André Boucourechliev

Compositeur français né le 28 juillet 1925 à Sofia (Bulgarie), mort le 13 novembre 1997 à Paris.


BIOGRAPHIE

 
Formation
Boucourechliev mène de front scolarité au collège français de Sofia et étude du piano avant d'entrer, en 1946, à l'Académie de musique de Sofia. Il entame une carrière de pianiste virtuose et remporte en 1948 le Grand prix du Concours national d'interprétation musicale. Il se voit à ce titre attribuer une bourse du gouvernement français; arrivé à Paris en 1949, il s'y fixe et prend la nationalité française.
A l'Ecole Normale de Musique, dirigée par Alfred Cortot, Boucourechliev travaille avec Reine Gianoli (piano) et Georges Dandelot (harmonie) et, par ailleurs, avec Andrée Vaurabourg-Honegger (contrepoint). En 1951 il obtient la licence de concert de l'Ecole Normale de Musique où il enseignera jusqu'en 1958. En 1955, il suit la meisterklasse de Walter Gieseking à Sarrebrück.
 
Le compositeur
Cependant, Boucourechliev avait commencé à composer, selon un parcours qu'il qualifiait d' "autodidacte et au rebours de l'histoire". Il écrit concurremment pour instruments (Musique à trois, 1957, Sonate pour piano, 1959) et pour bande magnétique, ceci au cours de deux séjours à Milan, au Studio di fonologia de la RAI, puis au Groupe de recherche musicale de l'ORTF (Texte 1, 1958, Texte 2, 1959).
A l'initiative de Pierre Boulez, les premières oeuvres de Boucourechliev ont été créées au Domaine Musical où il rencontre ses premiers succès (Signes, 1961, Grodek, d'après Georg Trakl, 1963). Elles sont jouées également aux cours d'été de Darmstadt. "Nous éprouvions le sentiment d'être les acteurs de l'histoire en marche", a-t-il déclaré, bien qu'il n'ait, pour sa part, "jamais utilisé la moindre série".
Boucourechliev s'illustre dans ce mouvement principalement à travers ses oeuvres ouvertes dont les Archipel pour diverses formations qui lui valurent la renommée internationale (Archipel I à IV, 1967 à 1970). Il s'agit d'oeuvres mobiles, variables d'une exécution à l'autre selon les choix libres et instantanés des interprètes - en aucun cas d'oeuvres aléatoires. Les séquences, entièrement écrites quoique les paramètres en soient dissociés, sont fortement caractérisées tout en étant susceptibles de combinaisons multiples. Ce principe de composition est poussé à ses limites dans Anarchipel (1970) qui assume le risque que l'anarchie interrompe le discours. L'inspiration de ces oeuvres renvoie tant aux recherches littéraires du début du siècle (Proust, Mallarmé, Joyce) qu'à l'expérience des artistes américains de toutes disciplines dont le compositeur avait été proche lors d'un séjour de 6 mois aux Etats-Unis en 1964.
Relèvent de la même esthétique deux oeuvres avec lesquelles Boucourechliev aborde le grand orchestre : Faces (1972) pour orchestre divisé en deux groupes d'instruments dirigés par deux chefs et le Concerto pour piano et orchestre (1975), qui "constitue à plus d'un titre un sixième Archipel" (Francis Bayer), ainsi qu'Amers (1973) pour 19 instruments.
En revanche, Ombres, hommage à Beethoven (1970) pour orchestre à cordes est écrit dans sa continuité. L'oeuvre comporte toutefois une section au cours de laquelle les instrumentistes choisissent dans la partition, chacun pour soi, les réminiscences des quatuors de Beethoven, textuelles ou déformées, avérées ou masquées, qui constituent la trame de cet hommage.
Thrène (1974) pour bande magnétique inaugure une série d'oeuvres qui explorent les potentialités de la voix et de la langue en musique. Choeur mixte et récitants fournissent l'unique matériau de l'oeuvre, à partir de quelques éclats d'un poème inabouti de Mallarmé. La modulation dynamique du chant choral par les pulsations de la parole permet d'obtenir "comme des ombres de parole incrustées dans le chant... (une) parole en creux".
Le nom d'OEdipe sur un livret d'Hélène Cixous (1978), créé au festival d'Avignon, ouvre au chant l'ampleur de l'opéra, de même que Le miroir sur un texte de Jean-Pierre Burgart (1987) pour mezzo soprano et orchestre, sous titré Sept répliques pour un opéra possible.
Lit de neige sur un poème de Paul Celan (1984) pour soprano et 19 instruments présente deux volets : le texte original, en allemand, et sa traduction française par le poète André du Bouchet. Boucourechliev a voulu rendre dans la partition la prosodie si différente des deux langues. Citons enfin les Trois fragments de Michel-Ange (1995) pour soprano, flûte et flûte en sol et piano, dernière oeuvre du compositeur.
Parallèlement, Boucourechliev continuait d'enrichir son oeuvre pour piano et de musique de chambre (Tombeau, Nocturnes, Ulysse, Orion I et III), éventuellement en recourant à la forme ouverte, comme dans les Six études d'après Piranèse (1975) pour piano. Chacune de ces études présente un caractère particulier, structurel et technique, dans la tradition lisztienne des Etudes d'éxécution transcendante. Mais chacune constitue un "mobile absolu" : le pianiste les joue dans quelque ordre choisi que ce soit ou comme une grande forme unique, et peut passer de l'une à l'autre. La communication est ouverte aussi dans le second quatuor, Miroir II (1989) qui sera suivi d'un troisième quatuor en 1994.
Citons enfin Orion II , (1982) pour cinq cuivres, piano et deux percussions et La chevelure de Bérénice (1987) pour ensemble instrumental.
 
L'écrivain de musique
Ce terme est celui que s'appliquait Boucourechliev qui récusait, en ce qui le concerne, celui de musicologue. Il aborde la musique classique et contemporaine armé de son expérience, des outils conceptuels et des interrogations du compositeur. Il rend compte de sa démarche dans un langage accessible et direct qui lui permet de mener ses lecteurs, même non musiciens, à aborder les analyses et les notions les plus subtiles.
Il assure la chronique musicale de la NRF à partir de 1956 et donne jusqu'en 1970 de nombreux articles à Preuves, présentant ainsi une large revue de la création musicale, en France et à l'étranger.
Il publie, dans la collection Solfège du Seuil, un Schumann (1956) et un Beethoven (1963) qui restent des classiques, ainsi que d'importantes contributions à des ouvrages collectifs (Schumann, Stravinsky, Debussy, Wagner), reprises, pour certaines, dans le recueil d'articles Dire la musique.
Suivront une ample monographie sur Stravinsky (1982), un Essai sur Beethoven (1991), Regard sur Chopin (1996) et Debussy, la révolution subtile, paru après sa mort. Boucourechliev avait synthétisé ses recherches et ses réflexions d'esthétique musicale dans Le langage musical (Fayard, 1993).
 
L'enseignant, l'homme de medias
A partir de 1974, Boucourechliev est suppléant d'Olivier Messiaen au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Il est chargé de cours (1976) puis maître de conférences associé de musicologie contemporaine (1978) à l'Université d'Aix-en-Provence jusqu'en 1985, puis professeur à l'Ecole Normale Supérieure (1985-1987). Il anime d'autre part volontiers des séminaires ou des sessions de travail de musiciens professionnels ou non : à la Sainte Baume, à l'Université américaine de Fontainebleau, au centre Acanthes.
Ce rôle d'éveilleur, à la fois accessible et ambitieux, fait de lui un homme de radio et de télévision très apprécié en France - France-Musique, France Culture, Arte - comme en Suisse ou au Canada. Ses séries d'émissions sur les quatuors de Beethoven, sur le rôle de la variation dans l'écriture musicale ou sur Stravinsky sont régulièrement rediffusées.
 
Boucourechliev s'est vu attribuer le Grand Prix national de musique en 1984. Il était chevalier de la Légion d'honneur et commandeur de l'Ordre des arts et lettres.


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