[Notes transcrites par Daniel Fischer, d’un cours mal identifié, mais qui, sans doute, s’est tenu à la fin du séminaire de 1998-1999.]

 

 

Dans L'être et l'événement (EE), j'avais tenté de reformuler, une fois de plus, ce qui est véritablement le problème clé de toute philosophie : qu'en est-il du noeud de l'être, de la vérité et du sujet ? La réponse tenait en trois énoncés primordiaux :

 

Premier énoncé : Il existe une pensée de l'être en tant qu'être.

Il s'agit d'une thèse, thèse qui s'oppose à celle-ci : il y a une question de l'être. Et cela se dit aussi : il y a une situation de pensée pour l'être en tant qu'être - parmi d'autres situations de pensée - et le nom, historiquement constitué, de celle situation de pensée est : mathématique; ce qui est une façon de dire que "la question de l'être" n'est pas la question en surplomb de toutes les autres. Ou encore : l'ontologie est une situation singulière dotée d'une effectivité historique (elle a eu un commencement, elle a connu des éclipses etc.).

La démonstration, dans EE, passe par la considération de ce que l'être, pensé dans son être, sans autre prédicat, ne peut être que pure multiplicité "sans-un", dissémination inconsistante. Faire une autre supposition revient inéluctablement à mes yeux à restaurer l'un quelconque des dispositifs onto-théologiques, au sens où l'entend Heidegger (les identifiant à la métaphysique), i.e. une détermination qualitative de l'Un.

Assumer la thèse selon laquelle l'être est multiplicité inconsistante et que la mathématique, science de la multiplicité inconsistante, se confond de ce fait avec l'ontologie, est une thèse qui a elle-même trois corollaires :

Premier corollaire, historique : le fondateur en situation (i.e. dans la mathématique elle-même) de la possibilité de se représenter la mathématique comme étant l'ontologie est Cantor. Il y a sur ce point une coupure qui affecte la philosophie tout entière : on peut à bon droit se demander, à propos d'une philosophie donnée, si elle est pré-cantorienne ou post-cantorienne quant à ses déterminations. C'est l'un des critères par quoi on peut qualifier une philosophie d'aujourd'hui.

Deuxième corollaire : l'ontologie mathématique effectue la dissolution de l'onto-théologie, comme je l'ai dit tout à l'heure, mais elle le fait depuis toujours. Elle a toujours été cette dissolution en acte - même si, parallèlement, il y a également toujours eu des reprises métaphysiques de la mathématique (exemple : Leibniz). La mathématique, posant que le seul point d'arrêt concevable à la dissémination du multiple n'est pas un atome plein, indécomposable, mais l'ensemble vide, est la critique la plus radicale de la transcendance de l'Un.

Troisième corollaire : la mathématique, ainsi conçue, est une laïcisation de l'infini. Elle permet la réduction de l'infini au quelconque de la multiplicité, lui ôtant tout prestige métaphysique; ce faisant, elle ôte également tout prestige pathétique à la finitude.

 

Deuxième énoncé : une vérité pour une situation d'être donnée - la vérité d'une multiplicité singulière - ne peut s'inférer de la stricte situation elle-même.

Toute situation est; et étant, elle est sans vérité; ou encore : une situation est au-delà, ou en- deçà, de l'opposition du vrai et du faux. Il n'y a pas de relation implicative ou transitive entre l'être et les vérités.

C'est une thèse anti-hégelienne, mais aussi bien anti-heideggérienne, dans la mesure où tout le point, pour Hegel comme pour Heidegger, est que l'histoire des vérités est une seule et même chose que l'histoire de l'être (une histoire ascendante, il est vrai, pour le premier et descendante pour le second ...). La thèse de EE est que ces deux histoires ne sauraient se confondre, pour au moins la bonne raison qu'il n'y a pas d'histoire de l'être. 

Par contre il y a des vérités, à commencer par les vérités qui concernent l'être en tant qu'être : les vérités mathématiques (opposition aux thèses sceptiques, pragmatistes ..). Très exactement : il y a des vérités puisqu''il y a des vérités mathématiques. Conviction dont la tradition remonte à Platon, à Descartes, à Spinoza et se retrouve même chez Kant (s'il se pose la question des conditions de possibilité du jugement synthétique a priori, c'est précisément qu'il y a des jugements non vides) et Husserl.

Nous voici donc en présence d'une antinomie : il y a des vérités, mais elles ne sont pas transitives à la situation d'être. Platon a senti la nécessité de traiter cette antinomie : avec sa théorie de l'intelligible, il a rendu raison des vérités en jetant un pont par-dessus le visible; Kant, pour sa part, a fait de même avec sa théorie du transcendantal. Nous poserons quant à nous : l'ontologie doit avoir comme point de défection la contingence radicale d'une venue. Ou : il peut arriver qu'un supplément intransitif advienne à une situation d'être. Et le nom de ce supplément intransitif est : événement.

L'événement est induit de ce que l'être comme tel ne suffit pas aux vérités.

Ce qui pose un triple problème :

a) Il faut montrer qu'avec la supposition d'un supplément intransitif, nous résolvons la question de l'existence des vérités.

b) Il faut montrer que cette solution n'est pas dualiste, i.e. que nous n'introduisons pas, avec l'événement, un autre type d'être, un type d'être qui soit autre que le multiple inconsistant.

c) Enfin, il faut montrer que les vérités elles-mêmes ne relèvent pas d'un autre type d'être.

La solution apportée par EE au premier problème est la suivante : une vérité est le processus d'une fidélité immanente au supplément événementiel, supplément qui est représenté dans la situation par son nom, car lui-même a en tant que tel disparu. Cette solution est aujourd'hui à mes yeux partiellement défectueuse; elle marche en surface, mais elle n'est pas excellente. J'y reviendrai tout à l'heure.

La solution au deuxième problème est : l'événement n'a jamais pour être que d'être un fragment de la situation; c'est ce qu'élabore la théorie du site événementiel. Mais si l'événement relève du même type d'être que la situation elle-même (c'est un multiple), en quoi se distingue-t-il de la situation ? Il s'en distingue en ce qu'il est in-fondé (il n'obéit pas à l'axiome de fondation) [cf. Sém. "Théorie axiomatique du sujet" séance du 23.04.97].

La solution au troisième problème est : une vérité est la construction d'un sous-ensemble de la situation; ce sous-ensemble est infini, mais ses caractéristiques sont définissables : ce sous-ensemble est tel qu'aucun prédicat ne lui convient. C'est la théorie des multiplicités génériques. Je dois reconnaître qu'elle me satisfait plus que la vieille conception de la vérité comme adéquation de l'idée à ce que cette idée représente. Qu'aucun prédicat ne convienne aux multiplicités génériques en fait des sous-ensembles indéterminés en termes de savoir; elles sont l'in-su propre de toutes les figures du savoir qui circulent dans telle situation (j'ai également pu dire, flirtant quelque peu avec le lexique lacanien, qu'elles faisaient trou dans le savoir).

 

Troisième énoncé : un sujet est induit par une procédure de vérité et toute procédure de vérité induit un sujet.

Autrement dit : une vérité est cause du sujet et non l'inverse. J'avais défini le sujet, dans EE, comme un fragment fini d'une procédure de vérité; il était un moment local de la construction infinie d'une multiplicité générique, ou, comme je disais, il en était la différentielle.

 

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J'étais assez content de ces trois énoncés à l'époque, ainsi que de leur articulation, mais je ne le suis plus. Car ce dispositif comporte maintenant à mes yeux trois faiblesses :

 

1. S'agissant du sujet

 La définition que EE donnait du sujet est unilatérale en ce qu'elle identifie celui-ci purement et simplement au militant fidèle d'une procédure de vérité. J'ai depuis été frappé par le fait que la réaction, elle aussi, est novatrice, qu'elle aussi, à sa manière, est contemporaine de l'événement. Ceux qui assistent aux cours du mercredi savent que c'est une idée que je développe depuis deux ans dans le cadre du Séminaire "Théorie axiomatique du sujet" [cf. p. ex. séance du 19.03.97]; c'est là qu'est localisé le garage où je tente de réparer la panne survenue à mon dispositif (et que je suis le seul à avoir repérée car je n'ai pas vraiment été critiqué sur ce point). Il s'agit pour moi de penser le surgissement conjoint d'une pluralité de figures subjectives, dont certaines peuvent être réactives : le militant de la contre-révolution est lui-même post-événementiel.

Le dispositif antérieur était en réalité contaminé par la vieille conception dialectique du rapport sujet/objet : ce à quoi le sujet avait affaire (comme n'étant pas lui) c'était au non-sujet, i.e. à quelque chose d'inerte, d'externe à la procédure, bref à de l'objectif. Ce que j'essaie maintenant de penser c'est que le sujet a affaire avec d'autres figures subjectives - y compris des figures subjectives qui travaillent à l'exténuation de la procédure elle-même. [1]

 

2. S'agissant de la vérité

La deuxième faiblesse de mon dispositif a tout de suite été identifiée par J.F. Lyotard, à qui je rends ici hommage.

Dans EE ce qui faisait trace de l'événement, dont l'essence est, fondamentalement, de disparaître en tant que tel, c'était une nomination et la construction subjective se faisait au regard du nom de l'événement. Mais il est difficile de penser une nomination sans présupposer à celle-ci un sujet - un archi-sujet ou un proto-sujet - alors que mon intention est de pouvoir penser que le sujet est sous la condition d'un surgir et non l'inverse. C'est d'emblée la question que m'a posée  Lyotard : "Qui nomme ?"

Cette difficulté, j'avais pensé la résoudre en soutenant qu'il était nécessaire qu'un événement ait toujours lieu deux fois (par exemple : le Christ puis Saint Paul). Il y aurait l'événement, disparu sans reste, puis il y aurait un deuxième surgir, celui de la fixation du nom de l'événement, qui, quant à lui, est "tiré du vide" - tentative de désubjectiver la nomination dont je reconnais qu'elle est un peu magique. Cette doctrine des noms ne marchait donc pas bien et depuis je l'ai abandonnée.

Ce qu'il faut c'est que ce qui reste de l'événement, sa trace, ne soit pas extrinsèque à l'événement, à l'inverse du nom qui exigeait pour lui-même un surgir. Il faut que la trace se détache de l'événement lui-même, qu'elle en soit un fragment. C'est ce que j'ai tenté de développer, également dans le cadre du Séminaire « Théorie axiomatique du sujet », avec la théorie de l'énoncé e - énoncé qui ne "dit" pas l'événement (il n'est d'ailleurs pas forcément identifiable sous forme d'un énoncé au sens strict) mais qui en est l'index en tant que pur reste  de son disparaître.

Il m'a semblé que, par rapport au dispositif de EE, il fallait une double caractérisation de l'événement, ontologique et logique. Car dans EE, je faisais comme si on pouvait suivre la pensée de l'événement selon le seul fil de l'ontologie, comme si un sujet supposait "seulement" qu'il y ait eu de l'excès dans l'être, i.e. un multiple in-fondé. Je soutiens par contre maintenant que la question de l'événement se situe au croisement d'un excès ontologique et d'une perturbation locale de la logique - i.e. qu'il implique également un déplacement dans ce qui fixe le degré d'apparition des termes qui constituent la situation et que j'appelle un transcendantal. Quand on dit de l'énoncé e que, sans l'événement, il est indécidable, cela signifie que le degré de son apparaître dans la situation, son existence, est insituable par rapport au transcendantal - il est littéralement indistinct. Et quand ce même énoncé est décidé par l'événement, c'est que d'indistinct, il devient évident : l'évidence de e s'installe dans la situation. Ce qui suppose que le transcendantal a été modifié : l'évaluation de l'existence n'est plus la même qu'avant.

 

3. S'agissant de l'être

La troisième faiblesse a été repérée par J.T. Desanti. Il m'a dit, en substance : "Ton ontologie, l'ontologie du pur multiple "sans-un", est une ontologie intrinsèque et je ne crois pas qu'elle puisse expliquer la logique. Va donc voir du côté du livre Gamma de la Métaphysique d'Aristote qui établit que, s'il y a, comme il dit, une science qui fait la théorie de l'être en tant qu'être, cela doit rendre compte du fait qu'il y a une logique". C'est un conseil que j'ai suivi, comme vous le savez, et l'examen d'Aristote auquel nous nous sommes livrés depuis quelques années nous a montré qu'une ontologie est prescriptrice d'une logique (et, pour commencer, de la cohérence logique de cette ontologie elle-même). 

Il n'est pas contradictoire d'affirmer que la mathématique, par le fait même d'être science de l'être en tant qu'être (science du pur multiple), fait consister dans ses écritures l'inconsistance intrinsèque du multiple. La mathématique est ainsi ce qui pense, au plus près de l'inconsistance, ce qui de l'être est susceptible de consister. C'est cette proximité avec le pur délié qui explique, selon moi, l'angoisse particulière que génère la pratique de la mathématique. Dans ce horlieu où s'établit la mathématique, il n'y a plus de distinction entre les multiplicités effectives ou réelles (celles qui sont par exemple utilisées par la physique) et les multiplicités ineffectives dont la consistance tient à ceci qu'il est simplement possible qu'elles existent. Car une multiplicité qui consiste peut exister, sans pour autant qu'elle existe effectivement. C'est une profonde intuition de Leibniz, pour qui la pensée de cette consistance est la mathématique divine, i.e. en fait la mathématique tout court.

Ainsi la pensée de l'être en tant qu'être est fondamentalement indifférente à la distinction entre possible et réel. Par conséquent, si une situation d'être est réelle - et nous poserons comme axiome : il y a du réel - alors le fait qu'elle soit réelle, le fait qu'elle existe effectivement, n'est pas pensé par la mathématique, alors qu'en tant que théorie du multiple pur, elle pense entièrement l'être de cette situation.

Que veut dire exister ? Exister veut dire : être là, avoir un lieu - et non pas seulement être en tant qu'être. Ce qui est seulement possible a pour caractéristique de ne pas être là. Le mode selon lequel une multiplicité est affectée en tant qu'elle est comme être-là, i.e. une fois qu'elle existe, une fois qu'elle est en situation, c'est son apparaître (terme qu'a retenu la tradition pour nommer l'être comme être-là). Et c'est ce que la mathématique du multiple pur n'est pas en état de penser. L'apparaître, c'est l'être en tant qu'il existe.

Dans leur être-là les phénomènes "tiennent" là où ils apparaissent, ils se donnent comme liés; il s'agit de leur consistance ou plus exactement de la venue en consistance de l'être multiple. Le fait d'être là institue donc la relation : relation avec d'autres multiples consistants qui sont là, ou qui n'y sont pas, ou qui peuvent venir ... Institution d'une algèbre.

Mais le fait d'être là institue aussi un espace d'évaluation : car il nous faut penser la possibilité de degrés d'apparaître (la question posée est : jusqu'à quel point ceci apparaît-il ?). L'évaluation concerne ici les degrés d'existence. L'être en tant qu'être, lui, ne comporte pas de degrés (dans la théorie du multiple pur, un élément est ou n'est pas, il appartient ou n'appartient pas à un ensemble, selon la logique du tiers exclu; la théorie du multiple pur ne comporte pas de degrés).

Nous appellerons logique la situation de pensée qui étudie l'apparaître comme nouage d'une topologie (au sens d'une pensée de la localisation en général), d'une algèbre de la relation et d'une évaluation. La logique est la sous-section de la science de l'être qui nous dit comment l'être est affecté par son être-là.

Qu'une situation singulière soit réelle et pas seulement possible relève pour nous du contingent et est proprement impensable[2]. Mais l'être multiple que cette situation est dans son être est affecté de manière immanente par sa propre logique, i.e. par le fait d'exister, d'apparaître comme être-là; et cela nous devons pouvoir le penser. D'où le programme : il faut, de l'intérieur de l'ontologie, penser la logique comme différentiation formelle de l'être en tant qu'être et de l'être-là.

Thèse : Une situation est dans son être une multiplicité pure dont la mathématique ensembliste rend raison. Mais elle est aussi une situation intérieurement réglée par une logique qui affecte son être en tant que cet être apparaît. On appellera ce principe logique le transcendantal de la situation. Toute situation réelle admet un transcendantal immanent.

Cette thèse est une refonte du concept de situation en usage dans EE; celui-ci, dans la mesure où il indistinguait situation réelle et situation possible, ne permettait pas de penser cette différence, et par conséquent ne permettait pas de penser les multiples en tant qu'existant.

Puisque nous avons pour impératif de chasser le dualisme, il est requis que le transcendantal ne relève pas d'un type d'être autre que le multiple pur. Le transcendantal doit donc être une composante de la situation (elle-même multiple de multiple). Mais le transcendantal doit aussi apparaître au même titre que la situation : il doit réguler l'apparaître tout en apparaissant lui-même dans le champ de cette régulation. Il doit s'auto-réguler, ou, selon une formule que j'ai déjà utilisée, le transcendantal doit se prescrire lui-même, être le transcendantal du transcendantal. Ce qui n'est pas le cas chez Kant : chez Kant, le transcendantal lui-même n'apparaît pas, ce sont ses effets qui seuls apparaissent, i.e. les objets. Et la constitution du transcendantal est chez lui intransitive à l'être, la chose en soi, l'être en tant qu'être n'y intervient en aucune façon - et pour cause : de l'être en tant qu'être, le dispositif kantien s'interdit d'en savoir quoi que ce soit[3].

 

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Le problème du transcendantal est résolu en plusieurs étapes :

1. Le transcendantal est identifié comme une algèbre de Heyting. Car celle-ci est simultanément a) une algèbre de la relation d'ordre b) une topologie (une algèbre de Heyting est isomorphe à un espace topologique) et c) un principe d'évaluation.

2. Toute situation comporte une algèbre de Heyting; y compris la situation mathématique,  dans laquelle le transcendantal se confond avec l'algèbre de Boole à deux éléments.

3. Ce qui apparaît comme multiple dans une situation d'être quelconque apparaît selon une évaluation transcendantale (identifiée à une algèbre de Heyting) qui en fixe le degré d'existence.

Nous démontrerons l'an prochain les deux points suivants :

4. La situation est un Topos singulier qui contient de façon immanente l'algèbre de Heyting comme son Objet Central.

5. Le Topos situationnel est équivalent à un Topos topologique : c'est le Topos des faisceaux construits sur H (H comme Heyting).

 

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[1] Autre refonte : le sujet dans EE est décrit comme un fragment fini de la procédure de vérité, une instance finie de l’infinité du Vrai. Dans le dispositif de l’espace subjectif tel qu’il se cherche dans le séminaire « Théorie axiomatique du sujet », la capacité subjective est réellement infinie, une fois que le sujet se constitue sous la marque de l’événement. Pourquoi ? « Parce que la capacité subjective est de tirer les conséquences d’un changement, d’une situation nouvelle, et que si ce changement est post-événementiel, alors les conséquences sont infinies (interview par P. Hallward et B. Boostels (2002) p. 20-21).

[2]          Nous nous écartons ici radicalement de Leibniz, pour qui ce fait que le monde (notre monde) soit réel et pas seulement possible est quelque chose de pensable selon le principe de raison suffisante : il est pensable que notre monde soit précisément celui que Dieu a fulguré car celui qu'il a fulguré c'est le meilleur.

[3]          Et pourtant, il y a dans la décision de Kant quant à l'être - son "de l'ontologie, je ne veux rien savoir" - une ontologie malgré tout, même si elle est minimale, une ontologie soustractive; je vous renvoie là-dessus au passage de la Critique de la raison pure intitulé "Réfutation de l'idéalisme", où Kant présente l'énoncé "il y a quelque chose" (sous entendu : et non pas rien) comme un théorème, i.e. comme un énoncé démontrable. C'est le maximum qu'il s'autorise quant à la connaissance de l'être, mais c'est une ontologie quand même, une ontologie soustractive.