Théorie axiomatique du
sujet
par Alain Badiou (1996-1997)
(Notes de François Nicolas)
I (16 octobre 1996) 1
II (13 novembre 1996) 2
III (20 novembre 1996) 5
IV (4 décembre 1996) 6
V (8 janvier 1997) 8
VI (4 mars 1997) 8
VII (19 mars 1997) 9
VIII (2 avril 1997) 12
Du
Sujet il ne peut y avoir que théorie. Il ne peut y avoir d'autre accès au
sujet que dans la construction de son concept. Ceci s'oppose à 3 thèses sur le
sujet :
1) Sujet désignerait un registre
de l'expérience. C'est une thèse qui conjoint sujet et conscience, sujet et schème
réflexif. C'est une thèse phénoménologique.
Or,
depuis le 19°, il y eut toute une pensée critique visant à disjoindre le
sujet de la conscience :
• Marx, puis Althusser. La conscience
n'est pas sujet car elle est production : « L'être social détermine
la conscience. »
Pour Althusser, la conscience n'est pas expérience mais idéologie (et la conscience
de classe n'est pas une conscience). Il n'y a pas de sujet du tout, pour Althusser.
• Freud, puis Lacan. Cf. Inconscient vient nommer l'opération
de disjonction dans sa forme pure. Si sujet n'est pas une catégorie
centrale pour Freud, Lacan la réintroduit par contre dans la psychanalyse.
• Nietzsche, puis Deleuze. La
conscience est une catégorie dérivée de la morale. Ce n'est pas un terme réel.
Le réel est composé de forces. Conscience vient nommer une certaine composition de
forces où dominent les forces réactives, et dont le noyau est le ressentiment. L'essence
de la conscience est le ressentiment. Deleuze : « Toute conscience
est une fausse conscience ». Pour Nietzsche comme pour Descartes, l'espace de la
pensée du sujet serait une typologie : il y a des types subjectifs plutôt
que des sujets ; essentiellement deux : le prêtre et le dionysiaque.
Toute
cette pensée critique disjoint sujet et conscience, ou sujet et expérience, car
la conscience est liée à l'espace de l'expérience.
Le
sujet n'est pas un foyer de l'expérience ; et il n'y a pas d'expérience
du sujet (donation du sujet dans l'expérience). Le sujet n'est pas déterminé
comme figure du réflexif, ce que serait « l'expérience du sujet ».
D'où
la question de l'héritage cartésien, et du sujet comme appréhension immédiate
de lui-même. Lacan est
exemplaire dans cette critique du cogito cartésien. L'inconscient est le nom de
la disjonction sujet / conscience, non pas qu'inconscient nomme ce qui n'est pas
conscient et le serait ou pourrait l'être sur une hypothétique autre scène,
mais qu'il nomme plutôt l'impossibilité même d'identifier sujet et conscience.
Le
cogito lacanien est disjonctif : il disjoint topologiquement le « je
pense » du « je suis » (là où je pense, je ne suis pas ; et
là où je suis, je ne pense pas). Est réflexive toute position qui admet la
superposition locale d'un « je suis » et d'un « je pense ».
Sujet n'est d'aucune façon
une catégorie de la psychologie et la disjonction précédente est l'opération antipsychologique
car l'essence de la psychologie est une conjonction sujet et conscience.
Le
sujet n'a rien à voir avec la psychologie, ce qui n'implique pas nécessairement
l'inverse…
2) Sujet serait une
catégorie de la morale. Sujet serait une catégorie normative, désignerait
d'abord une injonction : tenir tout animal humain pour un sujet,
c'est-à-dire le finaliser (le traiter comme une fin et pas comme un moyen). Sujet
serait le récapitulatif d'un impératif.
Pour
Althusser, Sujet n'est plus qu'une catégorie
du droit.
De
ce point de vue, toute théorie du sujet est une démoralisation du sujet. Et
il faut tenir que l'animal humain peut ne pas être sujet. La théorie du
sujet est une théorie d'une possibilité sous conditions, alors que le Sujet
comme catégorie morale est inconditionné (cf. Kant dit que
l'impératif moral est catégorique car il n'est pas conditionné).
Nous
appellerons humanité ceci qu'il y a la possibilité conditionnée du sujet.
Le
Sujet, disjoint de la conscience n'est donc pas une catégorie de la psychologie
ni de la morale (thèse kantienne ou humaniste).
3) Il
n'y aurait pas de Sujet du tout. Il n'y aurait que de la conscience déterminée
du dehors.
C'est
la thèse structuraliste stricte. Cf. Althusser : « L'Histoire
est un processus sans sujet. »
Sujet, pour lui, était la désignation
de l'interpellation de l'individu par le dispositif complexe de l'État moderne.
Sujet
désigne la forme d'assujettissement à l'État (cf. les Appareils Idéologiques d'État).
Pour lui, l'essence du sujet est l'assujettissement. Sujet est une catégorie du
droit. Sujet
est ce qui peut être jugé, ce qui est susceptible d'être jugé par l'État.
Cf.
aussi Foucauld, surtout
dans son œuvre terminale. Sujet = construction discursive singulière en
courbure d'intériorité, en création d'un dedans, d'un soi (le "souci de
soi" venu des Grecs).
Ni
psychologie,
ni
éthique,
ni
généalogie discursive,
mais
ontologie du Sujet.
Mais
le « il y a » du Sujet relève d'une ontologie paradoxale.
Chez
Descartes :
quel est l'être du « je suis » dans son cogito ? Cet être est
coextensif à un de ses actes (penser) ! C'est paradoxal !
Chez
Kant : quel
est l'être du sujet transcendantal dans la perception originaire ? C'est
un indéterminé (x) corrélât d'un autre indéterminé (l'objet transcendantal x).
C'est paradoxal !
Chez
Sartre, quel est
l'être de la conscience, du pour-soi (Sartre est en effet la dernière élaboration
de la conjonction sujet-conscience) ? Son être est sa néantisation, donc
le néant comme activité, l'activité du non-être ! C'est paradoxal !
Chez
Lacan, il n'y a
pas d'ontologie du sujet. Et tous ses énoncés successifs dessinent une
ontologie à chicanes !
Ce
paradoxe est qu'une théorie du sujet ne se présente pas comme la théorie d'un
objet. Le Sujet n'est pas l'objet de la théorie du Sujet. Il n'y a d'être du
Sujet que théorique. Le Sujet va apparaître comme le bord d'une équivoque de l'être
lui-même. Cette équivoque va se dire de deux manières :
• L'être
se dit au même point comme situation et comme vérité.
• L'être
se dit au même point comme logique et comme ontologie, comme relation (le
rapport) et comme disjonction pure (la multiplicité pure).
Sujet sera le nom de l'équivoque
de l'être. L'être du sujet, c'est le nouage des équivoques de l'être. Le Sujet
est l'équivoque elle-même. Le Sujet est la partie louche de l'être.
Cf.
Pindare :
•
« La rumeur des mortels outrepasse le dire-vrai » (1° Olympique)
•
« Pourtant en un point nous ressemblons soit comme grand esprit, soit
comme nature, aux immortels. » (6° Nénéenne).
Récapitulation
1) Du Sujet il n’y a que
théorie (et non pas « expérience » ; et « sujet »
n’est pas non plus une catégorie normative, ou vide / imaginaire).
2) Ce n’est pas la
théorie d’un inconditionné structural (la théorie du sujet n’est pas théorie
d’un objet ; est-ce une théorie de l’objet ? Ceci est un autre
point…). C’est la théorie d’un processus sous condition.
Il n’y a pas le Sujet. Il peut
y avoir le Sujet.
Un Sujet est un point de
conversion de l’impossible en possible. L’opération fondamentale d’un sujet
se trouve au point où de l’impossible se convertit en possibilités.
Le Sujet est-il une
réalisation d’un possible ? Non !
3) La théorie du Sujet
est une théorie de l’équivoque de l’être.
Cf. Deleuze, face au
protocole de constitution du soi : « Le dedans est toujours une
pliure du dehors ».
Le Sujet est un pli de
l’être, un pliage de la force. C’est un moment d’équivocité où l’être n’est pas
étale ; c’est la partie louche de l’être, celle où il n’est pas étalé.
Il est impossible de penser
le Sujet sans penser une impureté ontologique. Le Sujet macule ou plie la page
blanche de Mallarmé. Le Sujet n’est pas vierge. D’où Hérodiade : comment advenir comme Sujet dans la traversée
d’une vierge ?
Une vérité est une
composition pure de l’impur, une composition subjective, car tout point d’une
vérité est un Sujet.
Le Sujet est l’élément impur
de la pureté du vrai. Le problème d’Hérodiade est d’aller d’une virginité (de l’être) à une autre
(celle du vrai). Cette rêverie philosophique est essentielle.
« Sujet » est un nom de la traversée de l’impur entre
deux puretés dont être et vérité sont des noms.
Pourquoi
« axiomatique » dans « Théorie axiomatique du Sujet » ?
Finalement, que sont les
énoncés primordiaux de la philosophie ? Y a-t-il un nom approprié pour
eux ?
En physique, on parle de
« lois ». En mathématiques d’ « axiomes ». Mais en
philosophie ? Pour son arche classique, on parle de « principes »
si bien qu’il y a des lois
physiques, des axiomes mathématiques,
des maximes politiques et des principes philosophiques.
Cf. Aristote et le livre Gamma de La Métaphysique : « Il y a une science (epistémé) de l’être en tant qu’être ». Et il y a des principes
de cette pensée, au nombre de trois : principes d’identité, de non contradiction
et du tiers exclu. Mais au fond ces principes sont de la logique. D’où la
question du rapport de l’ontologie à la logique. L’argumentaire d’Aristote est
en fait langagier : on ne peut parler sans utiliser ces principes. Et si
on ne parle pas, c’est alors, dit-il, qu’on est un légume. Cf. l’homme est parlêtre. En fait les lois de la possibilité du langage sont
non démêlés des lois de l’être.
Quand Hegel écrit son grand traité
d’ontologie, il l’appelle « Logique ». Cf. Aristote a établit une équivoque constituante entre
ontologie et logique.
Or le Sujet est soustrait à
ces trois grands principes d’Aristote :
1) Un Sujet n’obéit
pas au principe d’identité. On ne peut dire qu’il est ce qu’il est. Il est
constitutivement non identique à lui-même.
2) Un Sujet n’obéit
pas au principe de non-contradiction. Au même point un Sujet est
simultanément susceptible d’être indexé d’un prédicat et de son contraire.
3) Un Sujet n’obéit
pas au principe du tiers exclus : il n’est pas acculé à
« oui » ou « non ». Le Sujet est modal. Il a besoin
de catégories comme « nécessaire », « possible »,…
Il faut donc un abord non
principiel du Sujet.
Chez Platon, quel principe y
a-t-il ?
Dans La République, il y a une opposition explicite entre le principe et
l’axiome. Cf. supériorité de la dialectique sur la mathématique dans cette
sphère de l’intelligible. D’où une opposition entre hypothèses et principes.
Mais qu’est-ce qu’une
hypothèse pour lui ? C’est un énoncé vrai qui ne contient pas en lui-même
l’éclaircissement de sa propre vérité. C’est donc en fait un axiome : une
décision inéclairée.
Platon désigne ainsi qu’il y
a une violence de la mathématique : pourquoi ça et pas autre chose ?
Le vrai ne rend pas compte de sa vérité. C’est là une violence faite à la
pensée, la violence d’une décision (et non la décision comme éclaircie).
Face à cela, le principe est
le propre fondement de sa vérité.
Pour Platon, la dialectique
est ce qui pacifie les mathématiques par auto-éclaircissement de sa vérité. Le
principe est ce qui donne la vérité dans sa lumière. L’axiome est ce qui donne
la vérité dans son ombre, l’ombre décidée de son propre processus.
D’où une difficulté alors
d’accès au principe : puisqu’il est au fondement de sa propre vérité, il
faut déjà le connaître pour le trouver. D’où une théorie de la
réminiscence : on ne le connaît que parce qu’on le reconnaît. D’où la
fable, le mythe…
On a ici un choix :
— Ou alors on s’inscrit
dans le registre de la transcendance hyperbolique : il y a bien quelque
chose d’inaccessible dans le principe, mais ce qui était fait pour éclaircir
devient alors le point d’obscurité. D’où le problème de la transcendance
divine. Cf. l’hypothèse d’un Dieu a une grande puissance explicative, sauf
sur Dieu lui-même ! C’est une donation de sens par le mystère absolu…
Si Dieu a créé le monde, cela explique le monde, mais pourquoi Dieu l’a-t-il
créé ?
Platon dit : on va
donner une image, celle du soleil. Soit une capitulation de la pensée !
— Ou alors on traite le
paradoxe comme tel : comment traiter logiquement la question du principe
qui n’est pas un axiome ? C’est la voie du Parménide (différente de la voie métaphorique dans La République). Le principe, c’est l’Un. D’où une entité entièrement
paradoxale.
Soit :
1° thèse : il
n’existe du principe qu’une intuition poétique.
2° thèse : le
principe est situable dans un réseau paradoxal, au point de paradoxe d’un
réseau logique.
Le principe est le point
d’impasse de la démarche logique (c’est donc différent du principe logique
d’Aristote). Le principe est une entité paradoxale, saisissable qu’au point
d’impasse de toute logique. En ce point, il n’y a plus que le poème. D’où une
compatibilité des deux thèses.
S’agissant du Sujet, la voie
du principe n’est pas pertinente car il n’y a pas lieu de penser que le Sujet
est à lui-même son propre fondement. Cf. la thèse que le Sujet n’est pas inconditionné,
ce qui est l’essence du principe.
Cf.
Aristote : l’essence du principe est d’être inconditionné.
Si la théorie du Sujet n’est
donc pas principielle, il nous reste « axiomes » et « lois ».
Principes => Métaphysique
Lois =>
Physique
Axiomes => Mathématique
Mais il ne saurait y avoir de
lois du Sujet car le Sujet n’est pas un objet. Le Sujet n’est pas un être
naturel. Le Sujet n’est pas coextensif à une nature.
S’agissant d’une théorie du
Sujet, la décision est inévitable. Cf. une théorie du Sujet est validée par son
développement et non par le déchiffrage de ses principes. Qu’il y ait du Sujet
est décidé.
D’où une théorie axiomatique,
ni légale, ni principielle.
Il n’y a pas de voie
définitionnelle ; sinon « Sujet » serait subsumé sous un
concept. Mais l’axiome est différent d’une définition. On ne définira donc pas
un Sujet. Les axiomes vont être les énoncés à travers lesquels le Sujet va être
pensé comme opération.
Une « théorie
axiomatique du Sujet » sera une théorie axiomatique des opérations
subjectives, du Sujet comme opération, du champ subjectif.
Il n’y a pas au Sujet d’accès
empirique, définitionnel, normatif (impératif ), principiel, intuitif (en
un sens non empirique : cf. poétique).
Il y a au Sujet un accès
axiomatique : la disposition pensable d’un champ d’opérations où le
Sujet s’identifie dans ses actes.
Que la théorie du Sujet soit axiomatique
est homogène à un type de pensée de l’être. Si « Sujet » est un pli de l’être, alors il est bien une
opération et non pas une région de l’être. Et si l’être (univoque, non subjectivé)
est mathématiquement pensable, alors une opération de l’être comme est le Sujet
est nécessairement axiomatique car c’est une opération sur fond de mathématique.
Le Sujet va apparaître comme
une mathématique de la mathématique. Cf. l’ontologie est elle-même axiomatique.
Lacan a appelé cela le mathème. Il a légué : pour autant qu’on peut quelque
chose du Sujet, c’est de l’ordre du mathème, et « le mathème, c’est
l ’impasse du mathématisable ».
Le mathème est ainsi au point où je tente de situer le Sujet.
J’ai posé : « la
mathématique de l’être , c’est la mathématique ». C’est un principe
d’économie.
1) « Sujet » ne va pas tomber exactement sous cette mathématique
de l’être car Sujet ne sera pas l’être étalé.
2) « Sujet » va être sous la prescription de son réel. Il
va venir où cette mathématique s’interrompt. C’est une impasse immanente. Cela
va se passer axiomatiquement et donc relève aussi d’une mathématique : la
mathématique du point d’impasse de la mathématique de l’être. Lacan appelle
cela « mathème ».
1) Ce n’est pas la
mathématique.
2) Cela la suppose
absolument de deux manières : comme point d’impasse, comme traitement sous
l’idéal de la formalisation de ce point.
D’où un traitement
axiomatique de ce qui n’entre pas dans les axiomes de l’être. Ce serait sinon
les axiomes du néant. Cf. le Sujet, ce serait alors la négativité, la
néantisation (Sartre).
Cf.
le Sujet chrétien qui s’abîme…
La mathématique de l’en-soi
chez Sartre est élémentaire : l’en-soi est ce qu’il est (principe
identitaire). C’est une mathématique identitaire (l’en-soi sans rapport aucun à
un autre être) ; + (chez lui) la mathématique de la conscience (qui
est la mathématique du néant). Mais la mathématique de l’être contient déjà la
mathématique du néant ! (ce qui est une thèse aussi hégélienne). Cf. la
Théorie des ensembles contient l’ensemble vide et l’être est donc fait de
néant.
On ne placera donc pas
« Sujet » dans la négativité mais plutôt dans la mathématique du
supplément, de l’excès.
Dernier traquenard : la
théorie axiomatique du Sujet n’est pas une métamathématique. On retournerait
alors à une identité réflexive.
Thèse majeure : le
mathème n’est pas une métamathématique, ce qui donnerait le réel des
mathématiques. Cf. le caractère essentiel du « Il n’y a pas de
métalangage » chez Lacan, qui
veut aussi dire : « Il n’y a pas de métamathématique ».
Une théorie contemporaine du
Sujet ne sera donc ni une théorie de la négativité, ni une théorie de la réflexivité.
Cela, ce sont les catégories classiques du Sujet.
Ni mathématique du manque, du
néant, ni métamathématique.
Ni « Sujet » comme négation de l’être (néantisation), ni
« Sujet » comme pensée
de la pensée de l’être (comme point où la pensée se pense).
La théorie axiomatique du
Sujet n’est pas métaphysique.
Il n’y a pas Une opération du Sujet, car ce serait alors forcément
la négativité, ou la réflexivité.
Il n’y a pas d’assignation
du Sujet à l’un (Descartes : l’un de la réflexivité / Hegel :
l’un de la négativité).
Il y a plusieurs opérations
du Sujet.
« Sujet » ne peut
se définir par l’intentionnalité (ce serait un abord phénoménologique du
sujet).
D’où la question de la
compatibilité de cette pluralité. Mais le Sujet ne fait pas un. Aucun Sujet
ne fait un.
Ceci est le salut du mathème.
Si le Sujet faisait un, le mathème serait négativité ou réflexivité. La théorie
du Sujet serait une théorie de la conscience.
Si « inconscient » n’est pas la négativité de la conscience,
n’est pas « ce qui n’est pas conscient » mais désigne des opérations
non identifiables à la conscience (ainsi un rêve à la fois est conscient, et
cependant c’est une opération du Sujet et non de la conscience), la
multiplicité des opérations du Sujet est la seule garantie qu’il y ait de
l’inconscient.
Idée
très importante : l’inconscient n’est pas une dénomination négative mais
positive…
Cf. hommage à Freud et à ses
multiplicités : cf. ses topiques, sa pulsion de mort comme autre principe,
son couple déplacement et condensation…. Freud est un grand penseur de la multiplicité
des opérations.
Si l’inconscient avait été
une seule opération, il serait devenu une seconde conscience.
Premier axiome donc : il
y a une multiplicité d’opérations. Un Sujet ne s’identifie pas par l’opération
singulière qui serait la sienne.
Le Sujet n’est pas dans
l’espace de la logique, même s’il est dans l’espace du mathème.
« Logique » = tout dispositif de langue formalisée
qui vise à être valide dans un modèle quelconque. « Mathématique » renvoie à des singularités identifiables.
Pourquoi cette différence
logique / mathématique touche-t-elle à la question du Sujet ? Parce
qu’il n’y a pas de Sujet universel, de structure universelle du Sujet.
Partir non d’une définition
mais d’une opération. Cf. « axiomatique » veut dire : ce qui règle les opérations
d’un Sujet.
L’acte minimal, atomique d’un
sujet supposé sera « dire »
quelque chose, prononcer un énoncé.
Il est notoire, dans
l’histoire de la philosophie, que toute théorie du Sujet se soutient d’une
théorie de la vérité.
Un prédicat ne vient à un
Sujet que selon la propriété de son acte (ici, le Sujet induit par un énoncé
vrai sera dit « sage »…).
Très
important : cf. c’est l’acte qu’il pose qui qualifie le Sujet, non l’inverse.
Cf. c’est la musique qui fait le musicien…
Tout Sujet est coextensif
à une stratégie.
Un Sujet ne peut s’avérer
quant à ce qu’il est en posant la question « Qui es-tu ? ». Cf. il n’y a pas d’accès direct au Sujet.
Il faut le saisir par son opération et non pas en questionnant « son
être ». Un Sujet n’est pas ce à quoi s’approprie la question de son être.
Sartre définit la
conscience comme « cet être pour lequel il est dans son être question
de son être ». Ceci
vaut peut-être pour la conscience, mais pas pour le Sujet. Le Sujet se
soustrait régulièrement à la question de son être.
Toute opération subjective
fait se lever une loi dont un Sujet ne peut jamais être déclaré l’auteur. Une
loi se lève… Cf. Lacan : « le désir est réciprocable à la loi ». Ceci en est l’un des sens possibles.
Tout Sujet est inconscient.
Il y aura en effet :
la prescription d’une loi,
l’interdit d’une maxime,
l’impossible d’un réel.
Ce nouage est constitutif
d’un inconscient et il interdit d’identifier Sujet et conscience.
Ce qu’est le Sujet n’est
pas dicible par le Sujet.
On appellera « inconscient » quant au Sujet supposé ce qui, par structure,
se soustrait à la question : « Qui es-tu ? »
On peut avoir création
d’impossible (un impossible événementiel, différent donc d’un impossible de
structure). Il arrive toujours qu’un dire original fixe au Sujet un point
d’impossible (quelque chose dit à votre propos vous interdit désormais de dire quelque
chose !).
Une axiomatique du Sujet va
nouer des opérations structurales et des opérations conditionnées (qui dépendent
de la survenue hasardeuse d’un événement). D’où une détermination tressée. Il
n’y a pas de Sujet sans hasard.
Tout Sujet supposé est le
nouage d’une loi et d’un hasard.
Toute théorie probabiliste du
Sujet est une éradication du subjectif : il n’y a plus alors que la loi.
Ici il s’agit de penser que quelque
chose du hasard active une loi.
En effet, qu’est-ce qui
active une loi ? C’est « le cas », c’est-à-dire le hasard. Dans
une théorie du Sujet, la loi se lève, s’active. Cf. Saint Paul : le secret
de la loi, c’est le désir.
La catégorie d’événement
indistinct est essentielle pour toute
théorie du Sujet. D’où un lieu ou de l’indétermination peut fabriquer de la
détermination.
Souvent, on pense le
contraire : le Sujet serait de l’indéterminé dans de la détermination.
Telle est la conception courante de la liberté : comme soustraction aux
déterminations. Il est en fait plus essentiel de tenir l’inverse :
la liberté est de la production de détermination dans de l’indéterminé.
Cf.
la liberté comme responsabilité, selon Nietzsche.
J’appelle « Sujet » une machine à produire de la détermination.
Une opération subjective fabrique de la détermination avec de l’indéterminé.
Soit deux couples qui ne se
recouvrent pas : loi / hasard, détermination / indétermination.
Il peut y avoir de l’indéterminé dans la loi et de la détermination dans le
hasard. Soit le chiasme du Sujet.
Une pensée est ce qui transforme
de l’indéterminé en déterminé.
Sur ce point, je suis
d’accord avec Deleuze : la subjectivation maximale va avec l’impersonnel,
le machinique, le déterminé, l’automate. En finir avec le Sujet comme vecteur
d’une indétermination ouverte : c’est là le Sujet des opinions ! Il y
a peut-être là une conscience mais pas un Sujet. « Toute conscience est
une fausse conscience »
(Deleuze).
Pour Descartes, une vérité
indubitable, c’est le Sujet lui-même. C’est ce que Lacan va critiquer : on
ne peut en venir au Sujet du biais d’une vérité qu’on suppose au même point.
Synthèse
1) Un prédicat vient à
un Sujet non pas selon sa structure mais selon une propriété de son acte.
« Sujet » ne se laisse
pas identifier comme une région de l’être. Tout Sujet est contingent.
2) La question
« Qui ? » (« Qui es-tu ? » mais aussi bien « Qui suis-je ? ») n’ouvre aucun accès au Sujet comme tel. Le
Sujet n’est pas une réponse à la question « Qui ? ». Il n’y a la question que sous condition du
Sujet.
3) Tout Sujet est
inconscient : il ne se laisse pas identifier à une conscience. ce qui se
dit :
— il est sous la prescription d’une loi ;
— il est sous l’interdit d’une maxime ;
— il fixe son réel au
point d’un impossible à dire.
4) L’impossible peut
être structural ou événementiel. Il peut y avoir création d’impossible. Tout
Sujet croise une loi et un hasard. Le hasard est activation événementielle de
la loi (et non pas « loi du hasard », vision probabiliste). En matière
de Sujet, la loi opère par hasard ; c’est par hasard que la loi opère.
Y a-t-il une loi des
lois ? Est-ce selon une loi que la loi opère ? L’opération de la loi
est-elle elle-même légale ? Existe-t-il une loi de l’opération de la
loi ?
Pour une théorie du
Sujet : Non ! Il n’y a pas de loi de la loi.
L’entrée en scène de la
loi se fait par hasard. Ce n’est pas selon une loi qu’opère une loi. La loi
n’est pas porteuse du principe de sa légalité.
Cf. en droit : on
déterre une loi inactive dans la contingence du cas. Si la loi (juridique)
était cohérente, on ne pourrait juger personne. Il faut l’incohérence pour
saisir la subjectivité comme telle.
5) Ce n’est que sous
condition d’une vérité au moins que s’opère l’identification du Sujet.
Cette conviction que
l’identification d’un Sujet ne peut se soutenir que d’une vérité au moins est
l’envoi premier de la philosophie.
Platon
Cf. dans le Ménon de Platon, qu’est-ce qu’un Sujet ? Un Sujet est
ce à propos de quoi se pose la question de la vertu. Un Sujet est ce dont
l’être n’est mesuré que selon l’acte. D’où : la vertu peut-elle prendre la
forme d’un savoir transmissible ? La vertu peut-elle s’enseigner ? Le
Ménon apporte ici une réponse en
partie aporétique. Platon va établir seulement une condition : il faut que
de la vérité soit déjà là. N’importe quel Sujet en a contemplé et peut s’en
souvenir. Mais on ne peut pas s’en souvenir tout seul. Il faut un analyste (cf.
pour Lacan, Socrate est un analyste).
Une vérité conditionne le
Sujet sans cependant lui être accessible.
Cf. Platon traite l’esclave
comme Sujet en faisant surgir la mathématique inconsciente chez lui.
Dans La République, le point le plus difficile est de savoir si les
femmes peuvent vraiment faire de la gymnastique avec les hommes.
Pour Platon,
— « Sujet » est ce à propos de quoi il y a lieu.
— « Événement » est ce qui a lieu et qui fait que « vérité » il y a.
— « Vérité » est la seule garantie possible pour que la
vertu puisse faire savoir.
Descartes
Le Cogito est le point où le Sujet ne s’assure de son être qu’à
rencontrer le roc d’une vérité. Cette vérité n’est pas pour Descartes une forme
ni un énoncé. C’est un acte qui a lieu, qui se passe (et non pas une matrice
formelle). C’est l’acte au moment où la pensée n’est plus intentionnelle (n’est
plus pensée de ceci ou cela).
D’autres philosophies tentent
d’éviter le sans fond de l’acte. D’où des problématiques du fondement
(Aristote, Hegel…).
L’éternité est ce qu’un événement a puissance de créer pour
autant que le Sujet s’y évanouit au profit de sa position de vérité. L’éternité
est l’effet propre d’une contingence radicale !
Une Théorie du Sujet défait
le lien entre éternité et nécessité.
Cf. deux grandes figures de
la philosophie :
• L’éternité est nouée à
la nécessité. D’où une philosophie sans théorie du Sujet.
• L’éternité est nouée à
la contingence. L’éternité advient. Il se crée de l’éternel !
Comment il se crée des
vérités éternelles ? Comment il se crée ce qui désormais aura toujours eu
lieu ?
C’est toujours du hasard
que s’autorise l’éternel. Cf. Nietzsche et Deleuze pour la connexion hasard —
retour éternel.
Qu’est-ce qu’un événement
comme création d’éternité détachable ?
Saisie dans son événement, la
question du vrai est sous un schème hystérique. Tout surgir du vrai est hystérique.
Mais il y a un travail non hystérique du vrai. C’est selon un dire hystérique
qu’une vérité surgit.
Une des formules de
l’hystérie : V(V—>p)
soit : « c’est du lieu de la vérité qu’est prononcé ‘V—>p’. La vérité s’infère ici d’une position de vérité et
non pas d’une autre vérité.
Cf. « Moi, la vérité,
je parle ! » comme
définition de l’hystérie chez Lacan.
Définition de
l’hystérie : la position subjective attachée à une vérité comme
surgissement.
Le Maître, par contre, est le
sujet des opérations de fidélité. Il est celui qui fait processus de la
subjectivation hystérique, celui qui tire conséquence du surgissement
hystérique.
La figure subjective du
Maître est celle de la conséquence. La vérité est ici comme procédure et non
pas comme surgissement.
Le Maître est ici sous
condition de l’hystérique : sans elle, il ne pourrait travailler.
Le travail du Maître est
inachevable. La seconde fonction de l’hystérique est de rappeler au Maître
qu’il faut continuer. L’injonction de l’hystérique est : « Trouve
indéfiniment les conséquences savantes de mon dire vrai ! »
S’il y avait épuisement, le
Maître serait la vérité de l’hystérique. Ce serait dialectique (telle est la
position d’Hegel). Il y aurait un savoir intégral de l’événement.
Le dire hystérique peut être
dit inconscient. L’inconscient de la figure hystérique est la contrainte du
vrai elle-même.
La vérité à laquelle
l’hystérique se noue est inconséquente (elle n’est pas la conséquence d’une
vérité précédente).
La contrainte du vrai est
l’inconscience comme inconséquence.
Mais l’hystérique est l’inconscient
du Maître, car pour lui l’événement est représenté dans une fidélité subjective
par un énoncé séparé qui ne porte pas trace de sa subjectivation.
Le Maître a pour axiome
« p » dont il tire conséquences. Mais cet axiome représente une
figure hystérique.
L’hystérique n’a pas à proprement parler d’inconscient. Elle est inconsciente.
On appellera « inconscient » un énoncé soustrait à son propre régime de
conséquence.
Le Sujet de la fidélité est
un Sujet à inconscient axiomatique : il y a toujours quelque chose à
quoi il croit sans savoir pourquoi (l’axiome est ici un point de croyance
inélucidé, un point constituant et non argumentable). Ce point de croyance rattache
au réel : l’axiome, c’est le réel pour les conséquences.
L’apôtre = celui
qui témoigne de l’événement pour le fidèle.
Toute Théorie du Sujet est
sous condition d’une vérité au moins.
Cf. Descartes :
il faut un point de certitude, il faut qu’il y ait le savoir d’une vérité au
moins.
Il ne saurait donc y avoir de
Théorie sceptique du Sujet. Habituellement on attribue au scepticisme le
subjectivisme ; mais le subjectivisme est en fait sans Sujet !
Si ‘V—>p’ est dit, alors
cet énoncé est vrai, et « p » se détache comme vrai.
L’énoncé ‘V—>p’ force donc
le Sujet à être en position de vérité. Ce n’est pas pour autant qu’il est en
position de vérité qu’il dit cela mais c’est pour autant qu’il dit cela qu’il
est en position de vérité.
Toute
figure événementielle a pour modèle cette énonciation : « S’il y a de
la vérité, alors ceci ou cela ».
Le Sujet hystérique est
divisé entre son dire (‘V—>p’) et le caractère contraint de la vérité de son
dire.
D’où le mathème ou diagramme
de l’hystérie :
Deuxième figure
subjective : celle du Maître qui met au travail l’énoncé « p »
et en éprouve les conséquences. Figure de la chaîne : pour lui, ce qui est
vrai est ce qui est conséquence. L’inconséquence de « p » est
l’inconscient de sa propre position.
L’hystérique est
l’inconscient du Maître.
Le mathème du Maître
est :
Cf. ce pourquoi il y a
« p » est « S barré ». « S barré » est représenté
par « p ». L’événement est représenté par « p » dans une
fidélité qui n’en porte plus trace.
Troisième figure
subjective = celle du pervers.
Le pervers est celui qui se
garde de tirer d’un dire hystérique quelque conséquence que ce soit. Là où le
Maître va témoigner pour l’hystérique, le pervers, lui, est défini par le fait
qu’il a horreur de l’hystérique.
Le Maître est celui qui
accepte de tirer des conséquences de ce qui est proprement inconséquent. Le pervers
entend qu’aucune conséquence ne dépende d’une inconséquence. Il est prêt à sacrifier
à cette maxime la vérité elle-même. Il est structuré par l’interdit de
l’inconséquence comme origine de la conséquences. Il est celui qui nie
l’événement comme tel. D’où sa « contrefidélité ».
Il prétend tirer les
conséquences d’ailleurs. L’inconscient du pervers est le Maître.
D’où son mathème :
Ces trois figures subjectives
donnent une descente progressive du « S barré ».
1) Il y a
l’événementialité inconséquente de l’événement lui-même. Son opération est le détachement.
Le Sujet est clivé.
2) Il y a la fidélité
conséquente à l’événement. Son opération est une production. La coupure
passe entre « p » et sa provenance subjective. Le Sujet est absenté.
3) L’événement est nié.
Son opération est la pratique de l’inconséquence comme (si elle était) conséquence.
Le pervers est le maître du faux, du semblant. Son rapport à l’événement est un
déni. Le Sujet (« S barré ») est ici oblitéré.
Oblitération :
cf. oubli de l’oubli (forclusion)…
Clivage /
absentement / oblitération. Mais ce n’est pas une dialectique : le
pervers, apparemment négation de la négation, n’est pas la vérité de
l’hystérique.
1) Pour l’hystérique, la
conséquence « q » tirée par le Maître est intrinsèquement décevante
au regard du surgir-vrai. « p » est le point d’implication subjective
de l’hystérique qui n’arrive pas à subjectiver « q ».
Pour l’hystérique, le savoir
de q n’est pas à la hauteur de la vérité de p :
2) Pour le Maître, la
vérité est dans la forme des conséquences. Il y a un savoir de p qui n’est pas
exactement dans la figure du vrai :
Cf. Platon qui critique les
axiomes des mathématiques et voudrait les transformer en principes.
3) Pour le pervers, q
autorise rétroactivement la négation de p. Le savoir de q est supérieur à la
vérité de p à laquelle on peut substituer celle de non-p :
Il reste alors une quatrième
position possible :
Pour elle, la vérité de la
pratique de maîtrise n’est pas à la hauteur de ce que de l’événement on peut savoir.
Il y a ici une destitution de la capacité au vrai, soit la figure du Sujet
mort. La mort n’est pas alors la mort d’un Sujet mais une figure subjective !
Récapitulation des signes
utilisés :
S = index du Sujet.
p = un énoncé séparable (ne portant donc pas
trace de sa position subjective d’énonciation).
q = un énoncé quelconque servant d’index à la
conséquence de p
—> = signe de l’implication ou de la
conséquence
/ ou — = barre
de coupure
~ = négation
V = lieu de la vérité
V( ) = vérité de…
S( ) = savoir de…
C’est une matériel littéral
ouvrant aux trois figures du Sujet.
Il est très important de
considérer qu’il y a plusieurs figures subjectives dans la dépendance de
l’événement. Ceci est une transformation par rapport à « L’Être et
l’Événément » où il n’existait
qu’une seule figure subjective : le Sujet y était le point différentiel
d’une procédure ; d’où que l’on pouvait parler « du » sujet de
la procédure.
Ici on peut toujours parler
du sujet de la procédure en visant tout sujet indexé à « p ». Toute
autre vision des choses ferait du Sujet une mémoire (de l’événement).
Ici il y a une trace : la séparation de p.
En politique, le thème de la
mémoire est aujourd’hui une thème idéologique : le gardiennage d’une
vérité serait gardiennage d’une mémoire. Cela voudrait dire que l’événement n’a
jamais vraiment disparu. La mémoire est une catégorie historiographique !
Il faut tenir plutôt qu’il y
a une trace indestructible qui est de l’ordre de l’inscription et de l’énoncé.
Cf. l’extermination des Juifs
d’Europe. Sur le terrain de la mémoire, le révisionnisme prolifère par chicane
historienne. Ce qui est alors raturé est qu’il y ait de l’ineffaçable. Il faut
contre cela tenir qu’il y a de l’ineffaçable quand il s’est vraiment passé
quelque chose. Il s’agit de déclarer : « Cela a eu lieu » et cela est soustrait à la question des preuves.
Comment prouver absolument
que ce qui a eu lieu a eu lieu ? C’est impossible. Le sceptique, sur ce terrain,
l’emporte toujours. Il faut donc tenir la trace d’une déclaration. Cf. Mallarmé :
Naufrage ? Dés lancés ? Mais surgit une constellation détachée !
L’idée qu’on subjective par
la mémoire est erronée. La mémoire ne subjective pas. C’est le contraire.
C’est pour autant qu’on est dans telle figure subjective que la mémoire est
telle ou telle.
Ceci
vaut absolument en musique, en particulier dans l’écoute d’une œuvre.
Le négationniste est lui-même
déterminé par son rapport à cette trace, aux énoncés détachés, à
l’avoir-eu-lieu. Argumenter pour prouver, c’est déjà rentrer dans sa logique
subjective.
Donc tout processus de
subjectivation s’origine d’un événement mais il y a plusieurs figures
subjectives.
Il existe une subjectivité
dont le marquage propre rapport à p est le déni de p. Ce n’est pas extérieur au
sujet. Il faut le réintégrer comme figure du sujet. L’enjeu est de sortir d’une
appréhension dialectique : ce à quoi a affaire le sujet n’est pas le
non-sujet mais d’autres figures subjectives.
Cf. Toute révolution ouvre un
espace où s’identifie une contre-révolution singulière qui n’est pas la résistance
structurelle mais une figure subjective singulière. Le subjectif a affaire à
du subjectif autre et non pas à de l’objectif (qu’il transformerait…).
Chaque figure subjective
devient position d’inconscience pour une autre. Cf. non pas affrontement extérieur
mais il existe une intériorité subjective de la différence des figures
subjectives. Cf. enchevêtrement des figures subjectives et non pas rapport
extrinsèque.
Problème de la nomination des
figures subjectives. Ici j’utilise un marquage psychanalytique. Mais ce
marquage est profondément inessentiel. Ce dont il s’agit là n’est pas de
reformuler la théorie lacanienne du sujet. Le seul thème qui fait ici connexion
est celui d’inconscient. « Inconscient » veut dire ici que « Sujet » se
dit toujours de ce qui est à l’écart de son lieu d’énonciation. Il y a un décentrement
exigé. « Sujet »
n’est jamais identique à « conscience » et « inconscient » nommera cette non-identité.
« Sujet » va prendre un dénotation formelle philosophique dont il ne
faut pas penser que le sujet de Lacan serait un cas ou une exception. C’est
autre chose, même s’il y a une consonance historique.
« Sujet » au sens philosophique, c’est toujours une
conception du sujet telle que la différence des sexes n’y ait pas le dernier
mot.
C’est ce qui fait que le
sujet philosophique apparaît comme une fiction.
Le sujet, au sens
psychanalytique a produit cette destruction, cette révolution qui consiste à
tenir qu’en un certain sens la différence des sexes a le dernier mot. Le sujet
serait absolument et radicalement sexué. Il serait de l’essence du sujet d’être
sexué, comme l’est sa dimension parlante. En psychanalyse, un sujet, c’est
un être parlant et sexué.
Platon, dans le Cratyle, écrit : « Nous autres philosophes, nous
partons non pas des mots mais des choses. »
Cf. pour lui la philosophie ne part pas du langage. Pour la philosophie le
sujet n’est pas essentiellement un être parlant, un être sexué.
Mais un muet asexué
(muet = doté d’une intuition des essences), c’est un ange. Ainsi la
philosophie serait la théorie des anges, ce qui est une thèse des antiphilosophes.
Quelque chose du réel de l’être humain serait manqué selon les antiphilosophes.
La philosophie serait une angélologie (cf. Saint Thomas, Scott…). L’humain de
la philosophie serait une fiction angélique car il serait ni parlant ni sexué.
Il s’agit donc de déterminer
une catégorie du sujet telle que la sexuation ou la disposition du langage ne
soient pas constituantes de son être.
Cf. l’hypothèse : il
n’y a qu’une pensée. Or le sujet de la philosophie est le sujet de cette
pensée comme telle. Pour autant qu’il y a de la pensée, il n’y a pas de
division originaire de cette pensée comme telle. Cf. s’il y a de la vérité, elle est pour tous. Elle
ne peut pas, ni son sujet, être sexuée.
La philosophie travaille sur
une ligne d’universalité stricte. Donc la catégorie de sujet est absolument
différente de la catégorie psychanalytique. Cela ne veut pas dire qu’elles sont
contradictoires, car il n’existe pas entre elles d’unité de plan. La doctrine sartrienne
de la conscience exigeait la destruction de la catégorie psychanalytique de
l’inconscient. Mais la philosophie n’a pas besoin de cela. Elle doit seulement
lui être contemporaine.
Il nous faut donc épurer les
nominations antérieures qui étaient propédeutiques.
On parlera des figures
subjectives de la
1) subjectivation,
2) fidélité,
3) réaction.
Pour la figure subjective
de la subjectivation, l’opération est le détachement. La coupure est sur le
sujet, si bien que le sujet est clivé.
Pour la figure subjective
de la fidélité, la coupure est entre le détaché et le détachement. La
position de subjectivation est en position inconsciente. Le sujet est absenté. Cette figure se soutient d’une subjectivation
première sans en être. Cf. elle relève de la deuxième génération. La
subjectivation dont s’est arraché l’énoncé n’est plus là qu’inconsciente ;
elle est devenue inconsciente. Cf. les militants se réclamant d’une révolution
ayant eu lieu il y a longtemps.
Pour la figure subjective
de la réaction, l’opération est un déni, un déni singulier car il en vient
aux même conséquences. La coupure est pour lui double. Le sujet est oblitéré.
Ainsi toute fidélité a
pour inconscient une subjectivation.
Toute réaction a pour
inconscient une fidélité.
La véritable intersection des
trois figures est « q ». La subjectivation exige qu’on produise
« q ». L’accord sur les conséquences d’un événement n’est donc pas ce
qui identifie une figure du sujet. Les trois sont d’accord sur les conséquences,
et les conséquences, c’est en fait le présent.
L’énoncé initial est toujours
un « a déjà eu lieu ». Le présent subjectif est toujours une
conséquence.
Être d’accord sur le
présent n’est donc jamais ce qui identifie une figure subjective. Être
d’accord sur le présent, c’est le consensus. Être d’accord sur ce qu’il y a
n’est pas identifiant d’une figure subjective. Ce qui l’identifie, c’est le protocole
de la conséquence et non pas la conséquence elle-même. Est consensuelle la
doctrine qui pose que de l’accord sur les conséquences s’en suit une identité
subjective. Et on ne remonte pas de la conséquence à son protocole. Cela
serait une désubjectivation. Et la désubjectivation est la thèse d’une
sujet unique.
Il est donc important de
réintégrer la figure réactive à l’intérieur de l’espace subjectif et non pas à
l’extérieur.
On a :
1) V(p) > Sa(q)
2) V(q) > Sa(p)
3) Sa(q) > V(p)
car V(p) = V(~p) !
4) Sa(p) >
V(q) = ???
Une quatrième figure surgit
dans une combinatoire littérale ! C’est une figure qui destitue toute
vérité du présent. On suppose un savoir des origines qui dévalue toute capacité
de vérité du présent. Cf. « je sais ce qu’il y a eu à l’origine », d’où une dévalorisation du « je »
de la vérité. L’événement, parce qu’il est su, absorbe toute capacité au vrai.
C’est comme si le savoir tuait le sujet.
Ce n’est pas là la figure
réactive qui met la subjectivation au plus loin de la médiation d’un déni de
l’événement. Cette quatrième figure n’est pas le déni de l’événement mais est
dans l’hypothèse de son savoir. Pour elle, il n’y pas eu lieu qu’il y ait eu
subjectivation car je le sais, fût-ce dans la forme d’une énigme.
« p » est renvoyé à une pure et simple autorité et n’est pas ce qui
fut détaché. « p » fut, de toujours, vrai. Je le sais parce qu’il a
été transmis à un savoir qui n’en est que l’accueil.
Existe-t-il alors un mathème
de cette figure ? Où y a-t-il une division du sujet dans ce cas ?
Le sujet se divise ici en
savoir et ignorance. « p » est ce à partir de quoi le S est barré en
tant que sujet d’ignorance et sujet de savoir. Soit
En tous les cas il y a
cela : un retournement de la figure de la subjectivation.
Soit l’éclairé ou
l’inéclairé, le croyant ou le mécréant.
Mais ceci n’est possible que
pour autant qu’une garanti s’attache à « p ». Il faut la vérité comme
garantie intemporelle de p. Une telle garantie est celle d’un sujet délesté de
toute ignorance, d’un sujet supposé savoir intégralement, un sujet plein
c’est-à-dire non clivé dont « p » est conséquence.
Soit
Qu’est-ce alors qui tombe
dans l’inconscient d’un tel sujet ? C’est la conséquence. D’où
Le sujet qui se suppose du
savoir d’une origine garantie par un sujet plein a ainsi pour inconscient la
conséquence, c’est-à-dire le présent. Il est, en tant que tel, mortification
du présent.
Ma
mère !
Cf. le « Discours sur
l’histoire universelle » de
Bossuet : quoi que ce soit qui se passe au présent est mortifié par le déchiffrement
possible d’une providence divine. (ici, S = Dieu). D’où la structure
providentielle de l’histoire !
C’est le mathème de la
subjectivité religieuse. Toute religion soumet la déchirure du sujet à un
savoir originel sous la garantie d’un sujet plein par quoi elle est
nécessairement mortification du présent ce qui se donne comme un « cela
a déjà eu lieu » (qui diffère du
« cela n’a pas eu lieu »
du point de vue réactif). Mais le « cela a déjà eu lieu » est beaucoup plus grave ! Car nous ne
sommes alors co-présents d’aucune vérité. C’est une mortification du présent.
Cf. il n’y a pas de présent. « p » absorbe le temps. Le présent est
ici constitutivement le lieu de l’obscur. L’obscur est alors par excellence le
présent. Pour les trois autres, le clair par excellence est le présent. Cette
figure exige le sacrifice du présent comme lieu de l’obscur.
D’où le sujet obscur (ou
obscurantiste) ce qui recouvre bien d’autres choses que la religion. C’est
une figure subjective présente dans tout espace de vérité. C’est un bord
extérieur car elle ne partage pas le présent. Le 4 est donc un 3+1 !
C’est en un certain sens une figure
de la mort comme figure subjective. Cf. pour Saint Paul, la mort est une
figure subjective. Toute procédure de vérité induit aussi sa figure subjective
de mort.
On a donc un
quadrangle : subjectivation, fidélité, réaction, obscur (ou mort).
Les questions de l’éthique
sont alors de règlements de compte entre ces quatre figures subjectives et non
pas le devenir-sujet contre le non-sujet. De ce point de vue mon petit livre
sur l’éthique était trop court. Il y a en fait un démêlé immanent entre les
quatre figures.
On a donc une donation de
quatre figures du sujet :
1) la subjectivation (ou figure subjectivante), dont l’opération est le détachement ;
2) la fidélité, dont l’opération est la production, ou la conséquence ;
3) la réaction, dont l’opération est le déni ;
4) la figure obscure, dont l’opération est la mortification.
« p »
C’est l’index détaché de
l’événement lui-même. « p » n’existe que pour autant qu’il y a eu
événement. L’événement est fondamentalement un disparaître : ce qui le
caractérise est qu’il n’apparaît que pour disparaître. Il n’est pas de l’ordre
de ce y a. Il est un surgir.
« p » est la seule
entité subsistante de l’événement. Il est l’index événementiel. Ainsi, pour
chaque figure du sujet, « p » est présent en marquage de l’événement.
« p » est détaché de l’événement en ce qu’il ne porte pas marque
d’une figure subjective quelconque, qu’il ne porte pas trace de l’événement
dont il est la trace. La trace de l’événement n’est donc pas porteuse d’un
tracement, ou d’une trace de la trace. Il est là comme un pur supplément.
« p » n’est pas l’événement. Ce n’est pas « p » qui surgit.
Rien n’atteste qu’il marqué par le surgir.
Toute figure subjective est
événementielle car dans sa composition il y a toujours l’index de l’événement.
Il n’existe pas de figure subjective qui ne soit indexée.
En ce point, il y a une
différence importante avec « L’Être et l’événement ». Dans ce livre, il y avait une théorie différente
qui était théorie du nom de l’événement. Le disparaître y était absolu, et ce
qui subsistait était une nomination. Cette nomination était en position de
supplément, soit une disposition de type poétique ou mallarméenne. Il fallait
trouver le nom inaltérable de ce qui a disparu.
Aujourd’hui et ici, la marque
surnuméraire est détachée de l’événement et n’en est pas le nom. La marque
« pro-vient » de
l’événement. L’événement disparaît mais quelque chose s’en détache. Je remplace
donc le nom par un lambeau. Je passe d’une doctrine du nom à une doctrine du
reste : quelque chose reste.
Le nom, cela ne marchait
pas : cela dédoublait le sujet. Il y avait un sujet avant le sujet et pour
la nomination il fallait un deuxième surgir : le surgir du nom. Il y avait donc
un sujet fantôme. Or il n’y a de sujet que sous condition qu’il y a un surgir.
Il n’y a pas de sujet structural. Mais cependant le sujet n’est pas
l’événement. Dans mon livre, il y avait un surgir énigmatique du nom, même
arraché au vide ; et tout événement avait forcément lieu deux fois (cf. la
fondateurs vont toujours par deux ; Saint Paul est bien celui qui a trouvé
le nom !)
J’abandonne la doctrine du
nom qui événementialise le sujet dans son être. Du sujet était présupposé. Or
le sujet n’est pas l’événement.
On admettra donc que tout
événement laisse un reste. « p » a un statut différent du nom de
l’événement. Ce surnuméraire n’est pas, comme le nom, extrinsèque à
l’événement. Il dépend de la structure implicative de tout événement.
Dans la petite théorie du
sujet, on appellera « p » l’énoncé événementiel (et un énoncé est
différent d’un nom). Cet énoncé n’est pas, bien sûr, ce qui énonce
l’événement : cela ramènerait au nom… Dans la grande théorie du sujet,
cela ne sera plus un énoncé mais un reste.
Par exemple, la déclaration
d’amour ne sera plus un énoncé mais le reste de la rencontre. Avec la nomination,
il y avait le risque de considérer la déclaration comme l’événement lui-même.
D’où un risque de transcendantal langagier où l’énoncé serait constituant.
« q »
C’est une variable qui dénote
la conséquence : ce qui s’en suit de « p ». C’est l’index de la
conséquence, de la construction d’une vérité, de son processus. « q »
est la désignation du présent car « p » peut être dit hors-temps car
il commence un temps.
Admettons qu’une vérité soit
séquentielle : l’événement ouvre une séquence, un temps du sujet. Il n’y a
pas « Le » temps ; il y a des temps. Chaque vérité emporte avec
elle son propre temps. Mais « p » n’est pas localisable dans ce temps
car ce temps n’est localisable que pour autant qu’il y a « p ».
« p » est une condition du temps mais non pas « dans » le
temps. « p » est l’index de l’ouverture d’un temps. Dans la séquence
temporelle considérée, il a toujours été là. Il est hors-temps au sens où il
n’y a que des temps et pas « le » temps. Toute figure subjective est
indexée à un temps (par « p ») sans que cette indexation fasse temps,
passe dans le temps. C’est pourquoi « p » n’indique aucun présent.
Quand « un présent fait défaut »
(Mallarmé), on est renvoyé à l’indistinct du temps ; le temps est alors informe,
sans présent. Il n’y pas présent vif du temps que pour autant qu’il est indexé
à une conséquence, qu’il est un « moment de vérité ».
Il y a alors quatre rapports
au présent :
1) Pour la
subjectivation, le présent est reçu comme cela seul qui compte mais aussi et
dans le même temps cela qui déçoit. Le temps n’existe qu’au présent mais le
présent n’est jamais à la hauteur du temps. C’est comme si le présent était une
métonymie insuffisante. D’où une doctrine de l’instant exceptionnel où le
présent serait à la hauteur du temps, le présent détenant alors l’infinité des
conséquences (miracle !). Ainsi l’hystérique demande un peu de présent
mais du présent miraculeux, et cela n’est jamais çà. L’idéal pour l’hystérique
serait la construction d’un instant parfait !
2) Pour la fidélité, le
présent est la vérité même comme production ; le présent est ce qui
produit. Cette figure est maîtresse du présent et donc maître du temps ;
sauf que la provenance de ce temps n’est pas donnée dans cette maîtrise. Cette
maîtrise est donc trouée en amont d’elle-même, avant elle-même. Il y a bien une
adéquation au présent mais en fuite sur sa provenance. D’où le désir d’une
conséquence qui bouche ce trou, le désir que « p » apparaisse comme
conséquence. Soit le rêve d’un temps fondé faisant apparaître « p »
comme conséquence. Il y a donc ici un rapport assuré au présent mais celui-ci
n’est jamais assez fondé. Le thème serait alors qu’il puisse y avoir circularité.
D’où un rapport au présent toujours tendanciellement cyclique, comme une idée
jamais réalisée : il vaudrait mieux qu’il y ait un cycle.
D’où un accord entre
l’hystérique et le Maître sur un « petit » cycle qui ressemble à un
instant parfait. Et c’est bien çà le bonheur : quand on peut
prendre un cycle pour un point !
3) Pour la réaction, il
y a le déni de ce que le présent soit le présent d’une séquence, le déni qu’il
y a « ce » temps. Il y a une déséquentialisation du présent en le
renvoyant à un temps général. Ce présent ne présentifie pas cette séquence. La
réaction affecte « q » à une temporalité indistincte. Il y a deux artifices
pour déprésentifier le présent, pour en faire un présent anonyme :
— renvoyer à un temps
très long : « cela a toujours été pareil » ;
— dissoudre dans des
temps ultracourts : « cela change tout le temps ». Il n’y a plus alors le temps qu’il y ait ce
temps.
Ceci désigne bien un partage
des subjectivités réactionnaires entre traditionaliste (le temps long des racines) et agitation stagnante.
Ainsi la capacité créatrice
d’une figure subjective est profondément liée à sa capacité au présent.
La subjectivité réactive est
celle du temps perdu. Toute oppression est l’organisation de la perte du
temps. Et c’est une figure subjective que d’être dans la perte du temps
subjectif.
4) Pour le sujet obscur,
le présent est récusé : « il n’y a pas de présent » est sa thèse principale. Il est donc mortification
du présent.
Une figure subjective est
donc une figure du rapport au présent. Une figure subjective est une figure du
présent, au choix comme
— irrécusable et
décevant,
— vivant et infondé,
— inidentifiable,
— mortifiant.
Dans d’autres théories du
sujet, le sujet peut être une figure du passé (cf. le sujet bergsonien)
ou du futur (cf. le sujet sartrien qui n’est identifiable que comme
projet). Quelle est l’instance temporale de référence ? Ceci permet de
distinguer des théories du sujet.
Ici le sujet est une figure
du présent.
C’est l’être générique de
tout sujet. C’est ce qui fait qu’il y a sujet, c’est l’être générique du sujet
dans chaque figure subjective. Il est disposé différemment dans les quatre
figures subjectives :
— selon une ligne
verticale de distance inconsciente dans les trois premières (il plonge dans les
profondeurs de l’inconscient),
— selon une ligne
horizontale de dérivation dans la quatrième.
L’être générique du sujet est
l’objet d’opérations différentes dans son placement.
Construisons à partir de là
un diagramme.
Ontologie Logique (être) (apparaître) E autoappartenance | structure
implicative E Î E |
V ® p
╔════════════════════════════════════════╗ espace
subjectif + subjectivation fidélité q obscure réaction espace
subjectif -
╚════════════════════════════════════════╝ |
• Soit E l’événement,
disposé dans son intelligibilité quant à son être (l’ontologie donc) et
déterminé dans son apparaître ou sa figure (la logique donc).
• La détermination
ontologique de l’événement est l’autoappartenance. Il n’y a pas de dualisme
(l’être d’un côté, et l’événement de l’autre) : il y a bien l’être de
l’événement mais cet être de l’événement est en exception, car c’est de l’être
mal fondé ou infondé (il ne répond pas à l’axiome de fondation).
• La détermination
logique de l’événement est sa structure implicative.
• L’événement ouvre à un
espace subjectif où il y a localisation de figures.
Attention : ceci est une transformation
par rapport à « L’Être et l’événement » où l’événement ouvrait à « un » sujet.
• Cet espace subjectif
est polarisé. Et il est inéluctable que l’événement ouvre à un espace subjectif
polarisé.
La figure réactionnaire s’en prend à la
fidélité pour la dissoudre.
La figure obscure s’en prend à la
subjectivation.
« q » est au milieu
de cet espace : il organise la co-présence des figures, de l’espace
subjectif. L’espace subjectif est la • confrontation de quatre rapports au
présent. et il n’y a de présent que quand il y a ces quatre rapports au
présent.
Il s’en suit les quatre
questions fondamentales de la théorie :
1) Comment chemine dans
l’espace subjectif la caractérisation ontologique de l’événement (en sorte de
ne pas avoir qu’une logique du sujet) ?
Visiblement
Alain a incorporé ici mes remarques sur sa conférence…
Il faut ici un examen de la
production de conséquences qui ne saurait être strictement logique. Cf.
L’opération productive a pour horizon une multiplicité générique. Il faut donc
ici s’engager dans l’ontologie de l’espace subjectif.
2) Quelles sont les
opérations dans l’espace subjectif qui lient ou délient entre elles les figures
subjectives ? On en a seulement donné jusqu’à présent une description
structurale.
Ainsi toute réaction est un renégation et tout
réactionnaire est un renégat : cf. son inconscient est la fidélité.
La théorie du sujet est une
théorie de l’espace subjectif. Quelle est alors la logique subjective comme
logique des figures ? Ce sera le problème du topos subjectif.
3) Y a-t-il des types
d’espaces subjectifs, une classification des topos subjectifs ? Qu’est-ce
qui les identifie ?
Cf. L’existence de quatre
procédures de vérité engendre bien quatre grands topos.
Peut-on alors déduire qu’il
n’y a que ces quatre types ? On verra que non. Il n’y a donc pas de
déduction transcendantale des types de vérité. C’est la question de la
contingence de l’humanité. L’humanité est une réalité contingente (si on appelle
« humanité » ce qui est capable de ces choses-là). L’humanité est
contingente et non pas nécessaire, y compris dans ses structures et pas seulement
dans ses réalisations singulières.
4) L’espace subjectif
absorbe-t-il tout ? C’est une question aux lisières de l’éthique.
Le présent où se donne le
temps subjectif comme tel peut-il absorber l’infini de l’espace subjectif et de
la situation ? L’espace subjectif rend-il tout (c’est-à-dire l’infinité de
la situation) présent ? Le présent peut-il épuiser l’infini ?
L’épuisement d’un espace subjectif se fait-il par exhaustion ? À tout
cela, il sera répondu « Non ». Tout n’est pas présent, tout n’est pas
capable de présent. Tout ne peut pas être présenté. Il y a au sens strict de l’imprésenté :
quelque chose qui ne vient pas comme conséquence au présent.
Cette question de
l’imprésenté sera la question de l’éthique : qu’est-ce que le présent
fait de l’imprésenté ?
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