b - Contre cela, on soutiendra une écoute de Parsifal analytiquement articulée en neuf points :

1.        Un temps de la préécoute

2.        Un moment-faveur

3.        Trois moments-relais

4.        Quatre moments-choral

5.        Deux moments du sublime

6.        Un moment de la fin

7.        La mélodie infinie comme fil d’écoute de part en part

8.        Le réseau des letimotivs comme réseau nuageux

9.        La moment-analyse globale

 

 

III. Une œuvre pour notre temps ?

 

III.a - La figure subjective du crépuscule : dans Parsifal et dans notre temps

Que parachever ? Que transmettre ? Qu’est-ce qui du jour achevé méritera d’être réactivé ?

 

III.b - Quatre aspects musicaux de ces questions :

1.        la question de l’opéra : son apparent destin est-il bien celui du cinéma et de la musique de film ?

2.        la capacité du chant musical de moduler un texte en préservant sa puissance intelligible propre ;

3.        la question du grand art et de la grande musique, contre la figure d’une musique condamnée à survivre, sans ambition, à l’époque de sa « déconstruction » systématique…

4.        à quelles conditions la musique peut-elle rester à hauteur des tumultes politiques du Monde ?

 

III.c – Un projet : une tétralogie sur 1968 pour le 1° mai 2018 !

 

[8]

Argumentaire

 

 

Il s’agit là d’un livre d’historien, dont la réception musicologique s’avère controversée. Pour ma part, j’en proposerai une lecture musicienne.

*

Ce livre a pour grand intérêt de documenter ce que j’appellerai la constitution d’un point de vue réactif sur l’événement-Schoenberg, synchrone de son émergence.

 

I. Le dossier…

Ce dossier documentaire nous apprend ceci.

·          L’initiative de la nomination de l’événement-Schoenberg est venue du point de vue réactif, les œuvres musicales, au principe de cet évènement, n’étant pas accompagnées de déclarations particulières de leur auteur. C’est donc le point de vue réactif qui, le premier, a choisi les noms désignant l’évènement musical.

·          La logique proprement réactive a relevé d’une opposition de principe interdisant de recevoir les opus de Schoenberg comme constituant de véritables œuvres musicales et non pas d’une évaluation précautionneusement mûrie.

·          Ainsi, le partage des consciences musiciennes s’est trouvé porter directement sur des questions d’existence : les pièces proposées en concert par Schoenberg relevaient-elles ou non de la musique ?, avaient-elles droit ou non à l’existence dans le monde de la musique et donc dans les salles viennoises, de quelle logique (musicale ou psycho-sociale) relevaient-elles ? Le partage ne s’est donc pas fait sur l’évaluation d’œuvres musicales reconnues par tous (sont-elles bonnes ou mauvaises ?, de quelles manières sont-elles novatrices/traditionnelles ?, quelles sont leurs forces et leurs faiblesses ?, etc.).

Par exemple, si l’opus 9 dissocie de manière nouvelle écriture et perception, le principe (réactif) qu’il ne saurait y avoir de musique là où écriture et perception ne sont plus transitives conduisait à le déclarer non musical. À l’inverse, le même opus était considéré comme évènement musical précisément parce qu’il portait à l’existence musicale une nouvelle figure (intransitive) des rapports écriture/perception. Où l’on voit que le dissensus, comme tout partage subjectif véritable, opposait des principes à d’autres principes, nullement une réception à une autre réception.

·          Le discours schönbergien contre-réactif n’émergera que dans un troisième temps (après le premier temps d’affirmation musicale, porté par les œuvres, et le second temps de réaction discursive, porté par la critique journalistique) sous forme cette fois d’une intellectualité musicale progressivement inventée par Arnold Schoenberg en vue de faire pièce au discours réactif précédant. Il s’agissait là, pour le musicien, d’abord de ne pas céder face à la critique et de s’encourager à poursuivre contre vents et marées, ensuite de prendre mesure dans la langue de ce que les œuvres étaient en train d’affirmer dans la musique (et « subconsciemment » pour le musicien…).

Le premier geste de pensée de cette nouvelle intellectualité musicale consiste pour Schoenberg à tracer une nette ligne de démarcation entre la valeur musicale (« valeur intrinsèque ») de l’œuvre et sa « valeur marchande » (qui, elle, est affaire de public et de critiques…). Autant dire que pour le musicien pensif Arnold Schoenberg, les évaluations, réceptions et critiques « intrinsèques » d’une œuvre sont affaire d’autres œuvres musicales, non d’un public : ce qui « reçoit », « évalue », « critique » l’opus 9, c’est tel opus de Berg ou Webern, mais aussi tel autre de Debussy ou Sibelius.

À partir de là, cette intellectualité musicale va entreprendre de nommer selon sa logique propre ce qui est en train musicalement de se passer, en sorte de disposer d’une autonomie musicienne de nomination, ajustée à l’autonomie musicale des œuvres. Le premier geste dans ce sens sera de récuser le mot « atonal » comme inapte à nommer adéquatement la nouvelle intension musicale. Tout indique que Schönberg et ses amis s’engagent alors dans une voie de nomination qui écarte l’orientation historicisante, orientation dont le mot « avant-garde » deviendra plus tard l’emblème.

·          Au total, il n’y avait guère de noms en partage entre les deux camps constitués par l’évènement-Schoenberg : pas plus qu’il n’y avait entre les deux camps d’accord minimal sur une existence musicale communément reconnue, il n’y avait d’accord sur la manière adéquate de nommer ce qui se trouvait à l’origine de leur dissensus - comment en effet auraient-ils pu se mettre d’accord sur un mot (fut-ce celui d’« atonal ») prétendant nommer simultanément une existence éminente et une pure et simple inexistence musicales ?

 

II. …et son interprétation historienne

Ces différents points, dégagés du dossier documentaire rassemblés par cet ouvrage, s’opposent terme à terme aux considérations dont son auteur, pour son propre compte d’historien, encadre ce même dossier. Ainsi selon lui :

·          Le discord en question portait sur la réception (journalistique) des œuvres.

·          À ce titre, le principe de l’historien sera de ne pas accorder de statut spécifique au point de vue de Schoenberg.

·          Les noms produits réactivement pour désigner l’évènement-Schoenberg sont tenus par l’auteur de ce livre comme faisant « consensus », et singulièrement ce nom, pourtant très spécifique — « le cas Schönberg » — qui, en perdant subrepticement au fil des pages de ce livre ses guillemets — c’est-à-dire son statut d’énonciation réactive — va symptomalement servir d’emblème à tout l’ouvrage…

·          Au total, l’enjeu pour l’historien de ce dossier n’est pas tant un événement musical Schoenberg (le statut purement musical d’un tel évènement interdisant à l’historien de l’examiner) que « la naissance » de ce que l’auteur prend le parti exogène d’appeler une « avant-garde », prélevant ainsi un nom qui n’apparaîtra que bien plus tard, moins d’ailleurs par les acteurs directs de l’évènement (Schoenberg l’a toujours récusé) que par ceux qui, tel Adorno, l’interprètent dans une logique historiciste.

 

On se demandera alors : au fil de quels principes une telle singularité musicale émergente se trouve-t-elle ainsi réduite par l’historien à la problématique d’un « cas » ? À quelles fins un tel forçage du matériau documentaire patiemment rassemblé, forçage dont l’oxymoron titre & sous-titre du livre atteste (effacement de l’énonciation réactive au principe de l’énoncé « le cas Schönberg »/choix pour le sous-titre d’un nom — avant-garde — chronologiquement décalé et d’orientation historiciste) ? Et si toute enquête historique relève nécessairement d’une stratégie, non d’un constat policier, quel en est donc ici le Leitfaden subjectif ?

S’agit-il d’appliquer ici ce que Passeron et Revel ont appelé « Penser par cas » (Éd. Ehess, 2005) : contextualiser une singularité (réactivant ainsi l’ancienne casuistique ou la clinique du cas) en sorte de la particulariser puis de généraliser à partir d’elle (bref, dissoudre la singularité dans un continuum historiciste) ?

 

*

 

[9]

L’enjeu général de cette intervention devant la communauté des mathématiciens français est d’appeler, en ce début de XXI° siècle, à une alliance musiciens-mathématiciens d’un nouveau type car basée moins sur la dimension théorique des rapports mathématiques-musique (théoriser la musique avec les mathématiques) que sur le chiasme de deux faire : faire de la bonne musique à partir des mathématiques comme, depuis Euler, les mathématiciens savent faire de la bonne mathématique à partir de la musique.

Métaphoriquement, la thèse est que le Graal musique-mathématiques se trouve aujourd’hui ensablé dans sa seule dimension théorique (Montsalvat ne connaît plus que les cérémonies musicalement et mathématiquement anémiées des «applications» sous la tutelle du vieil Amfortas-Babbitt, la lance de la logique musicale propre ayant été abandonnée au Klingsor de l’informatique) en sorte qu’il nous faut un Parsifal (sujet collectif, cela va sans dire, dont le nom adéquat est mamuphi) pour réactiver des raisonances mathématiques-musique désenclavées de la seule dimension théorique qui les entrave et les étouffe.

 

Pour argumenter cette proposition, on repartira de la scène primitive des rapports modernes entre working mathematiciens et working musiciens : l’échange au sommet de 1752 entre Euler et Rameau.

 

On dégagera dans un premier temps les points suivants :

·          la théorie eulérienne de la musique constitue une nouvelle manière de théoriser mathématiquement la musique : en formalisant, avec les mathématiques les plus contemporaines, les lois devenues autonomes de la musique alors contemporaine ;

·          ensuite la théorie ramiste de la musique constitue une nouvelle manière de théoriser musicalement la musique : en déployant une nouvelle conception – cartésienne – de ce que théoriser veut dire, et en assumant une dimension prescriptive (non pas descriptive) de cette théorie, intégrée à la nouvelle figure inventée de l’intellectualité musicale ;

·          enfin la confrontation Euler/Rameau ouvre à des rapports de type nouveau entre théories mathématique et musicale de la musique : des rapports directs entre mathématicien et musicien disputant des conjonctions et disjonctions entre théories mathématique et musicale de la musique ;

·          en sus de tout ceci, un autre possible s’affirme en ce moment 1752 : celui de rapports d’un type nouveau (non théorique) entre mathématiques et musique. Ceci s’affirme dans le fait que la théorie eulérienne de la musique, ayant pour cible véritable les mathématiques bien plus que la musique, sert essentiellement au jeune Euler à faire de la mathématique à partir de la musique ; la réciproque ramiste par contre n’existe pas s’il est vrai que Rameau ne tire nul parti musical de la théorie mathématique d’Euler. D’où une dissymétrie, à la fois impasse de leur dialogue et promesse pour d’autres musiciens, plus à l'écoute de ce qui se trame du côté des mathématiques.

Dans un second temps, on mettra en évidence, à la lumière de l’expérience mamuphi, les points suivants :

·          il y a bien une destinée contemporaine proprement mathématicienne de la nouvelle manière eulérienne de théoriser mathématiquement la musique, une généalogie eulérienne inventive ;

·          il y a bien une mise en œuvre contemporaine de rapports d’un type nouveau entre théories mathématique et musicale de la musique dégagés par le moment Euler-Rameau, rapports qu’on examinera selon la typologie suivante : une formalisation mathématicienne, une application musicologique et une expérimentation musicienne ;

·          le point le plus aigu est alors de consolider des rapports d’un type nouveau (non théorique mais de l’ordre du faire) entre mathématiques et musique, rapports qui sont d’ores et déjà à l’œuvre aujourd’hui : d’une part dans l’école mamuphi de mathématiques pour musiciens et autres non mathématiciens, d’autre part dans quelques pratiques de composition musicale.