Les questions qu’un Viollet-le-Duc pourrait nous adresser…

(Journée Musique et architecture ; Cité de la musique, 25 novembre 2006)

 

François Nicolas             

 

 

 

Pour introduire à mon sujet…

 

Pourquoi Viollet-le-Duc ?

On fera l’hypothèse qu’apparaît, avec Viollet-le-Duc, un nouveau type de discours sur l’architecture :

·       un discours d’architecte, en intériorité subjective à l’art pratique du bâtir et du construire ;

·       un discours explicitant ce que la pensée proprement architecturale est et doit être ;

·       un discours destiné à configurer ce qu’une architecture contemporaine doit être - pour Viollet-le-Duc, une architecture contemporaine est cette architecture du 19° siècle qui à ses yeux n’existe pas encore (après 1850 !).

À ces trois titres, Viollet-le-Duc occupe par rapport à l’architecture la même place qu’un Rameau a occupé, un siècle auparavant, vis-à-vis de la musique. On parlera ainsi de la naissance, avec Viollet-le-Duc, d’une intellectualité architecturale comme il y eut naissance, avec Rameau, d’une intellectualité musicale.

Viollet-le-Duc nous intéresse donc au titre d’un souci proprement architectural du contemporain, souci incarné en la nouvelle figure d’un architecte pensif.

*

Qui est le « nous » du titre ?

Il désigne les musiciens soucieux de prendre pied dans le 21ème siècle, s’entend dans un siècle dont les contours (musicaux mais pas seulement) n’existent pas encore mais qu’il s’agit précisément de faire exister, des musiciens ouverts pour ce faire aux autres pensées, en l’occurrence à ce qui de l’architecture à l’œuvre aujourd’hui peut inspirer, stimuler leur propre travail.

Certes le siècle de Viollet-le-Duc – mais tout aussi bien celui de Victor Hugo, Richard Wagner et Karl Marx, ses pairs en intellectualité (littéraire, musicale et politique) – n’est plus le nôtre.

L’hypothèse sera, précisément, que prendre mesure de la spécificité de Viollet-le-Duc peut éclairer notre temps et exhausser les préoccupations que musique et architecture pourraient aujourd’hui partager.

*

Sur cette base, on examinera la spécificité d’un certain nombre de thèses et thèmes de Viollet-le-Duc :

·       Une conception de la théorie qui se veut contemporaine (pour Viollet-le-Duc comme pour Rameau, ceci veut dire : contemporaine de la méthode cartésienne) sans être ni positiviste (la « science » dont il est chez lui question est celle du savant, non celle du scientifique – la théorie visée n’a nullement une prétention de scientificité – et la forme Dictionnaire qu’il lui donne ne doit rien à la lexicographie positiviste d’un Littré…), ni néo-positiviste avant l’heure (la pensée architecturale n’a nullement à se mesure à la langue), ni romantique (la pensée scientifique – les mathématiques en particulier - constitue pour Viollet-le-Duc un référent cardinal de la pensée architecturale).

·       Une attention minutieuse portée à ce qui en architecture fait logique : soit le nouage spécifique d’un principe à des idées en sorte de produire un style. D’où le mathème architectural suivant :

Logique : idée principe  style              [ où l’on reconnaîtra le schème intension  inspect ]

·       Un effort d’explicitation de cette logique de l’architecture (logique du bâtiment, logique à l’œuvre) en une méthode de l’architecte (c’est en ce point que ce dernier doit s’adosser à la philosophie cartésienne).

·       Une primauté pour l’architecte pensif de la critique (ou évaluation critique des œuvres architecturales) sur la théorie : la critique du « livre de pierre » est pour Viollet-le-Duc la base de cette nouvelle intellectualité architecturale qui dégage, par monographies, une généalogie architecturale qui ne relève guère de la discipline-Histoire.

·       Un souci constant (qu’on proposera de nommer esthétique – au sens d’un « partage du sensible ») de penser l’architecture avec le contexte civilisationnel dans lequel elle s’insère.

*

À la lumière de cette singulière problématique du « contemporain » (dont on examinera les raisonances musicales), on se demandera ce qu’elle peut éclairer de notre propre contemporanéité.

––––

     Table

 

Introduction

Ni dualité, ni rivalité

Dualité ?

Rivalité ?

Imaginaire/réel

Raisonances

Analogie avec le rapport de la musique aux mathématiques

Mise en rapport de deux logiques

Œuvres ?

Plutôt discours

Viollet-le-Duc

Pourquoi Viollet-le-Duc ?

Partir musicalement de l’architecture

De Rameau…

… et de Descartes

C’était il y a un siècle et demi…

Deux remarques

« Intellectualité architecturale » ?

Trois dimensions

Un nouveau type de discours…

… ouvert aux autres pensées

Son enjeu propre

Ses dimensions

Rapporter deux rapports

Conséquences ?

Une méprise, d’abord, à éviter…

Mises en rapport

Tempi/échelles-proportion

Écoutes/parcours

Rapports entre intellectualités

Quelle philosophie ?

Enfin…

Intérieur/extérieur

Le grand

Autres…

Annexe : Viollet-le-Duc, ou l’invention de l’architecte pensif

Un nouveau type de discours…

Un discours d’architecte

Restituer la pensée architecturale à l’architecte…

Une architecture contemporaine du XIX° siècle…

… ouvert aux autres pensées

Adossement à la philosophie cartésienne

Référence active, donc mobile, aux mathématiques

Raisonance entre architecture et musique

Son enjeu propre

Une logique de l’architecture

Une méthode de l’architecte…

Ses dimensions

Un examen critique des œuvres d’art

Une théorie de l’art architectural

Une esthétique pensant l’architecture avec son contexte

Encore aujourd’hui ?

 

*

Introduction

Notre question du jour : de quel espace sensible la musique est-elle contemporaine ?

 

Autant le déclarer d’emblée : je n’ai pas de réponse propre à vous proposer aujourd’hui à cette question. C’est même très précisément parce que je n’ai pas une telle réponse que j’organise, avec Philippe Boudon, cette journée.

Mon intervention ne va donc pas tendre à esquisser ce qu’un espace sensible, contemporain pour la musique, pourrait être mais plutôt à déployer cette question qui doit nous occuper aujourd’hui.

Ni dualité, ni rivalité

Comment le faire ?

J’aurais pu partir de la manière dont le musicien aujourd’hui aborde la question de l’espace pour ensuite indiquer comment sa conception musicale de l’espace s’adresse à l’architecture.

Je ne le ferai pas, pour une raison centrale : je considère que musique et architecture n’ont pas vraiment d’espace en partage et que ce n’est donc nullement parce qu’ils auraient en commun un certain type d’espace que se poserait la question leur contemporanéité.

Je l’ai suggéré en ouverture de cette journée : musique et architecture ne me semblent ni en dualité, ni en rivalité.

Dualité ?

Musique et architecture ne sont pas en dualité, selon un schème implicitement kantien où ces deux arts se répartiraient les deux dimensions du sujet transcendantal : l’espace pour l’architecture, le temps pour la musique. À cela j’objecterai succinctement ceci :

·       la musique n’est pas vraiment un art du temps comme l’architecture l’est – peut-être - de l’espace ;

·       n’étant pas kantien et ne tenant nullement à l’être, si transcendantal il doit y avoir, il me convient d’aller l’identifier ailleurs que dans la figure idéaliste du sujet kantien (voir, pour une figure contemporaine du transcendantal, le récent livre d’Alain Badiou Logiques des mondes).

Rivalité ?

Musique et architecture ne sont pas plus en rivalité, selon le schème cette fois d’un « espace sonore » que la musique serait censé édifier et qui viendrait défier l’architecture sur son terrain spécifique. Je tiens en effet

·       que la catégorie musicale d’« espace sonore » n’a nulle évidence musiucale - elle n’est structurée en catégorie de pensée que dans certaines orientations esthétiques, essentiellement dans une configuration sérielle de pensée (plus spécifiquement d’ailleurs dans sa modalité boulézienne) et cette orientation n’est pas la mienne - ;

·       en-dehors de ces cas très singuliers, l’expression « espace sonore » est une simple métaphore qui ne conduit guère à soutenir que la musique bâtit de véritables espaces, à la manière dont peut le faire l’architecture.

Bien sûr la partition musicale est un espace de papier, mais cet espace relève plus de la géométrie que de l’architecture car il n’est pas à proprement parler sensible mais abstrait.

Bien sûr le musicien, jouant dans une salle, va s’y adapter, choisir soigneusement où y installer ses instruments et son public pour que les premiers s’y adressent au mieux au second mais ceci ne fera pas, en vérité, de la musique un constructeur d’espace, fût-il sonore : la musique restera essentiellement utilisatrice d’espaces architecturaux, et non pas productrice d’espaces propres.

Imaginaire/réel

En vérité les supposés espaces sensibles qui ne relèveraient que des sons, les « espaces sonores » sont pour l’essentiel imaginaires. Ce ne sont pas des espaces sensibles réels et ce ne sont pas non plus les espaces abstraits de la mathématique.

Il n’y aurait donc pas sens à déployer une rivalité entre musique et architecture au titre de l’espace (ce qui reviendrait à orchestrer une rivalité, inconsistante, entre l’imaginaire et le réel…).

Raisonances

Pour ma part, ce n’est donc pas au titre d’un rapport musical singulier à l’espace que me semble se poser pour le musicien d’aujourd’hui la question de l’espace sensible. Ce n’est donc ni au titre des salles ou bâtiments de musique, ni au titre de la spatialisation musicale. Finalement, ce n’est pas au titre de la part qu’occupe dans la musique la question de l’espace que notre journée prend sens à mes yeux. Ce n’est ni au titre d’un partage d’espaces concrets ni au titre d’un partage plus abstrait du mot espace.

Comment architecture et musique peuvent-elles être alors contemporaines si ce n’est pas sur la base d’un espace (concret ou abstrait) en partage ?

Comment dégager le champ possible de raisonances architecture-musique

1.     qui aient bien pour base l’architecture comme art de l’espace rendu sensible,

2.     qui, sur cette base, mettent bien en branle la pensée musicienne,

3.     mais qui, pour autant, ne considèrent pas que la raisonance entre elles tiendrait à une sorte de transfert d’espace.

Analogie avec le rapport de la musique aux mathématiques

Notre problème est ici analogue à celui des raisonances envisageables entre mathématiques et musique [1] : les mathématiques peuvent intéresser le musicien bien au-delà de leurs simples applications à la musique. Dans l’application mathématique, la musique n’est qu’utilisatrice des résultats mathématiques - des théorèmes et formules que la pensée mathématique dépose sur son chemin – et se trouve en position subordonnée. Au mieux la musique fournit alors à la mathématique des problèmes, des conjectures que la mathématique peut ensuite s’approprier et résoudre pour livrer en retour ses résultats au musicien. Ce type d’applications est bien sûr légitime. Disons qu’il constitue, pour le musicien, la version facile du rapport mathématiques-musique car sa version en vérité musicalement non émancipée.

Ce qui est difficile car beaucoup plus intéressant [2], c’est la version musicalement émancipée du rapport mathématiques-musique où pensées musicale et mathématique entrent en concert, à égalité, en particulier à égalité de préoccupations logiques [3].

 

De manière analogue, il s’agit de caractériser la possibilité de rapports architecture-musique qui relèvent d’une égalité de pensée entre domaines radicalement hétéronomes en évitant le double écueil :

·       de la pure et simple indifférence (« puisque ces deux pensées sont hétéronomes, elles ne peuvent guère se rencontrer ; elles peuvent tout au mieux reconnaître leur propre liberté et se saluer de loin… ») ;

·       de la supposée intersection des ces deux pensées autour du mot espace comme si leur rencontre devait se faire autour de ce qu’elles seraient supposées avoir en commun.

 

Mise en rapport de deux logiques

Nous avons, en ce point, un problème de méthode, donc de logique : comment mettre en rapport deux logiques radicalement hétéronomes, celle (spatiale) de l’architecture et celle (temporelle) de la musique sans présupposer

·       ni qu’elles soient homologues (ce serait l’hypothèse de leur dualité),

·       ni qu’elles soient intriquées (ce serait l’hypothèse de leur rivalité sur fond d’espace partagé) ?

Œuvres ?

On ne saurait partir ici d’œuvres (architecturales et musicales), donc de bâtiments concrets et d’opus musicaux déterminés : il est clair que ces deux figures se présentent comme étant sans rapports immédiats, et ce même si tel ou tel opus musical assume explicitement de se déployer dans telle ou telle architecture concrète (dans un tel cas, l’architecture devient pour la musique un outil, un instrument : ce n’est pas démériter, mais ce ne saurait constituer en soi notre question).

Plutôt discours

Il nous faut donc nécessairement partir des discours tenus respectivement sur l’architecture et sur la musique : c’est à partir de ces discours, somme toute de même nature que celui que je suis en train de déployer devant vous, qu’il sera possible de configurer notre méthode, cette méthode apte à mettre en rapport égalitaire deux logiques hétéronomes.

Remarque

Ceci touche à un problème profond, sur lequel je ne voudrais pas trop m’étendre, qui est celui-ci : le rapport entre deux logiques hétéronomes ne saurait être lui-même à proprement parler « logique » (car cela supposerait, en vérité, qu’il existe un monde plus vaste que pourraient partager musique et architecture, monde dont cette superlogique – puisque logique du rapport entre deux logiques – serait alors « la » logique). Je ne m’étends pas : ceci engagerait un entrelacs minutieux avec la philosophie de Badiou…

Méthode ≠ logique

Je me contenterai donc ici de la distinction entre méthode et logique, distinction que j’emprunte à Viollet-le-Duc dont les écrits vont constituer aujourd’hui ma base de travail.

En deux mots, Viollet-le-Duc distingue la logique de l’architecture de la méthode de l’architecte :

·       il y a d’un côté la logique du bâtiment, inscrite dans ce qu’il nomme un « livre de pierre », logique essentiellement faite de principes, d’idées et de styles ;

·       et il y a d’un autre côté la méthode de l’architecte, du moins de l’architecte soucieux de réfléchir son art, cet architecte que Viollet-le-Duc appelle de ses vœux en sorte qu’il se tienne à hauteur de ce que pour lui « architecture contemporaine » veut dire, méthode qui opère non plus dans la pierre mais dans la langue et que la philosophie cartésienne (explicitement son « Discours de la méthode » [4]) doit, selon Viollet-le-Duc, orienter.

Cette méthode, ressaisissant dans la langue vernaculaire de l’architecte la logique architecturale à l’œuvre dans la pierre, voilà me semble-t-il notre espace de travail pour tenter de mettre en rapport logique architecturale et logique musicale, logique des « livres de pierre » et logique des « livres de sons »…

Il s’agit en effet de dégager dans la langue naturelle, commune à l’architecte et au musicien, les grandes lignes de nos deux logiques hétéronomes pour pouvoir ensuite caractériser, toujours dans notre langue commune, leur éventuel rapport, leurs éventuelles raisonances. Voilà notre programme de travail.

 

Autant vous dire que je ne compte nullement le mener ici à terme. Je me contenterai de l’esquisser, en indiquant ce qui du travail propre de Viollet-le-Duc est susceptible de nous stimuler.

Viollet-le-Duc

Pourquoi Viollet-le-Duc ?

Partir musicalement de l’architecture

D’abord parce qu’il s’agit d’un architecte, non d’un musicien, et que pour quelqu’un intéressé comme moi par la flèche architecture→musique plutôt que par celle, inverse, musique→architecture [5], il est de bon aloi de partir du pôle architecture, même si bien sûr, ceci exige pour un musicien plus de travail et plus de risques puisqu’il se mêle ainsi d’un domaine qui n’est pas directement le sien.

De Rameau…

Ensuite parce qu’il s’agit d’un architecte qui me semble avoir déployé un type tout à fait singulier de discours sur son art, un discours de même nature que celui qu’un Rameau, un siècle avant, avait entrepris d’inaugurer vis-à-vis de la musique, et – similitude très frappante – sous la même prescription philosophique d’une méthode cartésienne.

Cette coïncidence n’est pas à mon sens de pur hasard : elle indique comment tous deux se proposent de fonder un nouveau type de théorie qui soit à hauteur d’une conception pour eux contemporaine de ce que théoriser veut dire : tous deux visent ainsi une théorie apte à faire dialoguer leur art avec la science de leur temps sans pour autant que cet art (et donc sa théorie) y perde son autonomie logique.

… et de Descartes

La philosophie de Descartes est, pour Viollet-le-Duc comme pour Rameau, le moyen de faire théoriquement raisonner science mathématico-physique et leur art respectif sans pour autant aligner l’art sur la science, sans fantasmer sur un trait d’union – celui du piteux art-science – qui constituera plus tard la bannière d’un certain positivisme assez vulgaire.

C’était il y a un siècle et demi…

Rehausser Viollet-le-Duc a pour inconvénient évident qu’il s’agit là d’une figure a priori non contemporaine de notre temps. Je rappelle la période dans laquelle il a œuvré : 1814-1879, et les deux ouvrages qui vont me servir de référence :

·       son Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XI° au XVI° siècle (1854-1868) - voir la remarquable édition (extraits et commentaires) de P. Boudon (Mardaga)

·       ses Entretiens sur l'architecture (1858-1872)

Tout ceci est accessible (en intégralité !) sur le web.

Viollet-le-Duc (1814-1879) est ainsi l’exact contemporain de trois personnalités majeures du XIX° siècle : Victor Hugo (1802-1885), Richard Wagner (1813-1883) et Karl Marx (1818-1883). Comme je vais le soutenir, on dispose ici, avec ce quatuor agissant au cœur du 19ème, d’une petite assemblée de pairs en intellectualité : littéraire, musicale, architecturale et politique [6].

Ceci ne semble donc qu’accuser le décalage entre Viollet-le-Duc et notre époque contemporaine, décalage peu propice, semble-t-il, à réactiver pour nous sa problématique.

Deux remarques

Deux remarques en ce point.

Contemporain ≠ actuel

D’abord, il n’y a pas à proprement parler de statut chronologique du contemporain : le contemporain n’est pas l’actuel. Le prédicat contemporain désigne ici le partage d’un temps de la pensée (qui n’est pas exactement le temps de l’actualité) : architecture et musique peuvent être contemporaines à mesure de ce qu’elles auraient en commun quelque configuration de pensée, fussent-elles en décalage chronologique sensible.

Pour n’en donner qu’un exemple, on peut tenir qu’une certaine orientation constructiviste de la pensée a contemporanéisé des régimes de pensée aussi distincts que le sérialisme musical, le cubisme pictural, l’architecture du Bauhaus, le léninisme politique, le bourbakisme mathématique, etc. lors même que ces configurations spécifiques, toutes désormais saturées, sont loin d’avoir été synchrones !

Descartes, non Comte…

En matière de contemporanéité, Viollet-le-Duc lui-même nous montre la voie puisqu’il vise à rendre la pensée architecturale contemporaine de la méthode cartésienne alors même que cette dernière date alors d’il y a plus de 200 ans : Viollet-le-Duc le sait parfaitement, mais ce qu’il sait surtout et qui lui importe vraiment est la conviction que l’architecture jusqu’à présent n’a pas su se rendre contemporaine de cette révolution philosophique dans la pensée et qu’il n’y a pour lui rien de plus urgent que de le faire, plutôt que de se perdre à suivre la succession éclectique des modes éphémères…

Viollet-le-Duc aurait pu facilement élire une philosophie d’actualité immédiate : celle  d’Auguste Comte se présentait ici tout naturellement.

On sait ainsi le rôle central que le positivisme a joué dans la détermination d’un Littré (1801-1881), tout particulièrement dans sa méthode lexicographique au principe de la confection de son vaste Dictionnaire de la langue française (achevé en 1872). Il est tout à fait frappant que le principe du Dictionnaire, également adopté par Viollet-le-Duc, ne corresponde nullement chez lui au programme de pensée positiviste – pourtant en exacte synchronie – mais à celui d’un cartésianisme, qu’on aurait pu trouver dépassé depuis longtemps : belle leçon pour nous de dissociation du contemporain et du synchrone !

Viollet-le-Duc, quoique datant de 150 ans, peut donc - en droit - rester contemporain de notre réflexion.

 

L’est-il alors ? C’est en ce point qu’il convient d’examiner plus en détail son propos.

Il s’agira ici de traverser ses écrits en retenant de ma lecture diagonale quelques orientations susceptibles de nous éclairer.

C’est à ce titre que je vous ai distribué le petit florilège, constitué ad hoc, intitulé « Viollet-le-Duc, ou l’invention de l’architecte pensif ».

« Intellectualité architecturale » ?

Architecte « pensif », « intellectualité architecturale », qu’est-ce à dire ?

Ma thèse, germée au fil de ma lecture de ces textes absolument passionnants et d’une intelligence très vive, est la suivante : dans ces écrits Viollet-le-Duc constitue (sans le déclarer comme tel) un nouveau type de discours sur l’architecture, discours que j’appellerai « intellectualité architecturale » et qui est celui tenu par un architecte d’un type nouveau que j’appellerai l’architecte « pensif ».

Ce nouveau type de discours se caractérise donc par une double détermination :

·       l’une de contenu, ou d’énoncé : il s’agit d’y traiter de manière explicitement prescriptive (ou doctrinaire, selon le terme de Philippe Boudon) de l’architecture, et ce de l’intérieur même de cet art, en saisissant donc l’architecture non pas en extériorité objectale mais essentiellement en intériorité subjective (subjectivation qui est la seule susceptible non tant de constater, décrire et classer ce qu’il y a que de prescrire ce qui manque à cet il-y-a et qu’il convient donc d’y ajouter, de « créer ») ;

·       l’autre détermination est de profération, ou d’énonciation : il s’agit explicitement du discours tenu par un architecte, un architecte œuvrant (comme on parle d’un working mathematician pour le distinguer du mathématicien devenu administrateur), un architecte que je qualifie à ce titre de pensif. Le mot me vient de Victor Hugo - comme je l’ai dit son pair de la même génération – qui use du mot avec abondance pour nommer son rapport réflexif à la littérature et au monde.

Ce discours d’un type nouveau, je l’appelle « intellectualité architecturale » par analogie avec une intellectualité musicale dont je soutiens par ailleurs qu’elle fut inventée par Jean-Philippe Rameau (1683-1764) pour se poursuivre ensuite, en une descendance discontinue via Schumann, Wagner, Schoenberg, Boulez et alii

J’entends donc par « intellectualité architecturale » un type singulier de discours tenu sur l’architecture par un architecte qui assume, dans un travail spécifique d’écriture de textes, de verbaliser la logique à l’œuvre dans son domaine propre, selon trois dimensions discursives : critique, théorique et esthétique.

Il me faut, dans le temps qui m’est imparti, aller droit aux conclusions et vous renvoyer, via le petit florilège distribué, à un parcours éventuel de ses ouvrages.

Trois dimensions

Synthétiquement donc, l’intellectualité architecturale, tout comme l’intellectualité musicale mais également l’intellectualité mathématique (celle qu’on trouve par exemple dans les écrits d’un Henri Poincaré ou d’un Hermann Weyl), se constitue par explicitation de la logique architecturale selon trois dimensions articulées entre elles :

·       une critique des œuvres architecturales,

·       une théorie du régime de consistance propre à l’architecture

·       une esthétique c’est-à-dire l’examen du « partage du sensible » qui relie l’architecture à son époque.

·       La dimension critique de l’intellectualité architecturale a pour vis-à-vis naturel les autres arts – singulièrement la musique pour Viollet-le-Duc-.

·       La dimension théorique de l’intellectualité architecturale a pour vis-à-vis naturel les sciences – tout particulièrement la partie géométrique de la mathématique pour Viollet-le-Duc -.

·       La dimension esthétique de l’intellectualité architecturale a pour vis-à-vis naturel la politique – tout particulièrement pour Viollet-le-Duc l’articulation d’une société et des institutions étatiques -.

·       La logique ou méthode générale qui enveloppe ces trois dimensions a pour vis-à-vis naturel la philosophie – tout particulièrement Descartes pour Viollet-le-Duc -.

Voyons comment Viollet-le-Duc déploie tout ceci.

Je suivrai pour cela l’ordre du florilège [cf. Annexe] que vous tenez en mains.

Un nouveau type de discours…

Un discours d’architecte

Les différents « nous » en atteste :

« Nous qui sommes appelés à construire… »

« Nous, praticiens… »

« Nous, constructeurs du XIX° siècle… »

Restituer la pensée architecturale à l’architecte…

La seconde citation clarifie la volonté d’endogénéiser le discours sur l’architecture en sorte qu’il soit approprié de l’intérieur de leur pratique par les architectes « praticiens » :

« Il est bien temps, nous le croyons, de ne plus nous laisser éblouir, nous architectes, par les discours de ceux qui, étrangers à la pratique de notre art, jugent des œuvres qu’ils ne peuvent comprendre, dont ils ne connaissent ni la structure, ni le sens vrai et utile. »

Une architecture contemporaine du XIX° siècle…

Viollet-le-Duc insiste considérablement sur ce point dans ses entretiens (plutôt que dans son dictionnaire) :

« Pourquoi donc le XIX° siècle n’a-t-il pas une architecture ? »

« Le XIX° siècle est-il condamné à finir sans avoir possédé une architecture à lui ? »

« Essayer de poser les bases d’une architecture de notre temps ; si nous ne la trouvions pas encore, au moins viendrions-nous en aide à nos successeurs. »

Noter ici que le « notre temps » inclut le futur : comme on sait Viollet-le-Duc a constitué une référence active du 20ème siècle bien plus que du 19ème (où l’on retrouve l’écart entre contemporain et actuel…)

… ouvert aux autres pensées

Adossement à la philosophie cartésienne

Le dernier entretien est entièrement consacré à l’examen de cet adossement : les quatre préceptes cartésiens du Discours de la méthode [7] vont délivrer ainsi, selon Viollet-le-Duc, quatre préceptes pour l’architecte pensif : 1. distinguer le vrai du faux, 2. analyser, 3. composer-synthétiser, 4. être conséquent.

Référence active, donc mobile, aux mathématiques

« La géométrie et le calcul sont, en architecture, les bases fondamentales de l’art »

Ailleurs, Viollet-le-Duc précise que l’arithmétique était mieux appropriée au principe grec (des modules et des « ordres » [8]) quand la géométrie l’est plus au principe ultérieur de l’échelle humaine…

Raisonance entre architecture et musique

« S’il est deux arts qui peuvent être comparés, ce sont certainement la musique et l’architecture; ils s’expliquent l’un par l’autre; ils ne procèdent ni l’un ni l’autre de l’imitation de la nature; ils créent. Pour créer, il faut calculer, prévoir, construire. Le musicien qui seul, sans instruments, sans articuler un son, entend, la plume à la main et le papier réglé devant lui, la composition harmonique la plus compliquée, qui calcule et combine l’effet des sons simultanés; l’architecte qui, à l’aide d’un compas et d’un crayon, trace des projections sur sa planchette, et voit, dans ces tracés géométriques et dans des chiffres, tout un monument, les effets des pleins et des vides, de la lumière et des ombres; qui prévoit, sans avoir besoin de les peindre, les mille moyens d’élever ce qu’il conçoit; tous deux, musicien et architecte, sont bien forcés de soumettre l’inspiration au calcul. »

Il m’intéresse que Viollet-le-Duc rapproche musique et architecture non via le temps et l’espace mais via la partition et le plan, en raison donc d’une pratique analogue de la pensée abstraite. J’y reviendrai tout à l’heure.

Son enjeu propre

Une logique de l’architecture

« Logique » est un mot omni-présent chez Viollet-le-Duc, tout autant que celui de « principe » [9]. La « logique architecturale » que Viollet-le-Duc exhausse et réclame tient à un nouage de trois termes : celui de principe, celui d’idée et celui de style. Ce que Viollet-le-Duc appelle « méthode » est alors la figure proprement discursive de ce nouage logique : elle est à l’architecte ce que la logique est à l’architecture.

Pour faire bref, il me semble possible de comprendre l’articulation de ces catégories selon le mathème suivant :

Logique : idée principe  style

qui inscrit que la logique architecturale consiste dans l’intégration d’un principe au fil d’une idée en sorte qu’émerge un style. Somme toute, en cette affaire, le principe de Viollet-le-Duc rejoint l’inspect du poète Gerard Manley Hopkins, et le style du premier l’inspect du second si bien que le mathème logique de l’architecture apparaît comme une réalisation singulière du schème suivant :

intension  inspect

Ses dimensions

Cette nouvelle pratique discursive se déploie selon trois dimensions.

1. Un examen critique des œuvres d’art

L’activité critique (entendons par là l’examen des œuvres et leur évaluation) est le principal vecteur du travail de Viollet-le-Duc : c’est elle qui nourrit les dix tomes de son dictionnaire.

Deux citations à ce titre :

« Il faut nécessairement aller chercher ces principes là où ils sont tracés, dans les monuments ; et ce livre de pierre, si étranges que soient ses types ou son style, en vaut bien un quant au fond, quant à la pensée qui l’a dicté. »

« Si nous tenons à posséder une architecture de notre temps, […] que nos architectes connaissent les meilleurs exemples de ce qui s’est fait avant nous et dans des conditions analogues ; rien de mieux, si à ces connaissances ils joignent une bonne méthode et l’esprit de critique. »

                         Une généalogie qui ne relève pas de l’Histoire

Remarquons à ce titre l’importance du principe monographique : l’architecture pensif ne vise pas à proprement parler une histoire de son art. Il se base sur des œuvres, sur des « livres de pierre », sans s’astreindre au « classement chronologique » et sans craindre l’anachronisme (ce péché mortel de l’historien, mais aucunement de l’artiste).

« Cette forme [d’un Dictionnaire], en facilitant les recherches au lecteur, nous permet de présenter une masse considérable de renseignements et d’exemples qui n’eussent pu trouver leur place dans une histoire. »

« Si dans l’étude de l’archéologie spéculative il n’y a qu’une sorte de classement, le classement chronologique, il n’en est pas de même lorsqu’il s’agit de faire tendre cette étude vers un but pratique. »

« La monographie de certains monuments d’une grande importance se trouve disséminée, pour ainsi dire, dans vingt ou trente articles, et c’était là une des objections que l’on opposait à la forme de dictionnaire que nous avions choisie. Notre table fait tomber cette objection. »

Somme toute Viollet-le-Duc prône une analyse des bâtiments qui assume, comme le fait Boulez pour l’analyse musicale, la liberté d’être tendancieuse, récusant ainsi l’obligation supposée de l’objectivité positiviste et stérile. Ainsi pour Boulez, l’analyse musicale par le compositeur est « une approche partielle de l’œuvre, une saisie partiale » [10], une analyse « créatrice », « productive », « fulgurante » et « tendancieuse » [11].

2. Une théorie de l’art architectural

Le discours de l’architecte pensif – l’intellectualité architecturale – doit également assumer des tâches plus proprement théoriques. Pour Viollet-le-Duc, cette part théorique est seconde : elle s’édifie sur la base de la critique [12].

« L’architecture se compose de deux éléments, la théorie et la pratique. »

« En toute chose, l’expérience, la pratique, précèdent la théorie. »

Je ne m’étends pas, faute de temps et me contente de vous livrer un schématisation comparée de sa démarche et de celle de Rameau :

         

3. Une esthétique pensant l’architecture avec son contexte

Enfin il s’agit pour Viollet-le-Duc de penser l’architecture dans son contexte civilisationnel, en liaison tant avec la société qu’avec les institutions qui la charpentent.

 

Au total, nous pouvons ainsi cerner, dans le vaste discours de Viollet-le-Duc, une sorte de noyau aimanté qui rayonne dans l’ensemble de ses écrits et s’épanouit selon les trois dimensions méthodiquement couplées d’une critique (première et fondatrice), d’une théorie et d’une esthétique des bâtiments architecturaux.

L’enjeu, pour Viollet-le-Duc, est que l’explicitation de cette logique constitue une méthode permettant à l’architecte de réaliser enfin cette architecture qui à ses yeux n’existe toujours pas : une architecture contemporaine.

Qui aura finalement réalisé cette architecture contemporaine de Viollet-le-Duc ? Sans doute pas lui. Est-ce l’architecture moderne du XX° siècle qui remplit ce programme ? Je lègue cette question aux architectes et architecturologues, par défaut de compétence.

*

Je voudrais terminer cette intervention en examinant l’impact possible aujourd’hui de cette problématique singulière de Viollet-le-Duc.

Rapporter deux rapports

Repartons pour cela d’une remarque : Viollet-le-Duc ne pense guère l’architecture à partir de la catégorie d’espace. Celle-ci lui semble sans doute trop vague, ou relevant pour l’essentiel de la géométrie. Viollet-le-Duc compare donc architecture et musique non pas au nom d’une dualité espace/temps mais en raison du fait qu’elles partagent une modalité abstraite du calcul, soit cette abstraction des caractéristiques sensibles dont procèdent tant le plan de l’architecte que la partition du compositeur. Je le cite à nouveau :

« Le musicien […] entend, la plume à la main et le papier réglé devant lui, la composition ; […]  l’architecte […] voit, dans ces tracés géométriques et dans des chiffres, tout un monument. »

Je propose de recevoir cette remarque de Viollet-le-Duc comme une directive de méthode, que je formulerai ainsi : pour « comparer » architecture et musique, pour rapporter leurs deux logiques, il faut comparer deux rapports : le rapport architectural d’un bâtiment à des plans, et le rapport musical des multiples visages d’une composition à une unique partition.

Il faut donc

1) prendre en compte les plans architecturaux et la partition musicale ;

2) rapporter non pas les plans à la partition, non pas le bâtiment aux différentes interprétations d’une œuvre, mais bien un rapport à un autre :

Bâtiment

 ≡ 

Interprétations

Plans

Partition

Remarquons au passage la dualité du singulier et du pluriel : un bâtiment pour des plans, des interprétations pour une partition…

Il s’agirait donc d’opérer le schème suivant

se substituant à un schème qu’on pourrait dire « kantien » :

Conséquences ?

Quelles en sont les conséquences pour nous, aujourd’hui ?

Je procéderai par une série de remarques

Une méprise, d’abord, à éviter…

Commençons d’abord par écarter une méprise : la méprise de croire qu’il pourrait y avoir une intersection commune aux plans architecturaux et partitions musicales. Une telle méprise porte, dans l’espace contemporain, un nom propre : celui de Xenakis qui croyait pouvoir déduire d’une même courbe géométrique, des plans et des partitions.

Principe d’économie, facile à comprendre, mais comme le dit Viollet-le-Duc, « il n’est pas dit que l’art doive, comme première condition de beauté, être facile ». N’insistons pas : il est clair que le fait que plans architecturaux et partitions musicales partagent l’espace de la surface plane n’autorise nullement de faire équivaloir leurs logiques…

Mises en rapport

Viollet-le-Duc nous l’a suggéré : ce qu’il faut mettre en rapport, ce sont les deux rapports internes à chaque art entre les œuvres et leurs inscriptions logiques (plans ou partitions).

Ceci peut conduire à différentes explorations.

Tempi/échelles-proportion

J’en ai tenté une première, en une autre circonstance, en rapprochant tempi musicaux et proportions-échelles architecturales (la notion de tempo comme celles d’échelle et de proportion mobilise en effet nécessairement les deux pôles du rapport œuvre/inscription).

Résultat frappant : ce genre de comparaison permet en fin de compte de mieux comprendre ce qui sépare architecture et musique plutôt que ce qui les rapproche.

Écoutes/parcours

Une autre analogie me semble devoir être féconde. Elle s’appuie sur la remarque suivante : ce qui compte en musique, je l’ai déjà dit, c’est moins le temps comme tel que la capacité de l’écoute musicale de tricoter du temps.

L’analogie en architecture produit ceci : ce qui composerait l’espace comme espace sensible tiendrait aux différentes manières de le parcourir (peut-être plus encore que de l’habiter).

À ce titre, y a-t-il une raisonance concevable entre écoute musicale et parcours architectural ?

La question qui intitule cette journée deviendrait alors, à la lumière d’une telle analogie, celle-ci :

de quelle organisation des parcours architecturaux l’écoute musicale est-elle contemporaine ?

Je suis engagé sur ce point, en compagnie d’un architecte, dans une recherche portant sur la Casa da musica de Koolhaas… L’exposé cet après-midi de Gilles Engrand va donc m’intéresser tout particulièrement.

Rapports entre intellectualités

Remarque d’un autre type.

Il convient de se demander ce qu’il en a été d’une descendance de Viollet-le-Duc en matière d’intellectualité architecturale. Le Corbusier occuperait-il ici par rapport à Viollet-le-Duc une position équivalente à celle que Schoenberg a occupé par rapport à Wagner ? Je ne sais.

Point plus urgent : qui aujourd’hui, parmi les architectes, prend en charge un éventuel héritage de Viollet-le-Duc, non pas quant à ses thèses architecturales particulières mais plutôt quant à sa « méthode » ? Y aurait-il sur cette nouvelle base des échos possibles entre intellectualités contemporaines ?

Quelle philosophie ?

Il va de soi qu’en ce point la question philosophique est d’une acuité particulière : si Rameau et Viollet-le-Duc pouvaient se « rencontrer » autour de Descartes, qu’en est-il aujourd’hui des rencontres possibles autour des grandes philosophies contemporaines ?  J’imagine qu’Antonia Soulez va nous entretenir de Wittgenstein, mais qu’en est-il de Husserl, d’Heidegger, et surtout de Deleuze, et de Badiou ?

Enfin…

Viollet-le-Duc enfin nous lègue toute une série de questions susceptibles de faire raisonner architecture et musique.

J’en relèverai deux seulement.

Intérieur/extérieur

La question du rapport architectural entre intérieur et extérieur telle que Viollet-le-Duc la thématise à satiété me semble susceptible de raisonances immédiates en musique si l’on veut bien projeter le rapport extérieur/intérieur en un rapport aspect/inspect selon le schème suivant :

Façade

 ≡ 

Aspect

 ≡ 

Audition

Intérieurs

Inspect

Écoute

Proposition à suivre…

Le grand

Enfin Viollet-le-Duc nous rend attentif au fait que le grand (le grand art mais aussi la grande œuvre) n’est pas le vaste, qu’un bâtiment sera ressenti comme grand non pas en raison de vastes dimensions mais parce qu’il incarne en lui-même une figure de la grandeur. Viollet-le-Duc nous instruit à ce titre de la différence entre l’architecture grecque (doté de cette grandeur intrinsèque) et l’architecture romaine (qui ne la distingue pas du monumental) : songeons de même à la différence entre la sensation de grandeur que procure le jardin du Luxembourg et celle de petitesse étriquée qu’offre le jardin des Buttes-Chaumont lors même que ce dernier couvre une surface beaucoup plus vaste que le premier.

La musique opère connaît la même opposition du grand et du vaste : chacun entend bien, dès les premières mesures des passions de Jean-Sébastien Bach, qu’il entre dans une grande œuvre lors même qu’il n’en connaît encore nullement la durée – de même pour les préludes de Tristan ou de Parsifal (je n’en dirai pas autant pour les préludes de Tannhäuser, ou des Maîtres chanteurs, ni pour les ouvertures de toutes les  cantates de Bach) -.

Comment à l’aulne de Viollet-le-Duc, caractériser la grandeur en musique contemporaine et ce dès la première minute de l’œuvre ?

Comment l’architecture contemporaine met-elle ou non en œuvre une telle ambition de grandeur ?

L’époque récente était ainsi indexée d’un refus du grand art et de la grande œuvre, d’une modestie revendiquée des ambitions, d’un éloge de la maigreur et de la pauvreté quand ce n’est pas de la vacuité et du semblant. On sait combien cette « modestie » s’accorde en vérité aux pompes académiques de nos empires finissants…

Notre contemporanéité ne devrait-elle pas plutôt, comme un Viollet-le-Duc peut nous le suggérer, viser une nouvelle figure du grand, assumé comme tel, singulièrement une problématique renouvelée de la grande œuvre ?

Autres…

À tous ces titres, les écrits de Viollet-le-Duc constituent un trésor d’intelligence, susceptible d’aimanter notre réflexion.

Qu’il ait opéré il y a un siècle et demi n’est pas ici un réel obstacle si l’on veut bien entendre « contemporain » en un sens non trivial : il n’y a alors pas plus d’obstacle à considérer que Viollet-le-Duc puisse nous orienter aujourd’hui dans un rapprochement musique-architecture qu’il n’y en avait pour lui à considérer que Descartes pouvait orienter l’intellectualité architecturale plus de deux siècles plus tard.

Il nous revient donc de marcher sur deux jambes, nous musiciens qui nous soucions de contemporanéité musique-architecture : en nous appuyant certes sur les œuvres architecturales sensibles, concrètes, mais en n’oubliant pas pour autant de nous appuyer aussi sur les discours des architectes pensifs.

Qu’il soit parfois difficile de faire la part entre de tels discours et la marée des vains commentaires sur l’architecture ne doit surtout pas nous décourager d’entendre… « ces questions qu’un Viollet-le-Duc pourrait nous adresser ».

 

Je vous remercie.

 

––––

Annexe : Viollet-le-Duc, ou l’invention de l’architecte pensif

(i.e. d’une intellectualité architecturale)

Un nouveau type de discours…

Un discours d’architecte

« Pour nous qui sommes appelés à construire… » [Art. Construction[13]

« Pour nous, praticiens… » [Art. Construction-principes]

« Nous, constructeurs du XIX° siècle… » [Art. Construction-principes]

« C’est à nous, artistes… » [Ent.]

« Il nous faut distinguer l’étude purement spéculative de l’étude tendant à un résultat pratique. » [Ent.]

Restituer la pensée architecturale à l’architecte

« Rendre aux architectes cette souplesse, cette habitude de raisonner, d’appliquer à toute chose un principe vrai… » [Préf.]

« Il est bien temps, nous le croyons, de ne plus nous laisser éblouir, nous architectes, par les discours de ceux qui, étrangers à la pratique de notre art, jugent des œuvres qu’ils ne peuvent comprendre, dont ils ne connaissent ni la structure, ni le sens vrai et utile. » [Art. Construction]

« Il faut que l’architecte ne soit pas seulement savant, mais qu’il se serve de sa science et qu’il tire quelque chose de son propre fonds ; qu’il consente à oublier les lieux communs qu’avec une persistance digne d’un objet plus noble, on débite depuis bientôt deux cents ans sur l’art de l’architecture. » [Ent.]

Une architecture contemporaine du XIX° siècle…

« Nous cherchons […] à prendre dans un passé qui nous appartient en propre les éléments d’un art contemporain. » [Préf.]

« Pourquoi donc le XIX° siècle n’a-t-il pas une architecture ? » [Ent.]

« Le XIX° siècle est-il condamné à finir sans avoir possédé une architecture à lui ? Cette époque si fertile en découvertes, qui accuse une grande puissance vitale, ne transmettra-t-elle à la postérité que des pastiches ou des œuvres hybrides, sans caractère, impossibles à classer ? Cette stérilité est-elle une des conséquences inévitables de notre état social ? » [Ent.]

« Vouloir restreindre les études propres à former des architectes à quelques monuments de l’antiquité qui ne nous sont même pas parvenus complets, ou à des imitations plus ou moins heureuses de ces monuments, ce n’est pas le moyen d’obtenir ce qu’on demande partout, une architecture du XIX° siècle. » [Ent.]

« Examinons donc à fond nos procédés, les formes habituelles de notre architecture ; comparons-les aux procédés, aux formes de l’architecture antique, et voyons si nous ne nous sommes pas fourvoyés, si tout n’est pas à refaire, afin de trouver cette architecture de notre temps réclamée si haut par ceux-là mêmes qui nous enlèvent les seuls moyens propres à lui donner naissance. » [Ent.]

« Cherchant à oublier surtout les fausses doctrines, à laisser de côté quelques préjugés, nous pourrions alors essayer de poser les bases d’une architecture de notre temps ; si nous ne la trouvions pas encore, au moins viendrions-nous en aide à nos successeurs. » [Ent.]

… ouvert aux autres pensées

Adossement à la philosophie cartésienne

« Il est essentiel d’appliquer à la connaissance des arts du passé une méthode rigoureuse, et je ne vois pas que l’on puisse mieux faire que de s’en tenir à cet égard aux quatre préceptes de Descartes, lequel les considérait comme suffisants. […] Suivons ces préceptes dans l’étude et la pratique de l’art, et nous trouverons l’architecture qui convient à notre temps, ou nous préparerons au moins la voie à ceux qui nous suivent, car un art ne se fait pas en un jour. » [Ent.]

Référence active, donc mobile, aux mathématiques

« La géométrie et le calcul sont, en architecture, les bases fondamentales de l’art ; nous appuyant sur elles, nous pourrons être affranchis de la pitoyable vulgarité des formes dites classiques. » [Ent.]

« Pour mettre un monument à l’échelle humaine et non plus en proportion par des combinaisons de nombres, […] on comprend que la méthode géométrique devait être préférée à la méthode arithmétique. » [Art. Proportion]

Raisonance entre architecture et musique

« S’il est deux arts qui peuvent être comparés, ce sont certainement la musique et l’architecture; ils s’expliquent l’un par l’autre; ils ne procèdent ni l’un ni l’autre de l’imitation de la nature; ils créent. Pour créer, il faut calculer, prévoir, construire. Le musicien qui seul, sans instruments, sans articuler un son, entend, la plume à la main et le papier réglé devant lui, la composition harmonique la plus compliquée, qui calcule et combine l’effet des sons simultanés; l’architecte qui, à l’aide d’un compas et d’un crayon, trace des projections sur sa planchette, et voit, dans ces tracés géométriques et dans des chiffres, tout un monument, les effets des pleins et des vides, de la lumière et des ombres; qui prévoit, sans avoir besoin de les peindre, les mille moyens d’élever ce qu’il conçoit; tous deux, musicien et architecte, sont bien forcés de soumettre l’inspiration au calcul. » [Art. Cathédrale]

Son enjeu propre

Une logique de l’architecture

« Toute construction partant d’un principe compliqué entraîne une suite de conséquences qui ne sauraient être simples. Rien n’est impérieusement logique comme une bâtisse élevée par des hommes raisonnant ce qu’ils font. » [Art. Construction-voûtes]

« Ce travail suivi, logique, de l’humanité, doit être continué ; et pourquoi donc l’abandonnons-nous ? » [Ent.]

Un principe

« Une architecture dont la forme est soumise à un principe, comme le corps est soumis à l’intelligence… » [Préf.]

Des idées

« L’architecte du XIIIe siècle n’hésite pas à modifier ses dispositions primitives, à appliquer immédiatement ses nouvelles idées développées sous l’inspiration du principe qui le dirige. » [Art. Architecture]

Un style

« Le style est la marque de l’idée cramponnée à un principe générateur en vue d’un résultat clairement défini. » [Art. Style]

Une méthode de l’architecte

« Que nous manque-t-il donc pour donner un corps, une apparence originale à tant d’éléments variés ? Ne serait-ce pas simplement une méthode ? » [Ent.]

« Dégager certains principes du milieu de ce désordre, les développer et les appliquer à l’aide d’une méthode sûre, c’est là le labeur qui nous échoit. » [Ent.]

…inspirée par la méthode cartésienne

« Si ce précepte [le premier de Descartes] est applicable à la philosophie, il l’est plus encore à un art comme l’architecture qui repose sur des lois matérielles ou purement mathématiques. » [Ent.]

[ Au total les quatre préceptes cartésiens (1. s’orienter selon l’évidence, 2. diviser la difficulté en parties, 3. classer, 4. et ce de manière exhaustive) délivrent ainsi, selon Viollet-le-Duc, quatre préceptes pour l’architecte pensif : 1. distinguer le vrai du faux, 2. analyser, 3. composer-synthétiser, 4. être conséquent. ]

Ses dimensions

Un examen critique des œuvres d’art

« Il faut nécessairement aller chercher ces principes là où ils sont tracés, dans les monuments ; et ce livre de pierre, si étranges que soient ses types ou son style, en vaut bien un autant quant au fond, quant à la pensée qui l’a dicté. » [Art. Construction-principes]

« En toute chose, l’expérience, la pratique, précèdent la théorie. » [Art. Construction-principes]

« Si nous tenons à posséder une architecture de notre temps, faisons d’abord en sorte que cette architecture soit nôtre, et qu’elle n’aille point chercher partout ailleurs qu’au sein de notre société ses formes et ses dispositions. Que nos architectes connaissent les meilleurs exemples de ce qui s’est fait avant nous et dans des conditions analogues, rien de mieux, si à ces connaissances ils joignent une bonne méthode et l’esprit de critique. » [Ent.]

« Nous n’aurons une architecture que du jour où nous voudrons bien décidément être conséquents, apprécier les œuvres du passé à leur valeur relative » [Ent.]

Une généalogie qui ne relève pas de l’Histoire

« Cette forme [d’un Dictionnaire], en facilitant les recherches au lecteur, nous permet de présenter une masse considérable de renseignements et d’exemples qui n’eussent pu trouver leur place dans une histoire, sans rendre le discours confus et presque inintelligible. » [Préf.]

« Ce qu’il y a de mieux, il nous semble, c’est de rechercher dans le travail de la veille ce qu’il y a d’utile pour nous aujourd’hui. » [Art. Construction]

« Notre auteur [Descartes] semble avoir pressenti la nature des études qui doivent nous servir pour composer une architecture. En effet, si dans l’étude de l’archéologie spéculative il n’y a qu’une sorte de classement, le classement chronologique, il n’en est pas de même lorsqu’il s’agit de faire tendre cette étude vers un but pratique. » [Ent.]

Des monographies

« La monographie de certains monuments d’une grande importance se trouve disséminée, pour ainsi dire, dans vingt ou trente articles, et c’était là une des objections que l’on opposait à la forme de dictionnaire que nous avions choisie. Notre table fait tomber cette objection. » [Avis du Dict.]

Une théorie de l’art architectural

« L’architecture se compose de deux éléments, la théorie et la pratique. La théorie comprend : l’art proprement dit, les règles […] et la science. » [Art. Architecture]

Une esthétique pensant l’architecture avec son contexte

« La civilisation dont l’architecture est comme l’enveloppe » [Préf.]

« Nous sommes nés au XIX° siècle. […] Il nous faut bien tenir compte des nouveaux éléments, des tendances d’une société nouvelle. » [Art. Construction]

« L’art, pour subsister, doit connaître le milieu dans lequel il se développe. » [Art. Construction]

mais pour autant ni positiviste

« La connaissance du pourquoi devait nécessairement manquer à ces classifications. » [Préf.]

ni romantique !

« Ce que nous appelons imagination n’est qu’un côté de notre esprit. C’en est la partie, pourrait-on dire, qui vit encore quand le corps sommeille, et qui nous fait assister en rêve à des scènes si bizarres, nous déroulant des faits impossibles et sans liaison entre eux. Cette partie de nous-mêmes ne dort point, à son tour, quand nous sommes éveillés, mais elle est réglée par ce que nous appelons la raison. Nous ne sommes donc pas les maîtres de notre imagination, puisque sans cesse elle nous distrait, nous détourne de l’occupation présente, et puisqu’elle semble s’échapper et vaguer à son aise pendant le sommeil; mais nous sommes les maîtres de notre raison. » [Art. Style]

« Il faut bien tenir compte de la science, puisqu’elle est. » [Ent.]

Encore aujourd’hui ?

De l’académisme de la tradition…

« La classe nombreuse des gens pour lesquels toute découverte ou tout horizon nouveau est la perte de la tradition, c’est-à-dire d’un état de quiétude de l’esprit assez commode. L’histoire de Galilée est de tous les temps. » [Art. Restauration]

« L’architecture dite classique, et qui se flatte de perpétuer les traditions de l’antiquité, est un mensonge. » [Ent.]

De la vacuité de l’éclectisme…

« Un style macaronique ne peut être un style nouveau. Son emploi ne prouve tout au plus que de l’adresse, de l’esprit et des connaissances peu approfondies ; il n’est jamais la manifestation d’un principe et d’une idée. » [Ent.]

« Ce principe d’unité et d’harmonie […] n’est donc ni la symétrie, ni l’uniformité, encore moins un mélange indigeste de styles divers et de formes dont il n’est pas possible de rendre compte, ce mélange fût-il fait avec adresse. » [Ent.]

« Ce que quelques-uns ont appelé l’éclectisme en fait d’art, l’appropriation d’éléments de provenances diverses à la composition d’un art neuf, c’est, à tout prendre, la barbarie. » [Ent.]

De la sophistique du marché

« Comment s’étonner si le public reste indifférent et froid devant des œuvres vides d’idées, trop souvent dépourvues de raison, et que l’on ne saurait estimer qu’au prix qu’elles ont coûté ? “C’est fort cher, donc ce doit être beau.” » [Ent.]

D’un grand art qui ne relève pas du vaste…

« Le Romain confond les dimensions avec les proportions, et, pour lui, la grandeur ne réside pas dans un accord des formes, mais dans leur étendue. Pour lui, ce qui est grand, c’est ce qui est vaste. » [Art. Proportion]

« Pour eux [les Grecs], la grandeur ne consistait pas dans l’étendue, dans les dimensions, mais dans le choix des proportions. » [Ent.]

D’un principe de responsabilité et d’émancipation…

« Ceux qui ne savent se défendre contre un pouvoir qui s’impose sans raison ne sauraient être aptes à se gouverner eux-mêmes. » [Ent.]

Cf. Liszt, son contemporain exact, citant Schiller : « Toutes les fois que l’art s’est perdu, cela a été par la faute des artistes. »

« Il n’est pas dit que l’art doive, comme première condition de beauté, être facile. » [Ent.]

Spinoza : « Tout ce qui est précieux est aussi difficile que rare. »

 

–––––



[1] Un séminaire travaille spécifiquement sur cette question depuis plusieurs années, alternativement à l’Ircam et à l’Ens. Voir pour tout cela le récent livre Penser la musique avec les mathématiques ? (éd. Delatour) et le site www.entretemps.asso.fr/maths

[2] Spinoza : Sed omnia præclara tam difficilia quam rara sunt. (derniers mots de L’Éthique)

[3] donc d’écritures : musique et mathématiques partagent un souci de pensée à la lettre qui s’avère un partage de souci logique… Voir sur ce plan mes dernières interventions au séminaire mamuphi (site précédemment référencé).

[4] Singulièrement sa deuxième partie : Principales règles de la méthode.

[5] Faut-il souligner que la flèche architecture→musique est plus susceptible de nourrir la pensée du musicien que la flèche inverse, plus apte par contre à nourrir son ego

[6] Il faudrait, pour être plus complet, y associer une figure de mathématicien pensif (Bernhard Riemann 1826-1866) et une figure de philosophe - Kierkegaard (1813-1855) comme Nietzsche (1844-1900) s’avéreraient ici en décalage chronologique)…

Dedekind : 1831-1916

Galois : 1811-1832

[7] 1. s’orienter selon l’évidence, 2. diviser la difficulté en parties, 3. classer, 4. et ce de manière exhaustive

[8] un équivalent somme toute des modes et des mètres musicaux…

[9] Philippe Boudon : « Principe est peut-être le mot-clé chez Viollet-le-Duc. » (343) Le mot logique, en tous les cas, ne lui en cède en rien, à raison précisément de leur ajointement…

[10] Leçons de musique (1978, p. 77)

[11] Voir par exemple :

·       « L’analyse productive est probablement, dans le cas le plus désinvolte, l’analyse fausse. » Leçons de musique (1978, p. 75)

·       « L’analyse n’est pas forcément cette approche globale, cette saisie totale et absolue qu’elle se donne souvent comme but. L’analyse peut être courte, fulgurante, intuitive. Elle n’a pas besoin de porter sur l’ensemble d’une œuvre pour être déterminante. Elle peut s’accrocher immédiatement à un détail apparemment secondaire ; elle est parfois le fait d’une rencontre inspirée, surprenante. » Leçons de musique (1978, p. 75)

·       « Je pense à l’analyse tendancieuse du Sacre du printemps par Messiaen, à celle du Quatuor à cordes de Webern par Stockhausen, ou à l’analyse de mes Structures pour deux pianos par Ligeti. » Leçons de musique (1978, p. 85)

[12] quand pour Rameau, ce fut l’inverse, Rameau n’abordant le volet proprement critique de son intellectualité que tardivement (à l’occasion de la Querelle des Bouffons) et une fois sa théorie parachevée.

[13] Références : [Art.] : article du Dictionnaire ; [Préf.] : Préface du Dictionnaire ; [Ent.] : Dernier entretien (sur la méthode)