D’une longue marche philosophique vers l’absolu
(1-2 octobre 2018, Journées sur L’Immanence des vérités, Théâtre La Commune d’Aubervilliers)
- François Nicolas –
[ version mise à jour le 10 octobre 2018 ]
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pdf ]
I - Une longue marche stratégique,
mathématiquement motivée
Qu’est-ce
qu’un plongement élémentaire ?
II - Mobiles
et motifs philosophiques
Le mobile
des œuvres-en-vérité
Potentialité
versus possibilité
III -
« Il n’y a pas que ce qu’il y a ! »
***
Ce livre de philosophie est proprement grandiose. Il parachève une très longue marche philosophique (plus de trente ans) en établissant que les vérités sont immanentes à l’absolu, en sorte de soutenir finalement les trois propositions suivantes :
-
quoiqu’ayant un
berceau, les vérités accèdent à l’universalité ;
-
quoiqu’ayant une
date de naissance, les vérités accèdent à l’éternité ;
-
quoiqu’étant
spécifiques, les vérités accèdent à l’absoluité.
Et bien sûr, comme on s’en doute, c’est précisément parce qu’elles ont un berceau et une date de naissance, et parce qu’elles sont spécifiques que les vérités peuvent inventer de tels accès.
D’où la hauteur des défis que ce livre pose aux
intellectualités non philosophiques (militantes, artistiques, scientifiques et
amoureuses) pour dialoguer avec la pensée philosophique qui s’y déploie.
Je rappelle les trois grands volets de ce
couronnement :
1)
une critique
philosophique de l’oppression constructiviste par recouvrements finistes ;
2)
un mathème
philosophique des accès immanents à l’absolu via ses attributs ;
3)
une théorie
philosophique des œuvres de vérité.
Penser par soi-même à partir de ce grandiose
panorama nécessite de tracer un chemin de pensée qui évite deux écueils
symétriques : la voie droitière du philosophème et la voie
gauchiste de l’antiphilosophie.
Ces deux voies ont en commun de défaire l’unité
dialectique entre énoncé et énonciation philosophiques :
-
la voie de
l’antiphilosophie tient que l’énoncé philosophique est abstraitement
général, car non gagé sur une énonciation existentielle du philosophe, et qu’il
convient donc de s’en détourner pour mieux s’engager dans l’existence subjective,
concrète et spécifiée ;
-
la voie du
philosophème sépare l’énoncé de sa position philosophique d’énonciation
pour mieux le mettre, sans précautions particulières, en circulation dans de
tout autres domaines d’énonciation lors même que l’énoncé philosophique
n’équivaut pas à l’énoncé mathématique intégralement transmissible.
Les deux voies s’accordent donc pour traiter
l’énoncé philosophique en soi, en autonomie de toute position subjective
d’énonciation, que ce soit en le récusant comme abstraction stérile pour
l’existence concrète et singulière ou en le fétichisant pour mieux le
transférer aveuglément [1].
Penser par soi-même à partir de ce livre de philosophie
implique un tout autre type de travail :
-
d’abord se
plonger dans la philosophie en question, donc faire de la philosophie en
intériorité à ce livre ;
-
ensuite
éprouver l’édification du discours philosophique à partir de ses conditions
propres (essentiellement ici la mathématique des grands cardinaux) [2] et
pour cela faire des mathématiques en intériorité ;
-
enfin, et
c’est bien sûr le plus dur, dégager ce qu’un militant, un musicien, un amant ou
un mathématicien peuvent retenir de tout cela, formuler à quoi un tel propos
philosophique peut servir. Pour cela, il faut réénoncer
(plutôt que transférer, transposer ou traduire), cette fois en immanence à de
tout autres logiques subjectives que philosophique, ce dont il est question pour
soi dans la philosophie examinée.
D’où mon plan :
1)
Examiner les motifs proprement
mathématiques de ce livre à la lumière des transformations apportées à l’examen
philosophique de la théorie des grands cardinaux depuis le séminaire 1987-1988
consacré à l’orientation de pensée transcendante. [3]
2)
Examiner les mobiles proprement
philosophiques de ce travail (j’examinerai de plus près les rapports entre
énoncé et énonciation philosophiques à la lumière de la dialectique sartrienne
des motifs et des mobiles).
3)
Avancer une reformulation de ce que tout ceci
peut apporter à des intellectualités non philosophiques. Je le ferai ici [4] en rethématisant cette philosophie de l’absolu comme théorie
du « il y a », qui encourage la déclaration émancipatrice générale
(non spécifiquement philosophique) : « Il n’y a pas que ce qu’il y
a ! ».
Le parcours philosophique de ce livre est
mathématiquement conditionné par cette branche particulière de la théorie des
ensembles qui se nomme « théorie des grands cardinaux ». La
constitution d’un mathème philosophique adéquat au projet général couvre ainsi
la partie centrale du livre [5].
Je voudrais l’éclairer synthétiquement en
comparant ce qu’Alain Badiou en disait en 1987-1988 et ce qu’il en écrit trente
ans plus tard.
Pour cela, trois livres mathématiques de référence :
· Frank Drake : Set Theory. An Introduction to Large Cardinals. (1974)
· Akihiro Kanamori : The Higher Infinite (éd. 2009)
· Patrick Dehornoy : La théorie des ensembles (2018)
Le premier était la référence du séminaire de 1987-1988. Le deuxième est la référence de L’Immanence des vérités. J’y ajoute le troisième, écrit en français, qui vient de sortir et qui couvre la totalité de la théorie des ensembles de manière claire, argumentée et détaillée.
Ce séminaire s’inscrivait à l’ombre de L’être
et l’événement, et de sa manière de distinguer trois grandes orientations
dans la pensée (constructiviste, transcendante et générique)
selon le rapport que chacune entretient à l’excès errant de l’ensemble des
parties ℘(ω) : l’orientation de pensée constructiviste tend à le contrôler
par le bas, l’orientation de pensée transcendante par le haut quand
l’orientation de pensée générique s’installe avec confiance dans son errance
intrinsèque. L’examen à l’époque de la théorie mathématique des grands
cardinaux se déroulait donc à la lumière de ces trois grandes orientations.
On peut formaliser leurs rapports différenciants selon ce petit hexagone logique des oppositions, bâti autour des différents traitements ontologiques de l’excès de ℘(ω) sur ω.
On peut rapidement commenter ce diagramme selon le vocabulaire deleuzien en posant que
- l’orientation constructiviste est la
synthèse conjonctive de l’immanence et de la finitude, l’orientation transcendante de la finitude et de l’errance (de
l’excès) et l’orientation générique de l’errance et de l’immanence ;
- la finitude est la synthèse disjonctive des
orientations constructiviste et transcendante, l’errance des orientations
transcendante et générique, et l’immanence des orientations générique et
constructiviste ;
- les flèches constituant les côtés de l’hexagone formalisent des synthèses connectives (du type: « si constructivisme, alors finitude et alors immanence », etc.). [6]
À l’époque, la ligne de partage entre orientations se décidait donc au regard de l’excès de ℘(ω) sur ω – je rappelle : cet excès ne dispose pas d’une mesure intrinsèque, il est « indécidable » c’est-à-dire précisément qu’il ne peut qu’être arbitrairement décidé.
L’adversaire principal était alors
l’orientation de pensée constructiviste qui s’attachait à réduire l’excès par
le bas, par un contrôle langagier tatillon et maniaque. L’orientation de pensée
transcendante, qui préférait le contrôler globalement par en haut, apparaissait
un adversaire plus secondaire, en raison de sa faiblesse intrinsèque et du
caractère moribond de la théologie contemporaine [7].
Posons cette métaphore polico-militaire : le théorème de Cohen (1963), réfutant l’hypothèse du continu et démontrant que l’excès de ℘(ω) sur ω était sans mesure, dégageait une zone libérée pour la pensée du générique. L’organisation de cette zone libérée se déployait contre l’ennemi principal, le constructivisme, et pouvait alors se satisfaire d’un provisoire front uni avec l’orientation de pensée transcendante (laquelle ne s’attachait pas à réduire cette zone libérée mais plutôt à la noyer dans une hiérarchie ascendante indéfinie). D’où la tactique philosophique adoptée à l’époque : défendre la zone libérée contre son grignotage constructiviste par le bas et la consolider contre son immersion dissolvante dans une hiérarchie ascendante de l’inaccessible.
Figurons la hiérarchie ascendante des grands cardinaux comme le font spontanément les mathématiciens en une « échelle de Jacob ».
Voici celle de 1987-1988, rapprochée de celle de Drake (1974) :
Examiner l’orientation de pensée transcendante
– tel était l’enjeu propre du séminaire 1987-1988 – passait par l’examen
détaillé de cette hiérarchie ascensionnelle dont le premier pas consistait en
l’existence de cardinaux inaccessibles.
Rappelons que ce type de cardinaux se caractérise par une propriété affirmative qui n’apparaît pas dans leur nom négatif (« pas d’accessibilité ») : un cardinal (fortement) inaccessible est tel que toute partie d’un cardinal inférieur (donc intérieur) lui appartient [8].
Ceci conduisait, plus techniquement, à
distinguer cinq voies alors dites ascensionnelles : opératoire,
hiérarchique, partitive, structurale et expansive [9].
À l’époque, l’exploration ascensionnelle était
guidée par deux vastes principes, l’un de répétition, l’autre de
réflexion :
- le principe de répétition examine comment le pas franchi par l’axiome d’infini (posant l’existence de ℵ0/ω [10]) à partir du fini ordinaire peut être répété à partir de ℵ0/ω en sorte qu’un nouvel infini soit au premier infini ce que celui-ci est au fini ; avec l’idée que le nouvel infini sera à l’infini plus petit ce que cet infini plus petit est au fini, on voit poindre l’idée ultérieure de finitisation : le nouvel infini « finitise » l’infini plus petit en en faisant « son » fini ;
- le principe de réflexion dégage un cardinal suffisamment grand pour réfléchir intérieurement l’intégralité d’un type inférieur d’infinité : par exemple un cardinal de Mahlo k « réfléchit » les inaccessibles en ce qu’il existe k cardinaux inaccessibles inférieurs (et donc intérieurs) à k. Autre manière donc de « finitiser » les infinis précédents : en les tenant pour si petits qu’il y en a autant que d’éléments.
Le point très frappant de cette investigation
philosophique est qu’elle s’est suspendue sans clairement se conclure.
Au terme du séminaire (14° séance du 28
mai 1988), Alain Badiou disait ainsi de cette « branche la plus
complexe de la théorie des ensembles » : « il n’y a pas
de moment de conclure », il s’agit en cette théorie d’« un donjuanisme de l’être », d’un « champ
où règne l’irrésolution d’un grand désir », « d’un
embourbement et d’une exégèse infinie »…
D’un point de vue rétroactif, plusieurs traits
apparaissent aujourd’hui plus clairement.
-
La hiérarchie finis/infinis était alors
partagée en trois domaines : celui du fini et de l’infini dénombrable,
celui de l’infini continu (ou « petit infini »), celui des
« grands » infinis inaccessibles.
-
Le domaine intermédiaire (celui de l’infini
continu) constituait alors pour la pensée philosophique cette zone libérée
qu’il s’agissait de consolider contre son grignotage constructiviste par le
bas.
-
Le domaine supérieur – celui de l’orientation
de pensée transcendante - était massivement exploré sous le schème kierkegardien de la réduplication : transcender la
transcendance. [11]
-
Au total, la hiérarchie des grands cardinaux,
chasse gardée de l’orientation de pensée transcendante, n’était pas à l’époque
en état de « conditionner » la philosophie de Badiou [12].
Le champ de bataille se trouve désormais bouleversé. Pour le formuler d’un mot, il ne s’agit plus de consolider et défendre tactiquement une zone libérée (celle des « petits » infinis) mais bien d’engager un combat stratégique sur l’univers complet des infinis, et donc essentiellement des « grands » infinis.
Cette nécessité stratégique tient au développement du combat
contre l’orientation de pensée constructiviste devenue hégémonique : le premier
bloc de L’Immanence des vérités détaille cet impératif de combattre
l’oppression finitisante si l’on veut soutenir
l’émancipation
œuvrante.
Le point essentiel est le suivant :
combattre l’oppression constructiviste implique de s’émanciper non tant du fini
quantitatif mais de la finitude, c'est-à-dire d’une finitisation
généralisée de toute nouvelle possibilité infinie : en effet, l’essence finitisante du constructivisme apparaît désormais comme
n’étant plus seulement un grignotage de l’infini par le bas (une prise
de contrôle progressive du territoire par un laborieux échafaudage
langagier [13]) mais
plus essentiellement comme étant un recouvrement par le haut en sorte
que l’orientation de pensée constructiviste s’affirme ainsi comme rivale des
méthodes propres à l’orientation de pensée transcendante.
En quelque sorte, le constructivisme s’attaque
désormais à la pensée émancipée des vérités possibles en l’enserrant dans une
tenaille : grignotage par le bas, recouvrement par le haut.
Voici donc le nouveau champ de bataille
stratégique, depuis considérablement étendu par la mathématique et désormais
intégralement investi par la philosophie d’Alain :
-
d’abord
« l’échelle de Jacob » chez Drake en 1974 puis chez Kanamori en
1997-2009 :
On voit tout de suite la différence : la première est sans terme vers le haut quand la seconde, au demeurant dotée de beaucoup plus de « barreaux d’échelle », se trouve désormais verticalement bornée par l’inconsistance 0=1.
-
Voici comment la philosophie de
« L’Immanence des vérités » va l’investir, selon quatre grands types
d’infinis :
-
Et voici la comparaison synthétique des deux
échelles badiousiennes, à trente ans
d’intervalle :
Il n’est bien sûr pas question ici de détailler ce diagramme synthétique.
Quelques rapides commentaires malgré tout.
- On peut lire sur ce vaste diagramme la longue marche stratégique dont il est question dans mon titre d’intervention : elle part de la zone libérée du bas pour accéder finalement à une pensée du lieu absolu V (tout en haut) qui va autoriser une redescente vers les procédures de vérité (c’est là le point capital) par ces plongements élémentaires (dont je vais ensuite présenter l’ossature conceptuelle) qui organisent un retournement vers le bas de l’ascension : son point de rebroussement.
- La réorganisation générale de cet univers sous le signe d’une émancipation par accès à l’absolu a plusieurs conséquences :
- Techniquement, les cinq voies de 1988 se réduisent désormais à quatre types d’infini par suppression de la voie hiérarchique (attachée aux cardinaux de Mahlo), cette voie que j’ai aussi appelée voie de la réduplication et qui caractérisait un trait central de l’orientation de pensée transcendante : transcender la transcendance, en une ascension sans fin [14].
- La hiérarchie est désormais clairement verrouillée par le haut selon un point précis (« borne de Kunen ») sur lequel je vais également revenir [15]. L’augmentation de la taille des cardinaux peut certes se poursuivre indéfiniment mais un point précis d’inconsistance est désormais clairement identifiable tout en haut de l’échelle.
- Alors que l’exploration de 1988 procédait essentiellement par ascension à partir de ℵ0/ω (répétitions et réflexions vers le haut) vers un terme non fixé, l’exploration de 2018, verrouillée par le haut en V, procède par redescente [16], à commencer par les plongements élémentaires à partir de V.
- En un sens, l’orientation de pensée transcendante est désormais épongée par une laïcisation intégrale de son espace propre de déploiement (les « grands » infinis [17]) : l’orientation de pensée transcendante n’est plus comme un poisson dans l’eau des grands cardinaux ! Disons que l’appropriation émancipée de cet univers prend acte du fait que Dieu est bien mort pour la pensée et que, concomitamment, l’orientation de pensée transcendante est moribonde [18].
Je l’ai dit : il n’est pas question de
thématiser ici en détail ce champ stratégique de bataille.
Indiquons quand même que quatre notions-clef
périodisent l’échelle de Jacob :
1.
celle d’inaccessibilité,
qui signe l’entrée dans les grands infinis par l’introduction nécessaire
d’axiomes supplémentaires à ceux de ZFC ;
2.
celle de compacité [19] ;
3.
celle
d’ultrafiltre introduisant à celle de mesurabilité (que Badiou renomme complétude) ;
4. celle, enfin, de plongement élémentaire qui
constitue l’apport stratégique de L’Immanence des vérités par rapport à
l’investigation de 1988.
Je voudrais mettre l’accent sur ce point ultime
de rebroussement dans cette longue marche car la notion mathématique de plongement
élémentaire (non trivial) va constituer le mathème philosophique de l’immanence
des vérités à l’absolu.
Pour mettre à plat cette notion mathématique décisive, je distinguerai systématiquement ensembles et classes selon les symboles et couleurs suivants :
Ensembles |
Classes |
∊ |
ε |
⊂ |
⊏ |
{ } |
⦃ ⦄ |
→ |
⇝ |
⟷ |
↭ |
Il existe / Il n’existe pas ∃/∄ |
Il y a / Il n’y a pas Y/Ɏ |
L’enjeu de cette distinction est intellectuellement capital : il est au principe de la distinction, qui nous occupera dans la troisième partie, entre « il existe » et « il y a ». En effet, mathématiquement dit, il existe des ensembles mais il y a des classes ; et la dialectique de ces deux modalités rationnelles de prise en compte [20] (posons, pour simplifier : « il existe des objets » et « il y a des choses ») est au cœur de notre investigation.
Déplions donc l’édification générale de la notion de plongement élémentaire (non trivial) en l’enchaînement de 14 étapes.
1)
K : on part d’un ensemble K très
grand (cardinal mesurable/complet). K={k}∈
2)
f : on
construit la classe des « fonctions » f:K⇝V.
f=⦃f⦄ε. Une fonction f associe, à tout élément de K,
un ensemble quelconque (« de » V).
Attention : une telle fonction f:K⇝V constitue une classe, non
un ensemble.
f
constitue donc une classe de classes, de « taille » gigantesque.
L’intérêt ici de la notion de fonction est
qu’elle constitue une sorte de pont entre ensembles et classes : le
domaine de départ de la fonction est en effet l’ensemble K et son domaine
d’arrivée est la classe V.
3)
UF : par définition d’un cardinal
mesurable/complet, il existe sur K un UF non principal K-complet (qui, comme on
va le voir, va nous permettre de quotienter la classe
f).
UF est un ensemble mais, attention : UF∉K et UF⊄K car UF∈℘[℘(K)] et
UF⊂℘(K).
Non seulement il existe une infinité de tels UF
sur K mais on ne peut en construire explicitement aucun. On travaille donc ici
dans l’espace des existences non constructibles, des existences en un sens
génériques.
Rappelons que, pour cela, il faut l’axiome de
choix, donc le courage de décider sans garantie.
4)
|f| : on ultrafiltre la classe f des
fonctions f en la quotientant selon une relation
d’équivalence que fournit notre UF non principal K-complet. D’où des classes
d’équivalence |f| sur les fonctions f.
Ici, chaque classe d’équivalence constitue bien
une classe stricte/propre (c’est-à-dire différente d’un ensemble proprement
dit).
Premier tournant de la construction : ce
quotient est possible car un ultrafiltre est un opérateur binaire sur les
parties de K (qui dichotomise ce qui compte vraiment et ce qui peut être
négligé – vue d’un UF, une partie est soit grande, soit petite, sans tiers
exclu : pas de parties « moyennes » !) [21].
Deux fonctions f sont ainsi équivalentes si elles sont identiques presque
partout sur K c’est-à-dire sur une « grande » partie de K (soit une
partie qui appartient à l’UF) – la notion d’ultrafiltre assure ici la stabilité
de cette notion du « presque partout » puisque, par exemple,
l’intersection de deux grandes parties et toujours une grande partie… La notion
de K-complétude pour l’UF assure la fermeture à échelle de la situation (d’où
que Badiou renomme le cardinal mesurable K un cardinal complet) [22].
5)
UX : La classe de ces classes d’équivalence
constitue l’ultraproduit UX. On a UX=⦃f⦄ε/UF=⦃|f|⦄ε. [23]
6)
|fc| :
on restreint maintenant les fonctions f aux seules fonctions constantes. Notons
fc ces nouvelles fonctions et |fc| les classes d’équivalences sur ces fonctions
constantes.
Une fonction fc:K⇝V est constante si elle
associe à presque tout élément de K (au sens donné par l’ultrafiltre UF)
le même ensemble E « de » V.
On va établir ce faisant une
« bijection » entre classes d’équivalence des fonctions constantes fc et ensembles quelconques. C’est cette
propriété essentielle qui justifie le passage aux fonctions constantes et qui
va permettre, en point 9, le retournement vers le plongement élémentaire. [24]
7)
UP : on transforme l’ultraproduit
UX en ultrapuissance UP par limitation des
fonctions f aux seules fonctions constantes. On a UP=⦃fc⦄ε/UF=⦃|fc|⦄ε
On a donc fc/f≡UP/UX
8)
UP⇝V : grâce aux fonctions constantes, on
dispose désormais d’une application « surjective » UP⇝V qui
associe, à chaque « élément » de la classe UP (c’est-à-dire à chaque
classe d’équivalence des fonctions constantes K⇝V), un
ensemble quelconque E (« élément de » V).
9)
i :
l’application UP⇝V permet alors de définir un plongement
élémentaire i:V≺UP.
En effet, à « tout » ensemble E (donc
« élément de » la classe V), le plongement élémentaire i associe un
« élément » et un seul de UP qui est la classe d’équivalence |fc| telle que, pour tout élément k de K, on a |fc|:k→E : on a donc i(E)=|fc|
qui « appartient » à UP.
Cette étape constitue le coup de théâtre
de la construction car elle inverse l’ordre des enchaînements en passant de UP⇝V à V≺UP !
Le plongement est dit élémentaire car il opère
« élément par élément » (c'est-à-dire ensemble par ensemble) –
n’oublions pas qu’il s’agit ici des « éléments » d’une classe et non
d’un ensemble proprement dit.
10) M : moyennant la démonstration que la
structure d’UP est « bien fondée », on sait alors (lemme de Mostowsky) qu’il existe une classe transitive M qui est
isomorphe à l’ultraproduit UP (UP↭M).
L’intérêt de remplacer une classe
quelconque par une classe transitive est que celle-ci est
« analogue » à la classe absolue V en ceci que tout élément y est
également partie [EεM ⇒
E⊏M]
11) j : On en déduit, par composition de V≺UP
avec UP↭M, qu’il y
a un plongement élémentaire j:V≺M de
la classe absolue V en une classe transitive M strictement plus petite : M⊏V.
12) Modèle : par ailleurs, on démontre (théorème de Los, 1955) que M est un modèle de ZFC (en ceci qu’il y a équivalence entre les énoncés concernant les « éléments » de M et les énoncés de ZFC concernant les « éléments » de V : si E a telle propriété dans V, j(E) a la même propriété respectivement dans M). M est donc un modèle intérieur de V !
Dans la très forte « autosimilarité »
ainsi obtenue entre M et V, Dehornoy met en évidence [25] le
« paradoxe » suivant : M est simultanément « plus
petit » que V (puisque M est un modèle intérieur de V) et
« plus gros » (puisque M constitue une sorte d’extension de V,
la copie de V qu’est j(V) étant dans M).
On dira donc que le plongement élémentaire j
constitue M en singularité [26] :
M⇝V | V≺M.
13) Point critique : On peut alors démontrer que
de tels plongements élémentaires dans M sont non
triviaux c'est-à-dire qu’il existe bien un point critique différenciant
j(UP) de UP lui-même : ∃E: j(E)≠E. On démontre alors [27]
que ce point critique est précisément… un cardinal mesurable-complet !
14) Borne : Pour parachever la chose, il faut
enfin démontrer qu’il n’y a pas de tel plongement élémentaire de V dans
lui-même [28] en
sorte que « l’existence » d’un tel plongement élémentaire non trivial
de V soit bien l’apanage exclusif de sous-classes strictement
« incluses » dans V. C’est là l’objet propre du théorème de Kunen (1971) [29].
En résumé (pour l’exposé oral)
Le plongement élémentaire (non trivial) [PEnt] « retourne » la montée sans fin vers l’absolu et par là autorise un retour « en vérité » vers la caverne du fini.
Son opération est bâtie grâce à l’existence fondamentale d’un ultra-filtre (non principal) [UFnp] k-complet dichotomisant ce qui vraiment importe et ce qui peut être tenu pour négligeable.
On démontre qu’il y a de tels PEnt grâce à des « fonctions » que l’on rend réversibles (en les rendant « surjectives » sur la classe V des ensembles) en sorte de démontrer qu’il y a bien alors des singularités M – les « attributs de l’absolu » de V - à la fois internes à V et en surplomb sur les propriétés des « éléments » de V.
Ce parcours, à la fois complexe (14 étapes) et simple (chaque étape est claire), pivote autour des 7 points suivants :
- Intérêt de K mesurable ? Il existe un UFnp K-complet.
- Intérêt d’un tel UF ? C’est un opérateur cohérent et complet de dichotomisation.
- Corrélation entre ensembles et classes par des fonctions (de l’ensemble K dans la classe V).
- On travaille à partir de là sur des classes d’équivalence de telles fonctions (par « quotient ») ⟹ UX et UP.
- On peut alors inverser l’orientation fonctionnelle de V vers UP, d’où le PE.
- On double alors UP par un modèle isomorphe M…
- … qu’on dote de propriétés adéquates (transitivité, modèle intérieur de V) = attribut !
Résumons tout ceci dans un diagramme :
… et par un tableau dans
lequel j’inscris
les ensembles en bleu et les classes en rouge :
|
|
V |
Univers (classe stricte) des ensembles |
Lieu absolu |
|
∃ |
1 |
Cardinal K |
Cardinal mesurable-complet |
Situation de départ |
|
|
|
||||
Y |
2 |
fonctions
f |
Fonctions K→V |
|
|
∃ |
3 |
UF |
Ultrafiltre |
[Opérateur binaire de filtrage] |
|
Y |
4 |
|f| |
fonctions et classes d’équivalence |
vers l’Absolu [ ⇝V ] |
|
Y |
5 |
UX=⦃|f|⦄ |
Ultraproduit |
||
Y |
6 |
|fc| |
classes d’équivalences des seules fonctions constantes |
||
Y |
7 |
UP=⦃|fc|⦄ |
Ultrapuissance |
||
Y |
8 |
UP⇝V |
Application |
||
Y |
9 |
i:V≺UP |
Plongement intermédiaire |
[Retournement : V≺… ] |
|
Y |
10 |
UP↭M |
Classe transitive |
Attribut |
|
Y |
11 |
j:V≺M |
Plongement élémentaire |
|
|
Y |
12 |
Modèle |
Modèle intérieur |
|
|
∃ |
13 |
∃E: j(E)≠E |
Point critique (non trivialité) |
Témoin |
|
|
|
||||
∄ KR Ɏ (V≺V) |
14 |
∄ cardinal de
Reinhardt V⊀V |
Borne de Kunen |
Borne |
|
D’où le mathème philosophique de l’accès immanent à l’absolu :
∃KUF ⟺ - il y a M⊏V transitive telle que M⇝V
[modèle] - il y a j:V≺M
avec j(K)≠K [plongement élément non
trivial] |
KUF
symbolise la situation de départ dotée d’UF, V l’absolu et M un attribut de V.
Résumons les quatre attributs de l’attribut M, c'est-à-dire les attributs de l’accès à l’absolu :
1. M est une sous-classe transitive bien fondée de V – soit une propriété d’immanence globale de M à V [30].
2. M est un modèle de V intérieur à V – soit une propriété d’expression, de participation, d’imitation métonymique de M à V.
3. Il y a un plongement élémentaire de V dans M – soit un effet de localisation de V en M.
4. Ce plongement élémentaire est non trivial – soit un effet de création différenciant M de V.
Au total, l’accès à l’absolu se fait en immanence à la fois globale, expressive, localisante et différenciante.
Cette immanence feuilletée, de type nouveau, est au principe
de ce que j’appellerai plus loin les dédales de l’immanence.
On remarque que tout attribut de l’absolu
constitue ce faisant une singularité [31].
On en conclut
- que le processus d’une vérité se déploie entre deux singularités : la singularité de l’évènement premier dont la vérité procède, et la singularité de l’attribut qui donne à la vérité un accès à l’absolu ;
- et, corrélativement, que tout sujet s’avère un processus qui s’affirme entre deux inconsistances : celle de l’évènement (auto-appartenance) et celle de l’absolu et de ses attributs (logique de classes strictes).
Au total, on propose donc de voir cette hiérarchie cardinale comme une échelle double – ascendante par répétitions-réduplications et par réflexions (partie privilégiée en 1988), et descendante par inférences des propriétés (partie privilégiée en 2018) – dont la charnière est assurée au sommet par les plongements élémentaires qui rebroussent les parcours (en retournant les flèches constituées à partir des ultrapuissances).
À ce titre, il importe de bien voir que V désigne moins un ultime au-delà de cette échelle (un lieu suprême surplombant de son inconsistance l’ensemble de notre parcours) que le lieu même où se déploie notre échelle double. C’est d’ailleurs le bien sens du débat V=L ? ou V≠L ? puisque aussi bien V que L désignent ici clairement non pas deux figures divines surplombant « notre » monde et rivalisant pour le régenter (Yahvé contre Zeus) mais bien deux manières de concevoir l’espace hiérarchique examiné par la pensée, l’espace des existences possibles.
Il faut donc concevoir le lieu de l’existence potentielle V comme en vérité constitué par notre échelle double et non pas comme son constituant, somme toute selon une conception moderne de l’espace (l’espace d’Einstein est constitué par la matière et non pas un réceptacle préalable tout de même qu’en mathématique, un espace fonctionnel est constitué par des relations entre fonctions et non pas leur constituant).
V désigne donc le lieu constitué par notre échelle double en tant que cette échelle, à proprement parler, est intotalisable (comme le sont au demeurant les ensembles, ou les ordinaux, ou les cardinaux, etc.). Le point important est précisément que cette intotalisation se trouve bornée aussi bien par le haut (borne de Kunen) que par le bas (Ø) et que ces bornes sont endogènes (autrement dit, pas besoin ici d’une « extériorité » transcendante pour venir borner le lieu absolu tout de même qu’en physique einsteinienne, notre univers est fermé sans qu’il soit pour cela besoin d’imaginer « ce qu’il y aurait de l’autre côté… »).
D’où le diagramme suivant, récapitulant à gauche en noir l’échelle ascendante, à droite en rouge l’échelle descendante et la cheville des plongements éléments qui, en haut, relie l’une à l’autre et borne (Kunen), de manière endogène, le lieu absolu V.
On précisera que l’idée d’une « proximité avec l’Absolu » sur les plus haut barreaux de l’échelle (les « vraiment très grands » cardinaux du type IV) désigne non pas la proximité d’un au-delà mais la proximité d’une impossible totalisation et d’une inconsistante classe récapitulative de l’échelle comme telle, le plongement élémentaire non trivial étant précisément la mise en œuvre, en réflexivité tordue, de cette proximité ; autrement dit, la proximité de la borne endogène vaut proximité du point de rebroussement témoignant de V comme tel.
Nous venons de voir comment ce livre soutient la proposition philosophique suivante : la mathématique des grands cardinaux nous autorise à penser, rationnellement et dans les conditions de notre temps, l’accès immanent des vérités à l’absolu, donc la manière dont les vérités peuvent avoir accès à l’absoluité comme elles ont également accès à l’universalité et à l’éternité.
Comme on vient de le voir, cette conclusion se trouve philosophiquement motivée par une théorie mathématique.
Mais qu’en est-il de l’intérêt proprement philosophique ainsi porté au concept d’absolu ? Finalement, en quoi l’accès des vérités à l’absolu intéresse-t-il cette philosophie ?
C’est ici que la question spécifique de l’énonciation philosophique fait retour sur la figure de l’énoncé : en effet, c’est une chose d’énoncer philosophiquement, en le motivant mathématiquement, qu’il y a accès immanent des vérités à l’absolu ; c’en est une autre de dégager l’intérêt proprement philosophique d’un tel énoncé.
En un sens, répondre à cette question est ce à quoi va s’employer en détail la troisième grande partie du livre en déployant une théorie philosophique systématique des œuvres-en-vérité.
Je ne vais pas aujourd’hui l’examiner en détail [32] mais je voudrais éclairer cette dialectique de l’énoncé et de l’énonciation philosophiques à la lumière de la dialectique sartrienne des motifs et des mobiles.
Rappelons le principe de cette dialectique sartrienne telle qu’elle se donne dans L’Être et le néant [33].
Le plus simple pour ce faire est de repartir de l’exemple pris par Sartre : la conversion de Clovis au catholicisme [34].
« Si Clovis se convertit au catholicisme, alors que
tant de rois barbares sont ariens, c’est qu’il voit là une occasion de se
concilier les bonnes grâces de l’épiscopat, tout-puissant en Gaule, etc. On
notera que le motif se caractérise, de ce fait, comme une appréciation
objective de la situation.
Le motif de la conversion de
Clovis, c’est l’état politique et religieux de la Gaule, c’est le rapport de
forces entre l’épiscopat, les grands propriétaires et le petit peuple ; ce
qui motive la conversion des rentes, c’est l’état de la dette publique.
Toutefois, cette appréciation objective ne peut se faire
qu’à la lueur d’une fin présupposée et dans les limites d’un projet du pour-soi
vers cette fin. Pour que la puissance de l’épiscopat se révèle à Clovis comme
motif d’une conversion, c’est-à-dire pour qu’il puisse envisager les
conséquences objectives que pourrait avoir cette conversion, il faut d’abord
qu’il ait posé comme fin la conquête de la Gaule. Si nous supposons d’autres
fins à Clovis, il peut trouver dans la situation de l’épiscopat des motifs de
se faire arien ou de demeurer païen.
Il peut même ne trouver aucun motif d’agir de telle ou
telle façon dans la considération de l’état de l’Église : il ne découvrira
donc rien à ce sujet, il laissera la situation de l’épiscopat à l’état de
« non-dévoilé », dans une obscurité totale.
Nous appellerons donc motif la saisie objective d’une
situation déterminée en tant que cette situation se révèle, à la lumière d’une
certaine fin, comme pouvant servir de moyen pour atteindre cette fin.
Le mobile, au contraire, est considéré ordinairement comme un fait subjectif. C’est l’ensemble des désirs, des émotions et des passions qui me poussent à accomplir un certain acte. » [35]
Et Sartre de prolonger :
- « Reste à expliquer la relation des motifs aux mobiles. Il s’agit de deux couches de significations radicalement distinctes. » [36]
- « Loin que le motif détermine l’action, il n’apparaît que dans et par le projet d’une action. » [37]
- « La conscience qui découpe le motif dans l’ensemble du monde a déjà sa structure propre, elle s’est donné ses fins, elle s’est projetée vers ses possibles et elle a sa manière propre de se suspendre à ses possibilités. » [38]
- « Le mobile ne peut agir que s’il est repris. […] J’ai voulu ceci ou cela : voilà qui demeure irrémédiable et qui constitue même mon essence puisque mon essence est ce que j’ai été. » [39]
Résumons, en simplifiant : la motivation corrèle des motifs à des buts objectifs quand la mobilisation subjective ces buts objectifs comme fins désirables ; la mobilisation subjective donc une motivation objective : l’énoncé motivé des objectifs se soutient d’une énonciation qui les subjective, mais – point essentiel – cette énonciation, subjectivement constituante de l’énoncé, ne se donne comme telle que rétroactivement ; elle n’est mise au jour que par rétroaction des effets de l’énoncé, dans une « reprise » mobilisatrice du mobile selon ses conséquences :
Transposons [40] (nous sommes à l’intérieur de la philosophie ! [41]) : l’énoncé philosophique « il y a de possibles accès des vérités à l’absolu » [42] motive l’objectif de l’absolu. Mais quelle énonciation philosophique sous-tend cet énoncé et mobilise cet objectif ?
Prosaïquement dit : à quoi bon philosophiquement cet accès à l’absolu, à quelles fins subjectives pour le philosophe ?
Au cours de ce livre, l’énonciation philosophique est mise au jour dans la troisième partie : cet accès à l’absolu constitue une fin philosophique en ce qu’il autorise tout autre chose qu’une simple contemplation de l’absolu ou qu’un « anéantissement extatique » [43] : en ce qu’il dégage la possibilité philosophique des œuvres-en-vérité.
Il s’avère ainsi que l’intérêt philosophique du mathème « il y a des accès immanents à l’absolu » est qu’il peut exister des œuvres-en-vérité témoignant de manière inventive de différents accès à l’absolu par ses nombreux attributs. On dira alors, avec Sartre, que la motivation philosophique du mathème est enveloppée d’une mobilisation philosophique concernant l’existence inventive d’œuvres-en-vérité : l’énoncé du mathème (sur les attributs-accès à l’Absolu) est subjectivé – « mobilisé » - selon une énonciation ayant pour horizon la puissance créatrice des œuvres-en-vérité.
Ou encore : le motif objectif « il y a des attributs-accès à l’absolu » se renverse dans le mobile subjectif « il existe des œuvres-en-vérité », à commencer bien sûr par l’œuvre mathématique, tout particulièrement celle qui a motivé l’énoncé philosophique : la théorie mathématique des grands cardinaux !
Cette torsion rétroactive dote la philosophie en question d’une structure en bouteille de Klein puisque la condition d’entrée en philosophie (l’existence d’une mathématique-en-vérité conditionnant la philosophie) se retrouve en conclusion, intérieurement déduite :
Où l’on voit qu’en s’engageant dans une théorie
générale des œuvres-en-vérité, la philosophie engage ainsi une torsion
susceptible d’endogénéiser son conditionnement :
la bouteille de Klein (celle, par exemple, de l’inesthétique ou de la métapolitique)
constitue ici l’alternative au péril d’une suture de la philosophie à ses
conditions puisque cette torsion endogénéise non pas
ces conditions mais leur mode proprement philosophique de conditionnement -
ce que conditionnement veut dire pour la philosophie.
Ceci nous engage alors dans ce que j’appellerai
les dédales de l’immanence.
On les a déjà abordés quand on a détaillé les attributs des accès à l’Absolu [44].
On retrouve ces dédales dans le titre même de l’ouvrage qui nous occupe : en effet, de quel génitif s’agit-il exactement dans L’Immanence des vérités ? D’un génitif objectif – immanence aux vérités – ou d’un génitif subjectif – immanence qu’ont les vérités ?
Il s’agit clairement ici d’un génitif subjectif puisqu’il s’agit ici de soutenir que les vérités sont immanentes à l’absolu. Mais, puisque ces vérités conditionnent la philosophie, cette philosophie n’est elle-même pas immanente aux vérités qu’elle constate immanentes à l’absolu.
D’où son mobile proprement philosophique : démontrer philosophiquement que le conditionnement de la philosophie par des œuvres-en-vérité (qui ne lui sont pas immanentes) autorise cependant de penser philosophiquement l’inventivité conditionnante de ces mêmes œuvres-en-vérité, et par là démontrer que la philosophie peut réfléchir son conditionnement en l’endogénéisant : l’endogène philosophique vient ici se substituer à une impossible immanence philosophique aux vérités.
C’est très exactement en ce point où l’immanence d’une vérité particulière se trouve doublée d’une endogénéité philosophique générale (« en bouteille de Klein ») que s’engage le dialogue entre intellectualités spécifiques et philosophie.
Je réserve le détail de ce dialogue aux journées mamuphi prévues en juin prochain à l’Ircam.
Mais indiquons d’ores et déjà quelques termes possibles de ce dialogue.
Une intellectualité non-philosophique peut difficilement s’approprier l’énonciation philosophique c’est-à-dire épouser la motivation propre du philosophe, et ce pour une raison finalement très simple : la mobilisation subjective proprement philosophique se fait en surplomb des procédures de vérité quand celle du musicien, du militant, de l’amant ou du mathématicien se fait en intériorité. On l’a rappelé : la philosophie n’est pas immanente aux différentes vérités dont elle dégage les possibilités d’immanence à l’absolu quand, par définition, le musicien, le militant, l’amant ou le mathématicien se mobilise en immanence à une procédure particulière en sorte que pour lui, c’est cette vérité qui importe vraiment et guère les autres, et qu’elle lui importe en intériorité, non en surplomb.
Où l’on retrouve nos dédales de l’immanence puisque l’immanent s’avance tantôt sous la forme de l’accessible, tantôt sous celle de l’endogène, tantôt dans la modalité d’une intériorité, et chacune de ces figures, on l’a vu, peut être globale, expressive, localisante ou différenciante…
Ces considérations générales prennent un tour très concret dès qu’on approche les opérations subjectives effectives.
Prenons pour cela l’exemple musical du Merle noir de Messiaen [45] : c’est une chose de dégager la capacité d’Olivier Messiaen d’imiter musicalement le merle quand le merle, lui, ne sait que chanter comme un merle ; sauf que cette capacité est celle du musicien plutôt que de la musique proprement dite s’il est vrai, qu’en un sens, la musique ne sait rien de l’existence ni d’un oiseau ni du titre qu’un musicien vient lui donner en extériorité langagière complète si bien que, musicalement pensée, en intériorité donc à ce qu’est la musique, l’imitation (dont il est en effet question ici à l’initiative du musicien) ne deviendra réellement musicale que lorsqu’elle sera convertie en catégorie proprement musicale, c’est-à-dire en capacité de la musique à s’imiter (et non plus en la capacité du musicien à imiter le merle). Une telle imitation musicalement concrète a un nom musical bien connu : c’est le canon. Et en effet un tel canon se trouve bien à l’œuvre en cours de développement musical dans la pièce de Messiaen et ce sera en effet ce moment qui donnera la clef d’une écoute musicale à l’œuvre [46].
Le Merle noir : canon à trois voix musicales conjoignant le piano et la flûte
Vue sous cet angle musical, la pièce de Messiaen sera entendue comme une archive témoignant de la persistance (néoclassique) de la figure imitative du canon dans la musique contemporaine, ce qui engagera alors la question compositionnelle en de tout autres directions : par exemple qu’en est-il des transformations contemporaines de la notion musicale de voix, donc des possibilités nouvelles d’imitation, etc ?
Suggérons également cet autre point où la subjectivité d’une intellectualité en intériorité se distingue de la subjectivité d’une philosophie en surplomb : la philosophie privilégie les possibilités abstraites – j’entends par là celles qui existent indépendamment de toute effectivité éventuelle (ainsi, la possibilité théorique des accès immanentes à l’absolu ne préjuge nullement des possibilités de construction effective de tel ou tel accès spécifié). On dira donc qu’il s’agit, en philosophie, moins de possibilités comme telles que de réservoir de possible, de possibilité des possibilités, disons de potentialités.
De son surplomb d’aigle, la philosophie discerne des potentialités. Mais les différentes intellectualités s’attachent plutôt aux possibilités effectives, qui ne sont discernables qu’en intériorité, par des castors cette fois.
Pour une intellectualité en intériorité, la potentialité importe moins que la possibilité effective : toute intellectualité s’attache à passer de la potentialité d’un « il y a » à la possibilité effective d’un « il existe ».
Prenons ainsi l’exemple de Lénine en 1917 [47] : une chose concerne les potentialités révolutionnaires d’avril, que Lénine exilé peut soutenir en débarquant en Russie ; autre chose est la possibilité urgente de fin septembre lorsque « La crise est mure » et que Lénine va batailler pour son effectuation immédiate. Dans le premier cas, il s’agit de réunir les conditions de possibilité pour une révolution bolchévique, à une époque où elle n’est pas encore mure, en particulier parce qu’elle est encore très minoritaire, une révolution donc potentielle. Fin septembre, les conditions de possibilité – en particulier un ralliement majoritaire aux idées bolchéviques – sont enfin réunies et il s’agit désormais d’effectuer cette possibilité.
Tout de même, l’intellectualité musicale privilégie l’effectuation musicale d’une possible imitation au potentiel général d’imitation que la Nature met à la disposition du musicien.
Mais renvoyons à juin prochain l’examen plus détaillé de la troisième partie du livre – en quoi cette mobilisation philosophique sur les œuvres-en-vérité peut servir à leurs acteurs internes – et concluons sur la manière dont le mathème philosophique de l’accès à l’absolu peut d’ores et déjà servir aux militants, aux musiciens, aux amants et aux mathématiciens.
Demandons-nous : qu’est-ce qu’une intellectualité spécifique peut faire du concept philosophique d’absolu tel que motivé dans ce livre par la notion mathématique de plongement élémentaire non trivial ?
Je répondrai ici par la proposition synthétique suivante, qui évite le double péril du philosophème et de l’antiphilosophie : cette longue marche grandiose nous aide tous à penser et à soutenir l’énoncé émancipateur : « Il n’y a pas que ce qu’il y a ».
Entendons pour cela cet énoncé de manière un peu plus détaillée : « il n’y a pas que ce qu’il y a, car il n’y a pas que ce qui existe déjà, que ce dont l’existence est déjà assurée ; en effet, il y a aussi ce qui arrive et ce qui est possible. Autrement dit, il y a également les événements susceptibles de supplémenter l’existant et il y a les infinies possibilités qui ne tiennent qu’à des sujets de devenir effectifs. »
Où l’on retrouve que toute existence subjective se déploie toute entière entre deux advenues, supplémentant l’existant : en amont l’advenue de ce qui arrive, en aval l’advenue de ce qui possible.
Cet énoncé est émancipateur car il déprend la pensée de l’oppression par le réalisme de l’existant, l’empirisme du répétable et le pragmatisme du ce-qui-marche. Cet énoncé est émancipateur car il met au poste de commandement les projets pour ajouter et adjoindre aux différents mondes ce qui pourra les étendre et les révolutionner.
À proprement parler, cet énoncé n’est pas philosophique et peut donc être intérieur et commun à différents types d’intellectualité. [48]
Mais cette philosophie vient très heureusement consolider cet énoncé, en raison de la dialectique serrée qu’il met en œuvre, à la lumière de la mathématique des grands infinis, entre « il existe » et « il y a ».
Et ce que Badiou appelle l’absolu désigne précisément ce réservoir prodigue des formes possibles de l’être qui ont l’éternité devant elles pour trouver leur universalité effective.
Ainsi l’absolu devient le nom même du lieu du « il y a » en tant précisément qu’il ne se limite nullement au lieu du « il existe ».
Cette idée neuve – grandiose en effet - résonne tout particulièrement bien dans la langue française puisque l’absolu devient le nom du lieu auquel renvoie le pronom adverbial « y » dans l’expression « il y a ». En effet, quand on dit par exemple : « il y a l’humanité », ou « il y a la musique », ou « il y a l’amour », etc. [49], quel est cet endroit où reposent ces idées d’humanité, de musique, d’amour, etc., quel est le « y » du « il y a » si ce n’est cet absolu ? C’est bien dans l’absolu qu’on peut penser qu’il y a le collectif - voire le groupe - infini des êtres humains, vivants, morts et à venir [50].
Il y a l’humanité = Il y a le collectif infini des êtres humains,
vivants, morts et à venir.
Il s’agit alors de faire en sorte qu’il en existe, ici et
maintenant, un détachement générique qui en témoigne.
Cette philosophie nous encourage donc à nous tenir, en pensée inventive, dans l’écart libérateur entre « il existe » et « il y a ».
Ce point résonne, somme toute, avec la conception sartrienne de la liberté - Sartre n’était-il pas le maître philosophique du jeune Alain Badiou ? - : « la liberté n’est pas un être : elle est l’être de l’homme, c’est-à-dire son néant d’être. » [51] « La liberté n’est rien d’autre qu’un choix qui se crée ses propres possibilités. » [52]
De cela, nous sommes redevables à cette philosophie et donc aussi au philosophe Alain Badiou qui en porte l’énonciation.
Amicale limitation corrélative : ce n’est pas parce que la philosophie est bien pour tous que nous serions pour autant « tous philosophes » (j’ai essayé d’indiquer en quoi la subjectivité, la mobilisation et l’énonciation du philosophe sont en effet trop spécifiques) ; on ne saurait donc répondre au philosophème comme à l’antiphilosophie par un « tous philosophes ». Il convient plutôt d’affirmer l’articulation d’un « tous travailleurs intellectuels » (en intériorité à telle ou telle procédure) et d’un « la philosophie pour tous », tout spécialement cette philosophie qui opère comme ombre protectrice pour les pensées émancipatrices.
Je pressens le prix qu’Alain a dû personnellement payer pour effectuer, pendant des décennies, ce grandiose travail philosophique, dans une solitude philosophique d’autant plus grande que sa saga est totalement à contre-courant. Le prix courageusement payé pour une telle extimité aux procédures - cette extimité d’une bouteille de Klein figurant l’endogénéisation d’un surplomb - a permis de constituer cette ombre protectrice que la philosophie procure désormais à notre énoncé : « Il n’y a pas que ce qu’il y a ! ».
De cela, comme de tant d’autres choses qui nous sont généreusement prodiguées par ce livre et par son auteur, il me convient de dire : Merci !
***
[1] Voir ces dictionnaires de citations philosophiques pour bacheliers, équivalents de ces dictionnaires de formules mathématiques pour ingénieurs…
[2] Dans ce livre, les conditions politiques, artistiques ou amoureuses sont secondaires. Elles opèrent d’ailleurs essentiellement dans la troisième grande partie, comme conséquences, éclairages et exemples, en aval donc plutôt qu’en amont.
[3] Pour un examen du « séminaire du samedi », voir mon exposé « D’une doublure du “Séminaire” d’Alain Badiou » (théâtre La Commune, Aubervilliers - 16 janvier 2017) : http://www.entretemps.asso.fr/Nicolas/2017/Badiou-16-01-2017.htm
Pour un examen du séminaire 1987-1988, voir mes notes de travail : http://www.entretemps.asso.fr/Badiou/87-88.htm
[4] concernant la seconde partie plus proprement mathématique avant d’examiner plus en détail la troisième partie du livre (la théorie de l’index pour les œuvres-en-vérité) lors des deux journées qui seront consacrées au même ouvrage les 7 et 8 juin 2019 dans le cadre du séminaire mamuphi (Ircam - festival Manifeste).
[5] 4 sections (sur 9) et 230 pages (sur 680)
[6] Pour rappel, René Guitart a montré qu'un hexagone logique de ce type formalise un nœud borroméen entre les trois sommets ici encadrés.
[7] Rien de bien nouveau, de ce côté, depuis Karl Barth (théologie adossée à Kierkegaard) puis Karl Rahner (théologie adossée à Heidegger) s’il est vrai que, depuis, la théologie anglicane de la « radical orthodoxy » se présente essentiellement comme une reprise de l’ontothéologie et que la « théologie du process », adossée à la philosophie de Whitehead, semble une manière trop libérale d’orchestrer « le matérialisme démocratique » contemporain pour réactiver l’orientation de pensée transcendante.
[8] p. 437. Rappelons que l’existence d’un tel cardinal ne peut se déduire de ZFC et doit donc procéder axiomatiquement : « Il existe… »
[9] Je réordonne ces cinq voies selon l’ordre ascendant des cardinaux mais le séminaire les ordonnait différemment, la voie hiérarchique (la deuxième) étant alors présentée en troisième position. Ce « trouble » dans l’ordre hiérarchique, focalisé sur la voie hiérarchique, s’éclaire rétroactivement par le fait que cette voie « hiérarchique » sera abandonnée en 2018 pour ne plus laisser place qu’à quatre types différents de grands infinis.
[10] Je rappelle : ℵ0 désigne le premier ordinal infini, et ω le premier cardinal infini.
[11] Ainsi un cardinal de Mahlo « réfléchit » les inaccessibles [11], un cardinal compact « réfléchit » les Mahlo, un cardinal mesurable « réfléchit » les compacts, un cardinal supercompact « réfléchit » les compacts…
La réflexion s’arrêtait là en 1988 (les cardinaux supercompacts étaient les derniers dans l’ouvrage mathématique de référence, celui de Drake) mais, depuis, la réflexion s’est poursuivie vers le haut…
[12] Ce qui n’est nullement dire qu’elle ne lui donnait rien à penser : il n’est que de lire mes notes prises à l’époque pour prendre mesure de l’énorme richesse de ces réflexions.
[13] positiviste (contrôle par la factualité phénoménale), empiriste (contrôle par l’expérimental) ou pragmatique (contrôle par les effets)
[14] ce qui est aussi une façon de dire : transcender toute objectivation potentiellement idolâtre…
[15] Il y a des plongements élémentaires (non triviaux) de V dans des sous-classes (transitives) mais il n’y a pas de plongement élémentaire (non trivial) de V dans V.
[16] Techniquement dit – voir le schéma 1 – un type de cardinalité en entraine un autre plus restreint.
[17] qui, rappelons-le, qui sont tous « inaccessibles »…
[18] D’où, sans doute, que les tentatives contemporaines pour réactiver l’orientation de pensée transcendante s’attachent à inventer une nouvelle problématique du divin plutôt que de « Dieu ».
[19] Attention : la notion de compacité appliquée aux grands cardinaux (« cardinaux compacts ») n’est pas homologue à la notion de compacité en topologie (« espaces compacts ») : si en topologie, la notion de compacité est la notion décisive du recouvrement finitiste, en théorie des grands cardinaux, la notion fixe au contraire l’impossibilité du partage finitiste.
[20] On pourrait discuter la pertinence philosophique de dire : deux manières d’être…
[21] Un ultrafiltre sur l’humanité pourrait ainsi répartir les êtres humains en riches et en pauvres, négligeant ainsi les classes moyennes, autant dire la petite-bourgeoisie…
[22] Pour ma part, je me sens plus à l’aise avec la notion mathématique de cardinal mesurable : contrairement à ce qu’avance le livre (p. 354), la mesurabilité de K, qui renvoie à la théorie de la mesure et donc de l’intégration, me semble désigner plus adéquatement la propriété qui nous importe ici au premier chef (l’existence d’un UF apte à filtrer-mesurer les parties) quand la complétude insiste plutôt sur une propriété seconde (l’UF est K-complet).
[23] Le livre court-circuite cette notion intermédiaire.
[24] L’Immanence des vérités précise (p. 401, point 4) qu’« avec quelques précautions supplémentaires », on peut obtenir que de telles classes d’équivalence soient des ensembles, non des classes strictes…
[25] p. 501
[26] au sens mathématique d’Hironaka : un point d’indiscernabilité entre deux propriétés globalement contradictoires.
[27] L’Immanence… (p. 407-409), Kanamori (p. 47)
[28] ce qui se dit aussi : il n’existe pas de cardinal de Reinhardt.
[29] Un véritable « Götterdämmerung » (Crépuscule des dieux) pour Kanamori (p. 324).
Pour la difficulté propre de sa démonstration, voir L’Immanence des vérités chapitre C21 (p. 495…), Kanamori (p. 3128-324), Dehornoy (p. 528…)
[30] L’Immanence des vérités, p. 416
[31] Voir la remarque de Dehornoy citée plus haut.
[32] Je réserve cet examen pour les journées mamuphi prévues à l’Ircam à l’occasion du festival Manifeste les 7 et 8 juin 2019.
[33] Voir, dans la quatrième partie, l’examen des rapports de la liberté avec la volonté à partir de la page 517.
[34] en 496 (sur un mode similaire à celui de Constantin en 312, la bataille du pont Milvius étant ici remplacée par celle de Tolbiac) conduisant à son baptême quelques années plus tard (en 499 ou 508)
[35] p. 522
[36] p. 523
[37] p. 524
[38] p. 525
[39] p. 527
[40] sans pour autant suggérer que Badiou se serait converti aux grands cardinaux comme Clovis a pu se convertir au catholicisme !
[41] Cela ne transforme donc pas la chose en philosophème : il n’y a pas plus de philosophèmes internes à la philosophie qu’il n’y a de mathèmes internes à la mathématique !
[42] via les attributs garantis par les plongements élémentaires…
[43] p. 285
[44] On a parlé d’immanence à la fois globale, expressive, localisante et différenciante et on a relevé le caractère paradoxal de ces quatre propriétés qui constitue chaque accès en singularité mathématique
[45] philosophiquement analysé dans le livre au chapitre C23
[46] Voir la logique musicale du moment-faveur…
[47] Voir, dans le livre, le chapitre C26.
[48] Nous en avions d’ailleurs fait large usage précédemment, avec Rudolf di Stefano, dans nos séances Qui-vive (http://www.qui-vive.org ) puis plus récemment, dans ces lieux mêmes avec Marie-José Malis, lors de la semaine Hétérophonies/68 (https://heterophonies68.wordpress.com )
[49] « L’absolu est le lieu des Idées ». (p.391)
[50] « L’humanité se compose de plus de morts que de vivants. » Auguste Comte (p. 398)
[51] L’être et le néant (p. 516)
[52] p. 654