L’occasion-Dahlhaus
(à propos du concept adornien de matériau)
Samedi d’Entretemps
(Ircam, 22 janvier 2006)
consacré au livre de
Carl Dahlhaus Essais sur le Nouvelle Musique (Contrechamps, 2004)
François Nicolas
Les livres de Dahlhaus m’apparaissent comme d’heureuses occasions : occasions d’apprendre (son érudition fournit des références inconnues ou oubliées), occasions d’éclairer de manière inattendue un problème qu’on croyait cerné, occasions de se replonger dans quelque controverse dont on pensait avoir fait le tour.
Ce livre – le second que nous examinons ici (je le
rappelle : nous avons inauguré cette formule des samedis d’Entretemps il y
a sept ans par l’examen de son livre L’idée de la musique absolue le 10 octobre 1998) — ne déroge pas à cette
règle. C’est pour ces raisons que je placerai mon exposé sous l’intitulé L’occasion-Dahlhaus.
Je me propose de lire attentivement son avant-dernier texte
(en 1974) Le concept de matériau musical chez Adorno. Ma cible sera de dégager sa méthode de pensée et
d’exhausser ainsi la singularité de sa démarche historiographique.
*
Dahlhaus propose d’analyser le concept adornien de matériau
musical en le saisissant dans ses relations à quelques autres catégories plutôt
que par sa localisation dans un système cohérent (on sait d’ailleurs que la
philosophie d’Adorno n’est pas une entreprise systématique, ou systématisante).
Quelles catégories Dahlhaus retient-il pour ce faire ?
Essentiellement quatre que l’on va successivement
examiner : les catégories de nature
et d’histoire d’abord, la
catégorie d’œuvre ensuite, enfin
celle de cohérence.
Quel rapport le concept adornien de matériau musical entretient-il avec la catégorie de Nature et avec celle d’Histoire ?
Dahlhaus repart de la manière dont Adorno caractérise ce
qu’il appelle « matériau musical » ce qui est donné au
compositeur : « les sons avec lesquels travaille le
compositeur » (225).
Le matériau musical apparaît ainsi formalisable comme une
flèche (la flèche du « don ») ayant le compositeur pour cible :
matériau musical
–––––––––––—> compositeur
Par qui ceci est-il donné ?
Ce n’est pas par la Nature :
« Ce que la nature donne, est, dit Adorno,
« pré-musical ». » (226)
« Le matériau n’est pas naturel » écrit Adorno cité par Dahlhaus (226).
mais par l’Histoire :
« Le matériau est totalement historique. » (226)
« Le matériau musical pour Adorno est la somme des
propriétés des sons et des relations sonores préformées par l’histoire. » (226)
Le concept adornien de matériau musical se clarifierait donc
comme flèche-don à partir d’une source
constitutivement scindée entre Nature et Histoire.
L’objection que fait alors Dahlhaus à ce concept est que
cette scission devrait être dialectisée, ce qu’Adorno ne fait pas (dans tout
cet exposé je laisse de côté la question de savoir si l’Adorno dont il est ici
question sous la plume de Dahlhaus est bien « le vrai » Adorno – le
philosophe essentiellement — ou s’il s’agit d’un Adorno construit ad hoc).
Dialectiser la scission Nature/Histoire, c’est penser
l’unité des contraires et dégager « l’interaction entre propriétés
naturelles et propriétés historiques ».
Dahlhaus y procède deux manières.
1.
D’une part en convoquant (226) le thème de « la
psychologie de la musique » (dont Adorno se méfie) puisque ce thème a pour
vertu d’opérer au point d’unité des contraires Nature/Histoire : il est
clair en effet que l’homme, comme le son, participe de la nature (voir sa
physiologie) et donc que sa manière d’écouter y participe aussi peu ou prou.
Ainsi l’acteur par excellence de l’Histoire – l’homme – participe-t-il lui-même
de la Nature : l’homme fait ainsi entrer la Nature de l’Histoire (n’y
a-t-il d’ailleurs pas également, comme le remarquait le grand historien Marc
Bloch, des histoires naturelles, des histoires de la Terre et des
dinosaures ?).
2.
Une autre manière de nouer Nature et Histoire peut se faire
relativement aux dimensions naturelles du son : en effet les propriétés
naturelles des sons et des relations sonores doivent être prises en compte pour
comprendre le traitement historique du matériau musical.
Première limitation donc par Dahlhaus : le partage
adornien Nature/Histoire est trop imperméable et tend à circonscrire un concept
du matériau musical unilatéralement dépendant d’une vision cloisonnée de
l’Histoire.
L’engagement subjectif de Dahlhaus est clairement
dégagé : il s’agit pour lui de déployer une vision de l’histoire non
contenue dans la problématique adornienne.
Dahlhaus examine ensuite les rapports du concept adornien de
matériau musical à la catégorie d’œuvre.
Selon Dahlhaus, Adorno ne récuse pas les rapports entre
matériau et œuvres musicales. Mais Dahlhaus veut accentuer, autrement
qu’Adorno, ce rapport. Ainsi si pour Adorno, « le matériau est une instance
anonyme qui s’impose au compositeur »
(227), pour Dahlhaus les œuvres (où ce matériau prend forme) ne sont pas, par
leur part, anonymes.
Or pour le compositeur, c’est la fréquentation des œuvres
qui tend à déterminer le caractère du matériau, non l’inverse.
Dahlhaus suppose ici implicitement que pour le musicien non
compositeur (par exemple le musicien des classes d’écriture), c’est à l’inverse
le matériau qui est déterminant : le rapport scolaire va ainsi choisir
d’écrire une fugue, ou un menuet (figures historialement déposées du matériau
musical)…
Par contre, l’interlocuteur du compositeur, ce seront des
œuvres, dotées de noms propres.
Comme écrit Dahlhaus, le compositeur « prête
attention aux œuvres et non au matériau »
(227), à « des œuvres particulières qui constituent le
répertoire » et non à « des
normes liées aux genres » ou à
« des règles compositionnelles » (souligné par moi).
Donc le matériau peut être donné au compositeur mais ce à
quoi le compositeur se rapporte de manière privilégiée, c’est à des œuvres, non
à ce matériau.
Dahlhaus relie alors ces constatations à ce qu’il appelle
une « désintégration du concept d’œuvre » (228) « dans les dernières
décennies » — remarquons que ce
constat de désintégration n’est pas ici commenté : il fait l’objet d’un
autre article du même volume —.
Selon la logique adornienne (telle que du moins rapportée
par Carl Dahlhaus), cette désintégration du concept d’œuvre serait une conséquence
du statut anonyme de la contrainte exercée par le matériau sur le compositeur.
Dahlhaus s’oppose à cette interprétation et propose de
comprendre à l’inverse le rapport entre œuvre et matériau : c’est,
soutient-il, parce qu’il y a désintégration du concept d’œuvre qu’il peut y
avoir prééminence d’une contrainte anonyme exercée par le matériau musical sur
le compositeur. Bref, c’est au défaut de l’œuvre que le matériau apparaît
tyrannique.
D’où la distance critique que Dahlhaus instaure vis-à-vis
d’Adorno. Voici le diagnostic porté par Dahlhaus : le concept adornien
« de matériau qui historicise une conception naturaliste naïve du matériau
sonore doit être lui-même historicisé. »
(228)
Première remarque générale : le débat Carl
Dahlhaus/Theodor Adorno se déploie sur fond de rivalité en matière
d’historicisation : Dahlhaus ne critique pas le geste adornien
d’historicisation, mais il lui reproche de ne pas le poursuivre assez loin –
assez loin voulant dire : jusqu’au stade où le concept philosophique de
matériau, dégagé par historicisation, doit être lui-même historicisé.
Bref, l’historien Carl Dahlhaus reproche au philosophe
Theodor Adorno de ne pas être assez conséquent dans la démarche historicisante
qui enveloppe sa conception (philosophique) du matériau musical.
De nombreuses questions jaillissent en ce point.
D’abord le partage Histoire/Philosophie n’est pas ici très
clair.
Il est vrai qu’il ne l’est pas toujours chez Adorno
lui-même, singulièrement chez l’auteur de la Philosophie de la nouvelle
musique.
Cependant Dahlhaus n’ignore pas qu’Adorno est philosophe
avant d’être historien, et Dahlhaus convoque d’ailleurs la Théorie
esthétique d’Adorno qui est clairement,
bien plus que la Philosophie de la nouvelle musique, un livre de philosophie qui ne peut plus du tout
être reçu comme un livre d’histoire de la musique.
Or un concept philosophique ne saurait procéder par
historicisation de catégories : il y a une coupure, un saut des unes à
l’autre qui ne peut s’expliquer par l’Histoire mais seulement de l’intérieur de
la philosophie.
Dahlhaus ne prétend pas exactement que le concept adornien
découlerait d’une historicisation de catégories antérieures mais ce qui
l’intéresse dans le concept adornien de matériau musical, c’est cependant bien
sa vocation à « historiciser la représentation antérieure du composant
naturel de la musique ».
S’il est normal que pour un historien tel que Dahlhaus,
l’Histoire soit la pierre de touche des discours examinés, le point
problématique est que ce faisant la singularité philosophique du discours
adornien risque de lui échapper, ce qui expliquerait qu’elle puisse alors lui
apparaître en creux : comme un manque de rigueur historienne, de cette
rigueur historienne qui imposerait d’historiciser l’historicisant, en
l’occurrence le concept de matériau musical.
En un sens, Dahlhaus se propose d’appliquer à un concept
philosophique une maxime spécifique de l’historien, nullement du philosophe,
maxime que je formulerai ainsi : « l’historicisant doit être lui-même
historicisé. » Soit, pour paraphraser la fin de Parsifal et son « Rédemption au rédempteur ! », l’impératif « Historicisation de
l’historicisant ! ».
Remarque 1 : il est vrai qu’Adorno donne prise à ce
reproche.
Remarque 2 : je tiens, pour ma part, qu’il faut récuser
la maxime généralisant l’historicisation et par là qu’il convient de tenir
l’Histoire à distance de la pensée tant philosophique que musicale – je
reviendrai un peu plus loin sur ce point -.
Dahlhaus, lui, continue son examen comme s’il était
conscient de l’objection que je viens de porter et qu’on pourrait reformuler
ainsi : est-il pertinent d’objecter à Adorno de ne pas historiciser son
concept historicisant quand son souci n’est pas d’histoire mais de musique et
de philosophie ?
Pour dépasser cette objection (restant implicite dans son
texte), Dahlhaus va se situer à un stade plus général de son discours :
celui des disciplines de pensée opérant comme conditions de possibilité pour
les conceptualisation et catégorisations précédentes.
Dahlhaus va pour ce faire relever le caractère « interdisciplinaire » du concept adornien de matériau musical (228). Plus
précisément il va pointer que le discours d’Adorno relève d’une approche
« historico-philosophique »
(230).
Comment ?
Il va pour cela examiner un troisième rapport du concept de matériau, cette fois à la catégorie de cohérence.
Pour Adorno (selon Dahlhaus…), la pression du matériau sur
le compositeur se donne comme nécessité, comme coercition.
Comment opère une telle coercition ? Par l’Histoire,
bien sûr, si bien que cette coercition peut être dite historique puisqu’elle
transite par l’Histoire.
Cependant son caractère de nécessité se donne comme exigence
de cohérence : si pour Adorno, on ne peut plus composer avec un matériau
tonal, ce n’est pas parce que ce matériau ne serait plus empiriquement
disponible, ou parce que ce matériau ne serait plus d’actualité (plus à la mode
si l’on veut), donc parce que l’Histoire en priverait immédiatement le compositeur.
L’action de l’Histoire doit être conçue comme médiatisée par la notion de cohérence : le matériau tonal n’est plus utilisable car il
n’est plus intégrable selon la conception de la cohérence qui a prévalu lors de
sa constitution et qui, depuis, a évolué.
Ainsi si « tout n’est pas possible à n’importe
quelle époque » selon Adorno (229),
c’est comme le dit Dahlhaus en raison d’une « thèse de la philosophie
de l’histoire » (que Dahlhaus
d’ailleurs n’explicite pas).
Je formulerai pour ma part ainsi ce qu’une contrainte
historiale sur la cohérence pourrait être : la caractérisation de ce qui mérite
d’être appelé possible dans une
situation donnée relève d’une conception de la cohérence singulièrement
attachée à cette situation.
Soit : ce n’est pas l’Histoire qui modifie le régime
des possibles, mais c’est chaque situation qui profile ce que veut dire y être
possible. Chaque situation porte ainsi une conception immanente de la cohérence
(c’est là très exactement le concept philosophique de transcendantal tel qu’Alain Badiou le déploie dans son livre Logique
des mondes).
Remarque 1 : Adorno ne soutient pas exactement ce que
je viens de poser.
Remarque 2 : Dahlhaus ne soutient pas qu’Adorno dit cela.
La thèse précédente est introduite par moi pour tenter de
nous orienter dans ce dédale.
Dahlhaus soutient seulement qu’Adorno conceptualise au gré
d’une philosophie de l’histoire (non d’une vision historienne de l’histoire —
qui est plutôt celle de Dahlhaus), philosophie de l’histoire qui donne place à
la catégorie de cohérence.
Pour Dahlhaus, la distribution nécessaire/possible à
laquelle le matériau (selon Adorno) procède est donc déployée sous le nom de cohérence.
Au passage, il y aurait intérêt, en ce point précis, de
relire les réflexions de Jacques Rancière sur ce passage d’Adorno (dans la Philosophie
de la nouvelle musique) à l’occasion de son
intervention au séminaire Ens Musique et Histoire (voir le prochain livre publié aux éditions du
Cdmc).
Mais revenons à ce que dit Dahlhaus. Pour lui, le « concept
de cohérence est une catégorie interdisciplinaire » (230).
L’énoncé est étonnant : comment d’abord un concept
peut-il être une catégorie si ce n’est par pure homonymie ? Comment
ensuite le philosophique pourrait-il s’accorder à une figure interdisciplinaire
bien incertaine ?
Là encore Dahlhaus peut s’abriter derrière une certaine
confusion adornienne entre philosophie et histoire. Cette confusion cependant,
Dahlhaus la majore en faisant équivaloir « une philosophie de
l’histoire » (229) et ce qu’il appelle
« l’historico-philosophique » (230).
En vérité, derrière cette variabilité des formulations,
c’est le désir propre de l’historien Carl Dahlhaus qui chemine et prône que le
concept (ici philosophique) de cohérence ait un destin interdisciplinaire, et
donc soit mis en circulation (sans trop de précautions) entre différentes
disciplines. La catégorie même de discipline dont use ici Dahlhaus renvoie d’ailleurs moins à des espaces de pensée
différents qu’à différents régimes du discours universitaire.
Bref, cette réflexion méthodologique de Dahlhaus sert moins
à différencier ce qui peut et doit l’être dans le propos d’Adorno qu’à
constituer un espace « interdisciplinaire » dans lequel il entend œuvrer en historien patenté.
Dahlhaus renvient en effet à l’objet même de son analyse (le
concept adornien de matériau musical) de la manière suivante : le fait
qu’Adorno a sous-estimé le rôle des œuvres dans la transformation du matériau
(voir plus haut) le conduit à surestimer le rôle joué par la postérité comme
critère de validation d’une œuvre.
Détaillons un peu.
C’est à mesure de ce que pour Adorno l’œuvre est vue comme
agissant peu sur son engendrement — sur sa poïesis (230) – qu’elle sera valorisée comme devant surtout
agir sur sa postérité. Et, pour Dahlhaus, le nom de cohérence chez Adorno sert précisément à cela : à nommer
l’aptitude de l’œuvre à prendre mesure d’une situation pour mieux y intervenir,
c’est-à-dire précisément pour influencer sa postérité.
L’objection que fait Dahlhaus à cette vision adornienne de
l’œuvre porte moins sur une éventuelle surestimation de ce qu’il appelle la praxis de l’œuvre (230) que sur la sous-estimation
corollaire de sa marge de manœuvre poïétique. Ce qui revient à énoncer
ceci : si ce que veut dire cohérence d’une situation donnée contraint bien l’œuvre, pour autant cette
contrainte ne se donne pas sous la forme d’un impératif du matériau (anonyme)
et laisse ainsi à l’œuvre une marge de manœuvre et sa puissance poïétique.
Dans une dernière partie, Dahlhaus va remonter aux
disciplines concernées et prendre appui sur les faiblesses du concept adornien
de matériau musical pour plaider sa discipline propre. Dahlhaus va énoncer ici
des thèses tranchées, d’esprit explicitement historiographique :
« Les concepts philosophiques sont des catégories
historiques, des instruments de l’historiographie dont on ne sait si elle est
une science ou un art. » (230)
« À la définition du concept de matériau se
substitue l’historiographie. » (231)
Dahlhaus prend apparemment soin d’en rester à
l’historiographie, sans verser explicitement dans l’historicisme.
Comme l’on sait, écrire l’histoire, la narrer est en effet
au cœur du désir de l’historien.
Il est cependant remarquable que Dahlhaus ait eu besoin de
critiquer l’inconséquence adornienne en matière de matériau musical, son
flottement dans les rapports entre philosophie et histoire, pour rehausser son
propre désir d’historiographie.
Car je dois reconnaître que lire en musicien le travail d’un
historiographe est à la fois très décevant et cependant, dans le cas Dahlhaus,
toujours stimulant :
·
très décevant car l’historiographie se présente moins
comme une pensée de ce dont elle parle que comme sa mise en ordre fictionnée
(voir, par exemple, la fiction par l’analogie telle que thématisée
page 102)
·
toujours stimulant dans le cas de Dahlhaus car son
historiographie procure de multiples occasions de s’instruire et de se
repencher sur des conceptions qu’on pensait exténuées.
Ce texte de Dahlhaus incite ainsi à aller voir de plus près
ce qu’il en est exactement du concept adornien de matériau musical, ce qu’il en
est philosophiquement et non plus historiographiquement. De ce point de vue il
est quand même un peu étrange que Dahlhaus semble être resté étranger à une
historiographie minimale : celle de la philosophie d’Adorno qui rend un
peu problématique d’indistinguer, sans précautions, ses textes philosophiques
des années 40 – Philosophie de la nouvelle musique — et ceux des années 60 – Théorie
esthétique -…
Mais ceci serait l’affaire d’un autre exposé qui indiquerait
comment une généalogie et une archéologie des œuvres, une historicité de la pensée musicale et une historialité du monde de la musique ressaisissent le concept
adornien de matériau, soulignant ainsi qu’un musicien peut contextualiser une
œuvre ou telle figure du matériau musical, les remettre donc en situation, sans
pour autant devoir verser pour cela son pécule à l’historicisme et même à
l’historiographie, certes moins thétique que l’historicisme mais tout autant
dissolvante des subjectivités. Une chose ainsi est le mode historial de toute
pensée, la dimension-Histoire de toute situation, autre chose est sa mise
historiographique en récit.
Dahlhaus, au regard de ce possible, nous procure à la fois
déception et stimulation à mesure du fait qu’il conçoit sans doute l’Histoire
moins comme une discipline spécifique de pensée mais plutôt comme une dimension
de toute pensée, une dimension-Histoire qui s’avère une fibre essentielle d’une
problématique critique plus générale : constituer un rapport critique à
une pensée donnée passe pour lui de manière privilégiée par une historisation
des catégories de cette pensée. D’où ses vertus analytiques et l’inéluctable
déception en matière de synthèse.
Remercions à tout le moins ce texte, son traducteur et son
éditeur de nous avoir en tous les cas fourni une nouvelle et heureuse
occasion-Dahlhaus.
*