Séminaire sur la théorie des catégories

par Alain Badiou (1993-1994)

 

(Notes de Daniel Fischer)

 

20.11.93                                                                                                                                       1

Structures d'ordre                                                                                                                    5

Logique générale de l'être et structure de l'Un                                                                       8

ALGEBRE DE 1                                                                                                                    12

L'ordre partiel sur 1............................................................................................................ 12

Structure dialectique du Topos bien pointé                                                                           13

Algèbre de 1 (suite)                                                                                                                15

Intersection, union, complément......................................................................................... 15

L'intersection de deux sous-objets...................................................................................... 15

L'union de deux sous-objets de 1....................................................................................... 15

Le complément d'un sous-objet de 1................................................................................... 16

 

20.11.93

J'ai proposé l'année dernière (cf. 21.11.92) une présentation du rapport entre la théorie des ensembles et la théorie des catégories qui différait de celle que j'avais donnée initialement (et dans laquelle les deux théories apparaissaient comme deux entreprises concurrentes de fondation du langage mathématique). Ma nouvelle thèse s'énonce ainsi :

 

 - la théorie des ensembles relève de la décision ontologique, elle prescrit un univers; elle ne contient pas le concept d'univers, qu'elle ne fait qu'effectuer.

 - la théorie des catégories est un protocole de description des univers possibles; la prescription ontologique (la décision d'existence) y est en un certain sens suspendue.

 

 Il n'y a donc pas, dans ma nouvelle présentation, d'unité de plan entre les deux théories, dont la visée propre n'est pas la même. La question de savoir si, au sein des univers possibles décrits par la théorie des catégories, la théorie des ensembles est ou non le meilleur (au sens du meilleur des mondes tel que le fulgure le Dieu de Leibniz) est une question distincte, qui ne remet pas en cause la pertinence de cette nouvelle présentation.

 

 Redonnons les principaux traits de l'option ontologique qui caractérise la théorie des ensembles (qui demeure, selon moi, celle d'un matérialisme absolu de type démocritéen ou lucrècien).

 1. L'être ne se laisse penser, en tant qu'être, que comme multiplicité pure, multiplicité sans autre attribut que son être-multiple. Ou encore : L'Un n'est pas; il y a un étalement multiple qui n'est jamais subsumable sous une figure canonique de l'Un. Pas de principe ultime, pas d'étant suprême, pas de transcendance, ce dispositif est radicalement soustrait à ce que Heidegger nomme l'onto-théologie (il est d'autant plus frappant que celui-ci ait totalement omis dans ses textes jusqu'à la mention des noms de Démocrite, Epicure et Lucrèce; l'existence de cette filière philosophique contredit à elle seule la reconstitution de l'histoire de la métaphysique qu'il a proposée).

1'. Il n'existe aucun constituant élémentaire du multiple, aucune atomistique qualitative, aucune unité dont le multiple serait la composition. Ou encore : tout multiple est à son tour multiple de multiples.

2.  Tout multiple est actuel ; la préexistence de la possibilité comme puissance, i.e. l'opposition aristotélicienne de la puissance et de l'acte (et la problématique de l'actualisation qui l'accompagne) est éradiquée. Il n'y a pas de virtuel.  Le possible n'est pas un virtuel, mais plutôt une possibilité de l'actuel. Conception qui est en conflit avec celle de G. Deleuze, mais qui renoue avec Platon (l'Idée platonicienne n'a rien de virtuel).

 3. Toute différence est localement assignable (si deux multiples sont différents, alors il existe un repérage local, ou en point, de cette différence). C'est ce qu'implique l'axiome d'extensionnalité.  Car si deux ensembles ne sont égaux que s'ils ont les mêmes éléments, il en résulte que deux ensembles sont différents si un élément au moins appartient à l'un et pas à l'autre. Vous concluez donc toujours, quant à une différence globale (entre deux ensembles), à partir d'une différence locale (la monstration d'un élément qui entre dans la présentation de l'un, et non dans celle de l'autre). L'opposition est ici à nouveau avec Deleuze (les différences sont chez lui de l'ordre de la flexion globale) et, au-delà, avec Bergson : c'est l'opposition d'un type de multiplicités composées d'éléments à un type de multiplicités qualitatives qui supposent une intuition globale de ce qu'elles sont.

4. Le point d'arrêt de la composition du multiple comme multiple de multiples ne pouvant être l'un, ou l'unité, est le multiple de rien, soit l'ensemble vide, qui est ultimement le seul nom propre de l'être. Il n'y a pas de fond, ni de fondement, aucune espèce de qualité première ou de matière primordiale dont l'actualisation constituerait la réalité. Il n'y a pas de chaos, pas de désordre premier. A noter que le vide est déjà le mot utilisé par les atomistes grecs, ce qu'ils avaient trouvé de mieux pour désigner le fond le plus dépourvu de fond qui soit. De l'axiome d'extensionnalité s'infère aussitôt l'unicité du vide. Car le vide est ce qui n'expose nul élément, et donc son différer d'avec un "autre vide" est impensable.

 5. L'être n'impose aucune clause de finitude. Il existe certes des multiplicités finies, mais le cas le plus général est celui des multiplicités infinies actuelles. Comme l'avait vu Descartes, l'infini est, dès que pensé comme dimension de l'être-multiple, plus clair et plus distinct que le fini.  L'infini n'est pas l'Un (puisque l'Un n'est pas), mais se présente en outre lui-même comme ramifié à l'infini en multiplicités. Cette banalisation de l'infini, que nous devons à Cantor, est un trait anti-théologique : elle signifie que l'infini n'est pas lié organiquement à l'Un, qu'il n'est en rien principiel.

Il y a une autre thèse encore, laquelle est en réalité un théorème qu'on peut déduire des axiomes fondamentaux de la théorie des ensembles, et donc des principes de l'ontologie du multiple : il n'existe pas d'ensemble de tous les ensembles.

La pensée de l'être quand elle est pensée d'un univers ainsi constitué est la mathématique en tant qu'elle fonctionne dans son cadre ensembliste. Ce qui est opaque dans un tel univers sans qualités, c'est l'enchevêtrement des multiplicités; l'opération de la mathématique revient dès lors à désenchevêtrer les multiplicités (c'est en cela que consistent ses démonstrations).

 * un objet en mathématique ensembliste est une multiplicité complexe; ainsi le nombre 3 est un ensemble composé de l'ensemble vide, du singleton du vide, et de l'ensemble constitué de l'ensemble vide et de son singleton - i.e. des occurrences du vide tissées par des opérations et des ponctuations, et en définitive, une multiplicité tissée du seul vide (c'est pourquoi les objets de la mathématique ensembliste sont radicalement sans qualités : leur analyse, au sens de la séparation des éléments de cette multiplicité, ne redonnera jamais que du vide, i.e. aucun ingrédient qualitativement différencié). L'univers de l'ensemblisme est ontologiquement homogène, en tant que tissé du seul vide, tandis qu'il est opératoirement complexe.

  * une structure en mathématique ensembliste est un type possible d'enchevêtrement de multiplicités. Elle se laisse décrire, par une sorte de phénoménologie de la pensée ensembliste dans son effectivité, de la façon suivante :

par des théorèmes d'existence : telle multiplicité complexe doit exister; elle est contrainte à l'existence par l'univers qui a été décidé : si elle n'existait pas, l'univers serait contradictoire ou inconsistant (la démonstration de ces théorèmes d'existence recourt d'ailleurs le plus souvent au raisonnement par l'absurde). Les théorèmes d'existence engagent quelque chose de l'univers en son entier, mais celui-ci est testé en un point : ils constituent un plan d'épreuve local de la consistance de l'univers.

par des théorèmes de dimension : un objet se voit assigné une dimension nécessaire eu égard à l'univers décidé (multiplicité finie, infinie, ou plus précisément : de telle finitude, de telle infinitude). Un exemple de théorème de dimension connu depuis les Grecs est : les nombres premiers constituent un ensemble infini (dans une formulation bien entendu différente).

par des théorèmes de présentation : tout enchevêtrement de multiples d'un type déterminé est isomorphe à un de ses cas (qui est un objet ou un groupe d'objets); un cas de tel type les exprime tous. La structure est présentée dans une objectivation singulière. Exemple : une algèbre de Boole se laisse présenter comme algèbre des parties d'un ensemble (théorème de Stone).

par des théorèmes d'identification : une famille d'objets ou une structure a en commun une formule ou un trait qui identifie les multiplicités qui la composent; le désenchevêtrement consiste ici à "trouver le lieu et la formule".

par des théorèmes de décomposition : une structure se laisse analyser en opérations combinant des structures plus simples; c'est l'analyse au sens cartésien.

Telle est la phénoménologie élémentaire de l'activité mathématique sous prescription ensembliste; elle  tend, par des procédures qui visent à la simplification, à dés-opacifier, à dés-enchevêtrer les multiplicités. Elle établit ainsi des clairières de l'être, pour emprunter au lexique heideggerien; ce ne sont cependant que des éclaircies locales : le desenchevêtrement a certes tendanciellement le vide pour horizon en raison du caractère homogène de la présentation, mais il n'opère effectivement que sur des segments de la présentation qui sont très loin "en aval" de lui. Je dirais que l'éclaircie de la présentation est polarisée par l'imprésenté (i.e. le vide).

 

La théorie des catégories  ne reprend aucune des thèses de l'ontologie ensembliste.

1. Un objet n'y est identifié (y compris en ce qui concerne sa "quasi-immanence", ses sous-objets) que par ses relations externes avec d'autres objets de l'univers (les flèches).

2. Une différence (entre deux objets, entre deux flèches) peut parfaitement n'avoir aucune assignation élémentaire, être purement globale et qualitative (voire être une simple différence littérale, comme dans le cas de deux objets isomorphes).

3. Il peut exister plusieurs objets vides (ontologiquement vides, sans éléments), "plusieurs" étant ici pris au sens catégoriel : plusieurs vides non isomorphes.

 

  La pensée catégoricienne n'est nullement une prescription d'univers, mais en quelque sorte un dispositif expérimental dont le fonctionnement consiste à spectrographier les décisions ontologiques; et elle le fait du point des contraintes logiques intérieures à ces décisions et inaperçues par elles : la théorie des catégories est un appareil de monstration qui montre quelque chose des décisions ontologiques possibles, quelque chose qui les contraint, mais qu'elles ne peuvent pas dire, bien que cela leur soit immanent. Elle est d'essence géométrique (ou diagrammatique), car sa destination principale est de montrer, plutôt que de démontrer.

 Cette opposition du montrer et du dire n'est pas sans analogie avec la pensée de Wittgenstein: "Sur cela, dont il est impossible de parler, il n'y a qu'à faire silence" (TLP 7.) La théorie des catégories serait le lieu de monstration silencieuse de l'indicible des décisions ontologiques; et comme la dimension du montrer est irréductible à celle du dire, on comprend pourquoi les deux théories ne sont pas réellement en rivalité.

 

 La capacité d'éclaircie réflexive de la théorie des catégories est exemplifiée par un théorème qui dit en substance : si un Topos admet la localisation de toute différence (comme le fait l'univers des ensembles), alors le vide est unique, et il est forcément en position initiale. La théorie des catégories change ainsi une caractéristique observable de l'univers de pensée ensembliste en une loi logique applicable à "tous" les univers possibles qui "ressemblent", quant à tel ou tel principe de pensée, à l'univers ensembliste.  

 On dira que deux flèches parallèles f et g différentes sont élémentairement différentes s'il existe un élément x de leur source qui est tel que fox gox :

           

f g      fox gox                                             

                                 

  La flèche élémentaire x sert de validation locale pour la différence globale entre les actions f et g.

 On dira qu'un Topos est bien pointé si, dans ce Topos, deux flèches parallèles différentes sont toujours élémentairement différentes (toute différence s'y avère en un point). On peut donc dire qu'un Topos bien pointé est un univers possible qui "ressemble" à l'univers de l'ontologie ensembliste en ce qui concerne la thèse sur la différence.

 Or, ce qui est admirable est que cette logique de la différence prescrit aussitôt sa conséquence ontologique : si un Topos est bien pointé, tout objet vide y est isomorphe à l'objet initial 0. On démontre ici la connexion générale entre la thèse sur la différence et deux thèses sur le vide: son unicité et sa position fondatrice (initiale).

  démonstration

Soit un Topos bien pointé, qui ne soit pas un Topos dégénéré. Considérons un objet a non initial (i.e. qui n'est pas isomorphe à zéro); un tel objet existe nécessairement puisque le Topos n'est pas dégénéré.

 De même existent nécessairement la flèche O a (qui exprime le caractère initial de 0) et la flèche Id(a). Ces deux flèches sont des monomorphismes de même cible a; et comme il n'y a pas d'isomorphisme entre leurs sources (puisque a est supposé non isomorphe à 0), ces sous-objets sont réellement "deux" : ils ne sont pas similaires. Ils ont par conséquent des centrations effectivement différentes (qui, elles aussi, existent nécessairement dans un Topos) et qui sont des flèches parallèles (puisqu'elles vont de a vers C).

 Nous voici donc en situation d'avoir deux flèches parallèles assurément différentes. Comme notre Topos est bien pointé, la différence globale de ces deux flèches s'avère obligatoirement par l'existence d'un élément x de leur source commune qui avère cette différence; ceci impose que a possède au moins un élément, et par conséquent a n'est pas vide. Nous avons ainsi démontré que si a n'est pas isomorphe à zéro, alors il n'est pas vide. Ce qui se dira aussi bien : s'il est vide, alors il est isomorphe à zéro.

 Dans un Topos bien pointé, "vide" et "zéro" (ou initial) s'avèrent être des concepts de même extension donc substituables l'un à l'autre. Et comme nous savons qu'il n'y a qu'un zéro (au sens catégoriel : tous "les" zéros, ou toutes les lettres qui les nomment, sont isomorphes), il faut en conclure qu'il n'y a qu'un seul vide.

 Ainsi l'unicité fondatrice (initiale) du vide est-elle l'effet ontologique de la thèse en pensée sur la différence.  

Structures d'ordre

Soit un univers littéralisé (i.e. constitué d'entités marquées par des lettres), et supposons qu'y soit définie une relation d'ordre (notée et que l'on lira : "plus petit ou égal à"); elle obéit aux propriétés suivantes :

 - réflexivité : x x

 - transitivité : si x y et y z, alors x z

 - anti-symétrie : si x y et y x, alors x = y

 Il s'agit d'une structure d'ordre partiel : relie certains termes de l'univers, mais d'autres restent incomparables. On peut citer deux exemples de structures d'ordre partiel : la relation d'inclusion entre les sous-ensembles d'un ensemble (notée ), et la relation logique d'implication (notée ). Ces deux exemples ne sont pas choisis au hasard; l'un relève de l'ontologique et l'autre du logique et le fait que la relation d'ordre leur soit commune laisse supposer qu'elle joue un rôle fondamental dans la connexion logico-ontologique. Les structures d'ordre avaient déjà été isolées en tant que telles par Bourbaki, comme s'il y avait là une dimension singulière de la pensée, irréductible aux structures algébriques et aux structures topologiques; cette autonomie des structures d'ordre tient en fait à leur situation d'interface entre l'algèbre et la topologie, de même que, sans avoir réellement de domaine propre, elles jouent un rôle de médiation entre le logique et l'ontologique. Nous tâcherons par la suite de comprendre pourquoi la pauvreté axiomatique de la structure d'ordre ne l'empêche pas d'exercer une puissance diagonale sur d'autres domaines.

 Y a-t-il une transcription catégorielle possible de la relation d'ordre ? Soit une catégorie ayant la propriété suivante : il y a au plus une flèche entre deux objets de cette catégorie (symbolisons  une telle flèche par  ).

- Puisque c'est une catégorie, la flèche identique Id(a) - a objet quelconque - existe nécessairement et, dans la catégorie particulière que nous considérons, c'est la seule flèche de a vers a : a a

- Toujours d'après les réquisits minimaux des catégories, si les objets a, b et c sont reliés entre eux de telle sorte que a b et b c, alors existe la composée de ces deux flèches, elle-même unique dans la catégorie considérée : a c. Donc, si a b et b c, alors a c.

- Soit les deux flèches f et g reliant a et b de la façon suivante :

 

 

g o f = Id(a)  - identité évidente puisque dans cette catégorie bien particulière, il n'y a qu'une seule flèche de a vers a, qui est Id(a). De même f o g = Id(b); f est donc un isomorphisme et a est isomorphe à b. Autrement dit : si a b et b a alors a et b sont isomorphes (ce que l'on peut assimiler à l'égalité dans la propriété d'anti-symétrie).

 Si dans une catégorie dotée d'une structure d'ordre, il existe un objet plus petit que tous les autres (notons le 0), on aura 0 x et il s'agira d'une catégorie à objet initial; de même s'il y existe un objet plus grand que tous les autres (notons le 1), on aura x 1 et il s'agira d'une catégorie à objet terminal. Il s'agit respectivement, si l'on prend la relation comme exemple de structure d'ordre, de l'ensemble vide et de l'ensemble E lui-même; et s'il s'agit de la relation , du faux (le faux implique possiblement n'importe quelle proposition de la catégorie, ce que les logiciens du Moyen Age avaient déjà bien vu : ex falso sequitur quodlibet), et du vrai (une proposition vraie est véridiquement impliquée indifféremment par une proposition vraie ou par une proposition fausse); la catégorie "calcul des propositions" s'espace entre le faux et le vrai (de la même façon que nous avons vu qu'une catégorie à clôture cartésienne non dégénérée est fibrée par l'axe qui relie 0 et 1); les autres propositions (celles qui sont situées entre ces deux extrêmes), ce sont celles qui sont susceptibles d'être vraies ou fausses, celles qui n'ont pas encore été validées comme fausses ou vraies. Rappelons à ce propos une règle fondamentale du calcul des propositions qui nous servira souvent : il n'y a qu'une seule circonstance au cours de laquelle l'implication est fausse, c'est lorsque l'antécédent est vrai et que la conséquence est fausse (si p est vrai et que q est faux, l'implication p q est fausse).   

 

  Pour que cette catégorie admette les produits, il faut qu'y existe un objet tel que (cf. déf. du produit) : cet objet soit plus petit ou égal que a et que b; et en outre, soit c un objet quelconque qui soit plus petit ou égal que a et que b, que c soit plus petit ou égal que l'objet que nous cherchons à caractériser. Celui-ci est donc le plus grand de tous les objets plus petits que a et que b. On l'appellera le PGI (pour "plus grand inférieur de a et de b"). Par dualité, on dira que la catégorie admet les co-produits, s'il existe un objet qui soit le plus petit de tous ceux qui sont plus grands que a et que b. On l'appellera PPS (pour "plus petit supérieur et à a et à b").

 En ce qui concerne la relation , l'intersection des sous-ensembles A et B (A B) correspond, en terme catégoriel, au produit (elle est ce qu'il y a de plus grand dans ce qui est plus petit que A et que B) et l'union des sous-ensembles A et B (A B) correspond au co-produit (elle est ce qu'il y a de plus petit dans ce qui est plus grand que A et que B).

 Qu'en est-il de la relation ?  Ce qui correspond au produit, c'est la disjonction (le connecteur logique "et", noté ); en effet, nous cherchons à caractériser une proposition r telle que :

  r p et r q ; soit une proposition t qui implique à la fois p et q (t p et t q), t r

il est clair que r est identique à p q

 De même, il est aisé de voir qu'au co-produit, correspond la conjonction (le connecteur logique "ou", noté ); en effet, la proposition r que nous cherchons ici à caractériser est telle que :

  p r et q r ; soit une proposition t impliquée à la fois par p et par q (p t et q t), r t

r est identique à p q

 

On appellera catégorie d'ordre une catégorie

  - dont les objets sont reliés entre eux par une flèche au plus

  - possédant un objet initial, un objet terminal,

  - et admettant les produits et les co-produits.

 Une structure d'ordre peut toujours être représentée comme une catégorie d'ordre.

 Dans le champ de l'ontologie, on dira que, supposé un ensemble E, l'ensemble de ses sous-ensembles est une telle catégorie (puisque est une structure d'ordre); de même, dans le champ de la logique, on considérera comme une catégorie de ce type une catégorie dont les objets sont des propositions et dont les flèches sont des implications (puisque est une structure d'ordre). Du point de vue catégoriel, ça ne fait pas de différence. Au fond, la pensée catégorielle ne distingue pas un univers de discours et un univers d'objets (un univers ontologique). Plus précisément : elle les accueille dans un univers commun; le génie propre de la pensée catégorielle est de suspendre l'opposition du logique et de l'ontologique en tentant d'en donner les figures possibles communes.     

 

En tout état de cause, une telle catégorie ne saurait être un Topos, puisque dans ce cas l'Objet Central reçoit deux flèches de l'objet terminal (le vrai et le faux, qui sont deux flèches différentes). Et pourtant, la structure d'ordre partiel va contribuer à nous faire comprendre ce que peut être l'ordre dans un Topos. Fondamentalement, notre objectif sera de déterminer un concept de l'ordre, une structure, qui permettra d'étudier les connexions possibles entre ces flèches singulières que sont les éléments de l'Objet Central - supports, rappelons-le, de l'évaluation logique dans un Topos

a) Envisageons pour commencer la question générale de l'ordre entre sous-objets d'un objet quelconque du Topos.

 Soit deux sous-objets f et g de b. Ce sont deux monomorphismes de cible b. Supposons qu'il existe une flèche h telle que le diagramme suivant commute :

 

On a g o h = f. On dira alors que f g, ou que f est "inférieure à g", s'il existe une flèche h telle que g o h = f. Nous allons voir que la relation est une structure d'ordre.

- elle est réflexive de ce que f o Id(a) =f. On a donc bien f f  (Id (a) est le h qui "factorise" f).

- elle est transitive : le diagramme suivant exprime que f g, et que g h

 

 

1. g o t1 = f  

2. h o t2 = g  

3. (h o t2) o t1 =f  

4. h o (t2 o t1) = f   (par associativité)

L'équation 4. exprime que (t2 o t1) factorise f par h; et donc f h

Ainsi, si f g et g h, on a f h : la relation est transitive

 Les sous-objets d'un objet donné (ou leurs "représentants", i.e. les monomorphismes de même cible) constituent donc le site d'une relation d'ordre possible; mieux vaut parler de site plutôt que d'ensemble des sous-objets, car la relation d'ordre excède peut-être les ressources du compte-pour-un ensembliste (à ce stade en tout cas, rien ne nous en garantit).

b) La relation est cependant peu maniable pour l'étude des éléments de C, ce qui est, rappelons-le, le but de notre investigation actuelle; considérons en effet le diagramme suivant :

 

S'il existe h telle que g o h = f, il faut que cette flèche soit de 1 vers 1. Mais la seule flèche de ce genre est Id(1). On a donc g o Id(1) = f, soit g = f. Ainsi, le diagramme ne commute que si f et g sont identiques; si f g, il n'y a pas de relation d'ordre possible entre f et g, qui sont de ce fait incomparables.

 c) Nous allons contourner l'obstacle en considérant les monomorphismes de cible 1 - notons-les : 1(a); ils ont nécessairement chacun une centration, de source 1 et de cible C (la centration de chaque monomorphisme de cible 1 est donc un élément de C). Nous avons vu, en effet, que tout sous-objet "réel" (non similaire) a une centration, et, qu'à l'inverse, toute flèche vers C est la centration d'un sous-objet et d'un seul (théorème crucial du Centre). Par conséquent, il y a, dans un Topos, autant de monomorphismes de cible 1, qu'il y a d'éléments de C, i.e. de valeurs logiques du Topos (nous savons qu'il y en a au moins deux, le vrai et le faux, mais possiblement plus). Autrement dit : étudier les sous-objets de 1, c'est la même chose qu'étudier les valeurs logiques d'un Topos, puisque nous venons de voir qu'ils sont en correspondance bi-univoque. Mais, ce faisant, au lieu d'une représentation élémentaire (les éléments de C) qui ne permet pas d'introduire la machinerie de l'ordre, nous disposons de la relation d'ordre qui existe entre les sous-objets de 1 (elle existe pour les sous-objets d'un objet quelconque, et donc pour les sous-objets de 1).

Ainsi, l'objet terminal 1, par ses sous-objets, représente en immanence la logique d'un Topos. La clef d'un Topos comme lieu logique réside dans la structure (relationnelle) des sous-objets de 1, donc des monomorphismes de type a ---- 1, pris comme représentants d'une classe de similarité. A ce titre, l'étude des sous-objets de 1 est une pièce centrale de l'investigation logico-ontologique. L'algèbre de 1 développée à partir de cette étude va donner le poids d'être, le lestage objectal, de la logique du Topos (le réel du possible que constitue cette logique).

Logique générale de l'être et structure de l'Un

Ce que la théorie des Topos nous dit, dans un montage transparent, c'est que la logique générale de l'existant, la logique de ce qu'il y a, est suspendue à une réflexion sur la structure de l'Un. Idée qui hante les dispositifs monothéistes sous la forme de la question : comment se fait-il que l'Un, s'il est vraiment l'archi-transcendance du simple, puisse avoir une structure ?

Il y a toujours eu deux orientations principales sur cette question :

- pour l'une, l'Un est absolument l'Un; aucun prédicat structurant ne lui est approprié (en dehors de l'absoluité de l'Un lui-même). La forme ultime de cette orientation est la théologie négative, pour laquelle l'Un n'est pensable que selon ce qu'il n'est pas. Plus radicalement encore : l'Un est au-delà de l'être lui-même; il n'y a par conséquent aucune figure structurale de l'Un autre que son indiscernabilité ultime au regard du néant.      

- pour la seconde orientation au contraire, l'Un est. Il en découle que l'Un est appropriable dans une disposition structurée quelconque; non seulement des prédicats lui conviennent, mais encore des divisions internes à l'Un sont pensables, qui n'empêchent pas l'Un de perdurer comme Un dans sa scission même. On aura ici reconnu en particulier les montages trinitaires fleurissant à l'ombre des monothéismes. 

Le Parémnide

Nous allons considérer le traitement de cette question dans le Parménide; je vais tenter, ce faisant, de vous expliquer pourquoi je pense que ce dialogue de Platon est historiquement le premier texte de philosophie catégorielle.

1

Au début du dialogue, le jeune Socrate réfute le discours que tient Zénon en lui reprochant de n'avoir pas donné une localisation du pensable : Socrate introduit à cet endroit la théorie des Idées précisément parce que le lieu du pensable n'est pas selon lui là où le voit Zénon. Curieusement, le vieux Parménide semble soutenir les efforts du jeune Socrate contre le champion officiel des thèses éléates qu'est Zénon, dont l'argumentation ne semble pas ici constituer une défense adéquate de la position de Parménide. Celui-ci déclare même à Socrate que son audace n'est pas assez grande, qu'il ne va pas assez loin : il faut en effet, selon lui, admettre les Idées de tout, pas seulement l'Idée de vertu, mais aussi l'Idée de la boue, l'Idée du cheveu ... L'Idée désigne ici la pensabilité en général et constitue la réponse à la question "que pense la pensée ?" ou encore "à quelles conditions la pensée s'empare-t-elle du pensable ?". Pour conquérir l'audace que préconise Parménide, il faut s'exercer, et si Socrate est insuffisant dans la tâche qu'il se propose, c'est qu'il est encore trop jeune.

 Le texte du Parménide va dès lors s'infléchir vers un examen de type logique, car la notion d'exercice véhicule celle de possibilités de la pensée, posées indépendamment de la question : "qu'est-ce que la pensée décide ?". Dans l'ensemble du dispositif platonicien, le Parménide est en quelque sorte un dialogue non-axiomatique, si par axiome on entend une décision constituante. En effet, ce n'est pas exactement vers une axiomatique de l'Un que va s'engager le dialogue; il n'est que de le comparer avec le surgissement de l'Idée du Bien dans La République pour s'en convaincre : le recours à l'élément poétique (la métaphore du soleil), l'absence de réseau catégoriel, y installent l'Idée du Bien dans la singularité de sa transcendance pure et soulignent le caractère de décision que revêt sa surrection. Dans Le Parménide, au contraire, aucune intuition simple de l'Un n'est proposée, et encore moins une image.

2

Lisons à partir de 135 e jusqu'à 136 c : "Supposer, en chaque cas, l'existence de l'objet et considérer ce qui résulte de l'hypothèse ne suffit pas. Il faut supposer aussi l'inexistence du même objet, si tu veux pousser à fond ta gymnastique ... En un mot, pour tout ce dont tu poseras ou l'existence ou la non-existence ou toute autre détermination, examiner quelles conséquences en résultent, d'abord relativement à l'objet posé, ensuite relativement aux autres : l'un quelconque, d'abord, à ton choix, puis plusieurs, puis tous. Tu mettras de même les autres en relation et avec eux-mêmes et avec l'objet à chaque fois posé, que tu l'aies supposé exister ou non-exister. Ainsi t'exerceras-tu, si tu veux, parfaitement entraîné, être capable de discerner à coup sûr la vérité".

Comment procéder si l'on veut "discerner à coup sûr la vérité" ? On considère quelque chose dont on pose l'existence et aussi la non-existence; puis on examine les conséquences qui résultent de cette existence ainsi que celles qui résultent de cette non-existence, par rapport à ce quelque chose lui-même, et par rapport aux autres choses. Ce qui nous donne 4 examens :

                    conséquences  par rapport à lui-même

[DN1]       existe 

                    conséquences par rapport aux autres

x

                       conséquences par rapport à lui-même

     n'existe pas

                       conséquences par rapport aux autres    

                        

Il faut encore procéder en sens inverse, i.e. considérer les objets autres que x sous la supposition que x existe, puis sous celle que x n'existe pas, et ce dans leur rapport à eux-mêmes et dans leur rapport à x

                      par rapport à eux-mêmes

                x existe     

                      par rapport à x   

autres que x

                     par rapport à eux-mêmes

                x n'existe pas

                     par rapport à x 

Ce qui nous donne 4 + 4 hypothèses (or, on sait que le déploiement du Parménide propose 9 hypothèses; ce bouclage de la pensée par l'hypothèse-en-plus est un illustre exemple de ce que je nommerai volontiers la méthode diagonale de Platon, et dont je vous entretiendrai peut-être un jour). Ces passages du Parménide désignent une méthode d'exhaustion logique, une "matrice des matrices" (F. Regnault : Dialectique d'épistémologies Cahiers pour l'analyse n° 9 p. 46); il s'agit d'un pur exercice de "gymnastique" : on ne part pas d'une assertion privilégiée concernant x, mais on considère le système des possibilités inhérentes à x. Ce dont il s'agit, c'est de fictionner la catégorie (de) x

 

 

Les "rapports" - de x à lui-même, de x aux autres - sont figurés dans cette catégorie par des flèches relationnelles.

Pour qu'un exercice effectif ait lieu, il faut que Parménide pose lui-même une hypothèse : "N'êtes-vous point d'avis plutôt, le parti une fois pris de jouer ce jeu laborieux, que je commence par moi-même et par ma propre hypothèse et que, posant, à propos de l'Un en soi, ou qu'il est ou qu'il n'est pas un, j'examine ce qui doit en résulter" (137 b). C'est de ce choix que résultent les (8 ou) 9 hypothèses de la fin du texte. Le Parménide est au fond un exercice au sujet de l'Un qui n'a pas d'autre enjeu que de tisser le réseau de la catégorie (de) x.

3

Relisons 136 b : pour tout ce dont tu poseras ou l'existence ou la non-existence ou toute autre détermination. L'existence n'est pas ici ce dont on part, ce dont on décide, mais, au même titre que la non-existence ou toute autre détermination, ce qui est traité comme une propriété possible de l'entité considérée.

Or, c'est très précisément cela - considérer l'existence comme une propriété - que n'admettait pas Kant, dans sa (tentative de) réfutation de Descartes (CRP Dialectique transcendantale chap. II, 4ème section : de l'impossibilité d'une preuve ontologique de l'existence de Dieu). Selon lui, Descartes, dans la 5ème Méditation métaphysique, considère abusivement l'existence comme une propriété de Dieu, alors que ces types de donation de l'objet que sont le concept et l'existence sont hétérogènes, intransitifs, et que l'on ne peut passer de l'un à l'autre : il faut radicalement séparer la conformité aux conditions générales de la connaissance possible et l'inscription dans la totalité de l'expérience. L'existence est une donation irréductible. Si on traite l'existence comme une propriété, on établit une indiscernabilité entre existence et possibilité; Descartes n'aurait, selon Kant, établi que ceci : l'existence de Dieu est possible, mais non que Dieu existe. Kant est en réalité pris dans une conception empiriste de l'existence : l'existence est ce qui se donne, ce qui ne peut que se constater, l'improuvable même; c'est le seul point qui ne relève pas de la constitution transcendantale. Concernant les "idées transcendantales" (les concepts auxquels aucun objet ne correspond dans la réalité), on peut supposer leur existence - c'est même bien utile dans le cas de Dieu, en vue d'un usage purement régulateur, et cela devient alors un postulat de la raison pratique - mais rien ne peut les justifier, car pour justifier des idées, en faire un réel, il n'y a pas d'autre recours que l'expérience.

L'indiscernabilité de l'existence et de la possibilité, rappelons-le, c'est ce qui définit la logique : l'existence des objets de la pensée pure, en tant qu'indiscernable de leur possibilité, est une existence purement logique.

Pour le Platon du Parménide (laissons pour l'instant Descartes de côté), les deux options - l'Un existe, l'Un n'existe pas - peuvent être différenciées par leurs conséquences pour la pensée. On peut prendre pour axiome que l'Un existe, comme on peut prendre pour axiome que l'Un n'existe pas; si l'examen des conséquences de ces deux axiomes montre des effets différents pour la pensée (consistance ou inconsistance), alors il faut poser que l'existence doit être traitée comme une propriété (de l'Un).

La conception dualiste de Kant (le couple pensée pure / expérience) est étrangère à Platon; le couple qui fonctionne chez ce dernier - décision / consistance (ou non) des effets - le maintient sur une unité de plan et ce monisme est le point de ce qu'il ne faut pas craindre d'appeler son matérialisme. Pour Platon, la décision prise, on est comptable des effets entiers de cette décision, que ceux-ci affectent le pensable pur ou l'expérience, sans distinction (l'Idée de triangle ou bien l'Idée de boue), et l'on doit en examiner le réseau. Il s'agit dans le Parménide de constituer le réseau de l'Un, en examinant, quant à leur consistance, les effets induits par la décision concernant l'existence de l'Un et ceux qui sont induits par la décision concernant son inexistence. La norme pour cette évaluation est de nature mathématique, et ce paradigme institue un seul champ homogène du pensable.

4

Très catégorielle d'inspiration est également l'idée selon laquelle l'identité n'est pas une qualité substantielle, mais une relation de soi à soi qui va être examinée sur le même plan que la relation de soi aux autres. La détermination identitaire va en outre être examinée sous la supposition de l'existence ou de la non-existence de l'entité en question, ce qui nous livre ici une thématique "existentialiste" avant la lettre (on part de la détermination d'existence pour n'aboutir qu'en second lieu à la détermination d'identité).

L'un doit être distingué de l'identique : "Parménide : La nature de l'un n'est point celle du même. Aristote : Quelle est la différence ? Parménide : C'est que, lorsqu'une chose devient la même qu'une autre, elle ne devient pas une. Aristote : Eh bien, que s'ensuit-il ? Parménide : Ce qui est devenu le même que plusieurs doit nécessairement devenir plusieurs, et non pas un. Aristote : C'est vrai" (139 d). En théorie des catégories aussi, nous le savons, plusieurs objets littéralement différents peuvent être catégoriellement identiques (objets isomorphes); ce qui spécifie l'identité catégorielle, c'est le réseau d'actions dans lequel est pris un objet.

Enfin, l'Un va être la localisation paradigmatique de la vérité (conformément à l'esprit catégoriel suivant lequel la vérité est une détermination locale pensée dans un réseau global) : l'Un est la clef logique du champ du pensable (celui-ci se constitue de ce qu'ont été posés l'existence ou la non-existence de l'Un), tandis que c'est la structure de 1 qui donne la clef logique du Topos. 

5

En définitive, l'enjeu du Parménide est de savoir quel est le champ de possibilité du pensable. On en connaît la conclusion négative, qui formulée en termes catégoriels, se dira : la catégorie (de) x est inconsistante; ou encore : il n'y a pas de Topos du pensable. Ainsi, l'exercice platonicien sur l'exhaustion logique d'un être indéterminé saisi comme Un délivre une catégorie inconsistante. La fin du Parménide en fait un dialogue aporétique. Ce qui signifie que, pour Platon, il n'y a pas de structure de l'Un (thèse dont le néo-platonisme s'est nourri pendant des siècles); ce n'est pas que l'Un soit impensable, mais plutôt : sa pensée n'est pas dans la figure de la structuration (logique). La logique est l'exercice de la pensée, elle ne saurait en être le point de départ. Ce dont il faut partir c'est d'une décision; décider est cela seul qui institue une consistance du pensable. Il faut donc dire : "Il y a de l'Un" (ainsi que le fait Lacan quand il épingle cette formule au symbolique comme à son principe). L'Un est décidé et de la sorte il est dessoudé de toute possibilité, il est autre chose que le remplissement de la possibilité qu'il y a l'Un (et il est aussi autre chose que la réfutation de la possibilité que l'Un n'est pas). "Il y a de l'Un" est un axiome. La décision ontologique précède la logique. C'est pourquoi Platon est véritablement le fils de Parménide (quitte à commettre à son endroit le parricide dans le Sophiste); et c'est parce que Zénon est celui qui argumente sur les possibilités qu'il est présenté comme son disciple infidèle. La thèse de l'Un - c'est le "message" du Parménide - n'est pas argumentable sur horizon de possibilité.

 

La théorie des Topos soutient au contraire (cf. fin du chapitre "Structures d'ordre"), qu'il y a bien une structure de l'Un comme détermination logique de l'univers (nous retrouvons à nouveau sa dimension anti-platonicienne). On pourrait faire une objection à ce rapprochement entre l'Un platonicien et l'Un toposique. Celui-ci est un Un positionnel (il est caractérisé comme objet terminal) plutôt qu'un Un intrinsèque; y a-t-il vraiment là autre chose qu'une simple homonymie ? Je tenterai de justifier néanmoins ce rapprochement par les remarques suivantes :

* Le Un toposique (1) n'est pas vide : il a un élément - 1 ----Id(1)---- 1 - et cet élément c'est lui-même; il y a là une unicité d'appartenance à soi-même qui "tire" le 1 vers l'intrinsèque. 1 est aussi ce qui prescrit l'élémentaire  - 1 ------ a -; chiffrage qui est sa caractérisation atomique.

* en outre 1 est catégoriellement unique (à supposer qu'il y ait deux objets terminaux, ils sont, nous l'avons vu, isomorphes).

* 1 est un annulateur universel des différences élémentaires en a

              1 ----e1- a -----f ----- 1

                             

                              e2

                             

                              1                         

supposons que les éléments e1 et e2 soient différents

f existe nécessairement (puisque 1 est objet terminal)

or : f o e1 = f o e2 = Id(1); f  fonctionne donc comme co-égalisateur de e1 et de e2 (en toute rigueur, il faudrait, pour pouvoir l'affirmer, démontrer, ce qui est aisé, que, soit un objet b cible d'une flèche unique dont la source est 1, le triangle a-1-b commute).

* enfin 1 touche à la vérité : dans le pullback qui définit l'Objet Central, on voit clairement que toute différence assignable (tout monomorphisme de source a) s'analyse (c'est la fonction de centration) du point de 1 (et plus précisément du compte-pour-un de l'objet a : 1(a)) et de la vérité).

Cette série de déterminations intrinsèques explique que, après tout, l'Un toposique mérite bien son nom.

Algèbre de 1

L'ordre partiel sur 1

Notre objectif, qui est de determiner un concept de l'ordre entre les éléments de l'Objet Central - i.e. ultimement de savoir ce que peut être un ordre, une structure, qui concerne les supports de l'évaluation logique dans un Topos - nous impose, nous l'avons vu, le recours aux monomorphismes de cible 1.

Considérons le diagramme suivant :

La flèche 1(b) o h est une flèche de a vers 1. Or, il n'existe qu'une seule flèche de a vers 1 (1 objet terminal), qui est 1(a). Donc le diagramme commute, et l'on a 1(a) 1(b). On voit par conséquent que deux sous-objets de 1 sont toujours comparables s'il existe une flèche h entre leurs sources. Ou encore : parmi les sous-objets de 1, l'existence d'une relation d'ordre entre 1(a) et 1(b) est strictement identique à l'existence d'une flèche entre a et b, ou b et a. Philosophiquement : deux sous-objets de 1 sont ordonnés dès que liés par une action. Seuls sont incomparables quant à l'ordre les sous-objets 1(a) et 1(b) tels qu'il n'existe aucune flèche entre a et b (tels donc que ces objets sont catégoriellement disjoints ou non reliés).

Examinons maintenant le sous-objet de 1 tout particulier qu'est la flèche 0 ----- 1.

La flèche 1(a) o 0a est une flèche de 0 vers 1, donc est forcément la flèche 1(0). Le diagramme commute et l'on a 1(0) 1(a). Ainsi la flèche 1(0) est-elle parmi les sous-objets de 1 toujours "inférieure" à tout autre sous-objet 1(a). Nous dirons que le sous-objet de 1 qu'est 1(0) est un minimum pour la relation d'ordre.

 

Examinons maintenant le sous-objet de 1 non moins particulier qu'est la flèche 1 ---- 1, ou Id(1).

 

Ce diagramme montre que l'on a toujours 1(a) Id(1). Il suffit de remarquer que toutes les flèches de ce diagramme existent nécessairement, et que Id(1) o 1(a) = 1(a) pour que la conclusion s'impose. Nous dirons que le sous-objet Id(1) de 1 est un maximum pour la relation d'ordre.

Finalement :  il existe sur les sous-objets de 1 une relation d'ordre partiel, effective entre a et b dès qu'existe une flèche entre a et b, qui a 1(0) pour minimum et Id(1) pour maximum.

 

Nous savons que le vrai est la centration de la flèche Id(1) et que le faux est la centration de la flèche 1(0). De ce que 1(0) soit un minimum pour la relation d'ordre, et de ce que Id(1) en soit un maximum, il résulte (puisqu'il existe une relation biunivoque entre les sous-objets de 1 et leur centration) que le faux est la valeur de vérité minimale et que le vrai est la valeur de vérité maximale. Le vrai et le faux ne sont que des limites et les différentes valeurs de vérité possibles s'espacent entre le vrai et le faux, ouvrant à une logique de l'approximation, de la nuance. Si les valeurs de vérité sont au nombre de deux (Topos bivalent), le vrai et le faux épuisent les valeurs de vérité possibles - avec, il est aisé de le montrer, 1(0) Id(1) : la valeur de vérité du faux est inférieure à celle du vrai (!). Il n'y a pas ici de spectre des valeurs de vérité, celles-ci ne se présentent pas comme des limites. Un Topos bivalent, dont le modèle canonique est la catégorie des ensembles, n'ouvre pas à une logique de l'approximation, mais à une logique de la décision : entre le vrai et le faux, il y a un choix à faire (il n'y a pas de troisième terme : le tiers est exclu).  

Structure dialectique du Topos bien pointé

Nous avons vu qu'un Topos bien pointé est un Topos dans lequel deux flèches parallèles f et g différentes possèdent toujours un élément x de leur source qui est tel que fox gox. Un Topos bien pointé obéit à l'axiome d'extensionnalité (c'est exemplairement le cas du Topos des ensembles). Dans une conception extensionnelle toute différence globale a un test local; les différences ne sont pas appréhendables par une intuition différentiante des totalités, mais par un trait. On peut caractériser un tel Topos en disant qu'il n'y a pas en son sein de différences suffisamment qualitatives qu'elles ne puissent pas être évaluées en un point, et cette caractéristique est ce qui homogénéise les multiples de ce Topos.

Les différences seraient donc de deux types : il y aurait les différences homogènes (celles qui se laissent élémentairement traiter) et les différences hétérogènes (celles qui ne se laissent pas élémentairement traiter), ce qui renvoie ultimement à deux types de multiplicités. C'est précisément la thèse de Deleuze - placée sous le patronage de Bergson - qu'il existe deux types de multiplicités : une multiplicité quantitative ou numérique (assignée à la science) et une multiplicité qualitative, intensive. "Les concepts et les fonctions se présentent ainsi comme deux types de multiplicités ou variétés qui diffèrent en nature" (Qu'est-ce que la philosophie ? p.121). Plus exactement, l'être proprement dit est le mouvement de dicession de ces deux types de multiplicités; ce qui importe donc en dernière instance c'est le mouvement par lequel les deux types de multiplicités s'écartent, c'est la bifurcation de l'élan (ce qui explique le primat accordé en fait à la multiplicité intensive).                                                

L'option ensembliste est une option résolue pour l'homogène : chaque ensemble est ultimement tissé du vide, et le vide est par conséquent un principe d'homogénéisation de la composition immanente de chaque ensemble. L'option dynamique ou vitaliste (comme l'est celle de Deleuze - Bergson) n'est pas, on le voit, exactement en symétrie avec la précédente, puisqu'elle subsume l'homogène, elle prétend lui accorder une place, à côté de l'hétérogène; elle se veut une théorie de la complexité.

Tout Topos bien pointé est bivalent - c'est un théorème fondamental que nous avons déjà démontré; autrement dit : dans un Topos bien pointé il n'y a que deux éléments de l'Objet Central, le vrai et le faux. Ceux-ci étant les centrations de deux monomorphismes de cible 1 (respectivement 1 ---- 1, et 0 ---- 1), il résulte de la correspondance biunivoque existant entre élément de C et sous-objet de 1 que, dans un Topos bien pointé, il n'existe que deux sous-objets de 1 : 1 ---- 1 et 0 ----- 1.

Soit un Topos bien pointé quelconque et supposons un objet a de ce Topos qui ne soit pas isomorphe à 0 ni à 1. Considérons la flèche 1(a) : a ----1(a)---- 1, flèche qui existe nécessairement (puisque 1 est objet terminal). Puisque 1 --- et 0 --- épuisent les sous-objets possibles de 1 dans ce Topos, a ---1(a)--- 1 n'est pas un monomorphisme. Et donc, si a est cible de deux flèches parallèles différentes f et g, 1(a) est astreint à ne pas conserver cette différence dans tous les cas; il existe donc nécessairement au moins une paire de flèches f et g (parmi toutes les paires de flèches parallèles de cible a) telle que : si f g,  1(a) o f = 1(a) o g.

Soit un objet c cible d'une flèche h dont la source est a, avec h o f = h o g. On peut immédiatement noter que :

 * la flèche c ---- 1 existe nécessairement et est unique (1 objet terminal)

 * le triangle a/c/1 commute

1(a) se trouve ainsi en position limite pour la destruction des différences entre f et g, il en est le co-égalisateur.

Dans un Topos bien pointé, toute flèche de a vers 1 où a n'est isomorphe ni à 0 ni à 1 est le co-égalisateur d'au moins une paire de flèches parallèles différentes (est en position universelle pour la destruction de leur différence). Ou : toute flèche de a vers 1, qui ne soit ni minimum ni maximum, apparaît comme destructrice universelle d'une différence au moins. C'est l'envers du  fait que, dans ce même Topos bien pointé, toute différence est évaluable. J'appellerai structure dialectique d'un Topos bien pointé l'existence dans un tel Topos d'une corrélation pensable entre la localisation des différences et la destruction des différences par l'Un.

Si la flèche 1(a) peut être dite le compte-pour-un de a, ce qu'exprime la structure dialectique d'un Topos bien pointé, c'est qu'un compte-pour-un qui n'inscrit pas de différence en 1 (1(a) n'est pas un sous-objet de 1 dans ce Topos) fait-un quelque part (au sens de faire-un de ce qui était deux). Dans un Topos bien pointé soit une flèche est immanente à l'un, participe à l'un (mode philosophique de l'existence d'un monomorphisme), soit elle fait-un, elle détruit quelque part une différence au moins (mode philosophique de l'existence d'un co-égalisateur pour une paire de flèches parallèles), mais pas les deux en même temps.

Algèbre de 1 (suite)

Intersection, union, complément

Nous allons définir trois opérations sur les sous-objets de 1 : l'intersection, l'union et le complément.

Attention : nous savons qu'une flèche a ---- 1 est déterminée (puisque unique) dès que a est fixé. Nous emploierons donc désormais de façon équivalente pour désigner ce type de flèche les écritures 1(a) et a; il nous arrivera de parler du sous-objet a de 1 pour désigner un monomorphisme de source a et de cible 1, pris comme représentant d'une classe de similarité. La notation "a" comporte par conséquent une équivoque, puisque pouvant renvoyer tant à l'objet a qu'à la flèche a ---- 1; cette équivoque a elle-même une signification, car cette flèche est en sorte le compte-pour-un de l'objet a.

L'intersection de deux sous-objets.

Soit deux sous-objets a et b de 1. Considérons le pullback de a et de b (il existe toujours, puisque a et b sont deux flèches "perpendiculaires" de même cible 1). Notons a b le point-pullback, et 1(a) 1(b) la diagonale qui va du point-pullback vers 1.

 

 

La flèche 1(a) 1(b) sera nommée l'intersection de 1(a) et 1(b).

a) 1(a) 1(b) est inférieure (pour la relation ) et à 1(a) et à 1(b). Car dans le diagramme précédent, la flèche 1(b) o f est une flèche du point-pullback vers 1. Il n'y a qu'une flèche de ce genre, qui est justement la flèche 1(a) 1(b). On a donc 1(b) o f = 1(a) 1(b), et par conséquent (1(a) 1(b)) 1(b).

Le même raisonnement appliqué au triangle de gauche et à la composition 1(a) o g montre que 1(a) 1(b) est inférieur à 1(a).

b) on démontre également que 1(a) 1(b) est le plus grand (pour la relation ) des sous-objets qui sont plus petits que 1(a) et que 1(b). Autrement dit : si un sous-objet c de 1 est tel que c a et c b, alors c (1(a) 1(b)). Ou : pour deux sous-objets quelconques de 1, leur intersection est le plus grand des sous-objets qui leur sont simultanément inférieurs, elle est leur PGI (plus grand des inférieurs); ce que l'on notera :

                                        1(a) 1(b) = PGI (a,b)

L'union de deux sous-objets de 1.

Soit deux sous-objets a et b de 1. Considérons la flèche co-produit des flèches a et b, notée, rappelons-le, a,b .

Selon un théorème (que nous ne démontrerons pas), toute flèche dans un Topos admet une décomposition en un épimorphisme suivi d'un monomorphisme; autrement dit : étant donnée f, il existe m (monomorphisme) et e (épimorphisme) tels que : f = m o e. Le monomorphisme de cette décomposition s'appelle l'image de f.

La flèche co-produit des flèches a et b peut donc être décomposée en un épimorphisme et en son image; celle-ci sera nommée l'union de a et de b, et sera notée a b.

 

 

On démontre que deux sous-objets a et b sont tous deux inférieurs à leur union. On a donc :

a a b, et b a b.

Et également que l'union a b est le plus petit des sous-objets de 1 supérieurs simultanément à a et à b, elle est leur PPS (plus petit des supérieurs), ce que l'on notera :

                                  a b = PPS (a,b)

Le complément d'un sous-objet de 1.

Le complément -a d'un sous-objet a est le sous-objet de 1 dont la centration est la négation de la centration de a. Soit :

                                                  c(-a) = o c(a)       

L'idée de complément d'un sous-objet est donc directement référée à la centration. Il n'y a pas de possibilité, du reste, de parler de "la négation de a" : car la négation, étant la centration du faux, est une flèche qui va de C vers C et qui ne peut donc se composer avec une flèche de type a --- 1. On peut soutenir que le complément de a, soit la flèche 1(-a), est la négation "indirecte" de la flèche a : négation médiée par la centration.

Le diagramme complet de la définition de -a est le suivant (en deux étapes) :    

la composition de c(a), qui est une flèche de 1 vers C, et de , qui est une flèche de C vers C, est une flèche de 1 vers C. 

 

1 -----c(a) --- C --- --- C                        1 --- o c(a) --- C

                                                                                 

                           

 

La proposition fondamentale du complément est la suivante : L'intersection de a et de son complément -a est similaire à 0 (0 est bien sur pris ici au sens de la flèche 0 ---- 1, qui, rappelons-le, est le minimum dans l'ordre partiel des sous-objets de 1). Soit :

                                                 1(a) 1(-a) 1(0)

démonstration

Considérons le diagramme suivant :

 

Le carré du haut est le pullback qui définit l'intersection a -a. Le carré du bas est le pullback qui définit la centration de -a comme étant la négation de la centration de a, o c(a). En vertu du "lemme du pullback" que nous avons déjà rencontré, le rectangle complet est un pullback  :

 

La flèche verticale de droite qui va de a vers C est  : o c(a) o a

Or, le pullback commutatif qui définit la centration de 1(a) - ou a - permet d'écrire :

 c(a) o a = v o a

 

 

Il vient alors : o c(a) o a = o v o a

Nous savons que o v = F (définition de la négation)

Donc : o c(a) o a = F o a

Finalement, notre rectangle "mis au carré" se présente ainsi :

 

 

Sa commutation exige que : F o 1(a) o g = v o 1(a -a). Notons que 1(a) o g et 1(a -a) sont deux flèches vers 1. Reportons les sur le pullback qui définit le faux :

 

L'équation F o 1(a) o g = v o 1(a -a) exprime la commutation du "carré" extérieur. Par conséquent, il doit exister une flèche (unique) i de a -a vers 0 qui fait commuter tout le diagramme (définition du pullback comme limite).

En particulier, on a : 1(0) o i = 1(a -a). Ce qui, d'après la définition de la relation d'ordre, signifie que :

1(a -a) 1(0)

Comme nous avons établi que 1(0) était le sous-objet minimum pour la relation , le sous-objet 1(a -a) ne saurait être plus petit que 1(0) et l'équation précédente signifie forcément que 1(a -a) est en fait le même sous-objet que 1(0), donc que 1(a -a) est similaire à 1(0). CQFD

On peut aussi écrire : PGI(a,-a) 0 (puisque nous avons montré que l'intersection de deux sous-objets est le plus grand de tous les sous-objets simultanément plus petits que chacun d'entre eux). Ce qui signifie que le seul sous-objet de 1 qui soit simultanément inférieur à a et à -a est 0, qui est de toutes façons inférieur à tous, étant le minimum pour la relation d'ordre. 

 

La proposition 1(a -a) 1(0) est équivalente, dans  le domaine des relations logiques, à : p -p = F. Elle est l'énoncé du principe de non-contradiction en termes de sous-objets de 1.

Dans le livre Gamma de la Métaphysique, Aristote pose trois grands principes de la logique : le principe d'identité (a a), le principe de non-contradiction (a -a 0), et le principe du tiers exclu (p -p = v).

 Le principe de non-contradiction est un principe logique universel, car vrai pour tout Topos; il régit tout univers possible (ce qui, soit dit entre parenthèses, est la conception de Leibniz). Le principe du tiers exclu, dont la transposition en termes de sous-objets donnerait : a -a 1, n'est, quant à lui, valide que dans certains Topos (comme le Topos des ensembles), mais pas dans d'autres (la démonstration de l'équation  a -a 1 est impossible, ce n'est pas un théorème). Le principe du tiers exclu requiert autre chose que la simple définition d'un univers possible, il est une propriété singulière de certains Topos. On dira d'un Topos qui valide le principe du tiers exclu, qu'il est un Topos booléen.

Dans un Topos non booléen, la négation est affaiblie, car ce qui est obtenu quand une chose est niée, à savoir le complémentaire, n'y est pas exactement "tout ce qui n'est pas" cette chose; quelque chose persiste à s'affirmer (ou témoigne d'un affirmatif irréductible, inentamé), qui n'a pas été touché par la négation. On reconnaît le voisinage avec les conceptions freudiennes de la négation (désaveu, déni etc...). Ou en termes lacaniens : quand la négation n'est pas strictement booléenne, il y a du "pas-tout". Ou encore : la Femme est ce qui décomplète la logique classique. Ou encore : la Femme est intuitionniste (ce qui est dit depuis longtemps, par ailleurs). Et enfin : il est requis que l'espace toposique soit non booléen pour pouvoir énoncer qu'il n'y a pas de rapport sexuel.   

 

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