Poèmes en allemand


Nelly Sachs

 

Nous les mères,

venons chercher

des semences de nostalgie du fond de la nuit océane,

sommes celles qui viennent chercher

les trésors dispersés.

 

Nous les mères,

errant rêveuses avec les astres,

les marées d’hier et demain

nous laissent

avec notre naissance

comme avec une île

seules.

 

Nous les mères

qui disons à la mort :

Éclos dans notre sang.

Nous qui apportons du sable aux berges d’amour

et aux étoiles un monde en reflets —

 

Nous les mères,

qui dans les berceaux

berçons les souvenirs crépusculaires

du jour de la création —

la respiration

est la mélodie de notre chant d’amour.

 

Nous les mères

berçons au cœur du monde

la mélodie de la paix.

 

Éclipse d’étoile (trad. Mireille Gansel)

 

 


Paul Celan

 

 

Une étoile

écoute une lumière,

une heure chasse

une heure,

 

lourd-cœur,

Azur roule

par-dessus toi,

 

ta sanglante

salive

bénit

un grain de poussière possédé,

 

un moignon de mère

mène un visage précoce

à travers une douleur,

 

son dieu

fauchant passe en revue le front des images,

sur l’arête

du suprême

berceau.

 

Enclos du temps (trad. Martine Broda)

 

 


Poème en russe

 

Anna Akhmatova

 

Premier avertissement

(6 juin 1963)

 

 

En quoi donc nous importe-t-il

Que tout retourne en poussière,

Sur quels abîmes j’ai chanté,

Dans quels miroirs j’ai pu vivre ?

Je ne suis ni le rêve ni la consolation

Et moins encore la grâce,

Mais peut-être plus souvent

Qu’il ne faut, tu te rappelleras

Ces lignes dont le murmure s’apaise

Et ce regard qui cache au fond de soi

La couronne aux épines rouillées

Dans le tremblement de son silence.

 

(trad. N. Struve)


Poèmes en anglais

 

Emily Dickinson

 

 

Les êtres d’Épreuve, sont Ceux

Que signale le Blanc –

Les Robes Étoilées, parmi les vainqueurs –

Marquent – un moindre Rang –

 

Tous ceux-là – ont Conquis –

Mais ceux qui vainquirent le plus souvent –

Ne portent rien de plus commun que la neige –

Nul Ornement, mais des Palmes –

 

La Reddition – est un genre inconnu –

Sur ce sol supérieur –

La Défaite – une Angoisse surmontée –

Remémorée, tel le Mille

 

Tout juste franchi par notre Cheville en fuite –

Quand la Nuit dévorait la Route –

Mais nous – chuchotant à l’abri dans la Maison –

Nous bornions à dire – « Sauvé » !

(trad. Claire Malroux)

 

 

 

 

 

On apprend l’eau — par la soif,

La terre — par les mers franchies,

Les transports, par les affres,

La paix — en comptant ses batailles,

L’amour, par une image à garder,

et les oiseaux — par la neige.

(trad. Guy Jean Forgue)


Creuse espérance

 

Geneviève Lloret

 

 


Arraché au monde clos du ventre, offrir une résistance singulière savoir du courage qui va être requis. Repousser l’épreuve. Est-il possible qu’au moment d’advenir, il ait su de combien d’angoisse serait labourée sa route ?

Heurter son destin au regard opaque d’un tout petit garçon et faire face ou se dissoudre. Faire face. Nulle alternative ; il faut, il faut bien. Le courage, continuer et mesurer là, que ce dont il s’agit est justement cela : devoir faire face, ne pas se dérober. Peu nombreux ceux qui fuient ou capitulent dès les premiers instants. Premier « courage », universel —

ignorance.

Alors tenir jour après jour. Comme il tient le regard perdu. Perdu déjà…

Regard obstiné sur un crucifix, dans une chambre du sud de l’Espagne. Tout juste né. Regard fasciné pour l’homme cloué sur la croix. Regard exclusif. Rien ne peut distraire de cette contemplation. Le poser sur le grand lit, dos à cette croix. L’obstination plombe le regard si jeune d’une telle gravité. Le distraire — toujours le distraire d’ailleurs, lassitude —.

 

Vois, ses yeux dardent son angoisse. Le fleuve a effacé ses rives. Qui va les redessiner ?

 

L’homme cloué n’est plus que bois et cuivre… le sait-il ? Le détacher de cette fixation.

 

Tu ne réponds pas. Tu te trompes, ce n’est rien, n’est-ce pas ?

Non tu ne sais pas.

Tu ne sais pas encore ces rives effondrées.

Tu ne sais rien encore. Passe. Ne vois pas… pas encore.

 

Plus d’homme sur la croix, même plus de fixation.

 

Vois-tu maintenant ? Sais-tu ?

 

Non, pourquoi saurais-je ? Je ne veux pas.

Résister à l’aberration. Doucement esquisser un appel… rien… un vide.

 

Ah tu sais maintenant ?

 

Quoi ? Ces nuits d’urgence ?

 

Elles te font peur ces nuits… les oublier le jour… alors recommencer. Tu vois maintenant ?

 

Non, il n’y a rien à voir…

justement.

 

L’homme sur la croix, c’est toi. C’est toi qu’il fixait.

 

Tu parles facilement.

 

Non, je dis : il t’a crucifiée.

 

Tu parles légèrement.

 

Crois-tu vraiment ? Tu l’as bien pensé un peu. Une fois au moins.

 

Pourquoi veux-tu m’arracher cet aveu ?

 

Un aveu ? Si tu veux. Appelle ça un aveu. Mais je veux dire,

tu t’es bien pensée sur la croix, toi.

Crucifiée dans son regard perdu. Tu l’as dit :

il avait perdu son regard.

 

Oui il n’avait plus de regard ; abandonner.

Il n’avait pas de regard pour moi.

Le monde découpé en fixations, toujours détacher une partie, toujours des bribes, un débris de regard.

 

Oui. Lui n’était peut-être qu’une partie du grand lit, une partie de la croix suspendue, une partie du sol, son œil avalant les découpes du monde. Et toi, tu veux qu’il te regarde. Lui, pas un regard pour toi — pas plus que pour le reste —. Il n’a de regard pour rien.

Il te voit, et sait — je ne peux la morceler —.

Il t’impose,

tu n’es plus qu’un voile léger à traverser.

 

Assez. Tu veux de belles phrases sur l’insupportable.

 

Comme tu y vas. Je veux le dire, juste…

le dire.

Tu le sais d’ailleurs. Tu préférerais taire. Tu es sur ta croix. La crucifixion. Tu n’as pas répondu. Non ?

 

Tu m’agaces avec ta croix. Tu veux que je dise l’étole noire jetée sur les épaules.

 

Tu t’y refuses ?

 

Elle est à moi, écharpe intime. Moi seule en connais l’étoffe. L’espace est là, tu n’y pourras rien, infranchissable.

Les solitudes ne se passent pas.

Deux solitudes croisées, étanches, qui se ramassent dans l’ombre des nuits de veille, dans l’attente d’un regard. Qui se savent.

Étrangères l’une à l’autre.

 

Tu ne pensais pas cela alors. Tu ne le pouvais pas.

Perdue,

tu étais perdue, avec lui.

 

Continuer même sans plus savoir quoi. Tenir ce qu’il faut tenir.

Contenir le débordement.

Passer chaque jour. Il les passe bien lui, ses deux sécateurs au fond de leur orbite, occupé à ses découpages. Oui c’est cela — nous passons nos jours lui à découper, moi à recoller

et nos nuits à payer nos jours.

 

Dis-moi. Réponds-moi.

 

Oui. La croix ?

Non. Jamais.

Ce n’est pas moi.

C’est lui.

C’est lui qu’il fixait.

 

Tu dis cela si doucement !

 

Murmurer le terrible… le regard abandonné là :

le fils cloué.

Tu restes silencieuse, pourtant…

 

Bien. Tu dis…

un peu de vérité.

Retenue.

Gardée en secret, pompon aux franges de ton étole. Bordée d’ajouts inutiles.

 

Je vais t’effacer couleuvre de mon combat.

Te réduire au silence.

 

Tu traites en ennemie cette voix… creuse espérance. Cet en plus, trou aléatoire.

 

Je me souviens, tu me soufflais déjà — vois, regarde, dis — nul n’a raison d’accepter l’inacceptable, verse le seau de son courage.

Offre sa victoire en partage.

 

Tu le voudrais. Ce que tu as toujours su. Ténu savoir de l’irréductible encoche d’où se tient toute vie. Rien ne peut la réduire. Rien qui ne se décide. Les rives ont resurgi.

Autres.

Inconnues.

Un jour.

 

Non… je les ai devinées, un jour.

Oui.

Les deux amandes sombres posées, imperceptibles, sur mon regard qui n’attend plus, ont aboli les sécateurs. Un regard arraché à l’abandon. Fragile, fugace, venu se ficher au carquois de ma conviction… l’encoche irréductible, continuer rivée à elle.

Il a suffi.

Ce qui a été gagné ne se perdra plus… un après toujours ouvert. Un possible infini. Les nuits vont adoucir les jours désormais. Coulisses de sa résistance, théâtre de l’inéluctable vitalité, envers du silence violent.

Il est assis, là — ici, ailleurs tout lieu est à lui — le regard effacé. Il ne peut plus le perdre, je le sais, juste éprouver son effacement. Ramassé au bout du stylo qui danse, rythmé, devant les yeux.

Se glisser dans la danse de l’objet.

Silencieux.

Volonté tendue d’être en dehors. L’espace se mesure, inlassablement, à l’objet au bout des doigts.

Frontière.

Il le fait danser assurant l’écart entre ce qui est le corps et ce qui n’est pas lui. Quelle angoisse agite ce stylo ?

Cette indifférence… gagner sur elle.

Nous sommes deux, tenus à distance par ce lac d’angoisse. Il résiste chaque jour à ce lac qui est le sien et ses jours sont plus durs que les miens. L’enfant mène son combat.

De quelle faille obscure coule cette destruction ?

 

Destruction,

coule,

faille…

a coulé la destruction.

Tu es prise dans sa reconstruction — tu t’y es jetée. Bête de somme au harnais de son courage, vous avez creusé, des sillons, dont il t’imposait l’entraxe.

Elle fut.

Une fois. Peut-être a-t-il détruit, lui même, ce qu’il a cru son cétophage. Vidé de son corps, érigé là.

Destin affronté.

 

Quelles furent ses langes — de quelle trame a surgi cette implosion — épinglés de silence.

Tu es sans pitié.

 

J’appelle pitié le bouclier de sa propre indigence.

Tu en appelles à mon silence — couvre d’un doux murmure, berce, mon secret, caresse ma peine, biffe mes larmes, creuse, épargne moi —

ton ennemie en vérité.

 

Tu sais mon duel — pourtant.

Ombre sombre claire — rendre compte.

L’enfant échappe à la raison, retranché dans sa citadelle, tournoie, enivre sa mère, enivre le monde.

Force à l’effraction — Viens me chercher.

Toi.

Avance à pas lents. Glisse sur ce lac qui est le mien.

Efface-le.

 

Ton duel est mon existence.

Tu n’es pas en pouvoir de me faire taire

…l’encoche.

Tu as glissé et n’es pas encore tombée…

si je me tais…

 

Oui bien sûr… je sais

mon alliée en résistance.

Ma résistance que d’empêcher l’action des sécateurs.

Non, tout ne se découpe pas,

non je ne peux le laisser faire,

non je ne me laisserais pas couler dans ce lac ;

gagner un Oui

et ce long flot libérateur,

arraché au cœur ténu.

Les objets ne dansent plus devant les yeux, ils valsent à l’occasion, vague rappel, juste un peu, pour éprouver l’absentement — vois, je peux encore le faire — et, butant sur l’enfant, je le regarde, étrange étranger, me montrer ses victoires, ses pouvoirs d’ange terrestre ; je le regarde déchirer l’angoisse et m’en jeter les lambeaux.

Je les ramasse et les jette et les brûle, petits paquets qui se consument, petits tas de cendres et

souffler.

En faire un grand brasier

et…

nous danserions ensemble.

Pas de nous. Deux… à se regarder,

et chacun sa victoire.

Il n’y aura pas de nous mais cette distance claire,

l’espace du tiret.

 

Tu l’as gagné, porté en étendard. Tu n’auras pas cédé, jusqu’à aujourd’hui du moins. Tu n’étais pas seule.

 

Pourquoi me parles-tu d’eux ? Maintenant ?

 

Tu as eu cette chance : les deux bords tenus — l’homme et l’amie. Rappelle-toi,

tu n’étais pas seule.

… chacun sa victoire et la sienne plus arrachée.

 

Au vide.

Cette manie des « et », difficile liaison — sèche juxtaposition.

Ses bords fins et mats dessinent des courbes familières, à moi, ces lignes catalanes que je veux y voir, pourtant si éloignés de moi, des mêmes bords fins et mats.

Il ne me ressemble pas.

Je le regarde, le suis parfois, me cabre et devant son front clair qui soutient, me penche vers son mystère pour l’envelopper, lui, touchée de sa résistance. Il en impose.

Et l’îlot de son portrait flotte dans ma solitude souveraine.

 

Il fut une menace. Tu voudrais la recouvrir.

Elle reste. Telle

 

Le vers de Celan la contient, seul : « un moignon de mère ».

Jamais à vingt ans nous n’irons déjeuner ensemble. Il me reste à jamais inabordable.

Jamais je n’accosterai à ses rives pour me reposer à ses phrases.

Ses éclats de silence que je ramasse, me blessent les doigts ; coupent en pans que je rapièce, infatigable ; mes rêves d’un fils aîné.

L’enfant lumineux irradie d’ombre

claire

l’étendue qui nous sépare et me cloue.

 

Ah tiens clouée !

 

Je te vois venir avec tes clous. À ton horizon bientôt, la croix va se dresser, et tu me colleras dessus sans procès.

 

Doucement…

Tu as appris à aimer le clair-obscur.

Rends grâce à ce trait, d’union — le claquement du clair l’emporte. Toujours.

Tu le lui dois.

 

Bien d’autres encore.

L’obstination.

 

Contre toute attente, d’un enfant qui ne chemine sur aucune route, apparente. Il s’arrête à un bord que tu ne pourras atteindre.

Tu le sais.

 

Que connais-tu du bord qu’il ignore lui même ? Que je veux ignorer… encore.

Le temps du futur antérieur n’est pas venu.

J’en déciderai.

Seule.

 

Le sel qui se dépose sur ta joue dessine le suaire qui enveloppe tes rêves.

 

Ou la vaste étendue du possible infini… que j’explore. Encore.

Se rappeler — ce collier dont chaque perle porte un nom, Berlinski, Ealet, Carré, Wassen, Tauber, Kowalski — qui est là — sans fermoir — toujours ouvert.

 

La joue enflée de la nuit éponge, assèche tout. Tu déposes de l’or sur ses paupières.

 

Et je m’éloigne.

 

De ce que tu voudrais rendre compte. N’est-ce pas ?

 

De lui.

 

Pas tant de lui, tu le ravales dans ton ventre vide — mère moignon —.

Pleurez.

 

Toujours cette douceur avec moi.

 

Ne reviens pas là dessus.

Cet autre dont tu voudrais parler reste : un fils.

 

Cruelle.

 

Je continue, cruelle donc.

Fils, et toi mère, tu l’emportes sur lui.

 

À quelle étrangeté m’a-t-il forcée ? Quelle est cette déraison ?

 

Tu poses beaucoup de questions.

 

Répond donc, toi si maligne.

 

Tu poses. Tu réponds. Débrouille-toi.

 

Tu pourrais m’aider.

 

Ce que je fais. Apprend donc à livrer. Gagne, au moins, cela.

 

Cette résistance opiniâtre. Moi seule sais l’angoisse. Personne ne la devine — il se replie, il ne reste que l’enveloppe — si belle encore offerte à tous.

Mais je sais son centre éclaté.

 

Tu es entrée en résistance — clandestins vous vous savez.

 

Cette béance, écarts inconnus, il s’y tient, lance plantée en son milieu — ses bras en croix en maintiennent l’indéfectible distance. Ineffaçable.

 

Serais-tu béante maintenant. Je t’avais vu clouée…

 

Je goûte peu ton humour. Tu joues les idiotes ?

 

Je ne joue pas, je m’amuse. Je m’amuse de ce que les mères, finalement, au bout du compte, parlent d’elles…

 

Crétine.

 

Ne m’interromps pas ainsi dans mes réflexions pour m’insulter.

… de leur ventre, de leur peur, leur amour pour leur fils tant aimé, si singulier, beau et intelligent, dont elles voudraient tant…

 

Tu te moques de moi ?

 

Pas exactement !

Qu’as-tu à dire de lui qui ne tienne en deux mots — libre et courageux — tu n’as plus rien à dire. Il est loin déjà de toi. Inconnu de toi, tu t’es sauvée de lui — à temps.

Il te reste ce mystère, désormais.

Aucun onguent n’asséchera la plaie. Mais la blessure oblongue sera-t-elle une alliée ?

 

Allié — s’allier une blessure. La retourner, s’en servir. Vivre avec elle ?

 

Non, non justement non. (Et puis s’en faire un petit paquet tout mignon à caresser de temps en temps, hein ?)

 

Ne t’énerve pas — je réfléchis.

 

Tu ferais mieux de penser au lieu de réfléchir. Tu réfléchis trop.

 

Toujours aimable. Je vais finir par t’interdire de page.

 

Tu ne le peux pas — encore.

 

Réelle — lèvres rouges béantes — surgissant aux mots, bouche carnassière. L’arête carmin découpe des pans de détresse en lances affûtées.

Touché.

— Alliée

n’est pas l’alliance —

La paume n’effacera pas du geste lissant.

Produire. Du suintement travaillé — ce qui coule toujours de là. Sourd.

Alors l’aile dépliée sous la décision balaie le sol de ses éperons, arrachés du fond stérile.

 

Les lances se disputent aux éperons en un combat inutile. Elles l’emportent — toujours ? — dans le champ étendu de la vacuité.

 

Suivre à l’inverse les traces. Je me rappelle les ténèbres ensachant l’avenir — à déchirer. Le point d’arrêt, le temps a perdu sa rigueur — délié. Regagner l’urgence.

Toujours un point obscur irradiant.

 

Mets ton doigt dessus.

 

Je sais ce que je ne sais pas.

 

Rappelle-toi…

Cruelle et douce enfant. Ombre et lumière. Ange et démon.

Duelle.

 

Quel duel ?

 

Duelle.

C’est la même chose. Duel, combat, duelle. Pareil. Le doigt dessus. Sur le nœud.

Sais-tu comment l’on défait les nœuds ?

 

Tirer doucement chaque branche.

 

Non, il faut le faire mouvoir, l’agiter, alors il se desserre.

Ne pas être doux avec les nœuds.

 

Je ne suis pas un lacet noué !

 

Et encore moins un nœud.

 

Lassant.

 

Tu voudrais te dé-lacer.

 

Je crois à la puissance des structures — Laisse mon nœud.

Comme quiconque —

J’en contiens un.

Chacun sa solitude — égaux, pareils.

S’il le veut mon égal, — il le veut.

Une mère pense-t-elle son fils comme son égal ?

Comment est-il absolument hors d’elle ?

Voir l’homme en lui.

Dans ses bras un inconnu —

si connu pourtant.

A-t-il été même un enfant ? Tenus à un extrême écart, nous nous sommes rencontrés.

Chance

d’une rencontre

une mère ne rencontre pas son enfant.

Je n’ai pas eu ce que j’aurais voulu — nul doute —

mais à partir de là devenir mère —

avoir un fils.

Encaissée la violence

ce que l’on croit savoir être

Plus rien

La glace figeant des orangeraies

le soleil pelant des glaciers

plus rien que des images dévastées.

Et construire.

Violence pour une mère.

Il faut un enfant pour faire une mère

Il faut le voir vôtre

Il faut qu’il vous voie.

Il faut être deux.

Il faut de toute façon —

Une décision,

Pas de nature,

Une mère — une position subjective.

Pas besoin d’enfantement. Elle accomplira le en elle / hors d’elle, celle qui le décidera.

Violence pour une mère.

Un qui m’était absolument inconnu. Qui le resterait.

Seuls, retranchés sur l’étrange.

Pas moins lui, que moi.

Pas de signes,

juste un ange aérien posé dans un berceau.

Il ne naît pas des anges,

juste une figure d’ange.

Un défaut, un microscopique défaut et il se retrouve projeté sur un bord —

Pas à l’extérieur — ça dépendra de lui

Et de moi

Une distance imposée

Nous nous y tiendrons. je m’y tiendrai.

Une chance —

En forçage apprendre : être à distance de celui qui vous est étranger, une mère.

Le plus jeune peut reprocher à l’aîné de lui avoir volé une mère.

Une distance pour lui aussi

Autre

qui protège.

Une épreuve — nom barbare d’un enfant —

ce que d’une épreuve on peut gagner —

qu’on n’aurait jamais su, cadeau resté inconnu là pourtant.

Nous sommes deux à nous savoir.

Forcée à une étrange position de mère —

quel fils est-il ?

Je n’ai rien fait pour lui qui ne soit pour moi, comptant sur nos propres forces,

arrimés à nos convictions,

nous sommes deux

comptant nos victoires.

 

Et gagné une fois —

toujours

que creuse espérance.

 

–––