Duelle (François Nicolas) : Travail sur un poème d’Anna Akhmatova

 

Premier avertissement

(6 juin 1963)

 


Первое предупреждение

Pervoe predouprejdenie

 

Какое нам, в сущности, дело,

            Kakoe nam, v souchnosti, delo,

Что всё превращается в прах,

            Chto vsyo prevrachaetsya v prah,

Над сколькими безднами пела

            Nad skolkimi bezdnami pela

И в скольких жила зеркалах.

            I v skolkih jila zerkalah.

Пускай я не сон, не отрада

            Pouskaï ya ne son, ne otrada

И меньше всего благодать,

            I menche vsevo blagodat,

Но, может быть, чаще, чем надо,

            No, mojet byt, tchache, tchem nado,

Придётся тебе вспоминать

            Pridyotsya tibe vspominat

И гул затихающих строчек,

            I goul zatihaouchih strotchek,

И глаз, что скрывает на дне

            I glaz, chto skryvaet na dne

Тот ржавый колючий веночек

            Tot rjavyï kaloutchiï venotchek

В тревожной своей тишине.

            V trevojnoï svoeï tichine.

 


 

 

En quoi donc nous importe-t-il

Que tout retourne en poussière,

Sur quels abîmes j’ai chanté,

Dans quels miroirs j’ai pu vivre ?

Je ne suis ni le rêve ni la consolation

Et moins encore la grâce,

Mais peut-être plus souvent

Qu’il ne faut, tu te rappelleras

Ces lignes dont le murmure s’apaise

Et ce regard qui cache au fond de soi

La couronne aux épines rouillées

Dans le tremblement de son silence.

 

                       (trad. N. Struve)

 

Est-ce notre affaire, en somme,

Si tout retourne en poussière,

J’ai chanté sur tant d’abîme

Et vécu tant de miroirs.

Je ne suis pas un rêve, je n’apporte pas d’apaisement

Et encore moins le bonheur.

Mais tu te souviendras peut-être,

Plus souvent que tu ne voudrais,

Du son de vers qui s’éloigne

Et du regard qui cache en son fond

Une petite couronne d’épines rouillée

Dans l’angoisse du silence.

 

                       (trad. Jeanne Rude)

 


 

 

 

Qu’importe, au fond, que tôt ou tard

En poussière tout soit changé,

Que j’aie vécu dans tels miroirs

Et sur tels abîmes chanté.

J’ai beau n’être pas rêve ou fête,

Et moins encor céleste joie,

Plus souvent qu’il ne faut, peut-être,

Le souvenir te reviendra

Des vers dont la rumeur décline

Et, cachée tout au fond des yeux,

De cette couronne d’épines

Rouillée dans un silence anxieux.

 

                       (trad. Henri Abril)

 


Traitement dans Duelle (partie V)

 

Lecture du poème en russe par Irina Kalesnik

 

Mélodie extraite (informatiquement) de cette voix parlée :

Résultat midi de cette mélodie :


Intégration de ce matériau dans Duelle (page 92…) avec 4 flûtes enregistrés (dans la Timée)

 

Cette page représente la première apparition du poème dans Duelle, apparition où la voix parlée est accompagnée de son ombre musicale.

Ce matériau (texte / voix / ossature musicale) intervient à nouveau à différents endroits de l’œuvre mais de manière désormais dissocié (le nœud d’un texte, d’une voix parlée et de son ossature mélodico-rythmique est défait et chaque composante s’autonomise).