Badiou : Sur Duchamp

(Ens, 9 mars 2007)

 

Transcription par François Duvert

 

Commentaire de la phrase de Breton :................................................................................................................... 2

1er temps : parvenir............................................................................................................................................... 2

2nde temps : parvenir "plus vite"........................................................................................................................... 2

3ème temps : au point des idées.............................................................................................................................. 3

4ème point : point critique...................................................................................................................................... 3

5ème temps : le point critique des idées................................................................................................................... 3

Parallèle Duchamp-Mallarmé................................................................................................................................. 4

1er point : la trace et le résultat............................................................................................................................. 4

2nd point : l'art et le nombre.................................................................................................................................. 5

3ème point : le point de pensée............................................................................................................................... 5

Les Œuvres de Duchamp......................................................................................................................................... 6

1) le ready-made.................................................................................................................................................. 6

2) les installations................................................................................................................................................. 7

4ème point : l'aspect critique du point..................................................................................................................... 8

5ème point : la séparation de l'idée......................................................................................................................... 8

Conclusion :............................................................................................................................................................ 9

 

 

Cette intervention est à coup sûr une commande, au sens fort.

- dans un très beau texte de 2005, titré Prendre l'époque au lacet, et sous-titré à l'occasion de Duchamp, Elie During analyse les anticipations topologiques du Duchamp sur l'espace et les indications que le 21ème siècle devra  introduire dans l'esthétique transcendantale, ie une nouvelle esthétique transcendantale à la lumière de la topologie et de mes propres propositions.

- en 2004, Barbara Formis, dans son essai […] et remanié en 2006 événement et ready-made, le retard du sabotage, se livrait à 4 ressemblances cruciales entre la théorie de l'événement et la signification du ready-made. Elle me provoquait  à y répondre, car elle établit 4 différences essentielles - à l'avantage de Duchamp ou du moins difficiles à traiter dans le contexte que je propose.

- en 2006, During commence par m'apparier à Duchamp. "Si Matisse est pour le deleuzien Eric Alliez le héros peintre d'un vitalisme constructiviste, on conclura que l'adversaire c'est Duchamp et en philosophie c'est Badiou". Et il conclut par une implacable commande en forme d'avertissement et injonction : "si Badiou n'écrit pas son Duchamp, on le fera pour lui". Me voici prévenu ! je ne vais pas l'écrire aujourd'hui, je balbutierai quelques propositions.

 

Je prendrai mon départ dans un texte de André breton, qu'il consacre à Duchamp en 1922. Dans le numéro 5 de la Revue Littérature.

Remarquons en passant que 1922 est la fin de la 1ère période de Duchamp.

- la 1ère période artistique ou contre-artistique de Duchamp (1912-1922, qch comme ça).

- la 2nde période va de 46 à 66, dominée par l'Installation Etant donné 1) la chute d'eau 2) le gaz d'éclairage.

- entre ces 2 séquences, de 1922 à 1946, il y a la passion des échecs et la gestion très complexe, stt après 45 des vrais faux objets, miniatures etc… tout ce qui relève de ce que Formis appelle le retard du sabotage comme on parle au fond d'une bombe retardement, ce qui a été accumulé est déployé et se manifeste dans sa puissance véritable, dans son événementialité véritable plus tard.

Donc on peut dire qu'en 1922, excepté étant donné et excepté la gestion du retard, Duchamp a fait ce qu'on peut considérer comme son œuvre. Le texte de Breton se situe au bord terminal de cette séquence et constitue un 1er bilan à sa manière du travail de Duchamp, non retardé, lui. Son œuvre est dominé par la question : est-il possible de faire une œuvre qui ne soit pas de l'art. C'est au vu de ce qu'il pouvait connaître de cette séquence et de Duchamp que Breton écrit : "serait-ce que Marcel Duchamp parvienne plus vite que quiconque au point critique des idées ?". Tout ce que je vais dire aujourd'hui est en un certain sens contenu dans cette matrice qu'est la phrase de Breton.

Commentaire de la phrase de Breton :

D'abord, synthétiquement, Breton attribue une fois de plus à Duchamp la qualité que tout le monde lui a attribué, ie une intelligence exceptionnelle, une capacité dans l'ordre de la pensée d'aller plus vite que quiconque. Ce serait banal s'il s'agissait d'un simple trait psychologique mais il s'agit de bien plus. Il s'agit à mon sens d'un nouveau rapport entre l'art et le concept, ie en fin de compte une forme d'outrepassement du romantisme. Il faut préciser les termes. Convenons d'appeler romantisme (définition non historique) la théorie d'un écart fondamental ou d'un espace entre l'intuition de l'infini, l'intuition poétique, quasi divine ou sacrée de l'infini d'un côté, et de l'autre les contraintes supposées finies et par elles-mêmes stériles de la rationalité calculatrice. Nous appelons romantisme une théorie ou une conviction : il y a un écart incomblé et incomblable entre l'intuition de l'infini et le système des contraintes de la rationalité calculatrice. Il est vrai que de façon tout à fait explicite Duchamp est le héros d'un art, d'une proposition artistique ou d'une proposition non artistique qui ignore cet espace (je ne dis pas qu'il le surmonte dialectiquement), cet écart supposé entre l'intuition poétique de infini et les contraintes de la rationalité, et qui ignore aussi cette théorie romantique qui est une théorie de l'inspiration et de la singularité géniale (théorie particulièrement tenace). Duchamp s'efforce en tout cas d'ignorer cet écart, d'ignorer la théorie de l'inspiration et du génie qui va avec,  et même d'ignorer la catégorie ce qui va avec ça plus essentiellement ou plus anciennement, la catégorie du goût (fondatrice après tout de l'esthétique de Kant). Pourquoi attaque-t-il cette catégorie ? Car le goût est ce qui fonde l'unité de l'action artistique. Quand on dit qu'il va le plus vite dans le point critique des idées, on dit qu'il est tout à fait extérieur à cet espace esthétique qui combine une théorie de l'inspiration et une théorie du goût.

2 références, 2 mots d'ordre très caractéristiques : il a fait des ready-made, dit-il "sans autre intention que de décharger des idées". Et encore, dans la même ligne et plus radicalement, "je me suis efforcé de me contredire moi-même pour éviter de me conformer à mon propre goût". L'élimination du goût est l'élimination du la singularité idolâtre, y compris naturellement par une surveillance acharnée de soi-même, pour ne pas être formé ou informé par son propre goût.

C'est le contexte général de la phrase. Mais on peut la comprendre dans son détail, en 5 moments abstraits qui vont encadrer le problème de Duchamp.

1er temps : parvenir

Pour autant qu'il existe (on reviendra sur l'art, non art, fin de l'art etc..), l'art est devenu une question d'effort, il est ce à quoi on parvient, plutôt que l'abolition de ce parvenir dans un résultat fermé ie dans l'exhibition idolâtre de l'œuvre d'art (et de sa commercialisation, csq moderne). Quand on dit qu'il parvient, il faut entendre que l'art est une question de parvenir, mais qui doit être distingué de la question du résultat.

Notons entre parenthèses la question de l'acceptation de l'inachèvement : très frappant dans  le cas du Grand Verre, il ne l'a pas fini car dit-il il en avait assez. C'est une bonne raison : si ce qui compte c'est le mouvement par lequel on parvient, et non pas l'abolition de ce parvenir dans une œuvre d'art comprise de façon idolâtre, on comprend que l'art puisse rester inachevé.

On peut dire donc que l'art c'est une trace, la trace de sa propre action, ou le tracé, avec les incertitudes concernant la trace. Ceci commente "parvenir"

2nde temps : parvenir "plus vite"

Parvenir "plus vite" : si l'art est cela, du coup les procédures de compte du mouvement sont internes à l'art lui-même (et pas seulement le mouvement). Ie que lenteur et vitesse d'exécution par exemple sont des paramètres pertinents et pas du tout seulement des données extérieurs. .Il y a donc un lien immanent de l'art et du nombre, de la mesure. Ce n'est pas un lien au sens de la configuration intrinsèque du nombre d'or comme qualification des équilibres, mais le nombre en tant que qualification et mesure des lenteurs, vitesses, dimensions. Là, Duchamp, va plus vite, mais il est aussi plus lent. Il a des procédures extraordinairement lentes, laborieuses, en même temps que des procédures quasi-instantanées. Ce qui compte, c'est que le nombre compte.

3ème temps : au point des idées

L'art pour autant qu'il existe traite un point de la pensée (c'est comme ça que je le lis). C'est un point de la pensée : au-delà de la question de la critique de la représentation etc… L'enjeu est qu'on peut désigner l'art comme un point de pensée. L'art se laisse désigner comme cela. On soutiendra alors que l'espace-temps, où l'art se meut, les supports, les surfaces, les vitesses d'exécution, les références mêmes, tout cela est l'enveloppe, peut être qualifié comme une enveloppe, dont le point de pensée est à la fois exhibé et soustrait. Car si l'art a pour enjeu de parvenir à un point de pensée, au point des idées, alors la procédure matérielle et sensible dans laquelle le point s'exhibe n'en est que l'enveloppe. Le point doit être simultanément exhibé et soustrait, donné et retiré, en tant que point, dans son enveloppe. Autrement dit, ce qu'on appelle l'œuvre (le Grand Verre, Etant donné…) doit être conçue comme le lieu du point et non sa dilatation, son espacement ou sa configuration générale. Or la construction de ce lieu est un labeur éventuellement, mais c'est quand même pour qu'y figure le point, dans le temps où il apparaît et où il disparaît. C'est à l'intérieur même de son œuvre la configuration événementielle comme telle (cf Formis).

4ème point : point critique

Ce point est critique, le point critique des idées. Il est critique en un double sens.

- d'abord en un sens banal car il critique en pensée la théorie idolâtre de l'art, ie le romantisme ordinaire. Quand on conçoit l'art comme l'enveloppe d'un pur point de pensée soustrait et exhibé, on critique ce romantisme ordinaire (qui peut être sophistiqué) qui suppose la transcendance infinie comme horizon et enjeu de l'infinitude de l'art et il rejette donc la science à l'extérieur de son action, politique ou sacrée. Bien entendu, il entend révéler non pas un point mais le tout, une donation du tout, une donation métonymique. En ce sens naturellement dire que l'œuvre est enveloppe de la disparition d'un point de pensée, c'est critiquer que l'œuvre est ce par quoi nous souffrons au contraire un accès au secret du tout. C'est le 1er sens.

- le point est critique en un autre sens, au sens mathématique ou physique, ie le point où il y a une discontinuité qualitative, en sorte que en ce point même, il y a indiscernabilité entre un état et un autre, qui cependant diffèrent partout ailleurs, aux alentours ou au point critique. Là on peut soutenir que créer le lieu où chacun peut refaire l'expérience d'un tel point critique, ie refaire l'expérience de cette indiscernabilité, serait l'enjeu fondamental de l'art moderne, post-romantique (ie donner l'enveloppe d'un point critique au sens où en ce point ce qui est expérimenté est le discontinu comme tel, ie l'indiscernabilité de 2 états cependant entièrement différents). Une autre manière de le dire est que en ce point s'échangent les vertus de pensée, de l'infini et du hasard. Ou même, s'échangent la nécessité et le hasard, aussi bien : le calcul savant et ce qui n'entre pas dans ce calcul. Le point, la commutation.

5ème temps : le point critique des idées

Ce point critique est donc bien la visitation de l'idée dans sa forme artistique contemporaine. Donc en fin de compte pour autant qu'il existe l'art est idée, puisqu'il est la construction laborieuse et artisanale d'une enveloppe pour un point d'indiscernabilité qui précisément va nous donner l'idée en tant que telle. A quoi ça s'oppose ? L'art (l'an-art) n'est pas comme dans le vitalisme une énergie corporelle, établissant par exemple l'étreinte des percepts et des affects, il n'est pas le passage continu et projectif de la jouissance expérimentée du devenir à la pensée vivante. Il y a là un conflit esthétique dominant probablement le 20ème siècle. L'art est au contraire établissement d'un lieu, certes matériel, spatio-temporel, demandant une critique serrée de l'esthétique transcendantale, mais où s'expérimente précisément la séparation de l'idée et non pas son incorporation. Ie où s'expérimente que l'idée ne peut jamais que toucher la surface, un peu comme un oiseau frôle la mer. C'est l'expression abstraite que je tire du jugement particulièrement concentré de Breton en 1922

Parallèle Duchamp-Mallarmé

Ce qui me frappe moi c'est que cette phrase serait tout à fait pertinente si elle s'appliquait à Mallarmé. On a là un alignement Duchamp Mallarmé absolument inévitable. De sorte qu'un exercice complet appellerait à comparaître les œuvres et textes de Mallarmé et Duchamp, pour voir à quel point l'un et l'autre ont soutenu ces 5 points, ces 5 temps de ce qu'on peut appeler l'ascétisme créateur de cette conception. Ils l'ont fait chacun dans son ordre propre, principalement le langage pour Mallarmé, mais avec des incursions dans le transcendantal spatio-temporel (avec le projet du Livre, qui est une représentation, théâtrale, une cérémonie et avec aussi la mise en page du Coup de Dés, qui en est partie intégrante). Principalement dans le spatio-temporel pour Duchamp, mais avec bcp plus que des incursions dans le langage (en particulier dans Boîte Verte et Boîte Blanche, où Duchamp emboîte les textes). Je ne ferai pas cet exercice complètement déployé, je m'en tiendrai à quelques exemples, point par point.

1er point : la trace et le résultat

D'abord que l'art ait à devenir la trace de sa propre action, et rien d'autre, qu'il soit le lieu de son avoir-lieu. C'est pensée mallarméenne explicite : il le dit ainsi à propos de ce qu'il appelle "impersonnifier le volume" - Duchamp a impersonnifié la boîte –. Duchamp aggrave encore l'impersonnalité de l'action artistique.

Une polémique contre tout ce qui porte dans le devenir de l'œuvre la trace d'une passivité sensible, un pathos de réception des configurations extérieures, tout ce qu'il appelle "l'art rétinien", art qui est art de la réception du visible et de sa reproduction en jouissance. Pour lui, l'art rétinien remonte à Courbet, qui est toujours le mauvais génie de l'art rétinien, c'était un regardeur effroyable. Mais enfin ça concerne les impressionnistes, les fauves et les cubistes eux-mêmes, l'art rétinien. Duchamp propose sans la déployer une généalogie de l'art contemporain : ça ne passe pas par impressionnistes, puis les fauves et enfin les cubistes, non tout ça c'est de l'art rétinien, ie tout cela est en réalité épouvantable, car en réalité ça réaffecte l'art avec la puissance du visible, avec la singularité de la puissance du visible. Donc il faut abandonner l'art rétinien, ie toute adhérence du visible. Duchamp rêve même d'être totalement absent du champ de la création, pas seulement en tant que rétine mais plus radicalement. Il appelle dit-il à "se couper les mains". L'œuvre d'art aurait lieu toute seule.

Par contre il donne du processus de l'œuvre des explications détaillées : ce qui s'oppose au rétinien c'est l'explication du processus complet, et si possible sans lacune, de la fabrication elle-même. Au fond, Duchamp accompagne l'objet de ce qu'on pourrait appeler un symétrique mode d'emploi (comme les objets techniques, grande littérature contemporaine que le mode d'emploi), à savoir un mode de fabrication. Ça anticipe déjà que après tout vous devez pouvoir refabriquer la chose, si vous avez un mode vraiment complet de sa fabrication. L'idée de réduplication, la plus fameuse des idées post-duchamp, est vraiment contenue dans le fait que s'il faut totalement absenter la figure du goût, et de l'adhérence rétinienne, il est important d'être totalement explicite sur le mode de fabrication et de calcul de la chose, ie il faut donner toutes les informations. En un sens, pas de distinction cruciale entre le produit ou l'œuvre et le système complet des informations la concernant. C'est réciprocable. L'année avant sa mort, à propos du Grand Verre (la Mariée mise à nu par ses Célibataires mêmes), Duchamp explique que pour apprécier ce travail il faut absolument suivre le texte écrit par lui, et qui est "une sorte d'explication diagrammatique ou programmatique de ce qu'on peut voir sur le verre". Il énonce que cette explication est partie intégrante de la visibilité à laquelle naturellement le rétinien ne suffit pas. C'est tout à fait logique : si on avait une intuition immédiate de ce que c'est, ce serait encore qch de rétinien, mais ça ne l'est pas. La meilleure preuve c'est qu'il est plus intéressant d'avoir une compréhension intégrale de l'explication diagrammatique ou programmatique.

Je voudrais commenter au passage ces 2 mots : diagrammatique et programmatique.

diagrammatiques : cela signifie que ce sont des phrases. L'œuvre, ce grand verre (il y en a plusieurs !) est la convergence d'une topologie diagrammatique, ie d'une travail extraordinaire de composition et de superpostion de diagrammes, et d'une procédure rationnelle (programmatique, programmable). L'œuvre est la convergence d'une méditation topologique, diagrammatique et d'une méditation programmatique, diachronique : elle réalise un programme, 8 ans de travail (il en a eu assez, elle n'est pas finie !). On peut donc dire que l'œuvre est en elle-même la cristallisation d'un espace-temps pour lequel on dispose d'informations, et en ce sens elle est bien le processus de sa propre action, de sa propre existence. Le fait d'avoir des infos sur son processus fait partie intégrante et domine même l'intelligibilité de l'œuvre. Voilà pour le 1er point.

2nd point : l'art et le nombre

Sur le 2ème point, la question du nombre, le rapport de l'art au nombre est crucial car le nombre est mesure du processus. Cette question obsède Mallarmé : tout l'enjeu du Coup de Dés est que soit "enfin visible l'unique nombre qui ne peut pas être un autre". C'est la création de la visibilité de ce nombre qui est l'enjeu du coup de dés. Evidemment, c'est la constellation de la grande  ourse, suscitée de l'intérieur du poème lui-même, qui va exhiber ce chiffre stellaire, dont on note au passage que c'est le 7, déjà présent dans le sonnet en yx et or au dernier vers (de scintillation sitôt le septuor).

Pour Duchamp, le nombre c'est le 3. "le nombre 3 en tant que 3 pour moi n'est ni l'unité ni la dualité, le nb 3 est tout, la fin dernière de la numération". "1 cest l'unité 2 c'est le double 3 c'est le reste". Duchamp travaille sur le rapport entre l'infini et les espaces, ie les dimensions. Mais l'espace final, où tout est projeté, reste le tridimensionnel euclidien (si c'est le Grand Verre, Etant donné), à la fin des fins, on ne peut rien y faire. Le pb est de savoir comment le 3 peut en effet être tout le reste. Voilà. Le fait que le 3 est tout le reste est justement cela qu'il faut faire venir ou exhiber dans la surface, l'enveloppe de l'œuvre. C'est pourquoi il peut dire "Les millions ne comptent pas, le 3 remplit le même rôle". Si le 3 remplit le même rôle que les millions, l'enjeu de l'œuvre est d'exhiber sensiblement que le 3 peut équivaloir aux millions ou que le 3 peut accomplir la même fonction que les millions, et cela on comprend pourquoi cette figure devient décisive. C'est un exemple de ce qu'est le passage ou la touche de l'idée : quelque chose dans l'espace est organisé de telle manière que tout le reste touche cette surface. En vérité le 7 de Mallarmé et le 3 de Duchamp, chacun dans son ordre propre, sont les emblèmes génériques, sensibles de la notion générale de compte, le compter est intrinsèque à toute production artistique pour eux. Il est désigné dans la figure générique du 3 pour Duchamp et dans la fonction symbolique du 7 pour Mallarmé. Cette fonction générale du compte unifie la nécessité de la mesure et le hasard des distributions. On appellera œuvre d'art ce qui d'une manière ou d'une autre la nécessité de la mesure et le hasard des distributions.

3ème point : le point de pensée

Sur le point de pensée, sur l'idée que l'œuvre est l'enveloppe, le lieu d'un point de pensée à la fois délivré et soustrait.

Je démarre là aussi avec un exemple de Mallarmé : dans la trilogie des 3 petits sonnets, M écrit ceci "agonise mais ne consent à rien expirer annonçant  une rose dans les ténèbres". Il fixe là le diagramme et le programme. Quel est le diagramme et le programme du poème ? c'est qu'on puisse annoncer une rose dans les ténèbres. Diagrammatiquement on est en un point où rien n'annonce une rose dans les ténèbres. C'est ça le point de pensée : c'est que puisse être annoncée en un point une rose dans les ténèbres. La machinerie des images, très compliquée dans cette série de 3 sonnets, n'est que l'enveloppe du point pur qui a lieu ou non mais dont l'enjeu est qu'i lait lieu si possible, qu'au moins on puisse annoncer qu'il va avoir lieu. Ici c'est la rose, mais l'enveloppe ténébreuse ne veut pas annoncer la rose. La théorie c'est que la pensée passe en un point du poème elle n'est pas coextensive à la machinerie intégrale du poème. Mallarmé le nomme la notion pure. C'est invariablement cette notion pure, la rose dans les ténèbres, la reconstitution mentale de ce qui a disparu mais dont l'enveloppe poétique supporte la trace littérale. Il y a ascèse, pourquoi ? Pour que le point de pensée brille un instant, pour qu'il y ait annonce la rose brillant dans les ténèbres, il faut que rien ne soit expressif, ou ne dénote une pathétique corporelle ou subjective car alors le point va disparaître au profit précisément de cette expression envahissante. Sinon on va retomber dans l'idée que l'art c'est la donation du tout. Mallarmé : la condition du poème, c'est que le maître est parti. Duchamp : le maître est parti jouer aux échecs. Cette corrélation entre le refus de toute sensiblerie post romantique et la chance d'un point de pensée (départ du maître, que la sensibilité soit dissipée, chance d'un point ie la rose), est fortement présente chez D. Il y a chez lui un rationalisme implacable, très frappant chez lui qui est devenue une icône sacrée de l'art, rationalisme tourné contre l'idolâtrie esthétique. Il va jusqu'à dire que "quand on fait les choses où l'idée pure du raisonnement fonctionnel… alors l'idée esthétique disparaît".

Les Œuvres de Duchamp

1) le ready-made

Qu'est-ce que le ready-made ? Impossible de dire qch de nouveau là-dessus. C'est la question la plus parcourue de l'esthétique contemporaine ! Le ready-made, et bien, c'est une enveloppe comme configuration matérielle, spatio-temporelle, comme le Grand Verre est une enveloppe. C'est une enveloppe exposée quoique totalement quelconque de la pensée pure du choix. C'est le raisonnement fonctionnel qui conduit à exhiber la pensée pure du choix, la sélection, sans aucune idée reçue. C'est un projet extraordinaire, ça, d'exhiber l'idée pure du choix en tant qu'i n'y aurait plus aucune adhérence subjective. C'est du Kierkegaard à l'envers, le choix non en tant qu'ouverture de la pathétique des stades du sujet, mais le choix comme notion pure, rose dans les ténèbres ou pelle à neige au plafond, sans adhérence subjective. Quel est le point de pensée ? C'est que ce choix, qui est une coupure dans le quelconque, et rien d'autre, crée un point d'indistinction entre le quelconque et le suprême. Si vous coupez dans le quelconque de telle sorte que cette coupure soit un choix asubjectif alors ce quelconque peut aussi bien être dit suprême, ie être dit art.

Bien sûr, il y a aussi une ironie supérieure au regard de l'enveloppe, l'enveloppe est absolument quelconque. L'objet qui enveloppe le point pur du choix est un objet particulièrement sans particularité. Or être particulièrement sans particularité n'est pas si facile que ça, finalement. De ce point de vue, si vous me permettez une parenthèse personnelle, Fontaine, le plus célèbre des ready-made, l'urinoir de 1917 me semble moins convaincant que la pelle à neige et le porte bouteille. Malgré tout il y a dans l'urinoir des résidus par en dessous de la dialectique de l'abject et du sacré. Si on met un urinoir à côté d'un Raphaël, ce n'est pas si quelconque que ça un urinoir : il ne faut pas de particularité positive ou négative, juste quelconque. Il ne faut pas que ce soit dégoûtant, sinon on resubjective complètement l'affaire. C'est peut-être pour ça qu'il ne s'appelle pas Urinoir mais Fontaine (bcp de ready-made portent leur nom commun) : c'est un peu louche. Toujours est-il que l'enjeu est que l'enveloppe soit particulièrement sans particularité. Il y a bien sûr de l'ironie sur l'enveloppe : quand on voit la pelle à neige au musée, regardée de façon pieuse, il y a un indéniable effet comique. Ça ressemble à une pièce comique. Les spectateurs sont victimes de l'ironie posthume de Duchamp. Mais néanmoins l'ascèse mallarmémenne est là. Après tout Mallarmé faisait aussi avec des dessus de cheminée, des rideaux, des mandolines etc… un côté ready made mallarméen, poétique ! faire avec des saloperies de la vie bourgeoises du 19ème, il fait avec ça. Le choix doit être sans adhérence subjective, et en tant qu'il doit être sans adhérence, la sélection est difficile, Fontaine en conserve les traces, je le soupçonne. La sélection n'est pas facile. Duchamp dit qu'il doit trouver en choisissant l'objet "un point d'indifférent de son regard sur lui". Mais vous comprenez que ce n'est pas facile de saisir un point d'indifférence ! ie d'être attentif à une indifférence. C'est ce qu'il faut arriver faire, c'est pour cela qu'il ne trouvait pas facilement ces objets particulièrement sans particularité.

En plus l'expression de "point d'indifférence" est remarquable pour les philosophes car il y a une corrélation avec le motif cartésien de la liberté d'indifférence. Le formalisme de la liberté à la fin des fins, c'est l'indifférence ie la pure capacité à dire oui ou non. Même si Descartes lui-même pense que c'est le plus bas degré, il y a le vrai, il y a le bien, il y a Dieu. Mais formellement la liberté c'est le point d'indifférence. Finalement je dirai que le ready-made, c'est l'enveloppe du point où la pensée adhère à un choix irréductible à tout autre motif que de choisir (qch a été choisi, mais le motif n'est pas car c'est critique, dégoûtant, ceci ou cela, on est parvenu à un point d'indifférence, on n'éprouve absolument rien). C'est un exercice très complexe ! Et alors le ready-made au fond c'est vrai expose de ce point de vue le choix du choix, et pas de ceci ou de cela, mais le choix d'avoir à choisir, et l'expose comme coupure du quelconque. Cette coupure exhibe, dès lors qu'elle est montrée comme enveloppe, le choix du choix. C'est pourquoi il est approprié que le nom, la légende, soit son nom commun (une pelle s'appelle pelle, porte-bouteille). Si le nom change, il y a un écart, on est dans autre chose. Voilà pour les ready-made.

2) les installations

A l'autre extrémité il y a les œuvres très complexes de Duchamp qui procèdent par recollection savant mais avec le même objectif. A proprement parler il n'y a  que 2 œuvres savantes si on laisse de côté le Nu descendant l'Escalier, antérieur au Duchamp dont nous parlons ici : la Mariée mise à nu par ces célibataires mêmes et Etant donné 1) la chute d'eau 2) le gaz d'éclairage. Ce sont les 2 œuvres de Duchamp. En réalité si on regarde, ce sont des installations en réalité, la 2nde plus particulièrement mais la 1ère aussi. Ie elles reproduisent, elles réintègrent, elles redisposent comme éléments tout un système très compliqué de productions antérieures. Ie c'est une réinstallation de choses déjà faites par Duchamp lui-même en général. Et c'est donc la construction d'une nouvelle enveloppe pour des configurations qui avaient d'abord été elles-mêmes produites comme enveloppes, qui avaient déjà des titres, de façon séparée. Et alors l'enveloppe, ce que j'appelle la disposition spatio-temporelle, transcendantale, de ce qui est montré du point de pensée, l'enveloppe est ici le produit d'un immense travail (et pas du tout une coupure dans le quelconque, c'est à l'autre extrémité des possibilités) très technique et très ennuyeux de l'avis de Duchamp lui-même. Mais il y a une valorisation de l'ennui chez Duchamp, il en parle notamment à propos du happening. Dans le happening ils s'ennuient ferme et ça c'est très intéressant. Les gens ne viennent pas pour s'amuser mais pour s'ennuyer. L'ennui une catégorie de l'ascétisme de Duchamp. C'est un travail très ennuyeux. Il y a une sorte d'artisanat maniaque (bis). Mais alors pourquoi ? Est-ce qu'on peut donner une explication symétrique ou convaincante comme on la donne du ready-made qui est l'enveloppe comme coupure saisie dans le quelconque, pour la figure pure du choix ?

En 1ère approximation, pour l'instant, c'est pour exprimer une complexité - dans ce travail terrible -  dont le point focal extérieur est celui qui regarde cette complexité. Le regard est ici fondamental. C'est uniquement dans l'espace ou l'espacement du regard et de la complexité de ce qui est présenté dans l'espace que se joue le point de pensée. Il ne faut pas oublier que le Grand Verre, (la Mariée mise à nu par ses Célibataires mêmes) est un gigantesque transparent, on voit autre chose derrière. C'est intéressant quand on emploie des photos : on voit d'autres choses derrière y compris des gens derrière. C'est du verre, transparent : qu'est-ce qu'on voit exactement quand on voit le Grand Verre ? On voit à travers, à travers. Cette vision à  travers, ce transpercement de l'œuvre fait partie absolument de l'oeuvre elle-même. Et à l'inverse, ce qui confirme qu'il fait des expérimentations complexes, dans des directions opposées, contradictoires, Etant Donné est une exhibition baroque fermée : ça se présente comme une vieille porte, si on fait attention on voit un trou et si on regarde on voit qch. On voit un terrible nu féminin, écartelé, là, avec le sexe en gros plan, et un paysage clignotant avec d'autres ingrédients, avec un côté peinture italienne en réalité (fond, colline), et il est impossible de ne pas se représenter comme un voyeur. La complexité, c'est une capture du voir (subtilement agencée, d'une grande complexité). Ce serait ma conclusion pour l'instant : les œuvres complexes de Duchamp procèdent à une capture idéelle du voir comme les ready-made procèdent à une capture idéelle du choix pur, de la coupure dans le quelconque. Le point qui est enfermé dans l'installation, c'est que une stupéfaction simple du regard (du voyeur) se fait à partir d'une enveloppe qui est faite à partir d'années de travail fastidieux. Enveloppe terriblement laborieuse. Des années de travail, et ce qui est capturé est l'instantanéité du voir comme telle, qui est prise au piège de ces années de labeur. C'est pourquoi c'est vraiment un point : le point de l'instantanéité du regard capturé par une enveloppe dans l'évidence et la complexité. Alors on a demandé à Duchamp pourquoi ce labeur, ce tour de force, cette complexité ? il a répondu : parce que je n'ai pas voulu faire simple. Je dirais que comme il explore les dimensions (il navigue entre 3 et 4 dans cette exploration), il me semble qu'on peut conclure que Duchamp cherche l'enveloppe du point de pensée dans le plus simple, le plus quelconque, mais aussi dans le plus compliqué, les installations synthétiques les plus complexes qui soient. Il ne faut pas dissimuler cette dualité. Il y a 2 orientations dans les installations elles-mêmes : une orientation disposée selon la transparence et une autre disposée selon une stricte clôture, en réalité celle du fantasme en réalité.

Si on classait tout ça, on aurait

- coupure du quelconque, simplicité de la coupure du quelconque concernant le choix pur

- complexité de la capture du voir, avec 2 types de capture :

une capture par la transparence (le Grand Verre) 

une capture par l'absolument fermé (Etant donné). L'ouvert et le fermé.

4ème point : l'aspect critique du point

sur l'aspect critique du point. J'ai dit que cette question est celle de la discontinuité, une fois le point ouvert sur son indiscernable. Il propose un concept pour cela, un concept plastique de cette indiscernabilité, ie  ce qu'il appelle l'inframince, l'inframince (dans les années 30). Il faut "chercher à passer dans l'intervalle infra mince qui sépare 2 identiques". Evidemment on a là le fondement théorique de l'usage de la réduplication, des copies, des multiples qui a fait une part majeure de la réputation de Duchamp, dans sa corrélation factuelle aux analyses de Benjamin dans l'œuvre d'art à l'ère de la reproductibilité technique. Le fameux geste de Duchamp qui signait une copie, une miniature, une multiplication d'un de se produits mais stt fait par qln d'autre. Il la signait en lui apposant l'incription "pour copie conforme". Car on était effectivement dans l'inframince entre la proposition initiale qu'il avait faite, la copie par qln d'autre ie l'écart du même au même, écart qui est le point de l'inframince et il faut chercher à passer dans cet écart. La pensée c'est ce qui arrive à se faufiler dans la différence de l'identique, dans l'inframince de la différence de l'identique. C'est le vrai sens si je puis dire ontologique de l'usage de la réduplication, des copies, des multiples tirages et de cet attirail optique et réduplicant L'inframince c'est l'exercice du point critique comme point de discontinuité véritable. C'est le point où la discontinuité est donnée absolument bien que minimalement, ie le point de discontinuité du même à l'autre même. Là doit passer la nouvelle pensée productrice et reproductrice. C'est pourquoi il signait sans hésiter. La signature : quelque fois il trouvait que ce n'était pas une copie conforme. Il avait fait un ready-made modifié (la Joconde, LHOOQ avec moustache et bouc) : qln lui a apporté une sans bouc, et il a écrit "pour copie non conforme". C'est pas inframince, mais grosmince plutôt. Toute son activité après les années 30, reproductions, miniatures, duplications ; c'est la pratique de l'inframince en vérité, ie la pratique de la pensée en tant qu'elle assume, identifie l'écart du même au même comme discontinuité ou point critique.

5ème point : la séparation de l'idée

L'idée n'est pas incarnée, déployée grossièrement dans l'œuvre, mais elle reste séparée, elle touche l'œuvre, elle touche la surface de l'œuvre. Elle est donnée dans une séparation touchant la surface, pas d'incarnation. L'idée est là, c'est de ça qu'il s'agit, mais elle est justement au point inframince qui sépare l'être là de l'idée de l'idée elle-même. Ie que c'est ça l'art : l'art c'est faire passer la pensée dans le défilé très étroit qui fait que l'idée touche la surface au point de toucher il y a une indiscernabilité entre l'idée et l'être là de l'idée, mais ça ne veut pas dire qu'elle n'est pas séparée.

Par exemple, comment l'idée du hasard touche-t-elle la surface du grand verre, vient-elle, comme l'oiseau à la surface de la mer, toucher la Mariée mise à nu ? Il a pris un petit canon qui tirait des allumettes, et il a mis un peu de peinture sur ses allumettes. Puis il a tiré 9 coups de canons sur le grand verre (3 fois 3). Il a eu 9 impacts sur le verre, et ensuite a travaillé ses impacts. Pour les consolider il a troué le verre à chacun des impacts. Autant vous dire que quand on le reproduit, pour être sûr que les impacts sont exactement au même endroit, on ne peut pas retirer avec le canon, il faut calquer au 10ème de mm près. C'est le biais par lequel Duchamp arrive à ennuyer ses imitateurs autant qu'il s'est ennuyé lui-même. Et encore il dit lui que lorsqu'il tirait au canon, il s'amusait comme un gosse. Mais ses successeurs n'auront pas droit à ça. Vous voyez que la stratégie ici (car les choses sont toujours à la fois amusantes ou dérisoires et grandioses chez Duchamp ie complètement intellectuelles) il y a aussi un point d'indiscernabilité entre qch qui paraît être un jeu d'enfant et qch qui paraît être une méditation extraordinairement compliquée. Il s'agit en effet d'adopter une stratégie qui va marquer la surface par l'idée du hasard, qui va l'y inscrire dans la surface de la chose, et l'y inscrire pour toujours, le hasard va être inscrit pour toujours, exactement comme la constellation de Mallarmé finalement mais sans que finalement la surface elle-même soit comptable de cette idée : elle n'est touchée en ce sens qu'en surface. Ce n'est pas la construction générale de la toile, la symétrie etc… qui rend raison des impacts. C'est entièrement extérieure à la surface elle-même mais ça inscrit dans la surface elle-même quoi ? et bien l'idée pure du hasard. L'idée est inscrite présente là, mais elle reste séparée pourquoi ? Parce que Le Grand Verre n'est aucunement le corps glorieux de cette idée, et n'est en rien comptable comme corps glorieux, ou totalité magnifique de ce qui lui a été infligé par le canon d'n enfant. L'œuvre est simplement  touchée par l'idée, comme dans un jeu quand on dire

Conclusion :

Pour toutes ces raisons Duchamp est allé plus vite de 1912 en 1922, en 10 ans, pour atteindre dans l'ordre de l'art le point critique, et il a fait en réalité de ce point critique de l'idée l'enjeu de l'art selon une ligne qui n'a pas été la seule au 20ème siècle. Il a adopté une ligne déromantisée et désubjectivée. Cette ligne, comme dans l'ambition la plus haute de Mallarmé, consiste à livrer la capacité artistique à la foule, au quelconque, comme Mallarmé (il veut créer une cérémonie nouvelle). Duchamp : il s'agit bien pour lui de se déprendre de toute génialité (singularité comme source de l'œuvre), dans cette entreprise calculatrice, par un artisanat simple ou compliqué. Il s'agit de ramener l'art à la pure action anonyme. L'inscription de l'idée après tout n'est pas distincte de l'action de l'idée, comme acheter une pelle… Art ne signifie pas faire mais agir pour Duchamp. C'est un rêve communiste à sa manière (malgré l'indifférence monumentale de Duchamp pour la politique : il s'enfuyait dès que la situation était dangereuse, ailleurs dès qu'il y avait une guerre, même des USA !). "l'art pour moi était mort, par le fait qu'au lieu d'être une entité singularisée, il serait universel, ce serait un facteur humain dans la vie des gens. Chacun serait un artiste, mais méconnu en tant qu'artiste". C'est ça le but : faire de l'art chose commune, comme la directive de Rimbaud. Ce n'est pas n'importe quoi est de l'art, ce n'est pas la métamorphose mais n'importe qui est un artiste. Il n'a cesse de dire lui-même qu'il a tout fait pour être méconnu, pour organiser le retard des choses. C'est une forme rationnelle de l'idée générique et ancienne d'un engloutissement de l'art par l'action ordinaire.

C'est le 1er exposé

 

On pourrait tout reprendre à partir de 2 points et reparcourir tout ça dans une axiomatique assez distincte, à partir de 2 rq. Ce sont les suivants :

- la fonction décisive dans son itinétaire du refus opposé à son travail, importance subjective cruciale, il y a eu 2 refus D'abord en 1912 par le Salon des Indépendants de sa toile Nu descendant un Escalier. C'est un épisode fondamental de placement. C'est le refus français. Il a eu sa revanche aux USA dès 1913 mais ça n'a jamais effacé le refus français.

Ensuite le refus de Fontaine en 1917 par la Society of Independant Artist. C'est le refus américain.

Ce sont des épisodes cruciaux qui peuvent servir de point de départ à une autre traversée de son oeuvre qui cette fois va l'inscrire dans l'historicité de l'art, dans la séquence de l'art contemporain 1910-1920. En 1968, un an avant sa mort, idolâtré, la rancune perce encore : "n'oubliez pas que cela na jamais eu de succès jusqu'à récemment tout récemment"

87 min

- la fonction de la signature

- la fonction de l'érotisme

 

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