Proposition : défier le nihilisme contemporain en tenant quelque point affirmatif

(Rencontres franco-tunisiennes de Nabeul, 27 février 2023)

 

- François Nicolas -

 

 

 

I - « Nihilisme » ?. 2

Histoire du terme. 2

Caractérisation. 2

Hexagone logique de trois contraires 3

II - « Défier » ?. 4

III - « Des points subjectifs d’existence » ?. 4

Exemples 4

Me concernant…... 5

Réduplication de la confiance. 6

« Singularité ». 6

Point d’exception. 6

Point de réel…... 6

La question du tragique. 7

Un point de croyance en plus ! 8

Nécessité de fictions 8

Exemple des fictions mythologisantes. 9

Logique du mythe ?. 9

Formule canonique du mythe [FCM]. 9

Le mythe pascal de Jésus-Christ 9

La croyance comme réduction mythologique d’une fracture. 10

Traits caractéristiques des points subjectifs d’ek-sistence. 11

IV - Le point des mathématiques modernes. 12

Trésors. 13

L’analyse complexe. 14

Les grandeurs complexes. 14

Interprétation. 14

Le plan complexe. 15

De la puissance globale d’une action régionalement restreinte. 15

I - « Nihilisme » ?

Histoire du terme

1)    Première occurrence (revendiquée) en 1793 :

« La république des droits de l’homme, à proprement parler, n’est ni théiste ni athée ; elle est nihiliste. » (Jean-Baptiste Cloots [1])

2)    Seconde occurrence (cette fois combattue) par Jacobi en 1799 qui l’associe à une néantisation de la philosophie par les Lumières.

3)    Nouvelle occurrence (à nouveau revendiquée) par Bakounine qui nomme ainsi l’exigence violente.

4)    Le terme revient dans la Russie de la seconde moitié du XIX°, mais il est cette fois partagé : il nomme les anarchistes russes des années 1860, mis en scène par Tourgueniev dans Pères et fils et vilipendés par Dostoïevski, en particulier dans Les Démons.

5)    Nietzsche, enfin, en fait une catégorie de son antiphilosophie en en distinguant deux modalités : le nihilisme passif et le nihilisme actif.

Caractérisation

À quoi bon ? En vain !

Cf. L’Ecclésiaste : « Rien de nouveau sous le soleil ! » « Tout est vanité ! »

Cf. Nietzche (Généalogie de la morale, 1887) :

-       « Les dernières corneilles dont on entend la voix croassent : “À quoi bon ?”, “En vain !”, “Nada !” ».

-       « Le pathos du “en vain” est le pathos nihiliste. »

-       « Une doctrine se répand : “Tout est vain, tout est égal, tout est révolu.” »

-       « Plutôt vouloir le rien que ne rien vouloir ! »

-       « Une volonté d’anéantissement, c’est du moins, cela demeure toujours une volonté ! : l’homme préfère encore avoir la volonté du néant que de ne point vouloir du tout… »

On ne pourrait rien vouloir si ce n’est, au mieux, préserver un pur vouloir : celui du rien (de la destruction, de la déconstruction, de la mort, de la guerre, de l’anéantissement - voir le « Viva la muerte ! » des fascistes espagnols).

D’un côté, se résigner à ne rien désirer et ne rien vouloir, survivre en « cultivant son jardin ». De l’autre, « la vie n’étant qu’une vallée de larmes qui sépare l’enfance de la mort », vouloir au moins l’intensité d’une mort en apothéose, sans agonie.

D’un côté Houellebecq : « La vie est douloureuse et décevante. Inutile, par conséquent, d’écrire de nouveaux romans réalistes. Sur la réalité en général, nous savons déjà à quoi nous en tenir ; et nous n’avons guère envie d’en apprendre davantage. L’humanité telle qu’elle est ne nous inspire plus qu’une curiosité mitigée. » [2] De l’autre Lovecraft : « Toute la terre flamboiera d’un holocauste d’extase effrénée. » (L’abomination de Dunwich ; 1928)

D’un côté le nihilisme passif du bouddhisme prônant de renoncer à tout désir humain. D’un autre, le nihilisme actif du suicide par anticipation (Sartre), celui des bourgeois français de 1848 soutenant « Plutôt une fin effroyable qu'un effroi sans fin ! » (Marx, Le 18 Brumaire de L. Bonaparte, 1851), celui de Ernst Jünger se jetant dans une guerre régénératrice…

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Hexagone logique de trois contraires

Trois paires de contradictoires (en rouge), trois contraires (en vert) et trois subcontraires (en jaune).

 

*

 

Je voudrais maintenant détailler la proposition de défier le nihilisme contemporain en affirmant pratiquement des points discrets d’existence subjective.

Je développerai ensuite ma propre proposition pour un tel point : un certain type d’étude des mathématiques modernes.

II - « Défier » ?

Combattre le nihilisme en le défiant ne va guère de soi. On pourrait songer à l’affronter plus largement en vue de le faire massivement reculer. Malheureusement cela nous est aujourd’hui impossible : depuis l’échec radical des émancipations collectives poursuivies pendant un siècle et demi (1830-1976), l’humanité se trouve provisoirement dépourvue de nouvelles stratégies d’émancipation collective.

Le nihilisme contemporain en tire parti pour entretenir une méfiance généralisée dans les capacités de l’humanité de dépasser ses bas instincts d’espèce, de surmonter sa nature d’animal parlant.

Faute de pouvoir ambitionner de faire reculer à grande échelle, stratégiquement donc, une telle méfiance généralisée en l’humanité, il nous reste cependant possible de la défier en sorte de l’arrêter en quelque endroit.

Défier ainsi le nihilisme, ce sera arrêter la diffusion de cette méfiance en affirmant quelque point de confiance maintenue dans les capacités émancipatrices de l’humanité. En quelque sorte, ce sera déclarer : « concernant aujourd’hui l’humanité, certes il n’y a que désolation et méfiance si ce n’est qu’il y a aussi quelques points indéracinables de confiance ! ». Il s’agit donc de défier le nihilisme en lui objectant quelques exceptions, en lui opposant un « si ce n’est que… » (« À quoi bon tout ceci si ce n’est que… »), un « et pourtant… » (« En vain tout cela, et pourtant… »).

Bien sûr, un tel cortège disparate d’exceptions discrètes ne saurait à lui toute seul constituer un front apte à faire reculer stratégiquement le nihilisme. Mais ce « pointillé » est cependant susceptible de raturer son hégémonie, de trouer sa domination, de fissurer sa suprématie.

III - « Des points subjectifs d’existence » ?

Affirmer un point d’existence subjective qui ne se rend pas à la résignation nihiliste, c’est pratiquer un point exceptionnel de confiance en la puissance créatrice des rapports humains.

Je voudrais détailler ce que point de confiance veut ici dire.

je soutiendrai que, pour qu’un tel point défie vraiment le nihilisme contemporain, cette confiance doit se rédupliquer et finalement qu’elle doit aussi se dialectiser avec quelque point de croyance.

 

Commençons par donner différents exemples de tels points.

Exemples

·      Le point de Don Quichotte est d’affirmer, coûte que coûte, que la Justice est bien de ce monde, prévaut ici-bas sans être cantonnée aux imaginaires des romans de chevalerie. Pour cela, il s’agit pour lui d’ancrer cette idée de Justice dans le réel des situations rencontrées. D’où son aventure…

·      Le point du mathématicien Hamilton est d’étendre le corps des complexes de la même manière que celui-ci a étendu le corps des réels (par adjonction d’une grandeur imaginaire i). Tenir ce point jusqu’au bout impliquera pour Hamilton (1843) de renoncer à l’idée première qu’il faudrait pour cela passer de 2 à 3 dimensions (comme on était précédemment passé de 1 à 2 dimensions) pour oser passer directement de 2 à 4 dimensions en sautant par-dessus le 3 (d’où l’invention des quaternions).

·      Le point du compositeur Jean-Sébastien Bach est de tenir jusqu’au terme de sa vie (1750) la cause du monothématisme contre le bithématisme naissant alors à l’initiative de son propre fils (d’où son grande œuvre terminale : L’art de la fugue). Tout de même Beethoven tiendra jusqu’au bout, en pleine naissance du romantisme musical (Schubert), les exigences immanentes du style classique (d’où ses derniers quatuors et sonates).

·      Dans la France mitterrandienne des années 1980 qui fermait ses usines métallurgiques pour s’intégrer à la mondialisation néolibérale initiée par Thatcher et Reegan, un point militant fut affirmé et tenu jusqu’au bout (c’est-à-dire jusqu’à la fermeture des usines concernées) : celui d’exiger pour les ouvriers licenciés le versement d’une indemnité d’« un mois de salaire par année d’ancienneté ».

Me concernant…

Dans mon propre cas, je m’attache à tenir simultanément quatre points (sans trop me soucier de leur intrication explicite) :

-       composer une musique dont le discours hétérophonique encourage l’élan collectif émancipateur ;

-       participer au travail militant d’un groupe qui se lie aux ouvriers des grandes usines et aux habitants des bidonvilles pour repenser comment, dans le monde contemporain, travailler et habiter de manières politiquement émancipées ;

-       étudier les mathématiques modernes pour y apprendre les lois d’une pensée s’émancipant de la nature humaine ;

-       enfin aimer une femme – ma femme – en inventant pratiquement à deux une pensée neuve de la différence des sexes.

Quatre points donc [3] de confiance en la musique, en la politique, en la mathématique et en l’amour qui font butée à la déferlante nihiliste et à son antienne : « À quoi bon ? En vain ! ».

Quatre points qu’il s’agit pour moi de tenir jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la fin immanente de mon existence. [4]

Quatre points qui, je l’espère, se maintiendront jusqu’au bout et donneront ainsi le dernier mot à une confiance en l’humanité qui n’aura pas été recouverte par la méfiance, le dégoût et l’ironie nihilistes.

Quatre points minuscules, epsilonesques, quasi-infinitésimaux - quatre « miettes » dirait Kierkegaard – qui assurément ne font pas ligne de front mais qui affirment une existence incommensurable au néant.

 

Mais à quoi bon de tels points s’ils ne servent qu’à moi, s’ils ne servent qu’à me faire plaisir en me disposant en exception du renoncement général ? À quoi bon de tels points s’ils contribuent finalement à me reclure en ermite, à me retrancher dans quelque monastère ? À quoi bon si tenir de tels points me retranche du monde et me conduit à faire l’« expérience de soi dans un monde non expérimentable » selon « une intensité précaire plongeant à l’infini dans sa pure solitude, sans environnement autre que d’éboulis pour y explorer la vérité d’une existence sans monde » ? [5] ?

Réduplication de la confiance

C’est ici que la confiance à l’œuvre dans ces points doit se redoubler – se rédupliquer, dirait Kierkegaard [6] – car il est possible d’avoir confiance… en ces points de confiance.

Qu’est-ce que cela veut dire ?

Très simplement ceci : il y a une possibilité rationnelle que ces exceptions vaillent comme singularités.

« Singularité »

Une singularité [7] est un point particulier qui concentre une contradiction d’ensemble en sorte que sa forme tout à fait spécifique ait alors une portée universelle (le paradigme géométrique de cela est la pointe d’un cône dont le piquant spécifique synthétise la contradiction au principe de la forme du cône : l’orthogonalité entre un cercle vertical et un plan enroulé horizontal).

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Une singularité présente ainsi une universalité sous une forme très spécifique et nullement généralisable.

Point d’exception

Donc, un point d’exception peut rationnellement ambitionner d’avoir une portée universelle, non pas en s’étendant, en se multipliant ou en se généralisant mais, tout au contraire, en assumant jusqu’au bout sa forme spécifique extraordinairement concentrée et infinitésimale.

En ce sens, défier le nihilisme en pratiquant jusqu’au bout quelque point d’existence confiante en la puissance créatrice de l’humanité, ce n’est pas seulement l’arrêter en quelque exception mais c’est aussi espérer rationnellement que cette exception acquière valeur de vérité.

Point de réel…

Pour le formuler en un autre vocabulaire, tenir jusqu’au bout un tel point d’exception au nihilisme contemporain vise à constituer ce point en point de réel s’il est vrai, selon Lacan, que le réel d’un  processus se rencontre au point même sur lequel il bute sans recours (d’où l’importance extrême, pour qui tient un tel point, de le « tenir jusqu’au bout », c’est-à-dire jusqu’au bout de ses forces) : un point de butée du nihilisme a donc vocation à constituer un point d’appui et nullement un point de refuge imaginaire.

Dire ainsi le vrai du nihilisme, le dire selon quelque point de butée pour lui infranchissable, c’est alors montrer – démontrer ! – qu’aujourd’hui le nihilisme tire principalement sa force de la faiblesse d’une humanité stratégiquement désorientée. Corrélativement, c’est indiquer où chercher les ressources d’un nouvel élan collectif, d’une reprise dans l’émancipation collective : du côté des arts éclairants, des sciences gratuites, des politiques égalitaires et des amours sexués.

La question du tragique

Il est clair que, depuis 2020, le nihilisme tire également parti d’un retour du tragique dans les riches sociétés d’Europe [8] : sous la triple forme du retour des épidémies, des catastrophes naturelles et des guerres. En l’absence de toute perspective stratégique d’émancipation collective, c’est là du miel pour la cause nihiliste, que ce soit sous sa forme passive (« Regardez à quels désastres nous a menés la volonté des hommes ! Contentons-nous désormais de survivre ! ») ou sous sa modalité active (« Choisissons au moins notre fin du monde pour en faire un intense et sublime parachèvement ! » [9]).

Difficile au demeurant de faire l’économie du tragique si l’on prend mesure du fait que toute avancée dans l’émancipation de l’humanité engendre inéluctablement sa nouvelle adversité [10].

Ainsi, à l’inverse de la vie animale qui, selon Bichat, se définit comme l’ensemble des forces naturelles luttant contre la mort, l’existence subjective se caractérise par le fait que toutes ses avancées engendrent immanquablement des forces qui les combattent : en matière de subjectivité, les forces affirmatives sont premières quand, en matière de Nature, ce sont les forces négatives de mort qui le sont.

Pas moyen en tous les cas d’envisager un horizon où l’humanité ne se diviserait pas sur son destin. Pas moyen d’échapper au fait que l’humanité inclut ses ennemis irréductibles.

 

Il me semble que nous devons aujourd’hui prendre en compte cette dimension tragique dans notre manière de défier le nihilisme et ne pas laisser le nihilisme tirer seul parti de cette composante tragique. Nous ne pouvons faire l’autruche et continuer comme si ce tragique n’était pas.

D’où l’hypothèse suivante que je veux livrer à notre discussion : en ces moments tragiques, il faut réactiver les ressources subjectives de la croyance (sans se limiter à celles de la confiance) et, à ce titre, il nous faut savoir tirer parti des ressources subjectives des fictions, autrement dit réactiver quelques nouvelles ressources fictionnelles sans en laisser l’exclusivité aux courants réactionnaires.

Voyons comment.

Un point de croyance en plus !

J’ai posé qu’on pouvait défier le nihilisme en lui opposant quelque point affirmatif d’exception.

J’ai ajouté que de tels points d’exception pouvaient ambitionner de se constituer en véritables singularités, porteuses, par-delà leurs particularités, d’une portée d’ensemble et d’un rayonnement universel.

Mais reste alors une question : une chose est la confiance dans le fait qu’un point d’exception peut devenir une singularité universelle ; autre chose est la croyance que cette possibilité se réalisera bien à un moment ou à un autre. Une chose est la possibilité, une autre l’effectivité. Une chose est la possibilisation, autre chose est l’effectuation.

Autrement dit, une chose est l’espérance que la victoire d’un point tenu jusqu’au bout garantit sa valeur universelle ; autre chose est l’espoir que cette promesse de garantie s’effectuera bien, se réalisera.

Comme on le sait depuis Paul de Tarse, l’espérance ne trompe pas car elle s’appuie sur une victoire locale remportée en espérant l’advenue de sa portée globale quand l’espoir, lui, est essentiellement trompeur car il compte sur des victoires qui jusque-là ont toujours fait défaut et qui peuvent parfaitement toujours manquer.

En cet endroit, il nous faut alors dialectiser espérance et espoir, confiance et croyance car la nécessaire confiance n’éponge pas toute croyance pas plus que l’indispensable espérance n’éponge tout espoir.

Pour redonner sens à une problématique de la croyance, il me semble qu’il nous faut alors reprendre (au sens de la reprise kierkegaardienne qui est une répétition vers l’avant) la logique des fictions.

La nécessité de croire s’attache en effet au besoin de fictions. Précisons.

Nécessité de fictions

Appelons fiction le fait de faire « comme si » - faire comme si telle possibilité ouverte s’était réalisée ; ou faire comme s’il était possible de faire ceci ou cela – pour en tirer des conséquences qu’on met alors à l’épreuve d’une réalité.

Au passage, c’est le principe même du raisonnement par l’absurde : faisons comme si ce que l’on pense faux était vrai – par exemple faisons comme si √2 était un nombre rationnel – et tirons-en les conséquences jusqu’à trouver un point de contradiction (un point de réel sur lequel la fiction bute) pour alors remonter à la conséquence que l’hypothèse de départ était fausse (et en conclure que √2 est bien un nombre irrationnel).

On peut alors caractériser une croyance comme la confiance en une fiction.

Notons que cette acception s’écarte de celle d’Alain Badiou qui, dans sa Théorie du sujet (1982), caractérisait la croyance comme « confiance dans la confiance », ce qui revenait à poser (sans le formuler ainsi) que la croyance était alors ce que j’ai appelé ici réduplication de la confiance (celle-là même qui déplace la confiance en des exceptions en confiance en des singularités).

Je propose donc ici de distinguer confiance dans la confiance et croyance.

Concernant nos points d’existence, l’espérance est une confiance dans le fait que les possibilités ouvertes par le point vont élargir la situation confiée à l’humanité quand l’espoir en sus sera la croyance que ces possibilités se réaliseront bien un jour ou l’autre.

Exemple des fictions mythologisantes

Cette croyance, ou confiance en une fiction, opère exemplairement au principe des fictions mythologiques ; et peut-être que nos temps tragiques appellent en effet la constitution de nouveaux mythes (plus encore que la réactivation des anciens).

Mais qu’entendre ici par mythe ?

Logique du mythe ?

Selon Claude Levi-Strauss [CLS], le discours mytho-logique (autement dit la logique du discours mythique) s’affronte à un écartèlement tragique irrésoluble, à un gouffre entre deux termes irréconciliables et non dialectiquement subsumables, pour bricoler une réduction imaginaire de leur fracture sans prétendre la résorber. Ce faisant, le discours mythologique fait comme si l’on pouvait rendre supportable une déchirure originaire par une opposition moins insupportable, par une tension réduite entre deux nouveaux termes bricolés selon un récit ad hoc.

Ainsi le mythe fictionne-t-il une consolation face à un écartèlement tragique.

Voyons comment.

Formule canonique du mythe [FCM]

CLS a algébrisé cette logique en une FCM dont voici une formalisation scripturale :

N/ P Nx / Y-1p

En deux mots, la fracture insupportable entre deux valeurs (l’une positive P, l’autre négative N) respectivement portées par deux acteurs différents (x pour P, y pour N) peut être réduite par bricolage d’une opposition moins vive et moins douloureuse, et ce par intrication de trois opérations :

1)    l’acteur x vient lui-même se confronter à la valeur N Nx ;

2)    l’acteur y engendre une nouvelle valeur inversée Y-1 (ou 1/Y) ;

3)    la valeur P engendre un nouvel acteur p qui va porter cette nouvelle valeur inversée.

Le plus simple pour intuitionner cette formalisation algébrique [11] est de l’interpréter en un exemple fameux.

Le mythe pascal de Jésus-Christ

Le mythe chrétien de la résurrection pascale peut se formaliser ainsi dans le cadre de cette FCM :

Mort d’Adam (pécheur originel) / Vie de Jésus → Mort de Jésus / Salut par le Christ vivant

L’écartèlement tragique entre Vie et Mort, exemplairement porté par les acteurs respectifs Jésus et Adam (le pécheur originel), est amoindri dans le nouveau partage du Vendredi saint (mort de Jésus) et du Dimanche de Pâques (où le Christ, devenu vivant d’un type nouveau [12], vient porter la nouvelle valeur d’un Salut universel) [13]. Jésus-Christ vient ainsi nommer, par le tiret reliant Jésus et Christ, l’unité ainsi imaginée de contraires moins distendus.

La croyance comme réduction mythologique d’une fracture

On peut également montrer comment une croyance peut fictionner une réduction de la fracture entre confiance militante et méfiance nihiliste en l’humanité selon la formule suivante :

Méfiance du nihiliste / Confiance du militant → Méfiance du militant / Croyance du confiant

Cette réduction intrique deux opérations :

1.     Un certain apprentissage de la méfiance par le militant, méfiance qu’on entendra comme une autolimitation matérialiste de sa confiance.

Qu’est-ce à dire ? Qu’il s’agit de se méfier d’une confiance non matérialiste, non évaluée et trop facilement accordée en sorte que la directive pourrait aujourd’hui être celle-ci : « moins mais mieux », « se fier plus mais à moins », « se fier plus fermement à des points plus restreints ». Autrement dit, il s’agirait de soumettre la confiance à une certaine ascèse, pour ne pas la dilapider en un optimisme béat.

2.     L’affirmation d’une croyance en la réalisation à venir des possibilités déjà constituées, croyance portée par le confiant, c’est-à-dire au nom même d’une confiance en la constitution des possibilités en question.

Soit l’idée qu’on peut être confiant dans le fait de rendre possible telle ou telle chose mais que la réalisation ultérieure de cette possibilité relèvera plutôt d’une croyance : on ne peut que croire en la future réalisation des possibilités qu’on a ouvertes ; on se fie aux possibilités mais on croit à leurs effectuations : autrement dit, on fait comme si les possibilités ouvertes se réaliseraient.

Pour en donner un seul exemple, prenons la dernière lettre envoyée à sa femme par Szlama Grzywacz, l’un des dix du groupe Manouchian, le 21 février 1944 :

« Aujourd’hui à 15 heures, je vais être fusillé. J’ai conservé mon sang-froid jusqu’à la dernière minute, comme cela convient à un ouvrier juif. Je meurs, mais toi tu vis. (…) Je te dis adieu ainsi qu’à tous mes amis. Du courage, du courage et encore du courage. De meilleurs lendemains ne sont pas loin. Je t’embrasse mille fois. »

On a bien ici une dialectique entre d’un côté la confiance attachée au point tenu « jusqu’à la dernière minute », point qui assure une promesse de « courage » universel et d’un autre côté cette touche finale de croyance en la proximité « de meilleurs lendemains » où les possibilités, arrachées par Grzywacz au malheur, devraient s’effectuer.

 

Bien sûr, il s’agit ici d’hypothèses de pensée que je livre aujourd’hui à votre examen critique.

Traits caractéristiques des points subjectifs d’ek-sistence

« Tenui eum nec dimittam »

(« Je le tiens et ne [le] lâcherai pas. » ; Cantique des cantiques 3, 4)

 

Pour finir, caractérisons les points susceptibles d’ainsi défier le nihilisme contemporain par différents traits distinctifs.

1)    Un point n’est pas un principe général qui s’impose indifféremment à toute situation. Un point relève d’une situation donnée dans laquelle il s’inscrit spécifiquement.

2)    Un point n’est pas un commentaire en surplomb et en extériorité sur un objet. Ce n’est pas un point de savoir mais une prise de position subjective, un engagement à intervenir.

3)    Un point ne découle pas de la situation considérée. Un point est un pari sur les possibilités de la situation.

4)    Un point n’est pas l’affaire d’un seul coup. Un point tire à conséquences et engage un travail, un long trajet subjectif.

5)    On ne tient pas un point de manière statique comme on tient un siège, ou en campant dogmatiquement sur une position : un point est dynamiquement tenu, par ajustements et inventions successives. Tenir un point requiert une intelligence concrète et créatrice.

6)    Un point n’organise pas un retrait, un confinement à ce qui ne dépendrait que de moi. En ce sens, un point ne relève pas d’un stoïcisme. Si tout point est nécessairement d’envergure restreinte, il se soutient cependant d’une préoccupation d’ensemble. Fut-ce implicitement, un point ambitionne quelque puissance globale.

7)    Tenir un point a quelque prix. Un point coûte à qui le tient. Pour autant ce coût n’est pas la mesure interne du fait que le point est tenu ; ce coût négatif vient en supplément du principal effet subjectif qui lui est positif : c’est l’encouragement que cette tenue procure par la découverte de ressources de courage que le sujet ne pouvait précédemment connaître.

8)    Tenir un point n’est pas sans angoisse (« cela en vaut-il la peine ? saurai-je le tenir, et jusqu’au bout ?… ») mais le fait même de le tenir engage un cercle vertueux où chaque petite victoire remportée vient soutenir l’espérance de prochaines victoires.

 

Reste une neuvième et dernière caractéristique essentielle : un point tenu par un sujet peut être fécond pour d’autres sujets, non nécessairement parce que d’autres sujets vont alors également le tenir tel quel mais parce que ce point va mettre en résonance chez d’autres sujets la possibilité d’autres points à tenir, va éveiller d’autres déterminations subjectives selon la même logique d’exception singulière.

C’est en ce sens que défier le nihilisme contemporain en tenant un point d’existence – d’ek-sistence au monde contemporain – n’est pas seulement l’affaire personnelle de qui tient le point en question.

Par exemple dans mon cas, tenir aujourd’hui le point de la composition musicale ne saurait être l’affaire de tous (même si la musique que je compose vise à être écoutable, appropriable et profitable pour tous, sans prérequis d’aucun type). Mais tenir ce point peut stimuler, encourager, féconder la détermination de chacun à tenir semblablement son point.

Il est donc possible d’évaluer l’effet émancipateur d’un point tenu non seulement aux œuvres que cela aura produit mais tout autant au réseau des existences persévérantes que la tenue de ce point aura encouragées, stimulées, éventuellement suscitées.

Ainsi tenir un point jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au bout de ses forces, peut ne pas vous retrancher du monde dans un splendide isolement mais tout au contraire constituer un témoin transmissible à d’autres.

Et de cela, il faut à la fois être confiant et croire que cela nécessairement adviendra.

 

Mais, avant d’en venir à mon point concernant les mathématiques modernes, permettez-moi de conclure par cette longue citation dont il est bien difficile a priori de deviner l’auteur :

« De quoi devons-nous rêver ? […] Si l’homme était dépourvu de toute aptitude à rêver, s’il ne pouvait de temps à autre anticiper comme il le fait pour entrevoir l’image de l’œuvre achevée, une et complète, de cette œuvre qui est encore en train de naître sous ses doigts, alors je ne vois pas quel mobile pourrait contraindre l’homme à s’atteler à des tâches harassantes et de longue haleine et à les mener à bien, que ce soit en art, en science ou dans la vie pratique. […] Le désaccord entre le rêve et la réalité n’est pas dangereux tant que le rêveur croit sérieusement à ses rêves, travaille avec la conscience la plus absolue à la réalisation du produit de ses rêves. Tant qu’il y a un quelconque point de contact entre le rêve et la vie, tout est pour le mieux. »

Lénine (Que faire ?)

IV - Le point des mathématiques modernes

Voyons maintenant comment l’étude des mathématiques modernes peut constituer un tel type de point, à condition de s’intéresser à la manière dont les mathématiques modernes peuvent nourrir intellectuellement une telle problématique.

En un certain sens, ma plaidoirie pour un tel type d’étude des mathématiques modernes au nom des raisonances intellectuelles émancipatrices dont elles sont porteuses pourrait tout aussi bien être thématisée comme croyance mythologique, ce qui à mes yeux et conformément à ce que j’en ai dit, ne constituerait nullement pour moi une invalidation rationnelle

Trésors

En effet, les mathématiques modernes (depuis 1830) et contemporaines (depuis l’après-guerre) constituent des trésors de pensée émancipatrice qu’elles mettent à la disposition gratuite de l’humanité tout entière.

De cela, Lautréamont en avait excellement parlé dès 1869 :

« Ô mathématiques sévères, merci pour les services innombrables que vous nous rendez. Merci pour les qualités dont vous enrichissez notre intelligence. Sans vous, nous serions peut-être vaincus. Vous nous donnez la froideur, la prudence opiniâtre, la logique. Avec vos syllogismes, notre intelligence sent s’accroître ses forces audacieuses. »

Un point précieux de défi au nihilisme contemporain me semble ainsi d’étudier ces mathématiques modernes pour en partager les idées émancipatrices avec tout un chacun (selon le travail de ceux que j’aime appeler « mathématiciens aux pieds nus »).

Pour indiquer la profusion de ces trésors, voici 18 théories mathématiques susceptibles de contribuer intellectuellement à l’émancipation commune.

Les 10 premières sont « modernes » (1830-1900) et les 8 dernières sont « contemporaines » (après-guerre).

 

 

Théorie

Mathématicien

Année

Idée émancipatrice

Domaine

1                

Les groupes algébriques discrets

Galois

1830

Organisation collective constituante

Algèbre

2                

L’analyse complexe

Cauchy

Intrication des effectifs et des possibles

Analyse

3                

La courbure intrinsèque

Gauss

Intelligence immanente des courbures

Géométrie

4                

Le calcul différentiel

Weierstrass

1846

Subjectivation constituante d’une position subjective

Analyse

5                

Les quaternions

Hamilton

1846

Ce qu’orienter veut dire

[Algèbre]

6                

Les variétés différentielles

Riemann

1854

Situations subjectives

Topologie

7                

L’intégration

Riemann

Lebesgue

Kurzweil-Henstock

1850

1930

1958

Procès subjectif constitué par une position subjective

Analyse

8                

Les coupures

Dedekind

1872

Révolution par adjonction-extension

Arithmétique

9                

Les groupes différentiels continus

Lie

1875

Organisation subjective constituante

[Algèbre]

10             

Les tenseurs

Levi-Civita

1900

Notion d’intrication

Algèbre

11             

Les limites et colimites catégoriques

Mac Lane

1945

Dialectique du constituant et du constitué

[Logique]

12             

Les distributions

Schwartz

1950

La réduplication subjective

Analyse

13             

Les topos de faisceaux

Grothendieck

1962

Une situation comme dialectique local/global

[Topologie]

14             

Le forcing

Cohen

1963

Rationalité du générique

Logique

15             

Les singularités algébriques

Hironaka

1964

Dialectique de la singularité et de l’universalité

[Algèbre]

16             

La géométrie différentielle synthétique

Lawvere

1970

Constitution inconsciente des positions subjectives

[Géométrie]

17             

Les nombres surréels

Conway

1972

Le gouffre sans fond des epsilons

Arithmétique

18             

L’émergence

A. Ehresmann

2000

Notion d’émergence

Topologie

 

Cette liste devrait être complétée par deux théories relevant plus particulièrement de la logique mathématique, théories sur lesquelles le travail philosophique d’Alain Badiou est précieusement déterminant :

-       la théorie des ensembles (Cantor, 1872)

-       la théorie des modèles (Lowenheim-Skolem, 1915-1920).

 

Pour détailler un seul exemple, examinons rapidement les raisonances émancipatrices de l’analyse complexe (deuxième théorie de la liste précédente).

L’analyse complexe

L’analyse mathématique est l’étude des fonctions, de leurs continuités et de leurs limites.

L’analyse complexe étudie les fonctions de grandeurs complexes et non plus seulement, comme l’analyse réelle, les fonctions de nombres réels.

Les grandeurs complexes

On construit les grandeurs complexes en adjoignant aux nombres dits réels des grandeurs dites imaginaires dont, contrairement aux nombres, le carré est négatif !

Il faut pour cela doter ces grandeurs de type nouveau d’une multiplication de type nouveau – par rotation dans un plan spécial dit le plan complexe.

D’où ces grandeurs qu’on dit « complexes » obtenues par addition (de type nouveau) d’un nombre réel et d’une grandeur imaginaire :

z=x+i.y avec i2=-1

Interprétation

L’idée principale qui va nous intéresser dans cette théorie s’attache à l’interprétation des nombres réels comme mesurant des effectivités et des grandeurs imaginaires comme mesurant des possibilités.

L’extension réels→complexes correspond alors à l’idée suivante : pour analyser une situation donnée, il ne faut pas seulement prendre en compte ce qu’il y a effectivement dans cette situation et qui s’y présente de manière consensuelle – soit les faits empiriquement attestables et dont aucune rationalité ne saurait douter – mais il faut également prendre en compte les possibilités latentes de cette situation, possibilités qui bien sûr ne vont plus faire consensus mais diviser les subjectivités.

En ce sens, l’axiome de l’analyse complexe est : « il n’y a pas que ce qu’il y a » car, dans une situation donnée, il n’y a pas que les effectivités objectives – mettons, par exemple, le nombre de personnes présentes aujourd’hui dans cette salle – mais qu’il y a aussi des possibilités subjectives dont la prise en compte fait nécessairement dissensus car ces possibilités ne relèvent plus d’un constat mais d’une imagination de ce qui n’est pas immédiatement apparent – quelles sont les possibilités propres du groupe que nous composons dans cette salle ? Sur ce point, les avis vont diverger alors qu’ils ne devraient pas le faire sur notre nombre !

Le plan complexe

À partir de là, se constitue mathématiquement un plan complexe ℂ qui intrique dynamiquement effectivités et possibilités, non effectivités et non possibilités, potentialités et virtualités selon les deux schémas suivants :

        

Je n’ai bien sûr pas le temps de vous détailler tout cela mais je voudrais vous présenter un résultat précieux de cette théorie car il a des conséquences extraordinairement encourageantes pour notre projet de défier le nihilisme.

De la puissance globale d’une action régionalement restreinte

On démontre d’abord que si une fonction complexe est localement dérivable, elle est alors infiniment dérivable (et donc lisse) et devient ce faisant analytique c’est-à-dire localement développable en série entière (et par là algébriquement « rigide » puisqu’alors équivalente à un polynôme infini).

Ensuite le théorème du prolongement analytique (vers 1850) nous dit alors en substance ceci : si une telle fonction analytique s’avère prolongeable entre deux points distincts, alors elle pourra être prolongeable de manière unique à toute la situation, tel un cristal dont un seul germe microscopique peut proliférer jusqu’à recouvrir une considérable étendue.

 

Dans notre interprétation intellectuelle, qu’est-ce ceci démontre ? Ceci : si vous intervenez dans une situation donnée en prenant en compte ses possibilités et pas seulement ses effectivités, votre action pourra se restreindre à relier deux localisations (en sorte de constituer ce que je propose d’appeler une région) : votre action aura alors une portée globale car elle sera assurée d’être prolongeable sur l’ensemble de la situation concernée.

Exemples

Donnons quelques exemples d’actions reliant deux localisations disjointes de la même situation et constituant par là une région d’intervention.

·      Dans le monde contemporain, relier bidonvilles et grandes usines par quelque initiative militante commune d’habitants (femmes du peuple en tête) et d’ouvriers.

·      Dans la mathématique moderne, relier algèbre et géométrie pour résoudre un même problème mathématique.

·      Dans mon projet compositionnel, relier un souci rythmique et ma hantise harmonique.

·      Dans le projet d’un amour sexué, relier par exemple la question des enfants et celle du travail.

Prolongeable n’est pas prolongé…

Attention : le théorème ne dit pas comment prolonger l’action régionalement réalisée. Il n’offre pas une formule pour rendre effective cette possibilité de prolongation mais il nous affirme que cette possibilité existe. Il fonde donc notre confiance matérialiste en l’ambition globale d’un point pour peu que ce point non pas campe indéfiniment sur place mais se déplace minimalement en sorte de relier dynamiquement deux localisations différentes et initialement disjointes dans une même situation.

Où l’on retrouve donc notre précédente dialectique entre confiance en une possibilité et croyance que cette possibilité s’effectuera (d’une manière non précisée).

Un point n’est donc pas condamné à la fracture entre « penser globalement et agir localement » car il lui est possible, par une action régionale, d’avoir prise réelle sur la dimension globale de la situation dans lequel il intervient.

Ce théorème confirme donc l’intuition de Mallarmé qui plaçait l’action restreinte au cœur de l’action moderne ; il clarifie cette action restreinte comme étant une action régionale au sens précédent (et donc ni globale comme l’action classique, ni locale comme l’action postmoderne).

 

*

 

Je conclurai sur ce point : ne préside-t-il pas en fait à nos rencontres, explicitement disposées sous le principe de la constitution d’une micro-région intellectuelle franco-tunisienne ?

Autant dire que, si nous arrivons, durant ces trois journées, à constituer une telle région de pensée par liaison entre nos lieux distincts et séparés d’intervention, entre nos différents points de défi, ce théorème nous garantit qu’on aura conquis quelque nouvelle puissance globale.

Cela ne garantit évidemment pas que nos rencontres auront le pouvoir de se prolonger effectivement à échelle du monde contemporain mais cela garantit qu’elles constitueront un réel encouragement pour quiconque, dans le monde contemporain, voudrait comme nous défier le nihilisme.

 

***



[1] dit Anarchasis : aristocrate allemand, partisan de la Révolution française, qui terminera guillotiné en mars 1794 avec les Hébertistes.

[2] Premières lignes de son œuvre romanesque (H.P. Lovecraft. Contre le monde, contre la vie ; 1991)

[3] À mes yeux, ces quatre points forment un quaternion : en effet, le partage en couple de chacun des trois premiers points assurant que ce point est commensurable à l’amour, ce quatrième point vient ainsi établir une mesure commune constitutive d’un « 3+1 ».

[4] Nulle raison ici de nommer « mort » cette « fin de vie » : chacun est responsable de sa fin de vie, aucunement d’une mort qui, en un certain sens, n’est pas sienne !

[5] Quentin Meillassoux : Métaphysique et fiction des mondes hors-science (Aux forges de Vulcain ; 2013 ; p. 75)

[6] La réduplication est l’envers du « second degré » ironique…

[7] La mathématique des singularités algébriques (Hironaka, 1964) nous l’éclaire.

[8] N’oublions pas que le tragique n’a jamais quitté les sociétés et pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine.

[9] Voir le graffiti de Nanterre « Une autre fin du monde est possible ! » titrant le livre de Servigne, Stevens et Chapelle, sous-titré « Vivre l’effondrement et pas seulement y survivre » (où l’on retrouve que survivre longtemps est l’enjeu du nihilisme passif quand vivre intensément fut-ce brièvement est l’enjeu du nihilisme actif).

[10] L’exemple des Communes populaires chinoises en 1958 l’a démontré à l’envi.

[11] Voir le livre de Lucien Scubla (Lire Lévi-Strauss ; Odile Jacob, 1998) pour un examen détaillé de cette formule et de ses nombreuses variantes.

[12] La Résurrection pascale n’est pas la réanimation de Lazare…

[13] Noter que la faille n’est pas pour autant épongée : elle prend la forme du Samedi saint, qui reste le trou noir de l’opération.