Un appel à la
délation ?
Le débat
contemporain qui examine les conséquences philosophiques et politiques des
sources juives de la culture, de l’extermination nazie, de l’existence d’Israël
au milieu des peuples du Moyen Orient, adopte une extrême vigilance à l’endroit
de l’antisémitisme. On peut porter à son crédit que l’assurance d’être un homme
de bonne volonté n’exempte personne d’en
donner la preuve dans ses actes comme dans ses pensées. Mais cette vigilance
court elle-même plusieurs risques :
(1) celui de
contraindre les analyses dans des cadres convenus incompatibles avec une
compréhension profonde des problèmes posés ;
(2) celui de
remplacer la confrontation des propositions par le fantasme de débusquer le mal
et d’en provoquer l’aveu chez l’autre ;
(3) celui de
substituer à l’investigation et à la discussion dont on déclare l’importance la
production d’une liste de penseurs jugés mauvais et mis à l’index.
Le pas, par
lequel ces risques transforment un espace de travail en lieu de délation, a été
franchi dans la présentation du colloque
organisé les 31 mai et 1er juin 2007 au Centre d’Etudes et de Recherches
Internationales (CERI) avec le concours de plusieurs chercheurs appartenant à
des universités et des centres de recherches français et internationaux.
L’œuvre d’Alain
Badiou, incontestablement consacrée à une confrontation systématique des propositions
théoriques et à une discussion sans complaisance des enjeux de pensée, y apparaît en effet convoquée dès la
première séance de ce colloque comme un objet d’étude de même nature que la
littérature de collaboration et que certaines figures historiques parmi les plus
odieuses de l’antisémitisme.
Les signataires
de ce texte récusent cette configuration, et appellent l’ensemble des
universités et des centres de recherches associés au Comité scientifique de ce
colloque à s’en désolidariser.
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Pour signer ce texte : http://www.ipetitions.com/petition/delationdansuncolloque