Musique et philosophie : Le monde de
la musique ?
(mardi 7 novembre 2006, Nancy, Forum-IRTS de Lorraine)
François Nicolas
compositeur, chercheur à l’Ircam et à l’Ens (Ulm)
Les différentes musiques
qu’il est aujourd’hui « convenable » de distinguer (voir France-Musiques) ne partagent-elles pourtant pas une même manière de
donner musicalement sens aux sons qu’elles mobilisent ? Ne s’accordent-elles
pas ainsi sur une même logique ?
Ne co-appartiennent-elles pas ainsi, par-delà leur diversité, à un même monde : le « monde de la musique » ?
Quel sens y a-t-il à nommer
« monde » cet espace où « la » musique est à la fois une et
plurielle ? Comment « la » musique peut-elle ainsi faire
monde ? Et quel rapport ce « monde de la musique » entretient-il
alors au « monde » courant : celui des échanges entre individus
et groupes sociaux ? En quel sens la musique incite-t-elle ainsi à reformuler
l’hypothèse d’une pluralité des mondes entre lesquels chacun – vous et moi –
circule sans cesse ?
En ce point, la philosophie
peut aider le musicien à penser son art et ses conditions de possibilité.
S’agissant de la manière dont
les différentes musiques ordinairement distinguées partagent en vérité une même
logique de consistance et par là composent bien un seul monde, intérieurement
diversifié en régions et continents, on s’appuiera sur une lecture musicienne
du nouveau livre d’Alain Badiou : Logiques des mondes (Seuil, 2006).
Où il s’avèrera que la
question de l’émancipation politique fait retour dans le champ propre de la
musique, via la philosophie…
––
Aggravation
Diversité des musiques
Contextes socio-culturels
Rattachements
Fonctions
Dépendances
Au total…
Or… (Marx)
Démantèlement de la « musique pure »
Démantèlement de l’œuvre
Dissolution du niveau de l’œuvre
Démantèlement de la matière musicale
Démantèlement de la figure proprement musicale du son
Démantèlement de l’instrument de musique
Démantèlement de l’écriture musicale
Démantèlement de l’écoute musicale
Logique générale de rabotage des singularités
Logique plus proprement musicale
Dimensions communes
Le corps-à-corps musicien/instrument
Individuellement : Monk
Collectivement : Kleiber
Vocalement : le duende
Désaccord : Air Guitar !
La transcription musicale
Remarque
La chanson
L’improvisation
Parker : Ballade
(1950)
Monk : Brillant Corners
Coltrane : Blue Train
(1957)
Musique contemporaine
La question du « monde »
Politiquement…
Philosophiquement…
Cantor
Gödel
Abandon de la catégorie de monde ?
Grothendieck
Badiou
Des mondes, en grand nombre…
Parenthèse : le rapport du musicien à la philosophie
Le monde-Musique
Enjeux
Général
Plus particulier : l’autonomie
Donc la logique musicale…
Exemple : le concert
Enjeu d’émancipation
Contre une nouvelle scolastique.
Autres appuis-alliances
Rancière
Kristin Ross
Le concept de monde
En quoi la musique fait-elle monde ?
Objets et relations
Le monde-Musique n’est
pas la société des musiciens !
Le musicien
Ce monde est infiniment vaste
Infiniment…
…vaste
Ce monde est clos
Le jazz, une région du monde de la musique
Un arrêt extrinsèque
Des opérations musicales
Et le musicien ?
Un objet de ce monde règle sa logique d’existence
Un objet musical
Une mise en ordre
Une logique d’existence
Conséquences
Naissance du monde de la musique au Moyen Âge !
La place de l’écriture musicale
Les musiques non écrites ?
Enregistrer le son n’est pas l’écrire musicalement
Ce que veut dire que musicaliser
Le chantier de la logique musicale
Logique musicale se dit en trois sens
Les grandes alliances…
Diversité immédiate de la musique : d’où « des musiques ». Cf.
· variétés
· musique pop-rock
· musiques électroniques
· rap…
· musiques folkloriques (ou des peuples du monde…)
· jazz
· musique classique
· musique dite « contemporaine » (c’est-à-dire musique savante à ambition artistique prolongeant, à partir du 20ème siècle, la musique classique).
Soit 8 types déjà constituant une pluralité sans compte-pour-un clair et sans synthèse :
Ces musiques sont liées à des formations sociales, à des cultures, à des civilisations, à des contextes historico-sociaux.
Elles ne sont pas indépendantes.
Ainsi
· la variété produit des chansons, et une chanson est ce qui épingle le moment d’une société.
Ainsi Mirza épingle l’année française de 1966…
· la musique pop-rock est l’emblème identificatoire de la jeunesse des pays occidentaux.
Ainsi le groupe Triangle : « Peut-être demain » (1971) [1]
· Jazz/rap : identification d’un collectif ou d’une communauté historico-sociale
· Jusqu’à la musique classique qui sert à la « distinction » (Bourdieu) des classes sociales…
Ainsi ces musiques ont des fonctions socio-culturelles
· fonction ludique, dansante
· fonction liturgique et de cérémonial
· fonction identificatrice, distinctive
· …
Ainsi ces musiques dépendent
· de la sociologie et de la culture,
· de la psychologie,
· de la physique (cf. l’acoustique et aujourd’hui l’électronique),
· de la mathématique (cf. aujourd’hui l’informatique)
· …
Des zones mal délimitées (ici en gris) dans des formations socio-culturelles (les ovales) elles-mêmes parties prenantes de la mondialisation :
et sous tutelles (voir plus loin)
« L’art
grec suppose la mythologie grecque, c’est-à-dire la nature et les lois sociales
élaborées par l’imagination populaire d’une manière non encore consciente mais
artistique. Tels sont ses matériaux. Il [l’art grec] ne repose donc pas sur
n’importe quelle mythologie. […] C’est une mythologie qui fournit le
terrain favorable à l’épanouissement de l’art grec qui n’aurait pu éclore à
partir de la mythologie égyptienne, ni à partir d’une société parvenue à un
niveau de développement où il n’existe plus de rapports mythologiques avec la
nature, de rapports s’exprimant par mythes et où l’artiste doit donc faire
preuve d’une imagination indépendante de la mythologie. […] La difficulté
n’est pas de comprendre que l’art grec et l’épopée sont liés à certaines formes
du développement social, mais qu’ils nous assurent encore un plaisir
esthétique et, qu’à maints égards, ils représentent pour nous une norme, voire
un modèle inaccessible. »
Grundrisse
(Introduction – cahier M ; septembre 1857) [2]
Le bastion de la « musique pure » est lui-même systématiquement démantelé ce qui affecte directement le devenir artistique de la musique « classique » en musique « contemporaine ».
Cf. le nihilisme de Marcel Duchamp. L’artiste devient le point d’ancrage matérialiste de l’art moderne : l’art est ce qui est produit par l’artiste.
Le niveau propre de l’œuvre d’art est dissous.
A contrario :
ou, en jargonnant : poïétique | esthésique
Est déclaré « musical » le matériau qu’utilise « l’artiste ».
Tout son serait déclaré musical au simple titre de son utilisation par un « artiste ».
Cf. le sampling, l’objet sonore trouvé, etc.
Tout outil serait déclaré musical – serait instrument de musique – au simple titre de son utilisation par un « artiste ».
Cf. aujourd’hui l’ordinateur, les haut-parleurs, etc.
Toute inscription d’un son serait déclarée musicale au simple titre de son utilisation par un « artiste ».
Ainsi des partitions graphiques, des simples notations en langue ordinaire, mais aussi des enregistrements, etc.
Toute « réception » serait ipso facto une écoute à prendre en compte comme telle, sans hiérarchisation possible, sans point de vue normatif. Or, comme on va le voir, le point de vue musical est bien sûr une norme – tout l’enjeu de cette conférence est de montrer que la musique fait monde à mesure de sa capacité propre à instaurer une norme sur elle-même, c’est-à-dire sur ce qui est ou non musique, ce qui l’est intensivement ou ce qui ne l’est que très faiblement… -.
La logique de tout ceci rejoint une logique plus générale de rabotage des singularités (ici musicales, mais l’opération vaut universellement).
Cette logique prend appui sur le fait que toute singularité est reliée au champ où elle fait précisément saillie :
La tactique consiste à jeter un voile enveloppant alors l’ensemble de la singularité et de son contexte :
↓
Il ne reste plus ensuite qu’à indiquer que l’important est « le point de vue général » de l’enveloppe-voile
↓
et le tour est joué : la singularité a disparu comme singularité !
Tout ceci est résumé dans le petit livre de Nicholas Cook : Musique, une très brève introduction (Allia, 2006) [3].
Essai assez caractéristique de ces temps désorientés…
Qu’opposer à tout cela ?
D’abord qu’il existe des dimensions communes à ces différentes « musiques » qui légitiment bien que le même mot « musique » nomme ces différentes « régions ».
Si le même mot « musique » circule bien, c’est en effet qu’il nomme bien quelque matérialité commune à cette pluralité.
Deux dimensions en particulier.
Corps-accord !
Cf. film. Cf. le corps musicien en proie à la musique, passif tout autant qu’actif…
Comment un orchestre fait corps avec la musique…
Voir le texte de Lorca :
La
venue du duende présuppose
toujours un bouleversement radical de toutes les formes traditionnelles, procure
une sensation de fraîcheur tout à fait inédite, qui a la qualité du miracle et
suscite un enthousiasme quasi religieux.
La
Niña de los Peines se leva comme une folle pour chanter, sans voix, sans
souffle, sans nuances, la gorge en feu, mais… avec duende. Elle
avait réussi à jeter bas l’échafaudage de la chanson, pour livrer passage à un
démon furieux et dévorant, frère des vents chargés de sable, sous l’empire de
qui le public lacérait ses habits.
La
Niña de los Peines dut déchirer sa voix, car elle se savait écoutée de
connaisseurs difficiles qui réclamaient une musique pure avec juste assez de
corps pour tenir en l’air… Elle dut réduire ses moyens, ses chances de sécurité ;
autrement dit, elle dut éloigner sa muse et attendre, sans défense, que le duende
voulût bien venir engager avec elle le grand corps à corps. Mais alors comme
elle chanta ! Sa voix ne jouait plus ; sa voix, à force de douleur et
de sincérité, lançait un jet de sang.
Voici
quelques années, un concours de danse avait lieu. Eh bien c’est une vieille de
quatre-vingts ans qui enleva le prix à de belles femmes, à des jeunes filles à
la ceinture d’eau, uniquement parce qu’elle savait lever les bras, redresser la
tête et taper du talon sur l’estrade. Sur cette assemblée d’anges et de muses,
éblouissante de beauté et de grâce, celui qui devait l’emporter, et qui
l’emportera, fut ce duende
moribond qui traînait à ras de terre ses ailes de couteaux rouillés.
Le duende opère
sur le corps de la danseuse comme le vent sur le sable. Son pouvoir magique
métamorphose une jeune fille en paralytique lunaire, donne une rougeur
d’adolescent à un vieillard cassé qui mendie dans les tavernes, fait ruisseler
d’une chevelure l’odeur d’un port nocturne.
Cf. El Corazón De Pena (Seguiriya) de La Niña de los Peines
La version burlesque du désaccord : Le corps-accord « désintriqué », ou le « corps sans organe » !
Toute « musique » peut s’écrire, se transcrire dans le cadre du solfège.
Cela n’ests pas dire que toute musique est écrite mais qu’elle peut l’être. Certes cette écriture ne saisira nullement l’intégralité des détails musicalement significatifs : elle ne fera qu’inscrire une structure de cette musique : une structure algébrique, comme la courbe souple et mobile d’un chapiteau de cirque peut être paramétrée par la série des pylônes qui le soutient…
On n’inscrit pas le corps-accord (cf. ce serait une tablature). On inscrit ce qui structure le son résultant du corps-accord indépendamment de son origine instrumentale et musicienne.
Noter la présence, en supplément, de quelques tablatures pour indiquer comment jouer sur le manche de la guitare les accords indiqués par ailleurs…
Par définition les improvisations ne sont pas des exécutions de partitions, mais elles restent transcriptibles.
avec Ben Webster (solo à 1’06”)
J. Coltrane (tenor sax), Lee Morgan (tp), Curtis Fuller (tb), Kenny Drew (p), Paul Chambers (b), Philly Joe Jones (dr) - 15 septembre 1957
Ces deux dimensions (le corps-accord et le solfège) qui rapportent la diversité des musiques à un type unique de matière ne suffisent cependant pas à faire un monde. Cela pourrait simplement constituer un type particulier de matérialité d’un monde plus vaste (par exemple la matière proprement musicale d’une culture donnée).
La question est donc : mais qu’est-ce exactement qu’un monde ?
Cette question est devenue politiquement très vague, assez largement depuis la chute du Mur de Berlin qui a signé la fin du partage de la Terre en trois mondes : le monde capitaliste occidental, le monde communiste et le Tiers-monde.
D’où l’idéologie de la « mondialisation » comme nouvelle conception du monde (Weltanschauung) .
Mais personne ne pense vraiment politiquement qu’il y ait aujourd’hui un seul monde : il est clair
· qu’il y a plutôt d’un côté le monde des riches et d’un autre le monde des pauvres (qui soutient véritablement aujourd’hui que l’Afrique participe de « notre » monde ! Cf. le sida…)… ;
· qu’il y a pour beaucoup le monde occidental face au monde islamiste (qui, de nos hommes politiques, soutient véritablement que l’Iran et l’Afghanistan appartiennent au « même » monde que « nous » ?).
D’où la question : aujourd’hui, combien de mondes politiques sur la Terre ?
Sous la pression des mathématiques, la conception
philosophique du monde, donc du « Tout » (de ce qui est apte à faire
totalité) a considérablement changé depuis au moins un siècle.
Il n’y a
plus de tout intégral, de totalisations des totalités partielles car il n’y a
pas d’ensemble des ensembles. Il n’y a donc pas d’Univers au sens où il y a des
constellations et des amas de galaxies…
Il n’y a
plus de Cosmos mais bien plutôt un chaosmos…
Avec Gödel, le principe suivant est mis à jour : il n’est pas possible de totaliser un monde de l’intérieur de lui-même. Soit : pour l’habitant d’un monde donné, ce monde n’apparaît pas comme « monde » en sa délimitation singulière mais comme un « il y a » non totalisable.
La récapitulation de tout ce qu’il y a dans un monde donné ne peut se faire que de l’extérieur de ce monde.
Faut-il alors abandonner la catégorie de monde ?
Non !
Et ici deux événements de pensée vont nous y aider.
Le concept mathématique de topos (années 60)
Le concept philosophique de monde (Logiques des mondes, 2006)
On peut tirer de ces deux types de propositions (mathématiques et philosophiques) les points suivants :
· Il y a plusieurs mondes, non un seul. Et à partir du moment où l’on en pense plusieurs, on est aussitôt amené à en penser un très grand nombre.
· Un même être peut appartenir à la fois à plusieurs mondes.
· L’être humain (le dividu) passe son temps à entrer et sortir de différents mondes.
C’est dans ce cadre mathématico-philosophique qu’il est alors possible de soutenir la thèse que la musique forme un monde : le monde de la musique, ou monde-Musique.
Trois manières de s’appuyer sur la philosophie, et pas particulièrement sur la philosophie qui parle de musique, tout au contraire (cf. Deleuze… « En quoi la philosophie peut servir à des mathématiciens ou même à des musiciens – même et surtout quand elle ne parle pas de musique ou de mathématiques ? » [4]) :
· figure contemporaine de la pensée (météorologie)
· s’orienter (cartographie)
· à quelles conditions peut-on penser aujourd’hui (géologie)
Dans notre cas :
· contemporain ⇒ le concept de monde,
· orientation ⇒ s’orienter dans le dédale logique,
· condition ⇒ comprendre sur ces deux bases les fondements des positions rencontrées.
Réorienter la pensée du musicien en sorte de mieux orienter la pensée musicale dans le nouveau siècle, dans la nouvelle séquence.
Cf. un ensemble de décisions à prendre, en matière d’écriture musicale, d’orientation technologique, de rapports aux instruments de musique traditionnels, de multi-medias, etc.
Repenser l’autonomie de la musique, qui n’est pas son indépendance.
· L’autonomie est une affirmation : l’affirmation d’un loi, d’une logique, l’affirmation d’une capacité donc à s’auto-normer.
· L’indépendance est une négation : la négation de toute dépendance.
Or la musique est indéniablement dépendante : des sociétés, cultures et techniques, mais aussi des autres arts, des sciences, de la philosophie et de la politique. À tous ces titres, la musique, n’étant pas autarcique, n’est pas indépendante.
Par contre, elle est autonome : elle a la capacité d’auto-légiférer, de s’auto-normer.
Soit l’enjeu de réassurer aujourd’hui la consistance proprement musicale, c’est-à-dire en fin de compte une logique proprement musicale.
Il en va donc en cette affaire – et c’est en ce point que le livre de Badiou est extrêmement précieux – de la capacité, au seuil du XXI° siècle, de profiler ce qu’est la logique musicale.
Il s’agit donc tout aussi bien de désencombrer la musique de questions musicalement insignifiantes :
· celle de la musique française
· celle de la musique féminine
· celle de la musique anti-sémite
· …
Il s’agit au contraire de travailler à une compréhension musicienne de la musique et non pas une compréhension
· sociologique
· économique
· historienne
· psychologique
· …
On ne comprend rien musicalement au concert (à l’institution concert) si on ne comprend pas l’importance essentielle du concert comme mise en rapport musical des œuvres, comme rapport sensible entre œuvres et si on le réduit à un rite socio-culturel.
Finalement, il en va ici d’une émancipation.
S’émanciper, c’est s’affranchir d’une tutelle.
Étymologiquement, s’émanciper désigne le refus d’être pris par la main (manu capere = prendre par la main).
Aujourd’hui la sociologie, l’histoire, l’ethnologie, l’anthropologie, la psychologie cognitive, bref les sciences humaines veulent prendre le musicien par la main pour le guider ! Ils se portent ainsi candidat à remplacer en ce rôle la vieille arithmétique, et l’on peut dire à ce titre que les « sciences humaines » constituent la scolastique de notre temps. St Thomas, par exemple, mettait au début de sa Somme théologique, la musique en position de modèle pour le théologien parce que, disait-il, celui-ci devrait accepter la tutelle de la Révélation comme la musique accepte celle de l’arithmétique…
C’est donc là une très vielle affaire : s’émanciper, c’est construire une autonomie (qui n’est pas une indépendance, ni une autarcie). C’est mettre en pratique un vieux mot d’ordre politique, qui garde toute sa puissance : compter sur ses propres forces (mot d’ordre qui ne dit nullement qu’il faille ne compter que sur ses propres forces !).
Ancienne : St Thomas d’Aquin faisant, au départ de sa Somme théologique, l’éloge de la docilité musicale face à la tutelle arithmétique pour conseiller à la théologie de faire de même face à l’Écriture Sainte.
« Parmi
les sciences, il en est de deux espèces. Certaines s’appuient sur des principes
connus par la lumière naturelle de l’intelligence : telles l’arithmétique,
la géométrie et autres semblables. D’autres procèdent de principes qui sont
connus à la lumière d’une science supérieure […] comme la musique [le
fait] de principes qu’établit l’arithmétique. […] Comme la musique s’en
remet aux principes qui lui sont livrés par l’arithmétique, ainsi la doctrine
sacrée accorde foi aux principes révélés par Dieu. » [5]
Aujourd’hui : voici l’éloge de la musique qu’on peut lire, en quatrième de couverture d’un récent livre :
« Non
autonome, et tirant son plus haut prestige de cette non-autonomie, la musique
n’est pas le règne du virtuose mais de l’homo cantans ; non pas une
technique, mais un art de vivre .» [6].
Il est ici question de la musique « de l’Antiquité à 1650 » [7]. Dans cette période, le chiasme musique/rhétorique dévoile « tout un monde […] dans lequel la musique […] est une clé de voûte » [8]. En effet il existe alors un Cosmos, un Tout dans lequel la musique prend place et acquiert une place éminente [9] en raison de la « double alliance originelle » non seulement des sons et des nombres [10] mais également des mots et des sons [11].
Ainsi le quadrivium inscrit l’élévation de la musique en même temps que sa subordination aux nombres : la musique est éminente comme ministre du Nombre auprès des sons, mais elle ne préside pas. La musique est subalterne de l’arithmétique à ce titre : elle est une « propédeutique aux sciences suprêmes que sont philosophie et théologie » [12].
De nombreuses disciplines sont candidates à garder la musique sous tutelle :
· les mathématiques
· la physique
· la sociologie
· l’histoire
· la psychologie
· l’ethnologie
· l’anthropologie
· …
Il est clair que la musique restera toujours dépendante de la physique – des propriétés physiques du matériau sonore, des propriétés mécaniques de ses instruments, etc. -, de la mathématique - si celle-ci est bien l’ontologie (Badiou), alors les lois de l’être prévalent ipso facto pour les étants musicaux (2 voix + 2 voix font bien 4 voix…) -, mais aussi de l’histoire (j’appelle cela historicité et historialité), des lois de la psyché humaine et des formations sociales… L’enjeu est précisément d’édifier sur cela une autonomie, de nouvelles lois (musicales).
L’enjeu est que la musique sache voler de ses propres ailes (ce qui n’est précisément pas se couper les ailes, des ailes physiquement faites de matériaux physiques…).
*
Ma thèse est que l’émancipation de la musique, son autonomie, se donne comme capacité propre de faire monde et cela en raison du rapport, aujourd’hui bien dégagé par Grothendieck et Badiou, entre logique et monde.
Qu’est-ce en effet qu’un monde ?
Ce n’est pas un isolat, une île : un monde est tout à fait à même de recevoir des voyageurs, des ambassadeurs d’autres mondes.
Un monde, c’est essentiellement une infinité organisée autour d’une logique propre apte à réguler les intensités d’existence.
Simplifions. Un monde est, comme un topos mathématique, un ensemble ayant quatre importantes propriétés :
· Il est composé d’objets et de flèches (relations entre ces objets) en nombre potentiellement infini
· Il est suffisamment vaste pour qu’on puisse embrasser de l’intérieur de ce monde toute région finie de ce même monde (il offre un recul tel qu’on n’est pas obligé d’en sortir pour examiner ce qui se passe dans telle ou telle de ses régions).
· Il est clos sur lui-même de telle manière qu’on ne puisse en sortir par ses opérations immanentes.
· Un tel monde est enfin doté d’une logique interne prenant la forme tout à fait originale d’un objet particulier de ce monde : l’objet Ω (classifieur de sous-objets) pour Grothendieck, le transcendantal pour Badiou…
L’idée est la suivante : là où Kant établissait l’existence de conditions transcendantales à la possibilité même qu’il y ait expérience de ceci ou cela [13], Badiou pense le transcendantal d’un monde comme ayant le même statut que tout autre entité de ce monde et étant donc soumis au même protocole de validation que tout autre entité. Ainsi le transcendantal — qui par définition rend possible toute expérience — rend également possible ici l’expérience de lui-même. Le transcendantal est donc immanent au monde ; en particulier le transcendantal y apparaît selon les mêmes règles d’immanence que celles qu’il fixe lui-même pour n’importe quelle « entité » ou « chose » de ce monde.
Le monde-Musique est essentiellement fait
· d’un côté de sons et notes, d’harmonies et mélodies, de timbres et d’instruments, de voix et chœurs, de pièces et d’œuvres… - ce sont les objets de ce monde- ;
· d’un autre côté de relations musicales entre ces objets musicaux : ce sont les relations musicales de toutes sortes entre harmonies, entre mélodies et thèmes, entre voix et timbres, etc. Une tonalité est ainsi une relation musicale, un développement thématique de même, et une rétrogradation, et une modulation, et un contraste de timbre, et une forme-rondeau, etc., etc.
On indexera les musiciens au registre des opérations musicales ; le musicien est celui qui prête un instant la matérialité de son corps pour réaliser une opération musicale comme celle, par exemple, qui va relier l’objet musical « partition » à cet autre objet musical qu’est une réalisation sonore de cette partition. Le musicien est celui qui matérialise un instant un vecteur musical, rien de plus et rien de moins. C’est dire — on y reviendra — qu’une fois son opération effectuée, le musicien disparaît du monde de la musique dans lequel il n’est à dire vrai apparu que comme une sorte d’ange, peut-être un fantôme, mais sûrement pas une identité constituée.
Thèse 1 : le monde de la musique est infini, c’est-à-dire inépuisable par une série finie d’opérations.
Le matériau de la musique, en effet, est un matériau sonore,
et non pas scriptural (non pas les notes qui, elles, comme on va le voir, relève de sa logique, non de son
matériau).
Si la musique est bien ce qui s’organise pour résister au sonore en donnant forme au son informe, alors le monde des choses musicales est infini et non pas discret et dénombrable.
Thèse 2 : ce monde-Musique est infiniment vaste.
Ainsi on peut, de l’intérieur du monde de la musique, ressaisir toute partie finie de ce monde. Qu’est-ce que cela veut dire ? Prenons un exemple.
Supposons une pièce de musique existante : c’est, comme on dit, un morceau de musique, autant dire une partie finie du monde de la musique. L’hypothèse de la vastitude est alors qu’il est toujours possible d’examiner cette pièce de l’intérieur du monde de la musique et, qu’aussi grande soit cette pièce, il y aura toujours place pour son examen musical endogène.
Que désigne cet examen ? Finalement une réalité toute simple, phénoménologiquement bien répertoriée : c’est que toute pièce de musique est évaluable par une autre pièce de musique ; c’est qu’une pièce de musique se situe toujours peu ou prou par rapport à d’autres pièces qu’elle « évalue ». Ceci est particulièrement manifeste pour ces pièces singulières qu’on appelle des œuvres. Une œuvre dialogue toujours avec d’autres œuvres, soit qu’elle en cite expressément une, soit qu’elle fasse référence plus discrètement à une autre, soit qu’elle se situe dans le prolongement implicite de telle autre ; en ce sens, une œuvre « éclaire » d’autres œuvres, les écoute, et, respectivement elle est « éclairée » — autant dire écoutée — par d’autres. C’est dire que la saisie d’une pièce de musique peut se faire de l’intérieur du monde de la musique et qu’il n’y a nul besoin pour cela du discours du musicien, du regard extérieur du critique — rappelons que la meilleure critique d’une œuvre musicale, c’est une autre œuvre musicale, et non pas un texte écrit dans la langue vernaculaire commune aux musiciens et aux non-musiciens —.
Il est clos c’est-à-dire fermé à ses opérations internes. Soit : on ne sort pas du monde de la musique par le jeu indéfiniment répété des opérations musicales. On a beau poursuivre ces opérations dans tous les sens, on reste dans ce monde.
Donnons de cela quelques exemples.
Imaginons que vous jouez du jazz. Vous improvisez donc. Vous pouvez pour ce faire utiliser des thèmes d’origine très diverses : un negro spiritual, un air de Broadway, une chanson des Beatles, etc. Ce qui importe est de swinguer : vous êtes immédiatement de plein pied dans l’espace de jazz.
Maintenant, prenez le parti d’abandonner progressivement le swing : vous allez sans rupture passer au piano bar, ou à une improvisation de style « classique », ou encore à une danse latino-américaine ; en tous les cas vous aurez quitté le domaine du jazz en suivant simplement le fil immanent de votre improvisation.
Bref, le jazz n’est pas clos sur ses opérations : une déformation continue du swing l’annule. Conclusion : le jazz à lui seul ne saurait constituer un monde ; il est seulement une région ou un continent du monde de la musique.
Maintenant, vous improvisez au piano. Ces opérations, aussi diverses soient-elles, ne sauraient vous conduire hors de la musique. Elles peuvent tout au plus amener à suspendre la musique, à interrompre, à arrêter, le morceau ou l’improvisation étant finis, mais rien là qui excède la capacité autonome de la musique de s’arrêter. Par contre si quelqu’un vous attrape par la manche et vous interromps en cours de jeu, là, vous sortez bien de la musique mais selon le principe transparent d’une opération exogène, extrinsèque (dont ce serait trop dire qu’elle est transcendante à l’immanence musicale). Cette césure n’infirme donc nullement la thèse d’un monde de la musique clos sur ses opérations.
Plus généralement toutes les opérations musicales peuvent être indéfiniment prolongées, combinées, répétées, récollectées mêmes : elles ne conduisent pas en dehors de la musique.
Prenons comme exemple l’opération harmonique « modulation ». Il est patent que tout un développement de la pensée musicale s’est fait par progressive exploration de l’épaisseur du monde de la musique lorsqu’il était parcouru sans relâche par cette opération « modulation ». L’expérience historique (via Wagner) a montré qu’on pouvait ainsi tordre et retordre le discours musical, sans en sortir… L’opération « modulation » a pu ainsi conduire à sa propre dissolution par saturation sans que pour autant on ait atteint une sorte de point de butée, une limite ou un horizon, une frontière du monde. Autant dire que la musique tonale ne saurait constituer à elle seule un monde puisque, comme pour le jazz, on peut très facilement en sortir par des opérations immanentes.
Une objection surgit alors : et le musicien ? Ne sort-il pas, lui, de ce monde sans problème, pour aller par exemple se restaurer ou dormir, et puis pour y revenir une fois ses forces reconstituées ?
Il est clair en effet que si le musicien comme individu faisait partie de la musique, alors la musique ne saurait être un monde puisqu’une de ses opérations immanentes — le musicien — ne cesserait d’en sortir.
Autant dire que l’individu musicien ne saurait être un réel habitant du monde de la musique. À proprement parler, il n’est ni objet musical, ni même opération musicale : comme je l’ai dit, il vient simplement servir de support matériel temporaire à une opération musicale.
Au total, l’existence de musiciens entrant et sortant du monde de la musique ne déqualifie donc pas la propriété de ce monde d’être clos sur lui-même.
Cet objet – transcendantal du monde-Musique -, c’est le solfège.
Le transcendantal du monde de la musique est constitué par l’ensemble des symboles musicaux permettant l’écriture, soit par la totalité des signes du solfège. En quoi le solfège est-il à même de remplir cette fonction de transcendantal dans le monde de la musique ?
Remarquons d’abord qu’il constitue bien un objet répertorié du monde de la musique : le solfège musical n’est pas une chose extérieure à la musique, appartenant aux domaines de la philosophie, ou de la mathématique, ou de la littérature. Il constitue une production sui generis de la musique, et chacun sait combien le solfège fonctionne comme pierre de touche subjective : qui ne connaît pas le solfège se sentira exclu de la compréhension profonde du monde de la musique ; il pourra certes s’approprier telle région (c’est le cas pour les pratiquants de telle musique traditionnelle) mais il restera handicapé pour s’approprier la logique générale de la musique.
Le solfège, donc, est une norme du monde de la musique qui lui est interne.
Ensuite ce solfège est une mise en ordre des réalités sonores qui comptent pour la musique, mise en ordre qui institue une gradation quantifiée des existences musicales. Ainsi le solfège instaure une échelle ordonnée et mesurée des hauteurs, une autre des durées, et une troisième des intensités.
Le solfège évalue les existences musicales par l’écriture. Par nature la note de musique indexe un voisinage d’existence sans discerner leur variété. Cette note n’est pas pour autant le tout de l’existence : l’existence musicale s’étalonne dans son rapport à la note mais ne se réduit pas à cette dernière. Ainsi l’existence musicale est soumise à d’infinies nuances entre le oui et le non, infinies nuances qui fondent le principe même de l’interprétation musicale…
Un monde |
Le monde-Musique |
Objets & Flèches en nombre infini |
Sons & notes, harmonies & mélodies… Tonalités, développements, Formes… Infinité du matériau sonore |
Vaste |
Tout morceau de musique est musicalement resaisissable. |
Clos |
On n’en sort pas par les opérations musicales. On peut seulement suspendre. |
Objet central ou transcendantal |
Le solfège |
Quelles conséquences de l’existence d’un tel monde de la musique ?
D’abord ce fait immédiat mais étrange : le monde de la musique est né au Moyen Âge ! En effet le solfège fut inventé à partir du IX° siècle pour aboutir, via les neumes, à une écriture musicale sans précédents.
Donc ce monde est né — peut-être mourra-t-il un jour… — lors même que la musique, elle, semble n’avoir pas d’acte de naissance et faire plutôt partie des pratiques les plus ancestrales de l’humanité.
Il n’y a donc pas d’évidence empirique à ce qu’un art, du seul fait qu’il est art, forme ipso facto un monde. Il lui faut un transcendantal immanent. Y a-t-il de ce point de vue un monde de la peinture, de la danse, du cinéma ? Je lègue la question à d’autres…
Autre conséquence : ce qui compte en musique se trouve nécessairement évalué par le biais de l’écriture musicale. Ce n’est pas dire là que ne compte que ce qui est musicalement écrit, ni non plus ce qui serait musicalement inscriptible mais seulement que mesure musicale de l’existence est prise par référence à l’écriture.
Prenons par exemple les « nuances » musicales d’interprétation (agogique, phrasé, tempi, etc.). Ces nuances sont essentielles pour qu’existe une musique non mécanique, vivante, disons artistiquement belle. On peut alors constater que
· ces nuances ne sont pas à proprement parler écrites dans la partition ;
· une partie de ces nuances est par contre notée (ex. notations d’agogique : « Attaquer », « avec allant »…) :
· une partie de ces nuances notées pourrait être écrite mais ne l’est pas pour ne pas surcharger inutilement la partition (les notations précédentes suffisant à fixer le résultat) et parce qu’il s’agit en musique de toujours laisser jouer le tremblé possible d’une structure topologique [14].
Bref, tout ce qui compte n’est pas écrit mais s’étalonne dans son rapport plus ou moins proche, plus ou moins lointain au solfège, notre transcendantal.
Revenons sur les musiques non écrites : à quel titre existent alors musicalement les musiques non écrites, les musiques traditionnelles, les improvisations, etc. ?
La réponse me semble celle-ci : à mesure du fait que ces musiques, quoique non écrites, restent inscriptibles, transcriptibles.
· Musicaliser des sons, des territoires sonores
· Musicaliser de nouveaux outils
Au total, l’intérêt majeur de cette thèse sur la musique comme monde est de profiler l’importance d’un vaste chantier sur la logique musicale.
Celle-ci doit s’entendre de trois manières différentes, et articulées :
· logique du monde-Musique : l’écriture musicale, le solfège ;
· logique du discours musical : la dialectique musicale ;
· logique musicale à l’œuvre : la stratégie subjective, l’intension musicale de l’œuvre.
Prendre pied dans le nouveau siècle et le nouveau millénaire implique de réassurer cette triple dimension de la logique en musique, soit :
· le chantier de l’écriture : la réforme de la note en sorte de prendre en compte les nouveaux types d’inscription (en particulier numérique : voir les problèmes de double écriture dans la musique mixte…) ;
· le chantier de la dialectique musicale : reformaliser des principes discursifs par-delà la tonalité, le mètre et le thématisme ;
· le chantier de l’œuvre « moderne » : inventer une nouvelle figure du développement et de la variation (du Durchführung et du Veränderung).
Il en va là d’une émancipation maintenue de la musique contre les nouvelles modalités de mises sous tutelle de la musique.
C’est au titre de pensée émancipée que la musique peut envisager de nouvelles alliances :
· avec la philosophie
· avec la mathématique
· avec la politique (émancipatrice !)
· avec d’autres arts : de manière pàrivilégiée
o avec la poésie (la langue)
o avec l’architecture (l’espace)
o avec le cinéma (la temporalité)
Dans mon propre travail, deux dimensions :
· Intellectualité musicale. Séminaires… 3 journées 2006-2007 à la Cité de la Musique…
· Composition : vaste projet d’opéra sur mai 68, avec incorporation de texte (la langue, donc), de films non muets, avec livret portant sur la dimension politique de 68 (et non pas « culturelle »)…
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[1] Ils viendront la nuit
A coup de bottes
De crosses
Pour t'interroger
Te faire dire
Le pire
Nul n'est à l'abri
De ces manoeuvres de pieuvres
Dans un monde où rien
Ne s'organise
A ta guise
Si tu es gauchiste
Contestataire
Nègre ou Juif
Ces pas dans la nuit
Sont pour te prendre
Te prendre
Peut-être demain
Pourront nous vivre
Mais libres
Des jours dont la peur
Ne noircira pas
Les heures
[2] Grundrisse der Kritik der politischen Ökonomie - Fondements de la critique de l’économie politique (Anthropos ; I.41-42)
[3] Première édition : Music, a very short introduction (Oxford, 1998).
Pour un large débat sur ce livre, voir le numéro spécial de la revue Musicæ Scientæ (2001). On y trouvera en particulier mon point de vue sur ce vilain opuscule sous le titre : Repliez ce livre ! Une petite leçon de choses.
[4] Deux régimes de fous, Ed. de Minuit, 2003
[5] [Sicut musica credit principia sibi tradita ab arithmetico, ita sacra doctrina credit principia revelata sibi a Deo] (La théologie ; Question 1, article 2)
[6] Musica Rhetoricans, sous la dir. de Florence Malhomme, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, Paris, 2002
[7] op. cit., p. 8
[8] op. cit., p. 7
[9] Dans le quadrivium, la musique se situe à côté de l’arithmétique, de la géométrie et de l’astronomie.
[10] La musique s’accorde à « l’Harmonie du monde » en accordant son harmonie propre à la rationalité du nombre — la musique est dans le quadrivium au titre des nombres sonores, l’astronomie matérialisant les nombres cosmiques —.
[11] D’où sa dimension « rhetoricans » qui conjoint « ses forces avec celles du Logos ».
[12] op. cit., quatrième de couverture.
On retrouve ici ce qu’Alain Badiou appelle le « schème didactique » faisant de l’art un éducateur à des vérités extrinsèques, qui ne s’y jouent donc nullement
[13] Le temps et l’espace étaient ainsi mis en position de rendre possible toute expérience phénoménale sans pour autant qu’ils donnent eux-mêmes lieu à une telle expérience.
[14] Une note relève bien sûr d’une algèbre (musicale) mais il s’agit ici ultimement de topologie algébrique : la note fixe un voisinage, la lettre compte un voisinage — une partie ouverte de la réalité sonore — comme élément…