Mathématiques du transcendantal

Alain Badiou (1° semestre 1998)

 

 

21 janvier 1998                                                                                                                            1

28 février 1998                                                                                                                            3

7 mars 1998                                                                                                                                 7

14 mars 1998                                                                                                                               9

 

21 janvier 1998

 

Récapitulation

1. La relation est constitutive de l’ordre de l’apparaître et de la localisation, de la logique.

Établir une réciprocité entre l’ordre de l’apparaître et la logique. Cf. la logique pensée comme pensée de l’être-là prise selon le « là » et non selon l’être.

L’entrée de cela se fait par la pensée de la relation.

2. On entre dans la pensée de la relation par la relation première qui subsume le même sous l’autre et non par la mêmeté, ou l’identité.

3. En ce sens, la relation élémentaire est la relation d’ordre. Comme les relations gravitant autour du même, la relation d’ordre est réflexive et transitive. L’incise de l’autre est qu’elle est antisymétrique. Cf. l’antisymétrie est l’entrée en scène de l’altérité.

Dans son essence l’apparaître est un ordre (ce que l’être n’est pas).

Ceci est une intuition de Kant : pourquoi y a-t-il de l’ordre dans les phénomènes ? Cf. la « législation des phénomènes ». Cf. le « caractère lié des représentations ». C’est une question de la Critique de la raison pure. Qu’est-ce qui fait que les représentations constituent un monde ? Kant prend comme fil conducteur la science des phénomènes qui donne une sûreté à l’investigation. Mais ce n’est pas l’essentiel. L’essentiel est que le monde consiste, que ce qui nous apparaît n’est pas dans l figure du chaos.

Il est de l’essence de l’apparaître de nous imposer un ordre.

Pour Kant, cela vient du sujet transcendantal : le sujet est prescription d’ordre pour l’expérience en général. Soit : on trouve de l’ordre parce qu’on l’y a mis. D’où quelque chose de tautologique dans le raisonnement.

Quant à l’être en tant qu’être, pour Kant, nous n’en savons rien. Cf. Quant à la chose en soi, elle est inaccessible à l’entendement.

Comme Kant nous pensons que le phénomène élémentaire est celui de l’ordre.

4. On peut lire la relation d’ordre de trois façons : algébriquement, topologiquement, logiquement ou plutôt de quatre façons car également dans son être, dans la multiplicité pure.

La pensée ontologique est la pensée déliée, dans son déliement sous-jacent.

La relation entre éléments de A et de B a pour site le produit de A et B car une relation est ici un sous-ensemble du produit AxB. Ici la relation est donnée dans son inertie d’être (ce qu’on appelle mathématiquement le graphe de cette relation).

Distinction nominale entre relation et son graphe car dans son graphe, la relation n’est pensée que dans son être et non pas dans son apparaître. Cela écrase l’intuition de l’apparaître relationnel.

L’idée de relation (comme celle de fonction) doit emporter la dimension d’altérité, l’orientation, le lien. Le graphe n’est qu’un tracé après-coup et non pas l’apparaître effectif. Le graphe, c’est ce qui est gravé.

I. Ceci est une lecture ontologique.

II. Lecture algébrique (ou neutre, où « relation » veut seulement dire relation) : le caractère strictement relationnel de la relation. Cf. l’opération : la relation est ce qui opère.

L’algèbre est la pensée de l’opératoire, de ce qu’est une opération. D’où l’ordre comme figure de l’opératoire.

L’apparaître, c’est aussi cela : une figure de ce qui opère. Cf. « x £ y » se lit : « x est en relation avec y ».

III. Lecture topologique : « x a une proximité avec y ».

le lieu, le là apparaît sous-jacent. Cf. tout ordre est disposition de voisinages. Il faut partager le là pour qu’il y ait relation. Là où ça apparaît, il y a du proche et du lointain  (cf. intuition heideggerienne).

De quoi l’être en tant qu’être-là est-il proche ? Cela n’est pas une constitution extérieure.

IV. Lecture logique : « y est au moins aussi vrai que x ».

x et y sont ici pris sous une évaluation.

Cf. la question de l’existence comme différent de celle de l’être.

On appellera existence ce qui de l’être apparaît dans l’apparaître.

Cette existence sera évaluée. D’où des degrés d’existence (cf. « exister plus ou moins »). Donc il y aura du ± vrai : cf. « y existe au moins autant que x ». Cf. l’être de y apparaît au moins autant que celui de x.

La logique est une théorie de l’existence et pas une théorie de l’être ; et de l’existence normée : avec un plus ou un moins. (alors qu’il n’y a pas de degrés d’être, de plus ou de moins d’être).

Toute philosophie qui entre dans des degrés d’être rentre dans une théologie rationnelle. On y plonge l’être dans une structure d’ordre où Dieu est le maximum d’être. Quel est alors le minimum d’être ? Le néant ? Le Mal ? La matière ?

Cf. St Thomas d’Aquin et sa théorie du degré d’être. D’où que tout degré d’être possible se réalise : cf. les anges ! Ex. = une intelligence finie non matérielle (incorporelle) doit être. Il n’existe pas de trous dans la structure d’ordre.

La question en jeu est le statut de l’ordre : est-il ou non directement une catégorie ontologique, de l’être ? Oui pour Aristote, St Thomas.

Pour nous , ce qui de l’être de l’ange apparaît est quasi—nul. Il existe des degrés d’existence et non pas d’être.

Des degrés d’existence, cela peut aussi se dire des intensités.

La théorie de l’apparaître est une théorie des intensités, ou de la force. L’apparaître est le lieu de la force.

Contre le point de vue généralement admis où la logique est ce qui est hors intensité car c’est purement formel.

Cf. Kant pour qui la logique relève du jugement analytique, soit la pensée détendue. Pour Kant, l’intensité commence avec le jugement synthétique.

Cf. pour Kant, la logique a été trouvée dès le début, dès Aristote, et il n’y a plus de progrès depuis.

Ici, c’est le contraire : la logique est un lieu d’intensités.

Ce lieu va être :

• sur la question de la négation : il faut que cela puisse ne pas exister ;

• sur la signification du quantificateur $ car il faut une gradation de l’existence. Il y aura alors une existence maximale mais pour autant absolue.

Cf. logique modalise l’existence. D’où une intensification de la négation, de l’existence c'est-à-dire plusieurs manières de les comprendre.

Comment alors s’articulent l’absolue invariabilité de l’être et la variabilité de l’existence ? Comment tout cela fait une situation ? Comment penser cela contre Kant et son idéalisme ? Comment penser l’unité de l’ontologie et de la logique ?

 

Ce qui fait la chair dans une catégorie, c’est l’isomorphie c'est-à-dire un mixte du même et de l’autre. C’est le même non—identique.

Cf. Platon (Le Timée) : pour qu’il y ait un cosmos, c'est-à-dire un univers naturel, il faut qu’il y ait un mélange du même et de l’autre. « Pour mélanger, le démiurge doit intervenir par force, avec violence ». Ce n’est pas naturel. Un cosmos squelettique est privé de vie car la vie, c’est un mélange du même et de l’autre.

 

L’espace de l’ordre est le lieu pour des limites. C’est une caractéristique majeure de la relation que de rendre pensable ce qu’est une limite.

Cf. une philosophie de l’apparaître est une philosophie de la limite (comme de l’intensité). La limite concentre la question de ce qu’il y a d’universel dans l’apparaître. Cf. Kant…

Qu’est-ce qu’il y a d’universel dans  l’apparaître ? La réponse est la possibilité de limites.

La logique est la théorie des limites de l’existence (limite au sens de la théorie des topos : ce qui au regard de l’existence est en position d’universalité et d’unicité).

Cf. dans la métaphysique

1. Définition de Dieu comme limite de l’univers.

2. Preuve de l’existence de cette limite.

Cf. les limites dont l’existence est capable.

Si on interprète logiquement un ordre, un maximum est ce qu’il y a de plus vrai.

De quelle limite l’existence est-elle capable ? Soit encore : De quelle vérité l’existence est-elle capable ? Telle est l’unique question de la philosophie.

28 février 1998

Pourquoi le concept d’algèbre de Heyting est-il si important ?

Il va désigner la structure immanente de l’apparaître lui-même.

La thèse est que toute situation d’être, toute figure de l’être-là contient dans sa composition multiple quelque chose comme une algèbre de Heyting.  L’instance de localisation de l’être comme tel, et par conséquent le principe immanent de l’existence, se découvrira être dans sa structure (dans sa forme) une algèbre de Heyting.

Quel nom philosophique donner à cette structure ? J’ai longtemps hésité.

Il s’agit de l’être tel qu’il ne peut s’appréhender qu’en situation. En effet, il n’y a pas de Tout : le Tout n’est pas. L’être est donc astreint à être-là. Sinon, il suffirait de se donner une loi du tout (comme chez Hegel où le principe du tout est l’autolimitation de l’être).

Si l’effectivité de l’être n’est pas son autolocalisation, alors il faut l’appréhender en situation. La consistance du là lui-même, ou la consistance de la situation comme situation, est la consistance logique.

Quel nom donner à cela qui est immanent à la situation (sans être un langage, une syntaxe ni renvoyer à un sujet constituant) ? La prescription d’ordre doit être interne à l’ordre lui-même. Cf. un principe d’ordre phénoménal doit lui-même apparaître.

Le nom proposé est : le transcendantal de la situation.

1. La questions que nous nous posons est à certains égards kantienne. J’appelle « kantienne » la question suivante : Comment se fait-il que la phénoménalité est consistante ? Il ne s’agit pas là des liens entre l’être et l’apparaître car Kant répond qu’il n’y en a pas. Il s’agit de savoir qu’est-ce qui fait qu’il y a un monde plutôt que le chaos ? Et telle est bien la dimension critique de Kant.

Kant dit : on ne peut répondre à la question métaphysique de Leibniz : « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » et il la remplace par la question : « Pourquoi le divers phénoménal est-il lié ? »

Sa question est donc logique plutôt que phénoménologique. Kant la logicise jusqu’au bout : Comment un jugement synthétique a priori est-il possible ? Il appelle cette question une question transcendantale.

Transcendantal s’oppose pour lui à transcendance (c'est-à-dire au fait de penser l’être en soi).

Qu’est-ce qui fait qu’une situation d’être consiste ? Qu’est-ce qui fait qu’il y a des univers ?

2. Deuxième raison pour la nomination « transcendantal » : le transcendantal suspend l’antinomie, l’alternative entre transcendance et immanence parce que c’est une démarche qui porte sur les conditions de possibilité : « À quelles conditions y a-t-il… ? »

Chez Kant, le champ transcendantal est borné par deux transcendances :

— l’être en soi, inaccessible à la connaissance ;

— une transcendance du sujet transcendantal.

Il va progressivement mettre quelque « chose » dans la première : l’art… La seconde, il va s’en occuper dans la Critique de la raison pratique, qui va venir remplir cette transcendance vide.

Donc transcendance de la chose en soi, et transcendance du sujet comme tel.

Notre démarche (logique) a provisoirement (ensuite, nous opterons pour une immanence intégrale) besoin de ce suspens. Cf. d’ailleurs Platon : quand il demande « comment un jugement de valeur est-il possible ? », du point même de l’investigation, il suspend (voir le caractère aporétique de ses dialogues, souvent relevé et donc la logique est celle-là).

Transcendantal : À quelles conditions l’être apparaît, l’être-là est possible ?

 

Les différences, maintenant, avec la figure kantienne.

Le transcendantal kantien a une dimension esthétique, au sens de l’aesthesis c'est-à-dire de la  sensation. Ici , ceci n’a rien à voir avec la perception. Il ne s’agit pas des conditions de possibilité de l’expérience, encore moins de l’immédiat sensible. Le là de l’être-là ne relève pas des catégories de l’espace et du temps. Le là n’est ni spatial, ni temporel. Rien ne renvoie ici à l’expérience. Il n’y aura d’ailleurs pas, en ce point, de sujet. Cf. « sujet » n’est pas une catégorie de l’être, ni de l’être-là (il y faut un événement…).

Il y a une complicité certaine du transcendantal et de l’empirisme. C’est d’ailleurs Hume qui a réveillé Kant… Quelque chose de la spéculation commencerait avec la perception. Cela est un motif commun à l’empirisme qui va de Kant à Merleau-Ponty (cf. Phénoménologie de la perception). La philosophie commencerait avec la constitution de la perception comme question. Cf. le philosophe classique que les anglo-saxons comprennent le mieux est bien Kant ! Et les cognitivistes aujourd'hui aiment bien Husserl et l’intentionnalité. La perception serait ainsi le motif premier de la philosophie.

Or il s’agit de rompre avec cela, et d’établir une version absolument non empiriste du transcendantal, une théorie du transcendantal qui n’est tien à voir avec l’expérience.

L’idée d’un champ transcendantal sans sujet est kantienne. Cf. la pensée contemporaine est celle d’une expérience structurée par, soit un champ transcendantal historico—culturel, soit un champ transcendantal langagier. Penser est alors renvoyer l’expérience à sa constitution transcendantale historico—langagière. Donc le transcendantal sans sujet est bien le motif actif aujourd'hui du transcendantal. La démarcation ne porte donc pas sur le « sans sujet ».

La rupture est que ce champ transcendantal est sans expérience, c'est-à-dire qu’il est un transcendantal ontologique. Le transcendantal est conçu comme une dimension de l’être même, il est pensable dans son être quant à sa fonction d’être. Le transcendantal (désubjectivé, désihistoricisé, déculturalisé) ne peut ainsi être que mathématique. Là est le renversement par rapport à Kant car pour lui la question est « Comment la mathématique est-elle possible ? » Nous ne nous posons pas cette question mais plutôt celle-ci : « Qu’est-ce que la mathématique rend possible ? » Qu’est-ce qui, sous condition de la mathématique, est possible quant à l’investigation de la consistance de l’être-là ? Qu’est-ce qui est possible sous conditions des mathématiques ?

Ainsi le transcendantal est mathématisé et non pas condition de l’expérience mathématique.

Ou : Qu’est-ce que la mathématique rend pensable de l’expérience ?

Chez Kant, le transcendantal est descriptible mais pas pensable. Chez lui, quelque chose du transcendantal est retranché de l’être car le transcendantal est la constitution de l’unité du phénomène sans touche de la chose en soi, de l’être en tant qu’être. Il y a donc une sorte d’ontologie soustractive chez Kant. L’être y est bien affirmé (cf. la Critique de la raison pratique au chapitre « Réfutation de l’idéalisme » : « Il y a quelque chose et non pas rien » et cette thèse est présentée comme un théorème : pour Kant, cela se démontre). Il y a donc une ontologie, mais cet être est soustrait à l’expérience : il n’y en a pas d’expérience. Pour Hegel, cette schize est intenable.

Pour nous, comment le transcendantal participe-t-il absolument de l’être ? Comment l’unité de l’apparaître est-elle interne à l’être comme être ?

Cette question est double :

1. Il faut que le  transcendantal soit la loi du générique de l’être : multiplicité pure (et non pas nouvelle qualité d’être). Cf. la pensée du transcendantal est mathématique. Le transcendantal est lui-même multiplicité pure. Il est interne à la situation dont il est le transcendantal. Le transcendantal est une multiplicité singulière de la situation elle-même. Il obéit aux mêmes règles que la vérité de cette situation.

L’immanentisation est donc radicale : pour la vérité et pour le transcendantal, on n’admettra pas qu’il y ait deux types d’être. Telle est la close matérialiste, si l’on tient que matérialisme veut dire : il n’y a qu’un seul type d’être, et qu’on l’appelle alors idée ou matière ne change pas grand chose (et c’est bien d’ailleurs pourquoi Lénine pouvait dire de Hegel qu’il était matérialiste car il n’y avait pour lui qu’un type d’être nommé Idée).

2. Le transcendantal va assurer la consistance de l’apparaître de l’être-là. Il ne serait pas logiquement immanent s’il ne participait pas lui-même de cette consistance. Il faut qu’il consiste dans la situation. Le principe de consistance n’échappe pas à la consistance qu’il règle. Il faut donc que le transcendantal se prescrive lui-même, soit transcendantal du transcendantal (comme il est l’est du reste), et cela n’est pas kantien. Il y a une unité logique comme il y en a une ontologique. Il faut que le transcendantal se transcendantalise. La double dimension de multiplicité pure et de cohésion en apparaître doit s’intégrer dans une unité qui est unité d’univers.

L’univers, ce n’est ni la situation pensée dans son être (c’est une multiplicité pure qui inconsiste), ni la consistance transcendantale elle-même (‘qui est une logique : la logique de l’apparaître) mais l’unité des eux enveloppant doublement le transcendantal.

D’où trois tâches :

1. Identification du transcendantal : c’est l’algèbre de Heyting.

2. Mode propre de l’action du transcendantal : production d’une consistance c'est-à-dire une norme de l’existence, une théorie de la nuance d’être. Cf. l’apparaître est la nuance d’être.

3. Tout ceci compose un univers, une unité onto—logique.

Soit mathématiquement :

1. Théorie de l’algèbre de Heyting (nœud de la logique, de la topologie et de l’algèbre).

2. Théorie du fonctionnement (théorie de l’existence)

3. Démontrer que c’est un topos.

 

Rappels et révisions terminologiques.

On part d’un ensemble partiellement ordonné (cf. c’est la relation d’ordre qui supporte le relationnel et non pas la relation d’équivalence) que l’on dote d’un minimum et que l’on structure par trois opérations algébriques indépendantes : deux sont symétriques car commutatives, et la troisième en général ne l’est pas. On n’a pas besoin de postuler l’existence d’un maximum car cette existence se démontre.

Du point de vue de la théorie des catégories, c’est une catégorie de pré—ordre (une flèche au plus entre 2 objets), dotée d’un objet initial et ayant les produits, coproduits et l’exponentiation. Cette catégorie est alors squelettique (deux objets isomorphes y sont identiques) et cartésienne close (elle a toutes les limites).

On entre alors dans la question de la négation par le complément d’un objet.

Il se révèle que la valeur de la double négation est au moins égale à celle de l’affirmation. Cela n’exclut donc pas un fonctionnement hégelien de la double négation où ~~a > a.

L’algèbre de Heyting reconnaît une supériorité virtuelle de la double négation. Elle constitue une territorialité dialectique. Elle autorise virtuellement une dialecticité sans l’imposer.

L’apparaître est toujours possiblement (virtuellement) dialectique alors que l’être en tant qu’être ne l’est pas.

L’être en tant qu’être est a—dialectique, parménidien (la négation n’y a pas de pouvoir créateur). La logique (qui est théorie de l’existence ou de l’apparaître) est par contre toujours virtuellement dialectique, c'est-à-dire dialectisable.

Tâche : comprendre comment le dialectisable organise l’apparaître du non—dialectisable. Cf. Héraclite —Parménide, ou Hegel — Spinoza.

Ceci va fixer la doctrine du changement. Qu’est-ce qui peut changer ? Pour Parménide, rien ! Ce qui peut changer, c’est la logique de l’apparaître. L’être, lui, n’est jamais dialectique.

La dialectique peut venir. On peut activer la virtualité du dialectisable. Cela peut d’ailleurs être une définition de l’action. Agir = activer du dialectisable.

L’action s’avère ainsi un démêlé entre algèbre de Boole et algèbre de Heyting. Apparaître devient ici une fonction de l’être et non pas une surface de l’être.

Quatre grands principes logiques :

1. Principe de non-contradiction.

Il est inscrit comme tel. Il est le pilier de la pensée en général. Sur ce point, Aristote a raison.

2. Principe d’identité.

On le retrouve dans une algèbre de Heyting.

3. Principe de double négation.

C’est une virtualité dialectique.

4. Principe du tiers exclus.

Ceci n’est pas en général démontrable dans une algèbre de Heyting.

Cette troisième grande loi de la pensée pour Aristote ne se laisse pas inscrire dans le transcendantal. Ce n’est pas une loi universelle. Il n’est pas vrai que tout l’apparaître soit sous ce régime.

Ce qui est vrai, c’est la double négation du principe de tiers exclus ! Ainsi, y compris au niveau des lois logiques, leur double négation a une potentialité de démontrabilité que n’a pas leur affirmation simple.

La double négation est, dans l’ordre du calcul, plus maniable que l’affirmation. C’est là une intuition freudienne. On s’ouvre plus facilement un accès à la vérité inconsciente par la double négation que par l’affirmation simple, laquelle est ici le symptôme. La psychanalyse est donc bien une discipline dialectique.

La maniabilité de la double négation, là où l’affirmation bloque, est une maxime pratique et pas seulement formelle.

Pour Lacan, la psychanalyse est d’ailleurs plus démonstrative qu’interprétative.

 

Trois propriétés ne sont pas en général valables dans une algèbre de Heyting :

1) Le tiers exclus

2) la solution unique des équations du type non—x = A

3) la double négation. Donc il n’y a pas de raisonnement par l’absurde dans une algèbre de Heyting.

On va montrer l’équivalence logique de ces trois propriétés .

Une Ah qui aurait ces trois propriété (équivalentes) est une algèbre de Boole (cf. espace de la logique classique).

Cela montre que la logique classique est un cas particulier de l’autre, et pas l’inverse : la logique classique est enveloppée plutôt qu’enveloppante.

Cela montre que la logique de la théorie des ensembles est booléenne, donc que la logique du multiple est classique.

Existe-t-il alors une algèbre de Heyting qui ne soit pas de Boole ? Oui, et l’exemple canonique est celui des espaces topologiques.

Le rapport entre être et apparaître, pris logiquement, devient le rapport entre ensembles et espaces topologiques.

7 mars 1998

Relation d’ordre  = le relationnel est l’antisymétrie, laquelle est l’atome de ce qui convoque l’altérité. Cf. on part de l’altérité comme phénomène.

Pas d’exigence que cette relation soit totale. Il suffit qu’il y ait de la dissymétrie, de la relation, de l’altérité et il n’y a pas besoin que cette dissymétrie subsume tout.

C’est le « il y a » qui nous intéresse : À quelles conditions y a-t-il de la relation , » C’est une question kantienne.

L’algèbre de Heyting est un point focal dans

la pensée algébrique, combinatoire, opératoire,

dans la pensée topologique (connexion, intérieur—extérieur, ouvert—fermé),

dans la pensée logico—syntaxique.

J’appelle cela transcendantal car il s’agit de ce nœud là.

1) L’apparaître est pensé dans sa fonction d’être. C’est la logique comme telle car c’est une donation de consistance.

Il est de l’essence de l’apparaître de consister, et il est d’essence de l’être d’inconsister.

2) C’est un agencement, le lieu possible d’une analytique qui pense des combinatoires. D’où que cette consistance peut être envisagée comme une algèbre.

3) C’est une proposition de localisation.

On est dans une exploration algébrique avec des commentaires logiques.

 

On a

1. le principe de d’identité

2. le principe de non-contradiction

qui sont universellement inscrits ou transcendantalement vrais.

3. On a une version faible du tiers—exclus

4. et une version faible du principe de double contradiction.

Le tiers exclus n’est pas transcendantalement vrai : il n’est pas une loi de l’apparaître.

 

Une algèbre de Boole identifie le lieu de la logique classique.

Seul le vrai est tel que, nié, il donne le faux. C’est là une propriété philosophique intéressante.

L’algèbre de Boole valide le tiers—exclus. Elle propose une logique du choix, de la décision. Cf. connexion essentielle du classicisme au deux (ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a que deux valeurs de vérité).

L’algèbre de Boole valide le raisonnement par l’absurde.

Le prix payé est que ce n’est pas dialectique. Cf. il y a hétérogénéité entre choix et dialectique !

Le prix payé par une logique existentielle du choix radical est la non—dialectique. C’est bien ce que Kirkegaard objectait à Hegel : on est existentiellement dans le choix, et cela n’est pas dialectisable.

Cf. tension entre l’être (booléen) et l’apparaître (dialectique).

AU pied de l’être, c’est le choix. C’est pour cela que Parménide commence là : il faut choisir entre l’être et le non—être. La pensée commence par la décision. Il y a une décision primordiale, la décision ontologique, comme antérieure à toute pensée déployée.

On se prive alors de l’historicité du négatif, de sa capacité créatrice. Être emporté de le mouvement de l’effectivité est différent d’être au pied de l’être.

L’admirable travail du négatif. La dialectique, c’est la splendeur de l’être.

La négation crée de l’épaisseur. La double négation élargit l’affirmation. Même un point devient épais (la double négation crée une chair au point). On part du vide de l’être, et en le travaillant par la négativité, on en produit l’absolu.

C’est l’algèbre de Boole qui est un cas particulier. La généralité, c’est le dialectisable. Dans l’algèbre de Boole, les opération algébriques ne sont plus indépendantes. D’où un appauvrissement !

L’algèbre de Boole est la monotonie pauvre de l’apparaître transcendantal.

La logique du choix = simplicité opératoire. La dialectique = l’opulence opératoire.

Pour réellement opter, il faut se désencombrer d’une opulence d’être. Cf. monachisme, motif ascétique : l’ascèse est la condition du choix radical.

Encombré de biens, c’est eux que vous choisissez dans un service des biens : ce thème qui paraît éthique est en fait un thème logique.

La logique du choix n’aime pas le motif de l’histoire : cf. Kirkegaard / Hegel. Car il y a l’idée qu’un vrai choix est anhistorique, est inscrit dans l’histoire du transhistorique.

Pensées du choix radical (fondations événementielles) qui interrompent l’histoire.

Cf. peu d’intérêt pour le motif de la vie.

Une algèbre de Heyting est plus vivante qu’une algèbre de Boole.

Dans l’univers des catégories on peut donner forme à l’axiome du choix.

On a démontré que si l’axiome du choix est valide, la logique du topos est booléenne — c’est le théorème de Diaconesku (1975)

Cf. rapport mathématiquement profond entre logique classique et logique du choix.

 

L’algèbre de Heyting enveloppe l’algèbre de Boole. C’est la dialectique qui enveloppe le classique, le décisionnel. Le décisionnel est un cas particulier.

L’essence de l’être, c’est d’apparaître = thèse majeure de Hegel.

C’est pour cela que c’est une renversement de Kant.

Il existe une cohésion de l’apparaître, et l’être est inaccessible dans l’abri de cet apparaître.

L’être n’est rien d’autre que ce qui apparaît dans des figures successives.

Je soutiens que l’être n’est que comme être-là.

L’être est astreint à l’être-là donc à l’apparaître.

Mathématique = pensée de l’être en deçà de la disjonction entre réel et possible. L’être en tant qu’être est l’être en deçà de l’opposition entre possibilité et effectivité. Non pas que l’être mathématique est l’être possible (Leibniz) mais que cette opération n’est pas pertinente.

Cf. procès de Hegel contre les mathématiques : elles ne pensent pas l’effectivité c'est-à-dire c’est pour cela qu’elles sont abstraites : elles ne parviennent pas à l’effectivité.

Mais c’est bien cela penser l’être en tant qu’être.

Si on veut trouver un régime de l’effectivité, il sera bien celui de l’apparaître.

Qu’est-ce qui fait alors fonction d’être dans l’apparaître ?

Penser que l’apparaître est le destin de l’être. Ce qui compte dans le choix, c’est le choix de choisir. Cf. Kirkegaard.

Cf. l’algèbre de Boole restaure la symétrie (en dissolvant l’intercession).

Si quelque chose doit être retenu de l’apparaître (Hegel), alors il ne faut pas réduire l’algèbre de Heyting à une algèbre de Boole. Il faut rendre justice à l’enveloppement de l’une par l’autre. Il ne faut pas raturer la dialecticité au nom de la décision ontologique ce que j’ai un peu fait :

Théorie du sujet = dialectique

— L’être et l’événement = raturage

— ici, c’est le troisième temps.

Il faut donc déployer un agencement d’univers. D’où un espace complexe d’évaluation ce de que c’est que le deux = un espace où le 2 classique va devoir se situer dans l’espace même du 2 dialectique.

 

Toute algèbre de Boole se laisse représenter comme algèbre des parties d’un ensemble (= théorème de Stone). Une algèbre de Boole est identique à un ensemble de parties d’un ensemble. C’est un théorème de représentation très fort qui a une portée ontologique. C’est en un sens très fort que l’ontologie est booléenne. C’est une loi d’être.

 D’où : Comment se représente une algèbre de Heyting qui n’est pas une algèbre de Boole ? Quels en sont les modèles naturels ?

Réponse : les espaces topologiques.

Qu’est-ce qu’une espace topologique sur un ensemble E ? C’est une famille de parties de E. On ne prend que certaines parties et pas toutes.

Ainsi une topologie est un sous—algèbre d’une algèbre de Boole.

Quelque chose de l’apparaître va se donner comme restriction, ou prélèvement.

D’où des mouvements croisés :

— soit l’apparaître est l’enveloppement dialectique de la logique de l’être ;

— soit conçu comme topologie, l’apparaître est une restriction ou un prélèvement sur la logique de l’événement.

Produire la logique de ce chiasme = le concept d’univers.

14 mars 1998

Stratégie ? Enjeu = constituer un concept de la logique dont le rapport à l’ontologie ne soit pas essentiellement de type langagier.

Ou : un rapport entre le logique et l’ontologique qui ne soit pas le rapport entre syntaxe et sémantique.

Cf. en ne passant pas par la distinction sciences formelles / empiriques.

Penser la logique en exclusion interne çà l’ontologie. Cf. importance événementielle de la théorie des catégories.

Au fond dans la théorie des catégories, il y a une présentation de la logique qui ne passe pas par la distinction syntaxe : sémantique.

Ce par quoi cela passe, c’est l’idée d’une construction d’univers possible à l’intérieur de quoi i ly a des fonctions logiques, des identifications logiques mais sans qu’on disjoigne analyses syntaxiques et sémantiques.

Ex. un connecteur logique (exemplairement syntaxique d’habitude) n’est rien d’autre qu’une flèche, qu’un morphisme. Une valeur de vérité (le vrai, le faux… : exemplairement des significations sémantiques) est aussi une flèche. Les quantificateurs eux-mêmes (opérateur syntaxique de niveau supérieur) sont eux-mêmes présentables dans des conditions plus complexes comme une flèche.

Dans le génie propre de la théorie des catégories on part d’une situation globale qui ne propose pas comme telle de distinction intrinsèque entre syntaxe et sémantique.

D’où des questions qui ne sont pas de l’ordre de l’interprétation. Cf. la sémantique est la donation de sens aux chaînes syntaxiques, leur interprétation.

Ici la question de l’interprétation se transforme en une question de présentation. La logique est présenté dans un univers. La logique est localisée, localisable. C’est une conception géométrique de la logique. Localisation diagrammatique dont l’essence est géométrisante. Cf. origine de la théorie des catégories = géométrie algébrique. Cf. rôle central des foncteurs géométriques.

En logique une formule géométrique, c’est essentiellement une formule positive, existentielle positive, essentiellement constructive et positive. C’est comme si dans l’algèbre de Heyting on n’utilisait que le pgi, peut-être pps et pas l’implication et pas la barre.

Formules qui véhiculent dans la localisation constructive. Ceci existe car ceci peut être construit là. Cf. géométrie : existe-t-il le lieu des points ayant telle ou telle propriété ?

Dans la théorie des catégories il existe un topologie constructiviste.

Philosophiquement il s’agit de reconstruire la logique en dehors de son impératif langagier.

LA théorie des catégories  n’est ni formaliste (ni axiomatique : elle est une théorie définitionnelle descriptive), ni herméneutiques.

Est logique ce qui tient : « ça tient »

Tout le point est de savoir alors ce que veut dire « tenir ». Ce qui tient c’est une donation consistante en situation : ce qui tient là. Pour part l’être ne tient pas.

Ici, c’est différent d’une logique posée comme langage formel avec ensuite la question de son modèle.

L’apparaître = la venue en consistance de l’être multiple. Cette venue en consistance doit être pensée comme venue.

Non pas théorie de ce qui est venu mais de la venue elle-même. L’être en tant qu’être qui ne vient pas, qui n’a pas à venir := la théorie des ensembles. Dans la théorie des ensembles il n’existe pas de degrés. L’élément appartient ou n’appartient pas. C’est l’un ou l’autre. Il n’y a pas de venue à l’être. Pas de pensée de la venue mais de l’être ou du non—être. Pas de pensée de la nuance.

Logiquement on est dans le tiers—exclus (cf. injonction parménidienne). Il n’existe pas de venue.

Pour Héraclite, il n’existe que de la venue, que de la logique. « L’être est logos », logique pour Héraclite.

Cf. Hegel intitule « Logique » son traité ontologique car pour lui l’être est venue.

Pour nous, l’être de l’être c’est de venir. D’où à tout moment, il y a du degré d’être.

Embrasser les deux dans une unité tenable.

Penser simultanément l’être comme inconsistance immobile qui n’est pensable que sous le tiers—exclus (c’est ou ça n’est pas) et en même temps le régime de la venue en consistance de l’intérieur même de l’être.

La règle de cette venue, c’est cela que nous appelons la logique.

S’il y a une venue à la consistance, on doit pouvoir en penser les degrés.

La thématique de la venue exige une saisie du degré d’apparaître :

— le minimum d’apparaître est le non—apparaître

— le maximum d’apparaître est l’évidence.

Tout ceci est intrinsèque et non pas « pour »un sujet. Apparaître est bien de l’être de l’être, en tant qu’être-là.

Qu’est-ce qui peut étalonner cela ?

Le degré d’apparaître porte sur le distinct ou l’indistinct. Ceci va devenir l’affaire de la différence.

Ce qui apparaît distinctement, c’est ce qui est différenciable.

Toute multiplicité va être indexée sur une algèbre de Heyting quant à sa différenciabilité interne.

 

Toute différence ontologique (théorie des ensembles) est ici localisable : elle admet un point de différence.. La différence en un point entraîne la différence globale. Ceci exclut de pures différences intensives et globales, qualitatives.

L’univers catégoriel est plus deleuzien, bergsonien.

Autre législation de la différence pour l’apparaître. Cf étendue du mouvement.

Cf. Hegel commence la « Logique » par cela = méditation sur « Qu’est-ce que c’est le commencement ? » Il faut dire et penser à la fois « ça est » et  « ça n’est pas ». Il faut penser une dynamique du « déjà » et du « pas encore ». Indistinction du « encore pas » et du « déjà » : c’est cela le commencement, l’essence du commencement.

 

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