La Nature

Cours d’agrégation d’Alain Badiou (2000-2001)

 

(notes de François Duvert)

 

19.10.2000                                                                                                                                   1

1ère dialectique : nature et être.                                                                                                  2

2ème dialectique : nature et essence.                                                                                            3

3ème dialectique : nature-sensible.                                                                                               4

4ème dialectique : nature-totalité.                                                                                                5

26.10.2000                                                                                                                                   6

Rappels :                                                                                                                                   6

Lectures :                                                                                                                                   6

Suite cours : rapports nature-tout.                                                                                             7

5ème dialectique : nature-liberté.                                                                                                 9

6ème dialectique : nature-humanité.                                                                                            9

7ème dialectique : nature-surhumanité                                                                                      10

8ème dialectique : nature-Dieu                                                                                                  10

11.11.2000                                                                                                                                 10

Texte de Kant                                                                                                                          10

9.12.2000                                                                                                                                   13

Texte de Hegel                                                                                                                        13

Date inconnue.                                                                                                                           17

17.01.2001                                                                                                                                 20

 

19.10.2000

Il existe une sédimentation, une sémantique des concepts à travers lesquelles s’effectuent des reprises, un retravail sur le concept, de telle sorte qu’on finit par obtenir une couleur propre des concepts. Il est intéressant de se demander ce que devient une notion, comment elle finit par avoir une résonance propre, une poétique abstraite qui fait que, quand on a affaire aux déterminations du concept, on a affaire à autre chose qu’à un mot vide. Le concept a incorporé sa propre histoire dans le mot. On pourrait parler, de manière kantienne, d’une pathétique transcendantale des concepts. Le concept de nature est particulièrement retors, labile, insaisissable. Il n’a pas la stabilité spéculative d’un terme comme transcendantal : celui-ci a un référent historique établi, c’est un terme technique clair etc… Pourquoi ?

- Quant à sa fonction théorique, à la manière dont il est déterminé dans le champ théorique : on est confronté à la largeur du spectre interprétatif du terme. Il est pris dans une tension, il est inscrit dans une tension de caractère ontologique. Prenons Heidegger : on peut regarder la manière dont il tente de faire résonner le terme grec phusis comme originaire, à la fois raturé et inaudible, du concept de nature. Le concept s’inscrit dans la tension de la possibilité d’une pensée de l’être. Le concept de nature est tiré vers son assignation originaire, il a une vocation par excellence à cette pensée (ontologique).

Outre son caractère ontologique, c’est également le référent à l’effectivité de la science : la nature comme règne des lois. Il va en venir à désigner ce qui est par excellence obstacle à l’ontologie, notre immédiat sensible irrécusable tel qu’il n’y a pas lieu de remonter au-delà. Le concept est presque retourné par rapport à son premier sens. Un sens critique l’autre.

→ il y a une incertitude théorique de l’idée de nature, du concept de nature. En ce sens, la sémantique est saturée : elle balaie le régime général du il y a, soit dans l’instance de la question de l’être, soit dans la restriction phénoménale de la loi scientifique. Le mot entre en fonction dans les 2 cas, mais est disparate.

C’est aussi un concept de l’humilité et un concept aristocratique : il joue sur le double registre du noble et du trivial (on n’est plus dans l’alternative entre l’ontologie et la science positive). Exemple : dans la langue courante et dans le romantisme, Nature est pensé comme un lieu de registration d’une donation infinie, c’est la figure noble du référent de l’art ; mais Nature, ça désigne aussi l’ordre des besoins, instincts triviaux naturels.

- En même temps, et peut-être surtout, c’est un concept normatif, dont le référent est pratique : Nature renvoie alors aux normes, à la conduite, à la vie sage. Exemple : Aristote et Epicure, dans de dispositions éthiques différentes, utilisent le concept de nature. Nature est le nom de la norme, c’est conformément à elle qu’il convient de disposer sa conduite. On est dans les 2 cas dans un régime de conformité à la nature. Le problème, c’est que c’est aussi une anti-norme : la moralité, c’est ce qui est en discontinuité avec la nécessité naturelle (la moralité est-elle non-naturelle, ou y a-t-il encore d’autres sens du mot nature ?). Ainsi, le suprasensible chez Kant. La nature, c’est ce à quoi la conduite doit faire exception. De même pour Sartre, la liberté est dans la non-naturalisation, sinon elle s’oublie.

→ on retrouve sur le plan pratique la sémantique saturée.

Finalement, on se retrouve face à 2 problèmes :

-       d’où provient cette labilité extrême et la sémantique saturée ? Histoire pour nommer des entreprises explicitement contradictoires ?

-       comment se gouverner dans cette analytique ?

Méthode : étudier les dialectiques constitutives du concept de nature. Il y a 8 dialectiques qui renvoient le concept de nature à autre chose que lui-même.

-       nature et être

-       nature et essence

-       nature et sensible

-       nature et totalité

-       nature et liberté

-       nature et humanité

-       nature et surhumanité

-       nature et divinité

 

On va montrer comment il y a pertinence de ces couples à s’interroger sur ce qu’est la nature dans le couple, sur ce qui unit et disjoint nature à l’autre terme. En fin de compte, l’examen revient à déployer le caractère saturé du terme.

1ère dialectique : nature et être.

Prenons comme point de départ Lucrèce. "De natura rerum" : le titre pose immédiatement la question pourquoi pas des choses, mais de la nature des choses ? Virgile : heureux celui qui peut connaître les causes des choses. Il ne dit pas la nature ! Est-ce la même chose ? Et pourquoi pas des choses, de rebus ?

Ça requiert la non-identité de la nature des choses et des choses. Qu’y a-t-il d’autre dans la 1ère expression ? La nature des choses, c'est ce que les choses sont vraiment, par rapport à ce que nous imaginons fallacieusement. Le poème va dire vraiment ce que sont les choses. Acception de nature : son réel, ce qu’une chose est vraiment, par différence avec ce qu’on s’imagine qu’elle est. La nature d’une chose désigne ce qu’elle est, et non ce qu’elle semble être, ou ce qu’on s’imagine qu’elle est.

Si l’on veut récapituler cette 1ère scansion dialectique, la nature désigne quelque chose qui est l’être même de ce qui est, pour autant qu’on le détermine comme tel dans la pensée : nature désigne l’être effectif éloigné de tout imaginaire.

2 questions :

- pourquoi dire nature, et pas être ? Quand est-il stratégiquement requis de dire nature pour être ou réel ? C’est un point différentiel : nature = être, mais le nom nature dit aussi autre chose que être.

- s’il y a une nature des choses qui n’est pas identique aux choses elles-mêmes, ne faut-il pas se demander s’il y a une nature de la nature ? Suivant le même mouvement de pensée dissolvant l’identité entre être et nature, on est amené à se poser la question de l’existence d’une nature de la nature. Nature désigne-t-il un degré d’évidence supérieur à la chose ?

Attention : nature est employé pour désigner ce que les choses sont vraiment (nature humaine : il y a un dire possible de cette naturalité). Le régime de l’évidence ou de la clarification est-il supérieur à celui dont on parle, ou non ? L’installation dans la pensée de ce qu’il y a avec une clarté supérieure = problème de la nature de la nature (esquisse d’une récurrence à laquelle Lucrèce est confronté : nature = reconstruction en terme de vide et d’atomes. On va assigner l’être en terme de vide et d’atomes. Problème de la nature du vide et des atomes ! Qu’est-ce qu’un atome ? Qu’est-ce qu’une combinaison d’atomes en tant que chose ?).

→ il y a donc différents niveaux sémantiques : la nature de la chose, la nature de la nature.

La nature supporte toujours la difficulté de cette récurrence, la naturalité de la nature. D’où, chez Lucrèce, le recours à un concept non-naturel pour régler ce problème : le clinamen. Le clinamen est irréductible au vide et aux atomes. Il est hors espace et hors temps.

 

Quand la nature signifie l’être vrai des choses, de ce qu’il y a, on a 2 difficultés, 2 problèmes :

1)    qu’est-ce que la nature introduit d’effectivement différent par rapport au niveau du il y a ? C’est la question du régime de clarté.

2)    Y a-t-il une nature de la nature ? C’est la question de la récurrence.

 Réponse aux 2 questions :

-       la réponse la plus naturelle, générique : la nature de la chose n’est pas autre chose que la chose, mais aussi et en même temps elle effectue la pensabilité de la chose, éventuellement scientifique (le régime de pensabilité peut varier). La chose pas en tant qu’être imaginé, représenté, mais en tant qu’elle est connue, pensée (peut-être scientifiquement).

-       La nature de la nature, c’est d’être la pensabilité de la chose. Il n’y a pas lieu d’aller plus loin dans la question de la nature de ce que la chose est effectivement pensée, connue.

Donc : la nature de la chose n’est pas autre chose que ce que la chose est, mais avec la nature, on la pense vraiment, on est dans la pensabilité de ce qu’elle est. On a strictement besoin que vérifier le strict minimum, l’installation dans la pensabilité (mais un clinamen est exigible !). La nature est dans l’homogénéité à la chose. Question du reste : il faut arrêter la récurrence sur quelque chose de non-naturel. La nature est un conglomérat d’atomes, ce qui délivre la pensabilité de la chose. La question devient de savoir qu’est-ce qui différencie la nature de la chose de son essence ? Si la nature = ramener la chose à sa pensabilité, naturelle, qu’en est-il de la différence nature-essence (puisque essence est précisément le nom classique donné à la pensabilité de la chose) ?

2ème dialectique : nature et essence.

Essence = ce qui fait qu’une chose est pensable, ce qui détermine qu’une chose appartient au royaume des essences. On pourrait dire : la nature d’une chose, c’est son essence. On a un frottement de sémantismes connexes. Qu’est-ce qui fait que la nature n’est pas réductible à l’essence, ou pas exactement ? C’est compliqué ! Qu’est-ce qui fait que nature dit autre chose, même s’il y a souvent intrication ou substitution ?

la nature, c’est l’essence… mais dans l’inséparation de ce dont elle est l’essence, dans l’extériorité. Nature = essence présentée, en tant qu’elle est là, et pas seulement en tant qu’elle est dans le registre de la pensabilité. En tant que sensible de ce dont il y a essence, en tant qu'elle appartient aussi à nature. La nature, c’est l’essence exhibée, l’essence en tant que naturellement là, en tant qu’enveloppant naturellement l’extérieur.

- Par exemple, chez Hegel : la dialectique intérieur/extérieur touche à la nature et à l’essence. Quelle est la naturalité de l’essence elle-même ? Quand, à quel moment nature et essence sont-elles séparées ? (cf platonisme). On a recours à la nature quand on désigne l’extériorité de l’essence, quand on renvoie à son caractère séparé. Critique de Hegel sur la séparation de Kant : elle touche à la naturalité de l’essence.

- Idem chez Platon/Aristote : querelle sur l’inséparation de l’essence.

→ ce qui entre en jeu dans les 2 critiques, c’est le concept de nature quand on critique la séparation. On convoque la nature comme si la nature désigne l’inséparation de l’essence elle-même. Dans ce cas, nature inclut le sensible lui-même. Nature, ce n’est pas l’essence, c’est son être-là, elle inclut ce qui se montre. On assiste à un déplacement du régime de l’intériorité, de l’intimité, et on reconvoque l’extériorité : la nature comme ce qui se donne, comme effectivité sensible, ce qui se montre. Oscillation intériorité-extériorité, intimité de l’essence/exhibitionnisme. Nœuds nodaux spéculatifs : convoquer la nature comme synthèse de l’intériorité et de l’extériorité pour stabiliser la notion. La nature, c’est l’essence + la visibilité de l’essence. Donc il y a quelque chose de la nature qui a à voir avec le sensible. Quels sont les liens exacts sensible-nature ?

3ème dialectique : nature-sensible.

En tant qu’autre chose que l’essence, la nature inclut la monstration sensible de l’essence. Nature = ce qu’il y a, le donné (trivial + difficile), ie la totalité du sensible. Qu’est-ce que nature dit de plus que totalité du sensible ? Si la nature ne se distingue de l’essence que par son être-là sensible, qu’est-ce qui n’est pas nature dans le sensible ? On a un risque d’absorption. (L’apparence sensible = donation d’une nature. Sens ? Il faut convoquer le sentiment de la nature romantique. Cf Novalis. Le rapport d’une solitude poétique à la nature = le sensible. Nature = lacs, vallons, forêts profondes. Elle a des lieux sensibles. Dans la poétisation fondamentale, la nature est convoquée comme univers sensible dans son extériorité la plus radicale, voire même indifférente comme point de départ). Dans le romantisme, la nature est pensée comme expansion sensible dans l’extériorité indifférente. Nature, c'est le sensible, mais le sensible dans la figure de l’extériorité, comme non-essence, le sensible comme indifférence aux sens, indifférence à la pensabilité subjective. Avec la nature, on a un sensible dont la magnificence est écartée de toute essence, une magnificence neutre, arrachée à l’essentialité humaine.

la nature devient le sensible dans l’extériorité, extériorité poussée jusqu’au point de l’oubli de l’essence, jusqu’au point où l’essence n’est plus identifiable.

Problème : savoir comment on s’incorpore à cette extériorité. Comment l’essence revient-elle à l’extériorité, si la nature est l’extériorité indifférente à l’essence ? Comment renouer l’essence du destin humain et le sensible ?

- Dans la disposition romantique, la méthodologie réconciliatrice va être cherchée du côté d’une théorie de la mémoire (c’est toi qui dors dans l’ombre – ô sacré souvenir !). On est par la mémoire reporté au sensible quand il accueillait l’essence, il y a par le biais de la mémoire reconstruction de cette harmonie provisoire (concours : travailler le lien entre nature et mémoire). Nature désigne à un moment donné le sensible exilé de l’essence, et la mémoire est la voie de restitution par rapport à cet exil. Bergson est un romantique en ce sens-là. Son problème théorique : ne pas rester dans l’exil de l’essence, montrer comment la totalité sensible (vie) communique avec le spirituel dans le dispositif de la mémoire absolue. Il veut expliquer comment le spirituel et le matériel sont indivis. Protocole romantique : réconcilier l’essence subjective et l’indifférence sensible. Sentiment : processus, pas un état, dans le romantisme français. Le point de départ est l’extériorité sensible, et il propose une réconciliation dont la clé est la mémoire. Nature + sensible = question de l’extériorité.

Problème : si la nature est l’extériorité du sensible, l'extériorité poussée jusqu’à la séparation d’avec l’essence (la figure de la nature indifférente), si la nature n’est que la magnificence sensible, alors quel est le principe d’intelligibilité ?

- Dans cette dialectique, la question de l’intelligibilité de la nature est éventuellement poussée jusqu’au non-sens, jusqu’à la possibilité que la nature désigne une extériorité opaque, sans principe d’intelligibilité immanent. Ça peut être poussé jusqu’à une vision noire : nature = cruauté et mort. L’exil est irréparable. L’emblème de ceci est la prédation comme condition naturelle. L’impératif naturel est celui de la cruauté. Sade : canonique naturelle de la cruauté. La nature est un dispositif neutre, ce qu’elle distribue, c’est la mort (si on isole un aspect). La nature devient synonyme de mort, de souffrance, de cruauté, d’absurdité…

- Pour autant qu’elle a un sens, dans l’extériorité la plus extrême, ce sens doit être introduit. On ne peut relever l’extériorité naturelle que par autre chose qu’elle-même : le sens advient du dehors, ou alors on est devant une figure de la  nature comme mortification cruelle. Là, on se situe au branchement avec le problème du sens. Quand la nature, c’est la déréliction, le sens vient par la transcendance (Pascal).

→ Sade et Pascal ont le même point de départ, à savoir la nature comme indifférence sensible. Ce n’est pas dans la nature qu’on peut trouver l’essence bonne de l’humanité. Le libertin a peut-être raison, n’ayant d’autre maxime que le jouir, puisque la totalité ne nous dit rien. Etre conforme à la nature = être dans la cruauté et la mort dans le jouir. Pascal, c’est la même chose, avec un saut, une discontinuité de la nature à Dieu, d’où des conséquences différentes : l’introduction de sens avec un saut dans la transcendance pour ne pas être livré à l’indifférence générale, avec la jouissance sans limites comme impératif. Le point commun : la nature est déployée jusqu’au point de l’extériorité indifférente. D’où : soit un nihilisme naturel (impératif de l’inintelligible), soit rebondissement vers la transcendance (avec le pari, un argumentaire non-naturel). En dehors de la nature, il y a le Livre. Pascal : le Livre est une trace d’intelligibilité. Or, le livre, c’est ce qui n’est pas la nature. On s’appuie sur du non-naturel dans la théorie comme nature inintelligible (or non-naturel = livre = langage, nous sauve de la déréliction naturelle, dont le déploiement est possible grâce au principe d’intelligibilité). Sade : idem, sauf qu’il n’y a pas de Livre. C’est un livre de la jouissance, pas un livre de Dieu.

→ nature = ce qui n’a rien à voir avec l’homme. Laisse l’homme en proie à une naturalité obscène, ou en proie au message divin. Dans les 2 cas, cependant, le problème est de savoir comment ce dispositif se rassemble.

 

         Au point de l’extériorité : une réconciliation par la mémoire, la certitude du Livre, ou l’installation dans l’impossible nihilisme de la jouissance. Nature désigne la registration du sensible indifférent pour une non-indifférence. Il faut fixer ce pour qui c’est indifférent : l’attribution du pouvoir d’indifférence suppose quelque chose pour quoi, pour qui il y a indifférence. Dans cette inscription, on désigne un autre pôle que l’extériorité (implicitement ou non), celui pour qui il y a cette indifférence. Si la nature est le sensible dans sa séparation ultime d’avec l’essence, l’existence de la question de cette indifférence n’est pas elle-même indifférente. Le prédicat d’indifférence suppose un pôle subjectif, sans lequel il ne pourrait pas y avoir le pathos de l’indifférence (s’il n’y avait que l’indifférence). Il y a toute une dramaturgie de l’indifférence. Nature désigne l’indifférence du sensible en extériorité + la possibilité de questionner cette indifférence (dans les 3 voies. Sade : il faut bien quelqu’un pour tirer les conséquences !).

qu’est-ce qui est en exception de cette indifférence ? cf quand Pascal doit articuler grandeur et misère : la misère est l’indifférence absolue de la nature (2 infinis, déréliction du sujet humain face à l’indifférence). S’il n’y avait que la misère, il ne serait pas pour l’homme question de sa misère (d’où l’histoire du roseau etc… : il est pensant… qu’il n’est qu’un roseau !). La misère = son énoncé, déjà en excès sur la misère elle-même. Point du souvenir : en excès sur l’indifférence de la nature. Pour Sade, l’humanité se distingue entre seigneurs et victimes (par rapport à la jouissance). Le seigneur sait que la nature est indifférence et cruauté. La victime est celle qui croit à la bonté et à la miséricorde de la nature (or, pas du tout ! Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il s’agit d’une évaluation erronée dont les conséquences sont désastreuses). Cf discours Dolmancé.

Donc : question de l’instauration d’un régime d’exception : la mémoire romantique, l'élément de grandeur chez Pascal, le seigneur de la jouissance chez Sade. En quel sens alors nature = totalité du sensible, s’il existe un point de pliure ou d’exception ?

4ème dialectique : nature-totalité.

La nature est-elle identifiable à quelque chose comme le grand tout sensible ? Rapports nature-Tout. Nature veut-il dire autre chose que totalité, puisqu’il y a un point d’exception ?

2 difficultés :

1ère difficulté : si la nature est identifiable ou réductible au cosmos, elle s’objective comme totalité. Mais si on veut penser la nature comme totalité, on va réduire l’exception. Si la nature, c’est pan, le cosmos ou l’étant en totalité, que devient l’exception ?

2ème difficulté : peut-on penser le tout sans lui donner un sens ? Est-il possible de penser que l’extériorité indifférente forme un tout ?

→ la dialectique est structurée par ces 2 questions (cf antinomie du cosmos dans CRP, cf Timée dernier paragraphe : éloge de la totalité cosmique, de l’ordonnancement de la totalité sensible).

2ème question : un tout peut-il contenir sa question ? Comment la nature comme tout peut-elle être intérieurement représentée ? On a la tradition du microcosme sur cette question à la Renaissance. Elle touche à la réflexion intérieure de la totalité naturelle : est-elle possible ? A-t-elle un sens ? Que veut-on dire quand on parle de l’inclusion dans le cosmos d’une image du cosmos lui-même ? Il n’y a Nature que quand il y a un témoin (plus vaste que sujet, représentation etc …). Qui témoigne est une question cruciale. Où est le témoin ? S’il n’y a pas de témoin, il n’y a pas de raison de dire nature plutôt que être.

1ère question : d’où la totalité naturelle tire-t-elle sa puissance de faire Tout ? Ceci suppose une signification immanente, une auto-production du sens. Peut-on maintenir la thèse de l’indifférence de la nature, si on dit qu’elle fait un tout ? Si on dit « tout », n’attribue-t-on pas un sens immanent ? Le totalisable et le sens ne vont-ils pas ensemble ? Pour les grecs, parler du tout de l’univers, c’est lui attribuer une intelligibilité immanente, c’est d’un même mouvement d’effectuer une donation de sens et de totaliser. Les vrais matérialistes ne totalisent pas (ce n’est pas un hasard ! Matérialiste : tenir sur le non-sens). Question également cosmologique. Il faut lier les questions de la totalité signifiante et de l’exception (Evolution créatrice, et Hegel) : c’est car la totalité est le déploiement d’un sens que l’homme peut lui être placé. D’où vient qu’il y ait une question de la nature dans elle-même + comment la nature peut faire tout = fusion des 2 questions. Nature-totalité véhicule le problème de l’exception (l’exception hante le problème de la nature : le non-naturel). + pb sens : comment s’effectue une donation, une construction de sens ?

26.10.2000

Dernière fois : étude des connexions dialectiques dans lesquelles se trouve inscrit le concept de nature,  examen des changements de sens suivant un caractère donné, suivant le système dans lequel il se trouve pris. Site de pensée où nature va se mouvoir : science, idéalisme etc… : nuances. Tout ceci rend le maniement du concept difficile.

Schéma : faire apparaître les occurrences de nature assurant le transit d’une notion à une autre. Le contexte de définition se situe entre les 2 concepts de bord. Exemple : être-nature-essence. Partir de l’identité inaugurale entre nature et être. La nature de la chose = ce qu’elle est vraiment. Idée de vérité d’être. Pb : rapports nature-essence ! On va prendre nature en amont et en aval. Identité provisoire à laquelle on l’assigne, puis nouvelle possibilité définitionnelle problématique.

Rappels :

-       1er rappel : nature = transit être-essence, au sens de "nature des choses".

-       2ème rappel : si nature est pris comme désignant l’essence (et plus seulement son être), alors nature = présentation effective de l’essence de la chose dans son exhibition effective. Nature se tourne vers le sensible comme désignant l’extériorité de l’essence (ponctuation pertinente : rythme intériorité /extériorité. Cf usage ordinaire : le donné + l’intimité de ma nature… on a une nuance de spectacle et une nuance d’essence invariable, comme dans l’expression nature humaine). Moment où nature = essence devient : quelle est la différence spécifique ? Réponse : la nature, pour autant qu’elle désigne l’essence, le fait dans la figure de son déploiement. Autre pôlarité : le sensible.

-       3ème rappel : nature = le sensible de l’essence. Tension extériorité sensible/intelligibilité intériorité maximale. Si on veut appréhender dans la nature autre chose que l’essence, il faut chercher dans un protocole d’extériorisation. D’où l’identification nature-sensible : la nature devient l’extériorité sensible comme telle. Nature = le il y a de l’extériorité. Indifférence de l’extériorité, du sensible, en tant qu’elle n’a pas d’égard à l’extériorité. Exemple : Pascal, Sade, romantisme (douleur subjective face à l’indifférence).

Lectures :

-       Lucrèce : inspiration matérialiste dans l’idée que l’être est naturel. Il faut chercher la nature des choses du côté de l’identité naturelle. Différence les chose/la nature des choses, on va parler en terme de vide et d’atomes pour parler des objets courants.

-       Pascal : indifférence primordiale du il y a (2 infinis). Intériorité de l’être-là naturel à l’extériorité naturelle.

-       Sade : position intéressante car maximale. Déclaration de Dolmancé dans la Philosophie dans le Boudoir. Texte référentiel : quel concept est à l’œuvre chez Sade, quelle figure de l’énergie est donnée avec un impératif singulier = être aussi indifférent à l’autre que la nature nous est indifférente. Tirer des maximes de la nature = jouissance + indifférence. Le calme dans l’œuvre dans l’œuvre de la jouissance. Il y a une apathie sadienne naturelle, une indifférence à l’autre = résonance subjective de la nature tout entière. Etre naturel est très difficile ! Tout se passe comme s’il n’était pas naturel de se comporter suivant les maximes de la nature. Désir  = donnée naturelle. Ce que fait Sade = traiter le désir dans l’élément d’indifférence à l’autre. Complexité : il est dur d’obéir à la maxime naturelle. Il s’agit d’aristocratie, pas de pathos. Antinaturel = avoir pitié, gémir, être bon, sensible etc… (c’est ça la véritable dépravation, la corruption de la nature). Il y a un impératif de la nature auquel il est non-naturel de se soumettre. C’est une éthique de la jouissance indifférente, mais une éthique aristocratique.

Lacan : comparaison Sade et Kant. Convergence = paradoxe de l’impératif. Comment se fait-il que l’impératif = un fait (fait de la raison ou fait de la nature), et que son effectivité soit improbable ? (Kant : il est possible qu’il n’y ait jamais eu d’acte moral. Sade : improbabilité de l’existence d’un seigneur de la jouissance sadien (il est au lieu du livre, ie dans la fiction)). La symétrie tourne autour du mot nature. Kant : l’improbabilité de l’impératif catégorique comme tel, qu’il soit ou non naturel, sensible ou supra-sensible. On aboutit à une difficulté. D’où question nature et impératif. Si on en reste au dispositif de Kant, c’est une antinomie constituante : l’impératif est référé au supra-sensible. L’impératif est originairement séparé du naturel. Sade : c’est plus compliqué. Si on tente de bâtir le naturel en impératif, on va retourner au pathologique pour Kant pour organiser l’ensemble de son existence. A ce compte, il y a encore moins de libertins que de saints ! On va transformer les pulsions naturelles en impératifs.

- Hypothèse de Kant : la disjonction entre nature et impératif, et on aboutit à l’improbabilité.

- Hypothèse de Sade : la conjonction ___________________, _____________________. Nature motrice de l’impératif.

 

-       Tristesse d’Olympio de Hugo, Le Lac de Lamartine, Souvenirs de Musset, La Maison du Berger de Vigny.

topoï rhétoriques du romantisme français. Position d’indifférence de la nature, au sens où puissance d’accueillir le bonheur, d’une homogénéité à l’amour + puissance de continuer à être sans traces de cela, sans être marquée elle-même par ce qu’elle a accueilli (indifférence extérieure à l’intériorité de l’amour). Puis dialectique de réconciliation dont la clé = le souvenir, une théorie de la mémoire. Ce qui entre en scène sous le nom de mémoire comme autre rapport à la nature se cheville à la fonction de réminiscence chez Platon (ce n’est pas un souvenir psychologique, mais c’est une fonction ontologique, on intériorise la nature, on garde l’extériorité comme intériorité. Bergson : co-appartenance de la mémoire et de la figure vitale de la nature. Matière et Mémoire nomme la conception de Bergson sur la nature, sur la nature comme vie).

 

-       4ème rappel : si la nature est le sensible extériorisé, quel est son mode d’existence ? C’est le Tout, son calibrage (Pascal, Sade, romantisme). Ce à quoi nous avons affaire dans l’extériorité quelconque = tout ce qui se donne. Signification cosmique. L’Univers en tant qu’il se déploie et se donne comme totalité. Nature = donation sensible en tant que totalité, c’est le site absolu du il y a, c’est la belle totalité cosmique, cf Timée de Platon (exaltation finale : Socrate est fier d’avoir exhibé la nature, d’avoir reconstruit son principe d’intelligibilité).

      Parenthèse Platon : Sophiste + Timée ne sont pas aporétiques, mais affirmatifs. Sophiste : impureté philosophique (pêcheur à la ligne, parricide Parménide, non-être, 5 genres etc… N’importe quoi. Sentiment de victoire). Lois : après avoir identifié le Sophiste, on va l’éliminer. Tonalité sombre : héritage étatique du sentiment victorieux. On va projeter la victoire conceptuelle dans la réglementation. Victoire = définir l’adversaire. L’identification de l’adversaire entraîne des conséquences redoutables : l’ostracisme commence par la définition. Laisse-t-on un espace ? Il y a une fin conclusive de Platon, dont le Timée (chant de la victoire). Fin de la parenthèse.

Suite cours : rapports nature-tout.

Acception classique : nature comme totalité sensible. 2 ordres de questions : 

- est-ce que le dire du tout, son exposition, lui est comprise ? L’exposition naturelle est-elle elle-même naturelle ? Description de totalité : est-elle ou non inscrite dans la totalité ? Est-ce que le tout, la totalité naturelle est elle-même exhibée par la nature ?

Timée : jusqu’où la monstration de la totalité est elle-même totalité ?

Problème de Hegel : il s’est planté dans le nombre des planètes du système solaire (il y a parfois des ratés de l’Absolu !). Si la nature = totalité du sensible, est-ce que la totalité elle-même fait partie de cette exposition totale du sensible ? Le problème est complexe et difficile : il y a des objections logiques à dire que le tout est un élément du tout. Ça ne va pas de soi qu’on puisse considérer de son exposition que le tout soit montré. Le tout reste extérieur au tout, il n’est pas élément du tout, l’univers ne peut s’appartenir à lui-même.

Exemple : il est exposé, il n’est pas montré (Wittgenstein). Statut du monde = ce dont c’est le cas, et le monde n’est pas au monde. Les limites du monde = les limites de mon langage. Au plus, on peut montrer qu’il y a le monde, mais pas montrer le monde. Tractatus : il y a autre chose que le monde, ce qu’il appelle l’élément mystique est postulé comme autre que le monde, postulé par l’énoncé qu’il y a le monde = énoncé non-mondain. Il y a quelque chose de non-naturel dans la nature, dans son idée même. Il n’y a pas de référent naturel. Il y a un élément mystique car il y a quelque chose de non-mondain dans le dire du monde.

Exemple : la nature comme totalité ne se présente pas elle-même, sauf chez Hegel, pour qui la totalité n’est rien d’autre que la monstration d’elle-même. La nature est articulée à la totalité : c’est le moment de l’extériorité. Hegel évite le dualisme en posant que l’essence naturelle de la réalité = être sa propre exhibition, déploiement, monstration. Cf début dialectique nature dans l’Encyclopédie, cf entrée du concept de nature dans la Logique. Hegel : la nature de la totalité est de s’exhiber comme totalité. Il est de la nature du tout, y compris du tout naturel, d’être auto-monstration de la totalité. La totalité est toujours un mouvement de totalisation. Définition précise de la nature : dans la totalisation, c’est le moment de l’extériorité ; la nature est appréhendée comme figure de l’extériorité dans la totalisation. Le grand problème de cette solution  (résoudre de façon non-dualiste le problème de la totalité), c’est d’avoir une clause d’achèvement. On ne peut proclamer que tout mouvement est totalisation que si et seulement il y a le tout : il ne peut pas ne pas y avoir le tout. On ne peut alléguer que le mouvement est totalisation que si un critère d’achèvement nous donne le tout en tant que totalité qui s’achève comme tout. Comment identifier la totalisation comme tout, même si le tout est en mouvement ? Il faut avoir une totalisation totalisée. C’est le problème de la clause d’achèvement, quand la totalisation se ressaisit comme totalisation totalisée. Le vrai concept de la nature est délivré par la clause d’achèvement, car elle permet de penser la totalité, à la fin des fins.

en définitive, la nature c’est l’Absolu.

Spinoza : Deus sive natura.

Hegel : la nature – c’est-à-dire Dieu – au sens où il s’agit du transit de l’Absolu, car on doit avoir une fin, ie un moment où la totalisation est totalisée. L’identification de la nature à Dieu a 2 sens distincts, renvoyant à la question de la totalité, c’est toujours dans l’intuition de la totalité qu’on a l’identification, mais soit la totalisation de la divinité :

- Dieu s’effectue comme tout. Dieu n'est rien d'autre que le nom de l’effectivité du tout comme production, comme productivité immanente.

- on va exhausser la nature jusqu’à Dieu : absolutisation de la nature. On ne peut penser l’extériorité qu’en la rapportant au mouvement de l’absolu lui-même, dans la figure de son exhaussement vers l’Absolu (arbres, planètes…).

Dans l’identification de la nature et de Dieu, on a un double mouvement : l’exhaussement absolutisant de la totalité naturelle, la totalité naturelle comme productivité immanente sans exhaussement particulier.

la nature comme totalité : dialectiquement ou productivement.

              2 orientations. Dans la 1ère, la nature désigne l’être dialectique de la totalité, dans la 2ème elle désigne le caractère de productivité immanente de la totalité.

Dans le schème dialectique, il y a une intelligibilité intrinsèque de la nature comme tout : la nature a un sens, qui la relève dans l’absolu. Le sens = être le moment de l’extériorité, il n’y a de sens que dans une corrélation à l’absolu.

Dans le schème de la production, il n’y a pas nécessairement de sens, il n’y a qu’un libre jeu de formes produites dans l’immanence au tout. Rien n’exige la relève de cette production par un sens. Si on conçoit la nature comme un tout, on n’a pas encore tranché la question du sens. Spinoza-Deleuze : pas de sens de la totalité comme telle, c’est le chaosmos. Nature : autre nom de la totalité sans qu’il y ait une relève absolutisante par un sens. Il n’y a pas d’autre absolu que la nature comme productivité.

Si on n’admet pas la clause d’achèvement, le tout exige autre chose que le tout. Court-circuit ramenant de Dieu (Vie, Substance…) à la totalité n’existe pas si la totalité est hors d’état de s’exhiber elle-même. Pour qu’il y ait nature, il faut qu’il y ait du non-naturel à partir de quoi on peut prononcer la totalité.

 

C’est le moment dans une philosophie où on décide ou non qu’il n’y a que le tout. 2 bords opposés possibles : il n’y a que le tout, ou il y a aussi autre chose. Hegel-Spinoza : que le tout. Diverge au point de la totalité naturelle. OK, nature comme totalité = ce qu’il y a. + décision philosophique autre (implicite ou explicite) : il n’y a que cela, ou autre chose en plus.

Exemple : philosophie analytique. Distinction implicite nature/non-nature. Il n’y a que la nature, le tout en tant que configuration de ce qu’il y a.

Autre exemple : Wittgenstein est dualiste dans le Tractatus, puis changement. Il faut se documenter sur la nature de cette décision.

il y a toujours une décision, même implicite, qui distingue entre 2 orientations sur la question du tout, sur la nature de ce qu’il y a : s’il n’y a que le tout, on va remonter du tout à l’être, à l’absolu, de manière soit dialectique, soit productive. Sinon, on va poser qu’il est dans la nature de la totalité qu’il y ait autre chose que la nature. Transit de la totalité à autre chose qu’elle-même. Nom traditionnel = liberté, (d’où, en passant, invalidation de la liberté chez Hegel et Spinoza). Si la décision = totalité naturelle, la liberté est une catégorie non-valide, ou reconstruite et subordonnée. Opposition fondamentale permettant d’élucider le concept de nature = concept de liberté, en tant que l’autre de la totalité ou de la réalité phénoménale.

5ème dialectique : nature-liberté.

Comment s’opère leur articulation ? La liberté est désignée comme anti-nature (supra-sensible, être du néant etc… Le nom peut varier). Registrations opposent liberté et nécessité. Sartre : liberté = le néant. Chaîne nominale désigne la liberté comme l’autre de la nature en tant que totalité.

Kant : le couple liberté pratique/réalité phénoménale. Acception traditionnelle dans l’espace philosophique.

Cf articulation liberté/suprasensible dans la modalité de la grâce : Malebranche, nature et grâce. Très suggestif : d’où vient la grâce ? Quel est son régime de distribution ? Comment s’articule-t-elle à la nature (opposition, superposition…) ?

Exemple : théories des miracles. Le miracle = le non-naturel par excellence, en exception de la nature, ce qui ne peut pas avoir lieu naturellement. Instructif : autant de conceptions de la nature, autant de conceptions du miracle. Déchiffrement des instanciations du miracle sur fonds de nature. Pascal : c’est une question décisive ! Il hait les douteurs de miracle : ça définit les libertins et les hommes perdus. Pourtant, il est aussi physicien.

→ tout ça désigne la figure de l’exception à la totalité naturelle. Comment, pour tous ces penseurs, ce qui fait exception est la source du sens, y compris celui de la totalité : il faut se situer au point de l’exception. Valable aussi pour Kant : déchiffrement symbolique de la liberté dans l’Analytique du sublime. Pascal : il y a du sens s’il y a un point d’exception, Livre ou miracle (il s’agit de 2 choses non-naturelles). Le miracle atteste la validité du Livre. Malebranche : l’ordre de la grâce influe sur l’ordre de la nature. Dans tous les cas, le sens de la nature est délivré à partir du non-naturel, de l’anti-naturel. (même Sartre : l’en-soi n’a de sens qu’avec le pour-soi). La nature prend sens du point du point de la non-nature, le sens immanent est défait. Liberté = grâce, miracle, nouménal…

La liberté est définie comme l'antinature, avec plusieurs noms possibles.

Question : y a-t-il une nature de la liberté elle-même ? Une nature de l'antinature ? (pour qu’elle puisse être la source du sens).

6ème dialectique : nature-humanité.

Il faut s’interroger sur son être, sur son effectivité, sur son essence… Voir le conditionné chez Kant : disjonction radicale, puis le problème de la nature de la disjonction fait retour sur la disjonction. D’où liberté = une nature, celle de l’homme, constitutive de l’homme. L’humanisme : l’homme est né libre.

Rousseau : le non-naturel = être dans les fers ! Expliquons cela ! Il n’y a une énigme que si on suppose que la liberté = une nature, et que la servitude est anti-naturelle (ce n’est ni comme ça, ni pour ça qu’il est né). Dialectique de l’humanité comme naturalité de la liberté. L’humanité désigne l’être dont la nature est la liberté, dont la nature est définie d’abord comme une anti-nature. Rousseau : réversion du rapport origine/liberté. Qu’en est-il de cet être dont la servitude est l’artifice, et la liberté le naturel ? L’humanité désigne la naturalité de la liberté. Il faut l’interroger comme une nouvelle définition de la nature, comme une nouvelle opération sur le concept de nature. Droit naturel = oxymore. La sphère du droit = sphère du non-naturel ; les droits naturels de l’homme supposent qu’on atteste la naturalité de la liberté. Question critique du droit naturel et de la proposition d’un autre rapport entre liberté et nature. Moment de l’humanité quant à la nature. Disposition de l’humanité quant au couple nature-liberté. Centré sur la réversion : à partir d’une humanité pensée comme exception ou liberté, elle se retourne en nature. D’où Kant : qu’est-ce que l’homme = la seule question. Homme = rapport indéchiffrable entre nature et liberté, subsumé sous le nom d’homme. Encore sous cette juridiction de naturalité possible de la liberté comme figure générique de l’homme. Etablir la nature de l’homme comme une tentative de spécifier la nature de la liberté, alors retour : comment elle s’inclue dans la totalité ? Totalité de la nature humaine ; si l’homme = synthèse et réversion de nature et liberté, qu’en est-il de la naturalité de cette synthèse ? Où est l’homme dans la totalité naturelle ? Où est la nature humaine dans la nature comme totalité ? Qu’est-ce que la vie de l’homme, une vitalité totalisable ?

7ème dialectique : nature-surhumanité

D’où Nietzsche : il critique l’humanité du point de vue de la nature. La figure de l’homme supporte l’épreuve de la naturalité. Surhumanité = humanité revisitée par la nature, question de la vraie nature. Ce qu’il doit devenir dans l’intensité naturelle : nature du surhumain, puis de Dieu. Si le surhomme = surmonté par sa propre nature, en tant qu’elle est en excès sur la figure de l’homme (mouvement de l’extériorisation naturelle), alors le devenir dieu de l’homme comme surhomme = nouveau nom de la nature elle-même.

8ème dialectique : nature-Dieu

Puis clôture sur Deus sive natura. Nature = autre nom pour Dieu, la nature comme être, activité absolue et positivité intégrale. Réalisation du retour éternel : point de départ.

11.11.2000

Texte de Kant

Définition de nature. Texte très compliqué et retors au sujet du concept de nature. Nature = concept dont l’unité est problématique, construit sur une tension (dialectique). Tension entre la nature comme nom de ce qui est donné comme tel, ce qui est là, comme un des noms du il y a, de la donation dans sa présence explicite (1er usage du mot) ; et (2ème usage), nature comme pouvoir de donation, l’activité de donation, et pas simplement ce qui est donné comme tel, c’est l’essence invisible de la visibilité, l’essence active du déploiement.

→ naturel = le visible comme tel,  et la possibilité du visible comme tel (quelque soit le registre de la possibilité : acte, puissance, énergie) Acceptions passives/actives, articulation intelligible entre le donné et la donation. Une philosophie singulière = élaboration de cette tension. 3 exemples de registration de la nature :

-       acte/puissance chez Aristote.

-       Nature naturante – nature naturée chez Spinoza.

-       Virtuel – actuel chez Deleuze.

Nature : toujours pense à la jointure de 2 autres concepts, opère à la jointure (c’est la situation discursive du concept). Topologie essentielle du concept, et pas accessoire. Voir schéma de l’escargot. Reprendre comme ça : nature = opérateur synthétique dans la discursivité philosophique, opérateur de synthèse intelligible car il subsume la liaison en tension. 3 modalités de synthèse : rassemblement (nature comme totalisation), passage (nature comme extériorisation), création (nature comme vie). 3 modalités fondamentales de nature comme opération synthétique.

Kant : nature = opérateur synthétique. Kant : penseur de la possibilité de la synthèse. Question organisatrice chez lui, paradigmatiquement. Pour Kant, la question du purement anaytique est réglée depuis toujours car la logique pure est achevée depuis Aristote. En ce sens, le problème du purement analytique est une question close, car la codification formelle de ces jugements est réglée. Dogmatisme = ceux qui croient qu’on peut légiférer synthétiquement par purs concepts. Il aligne le synthétique sur l’analytique, capturer indûment la synthèse par l’analyse. La métaphysique dogmatique croit pouvoir légiférer synthétiquement par concepts analytiques, et règle le synthétique dans l’espace du concept. Kant : non, il y a une discontinuité analytique – synthétique. C’est un geste fondateur que cette distinction. Discontinuité avec ce qui est déjà réglé, disjonction synthèse – analyse. Dogmatisme : il n’a pas pris cela en compte, il n’a pas pris en compte la disjonction. Il faut isoler la question du synthétique. Kant : il va examiner la synthèse comme telle, c’est le noyau de l’entreprise. Question de la possibilité de la synthèse. 2 conditions de la synthèse :

-       une condition matérielle, réceptive : c’est l’intuition sensible.

-       Une condition formelle et organisatrice : c’est le système du transcendantal.

→ isolement du synthétique et système de double condition.

Aboutit à l’expérience en tant qu’activité de l’entendement, et ce qui se donne dans cette activité va être appelé objet. L’expérience, c’est le champ général de l’activité cognitive. L’objet, c’est ce qui apparaît dans ce champ. Question : qu’en est-il de la nature dans cette disposition ?

Nature va s’inscrire dans une distinction délicate qui touche la question de la synthèse. Distinction décisive dans le concept de nature construit ici : liaison – unité. Question qui touche à "qu’est-ce qu’une synthèse ?". Ce qui lie + ce qui fait un (l’un de la liaison). Texte à la fin de l’Analytique des concepts. "Liaison : représentation de l’unité synthétique du divers. La représentation de cette unité ne peut donc pas résulter de la liaison, mais plutôt en s’ajoutant à la représentation du divers, elle rend d’abord possible le concept de liaison".

→ pour qu’il y ait synthèse, il faut qu’il y ait liaison + représentation de l’unité de la liaison. Liaison = représentation d’unité, donc unité présupposée pour identifier la liaison. On ne peut tirer l’unité de la liaison. Analyse d’une synthèse ! Composante d’une synthèse : liaison, unité. L’unité est originaire, possibilité de représentation de la liaison. La liaison suppose la donation d’une unité originaire. Il faut qu’il y ait une instance de l’Un, qui n’est pas le système des catégories (le système conceptuel des liaisons). S’il faut l’Un pour penser la liaison, l’Un n’est pas réductible au système des catégories. L’analyse de la synthèse montre l’originarité de la puissance d’unité sur le système des catégories. Le système des catégories n’est pas le dernier mot. S’il n’y avait que les catégories, la liaison resterait indéterminée. Cette instance de liaison = l’aperception originaire (l’instance de l’Un qui raccorde toutes mes représentations à une unité a priori de la liaison). A retenir : sans l’hypothèse de l’aperception originaire, on aurait des phénomènes, mais on n’aurait pas d’objets, car pas de représentation de la liaison comme unité. L’aperception est liée à la question de la forme originale de l’objet. Si on n’avait que les catégories, on aurait des représentations mais pas d’objets. Objet = corrélation de l’instance de l’Un. Objet = ce qui fait un, ce qui compte-pour-un dans l’expérience.

"L’unité transcendantale de l’aperception est celle par laquelle tout le divers donné dans une intuition est réuni dans le concept de l’objet". Aperception originaire = question de l’unité de l’objet, ie la liaison n’est pas assurée dans le système catégoriel. Liaison, unité, expérience, objet. En définitive, le problème ultime de la question de la synthèse = qu’est-ce qui fait un dans l’expérience ? (liaison dans la représentation ne fait pas un, c’est l’objet qui fait un, et sa condition, c’est l’unité de l’aperception). Question de l’objet = celle de l’instance de l’Un, pas celle de la liaison.

 

Quelle est la place de la nature dans ce dispositif ? La nature va être nommée quand l’instance de l’Un entre en relation avec le temps. Connexion aperception originaire et forme a priori du temps. Nature = temporalisation de l’objet dans son accord à l’aperception originaire. Cette corrélation va concerner l’existence des objets. Comment Kant construit-il le concept de nature ? 3 opérateurs : le temps, l’existence, l’instance de l’Un. Définition de la nature : c’est l’unité d’existence des phénomènes dans le temps. Examiner ça = ce qui identifie la nature.

 

2 remarques conclusives des Préliminaires :

- le concept de nature est un concept temporel, et pas spatial. C’est intéressant : ouverture d’une lignée de temporalisation du concept de nature. Bergson et Deleuze dans cette lignée, dans la descendance de Kant. L’essence intime de la nature, c’est le temps, et non l’espace.

- comme la nature est l’unité des phénomènes dans le temps, il n’y a qu’une nature. Il va de soi dans la construction du concept qu’il n’y a qu’une seule nature. La question de l’unité ou de la pluralité de la nature est passionnante. Kant tranche la question dans la construction du concept.

 

Situation du texte : 

-       Analytique Transcendantale (Analytique Concept = catégories, aperception).            

-       Analytique des Principes (Schématisme, Système des Principes de l’Entendement Pur, Phénomène – Noumène). Nature n’est pas un concept, mais la désignation d’une opération synthétique. Question des Principes : règles a priori.

-       Système des Principes de l’Entendement Pur (axiomes de l’intuition anticipations de la perception, analogies de l’expérience).

-       Analogies de l’Expérience (1ère, 2ème, 3ème).

-       Après la 3ème Analogie (commentaire final).

→ le texte est juste avant la fin de l’Analytique Transcendantale, à la fin de l’Analytique des Principes. Il vient après la machinerie de l’analytique transcendantale : table des concepts, et règles a priori. Opérateur synthétique, et indiqué par la place dans l’architecture.

Qu’est-ce que c’est, les analogies de l’expérience ? Elles sont organisées à partir d’une analytique du temps, dimension temporelle de l’existence, du point de vue des modes du temps. Grosso modo, les analogies, c’est ce qui fait fonctionner l’instance de l’Un dans les différents modes du temps. Ça revient à la question : qu’est-ce qu’un objet dans le temps, un objet du point de vue du temps ? C’est le problème de l’unité, pas seulement celui de la liaison. A quelles conditions y a-t-il des objets dans le temps, et dans les différents modes du temps ? 3 modes : permanence, succession, simultanéité. 3 analogies, 3 manières d’assurer a priori l’existence des objets dans le temps : selon la permanence (substance), la succession (liaison de la causalité nécessaire), simultanéité (interdépendance universelle de toutes les substances). C’est destiné à garantir la question de l’Un dans le temps. (Un de permanence de la substance, l’Un de la totalité dans la simultanéité…). L’Un de succession : pas causalement liée assure l’unité, mais la nécessité de la liaison assure la causalité. On ne tire pas la nécessité du concept de causalité : la causalité assure la liaison, ais ne dit rien sur cette nécessité (c’est le problème de l’unité). Analogie : raccorder le temps de la succession à l’aperception originaire. Unité, objet d’expérience pour autant que la liaison causale est nécessaire. Assure la possibilité de l’objet dans le temps (seuls les principes raccordent la question de la liaison à celle de l’unité : sinon la synthèse ne serait pas réglée). Synthèse : unité de la liaison. Comment l’instance de l’Un opère dans le temps ? Il faut mobiliser la machinerie transcendantale selon la connexion à l’Un (c’est différent de la capacité à lier le divers). Synthèse : liaison du divers. Il faut des conditions de la synthèse. Il faut aboutir à l’objet pour la synthèse. Problème aigu dans le temps. Succession : qu’est-ce qui assure l’Un ? C’est la nécessité de la liaison qui fait que je ne puisse me représenter le successif autrement que lié (ce n’est pas contenu dans le concept même de liaison).

→ le problème de la nature intervient dans la connexion Un-Temps.

 

-       Un : c’est l’aperception originaire. "Ma connaissance, ie mon unique connaissance".

-       Temps : il n’y a qu’un temps. C’est le point le plus faible et le plus difficile.

On a ultimement pour Kant 2 appuis sur l’Un : une connaissance unique, et un seul temps. Nature est un lien organique entre ces deux.

 

Le Texte proprement dit :

La nature est la présentation de la synthèse elle-même, c’est le nom ultime de la synthèse. Fait que tous les phénomènes résident dans une nature et doivent y résider = nomination de la synthèse. Nature = il y a des objets (unité dans la synthèse). L’au-delà de la liaison, la nécessité de la liaison. D’où on commence par la nécessité. Nature = les phénomènes dans leur liaison nécessaire.

Mouvement du texte : la nature a besoin d’unité, qui n’est pas dans la figure de la liaison seule. Lien liaison début et unité fin : c’est la questions des lois nécessaires. La nécessité de la liaison c’est autre chose que la liaison. Que la nature soit liaison, c’est d’accord, mais ce n’est pas pour autant que cette liaison des phénomènes est nécessaire.

Suite = l’investigation de cette nécessité. Le concept de nature dépend de lois a priori. Transition (2ème phrase) : nature ne désigne pas quelque chose de l’expérience, mais quelque chose de la possibilité de l’expérience, du côté de l’a priori. (d’où la fin : "doivent" : énoncé transcendantal). On a une subversion du point de départ : nomme lien un – temps (absent au début). "Lois originaire = analogies de l’expérience". Problème de la nature = problème des analogies. Nos analogies présentent l’unité de la nature. Le concept de nature est construit à partir des analogies : rapport du temps à l’unité des perceptions.

→ cheminement d’une construction synthétique de nature comme synthèse a priori de l’unité de la perception et du temps. C’est l’unité du je et du temps : le je assure l’unité de l’expérience en tant que mon unique expérience. La nature devient la synthèse du je pur et des modes du temps. Si nature = unité de perception dans son rapport au temps, la nature est la présentation temporelle des objets. Objets = instances de l’Un dans la synthèse.

Attention : il n’y a des objets que s’il y a plus que la liaison. La liaison assure la phénoménalité de l’apparaître, et pas son objectivation. L’objet est plus que le phénomène.

Nature nomme le déploiement de l’objectivité (la possibilité des objets) dans le temps. Sans ça, il n’y a ni détermination des objets, ni unité. Nature : c’est l’unité de l’expérience, ie la possibilité des objets, ie l’objectivité dans le temps.

 

Définition complexe : la nature, synthétiquement, c’est l’objectivité en tant qu’elle est temporelle. Question : de quoi y a-t-il objectivité, quand celle-ci est temporelle ? L’objectivité en tant que temporelle, c’est l’objectivité de l’existence du phénomène (pas sa signification ni son contenu). Il faut compléter la définition : la nature, c’est l’objectivité de l’existence dans le temps. Finalement, la nature est l’existence dans le temps sous la forme de l’objet. Qu’il y ait des objets comme existence dans le temps, voilà ce qu’est la nature. Il n’est donc pas illégitime de dire que la nature, c’est la donation des objets, en tant que donation temporelle et donation d’existence (et pas en tant que contenu déterminé ou empiricité immédiate). Temps : ce qui prend en lui toute existence. La nature est du côté de l’a priori, du registre de la donation de l’existence pour autant qu’elle est de la forme de l’objet dans le temps. Ce qui marque le côté transcendantal de cette donation, c’est que la nature est un concept nécessaire. "Tous les phénomènes résident et doivent résider dans la nature". Nature est donc du côté de la constitution transcendantale de l’expérience.

 

Conclusions :

-       la dialectique fondamentale pour Kant de la nature, c’est le paradoxe de l’unité et du temps. C’est ça que nature traite : le rapport un-temps. Est-ce que le temps est compatible avec l’Un ? Mise à l’épreuve de l’Un par le Temps (la succession). Nature : le moment où se récapitule la solution du problème, l’efficacité de l’unité dans le temps lui-même. Maintien l’unité de l’expérience même si elle est temporelle de part en part. Comment se fait-il que des objets puissent être temporels ? Les objets dans le temps : inscrits dans l’unité d’une nature, sous le signe de l’objet traité dans son rapport à l’existence.

-       Quelle est la force de cette construction ? Sa force, c’est de rendre raison de la représentation scientifique de la nature au régime de lois nécessaires en se posant la question de la nécessité de la nécessité. Ce n’est pas tant un compte-rendu des liaisons nécessaires que chercher à s’interroger sur la nécessité de cette nécessité pour qu’il y ait expérience (même si au départ la nature c’est la nécessité des liaisons). Penser la nécessité de cette liaison, c’est penser la nécessité de cette nécessité. A partir de Descartes, la nature est interrogée à partir des lois. La nécessité de la liaison est un fil conducteur. Kant : il renvoie cette question à la nécessité de la nécessité de la liaison.

-       Difficultés : le point sensible est du côté de l’axiome de l’unité du temps. Il ne va pas de soi. "Divers temps doivent être subsumés". Le problème de l’unité, c’est le problème de la pluralité qui est laissé de côté. D’où problème dans le traitement de l’histoire. Hypothèse : il y a une pluralité de temps. Rapport à la nature ? L’analytique du temps est insuffisante. Le divers du temps, pour Kant, se réduit à la permanence, la succession et la simultanéité. C’est une analytique pauvre. Kant ouvre à une analytique du temps (idée qu’il y a des modes du temps, une pluralité de temps…), mais elle n’est pas poussée assez loin. Badiou : il y a plus que 3 temps, la pluralité temporelle est supérieure à celle de ses modes. Les indications phénoménologiques du temps sont chez Kant trop scolastiques.

→ rapport de Kant à l’héritage : il entérine la tradition (comme la fin de la logique : là aussi il s’est planté). Si la phénoménologie du temps était plus pluraliste, quelles seraient les conséquences sur le concept de nature ? C’est le problème de son unité qui se trouve atteint : l’idée que tous les phénomènes prennent place dans une nature. Ça, c’est soutenu par l’unité de l’aperception + il n’y a qu’un temps (qui n’est pas représentable comme tel : n’est représentable que la liaison). Mais s’il y a plusieurs temps, et si certains sont représentables, alors la thèse de l’obligation d’une nature devient précaire. Même si nature est un opérateur synthétique, il n’y a pas forcément qu’une seule nature.

9.12.2000

Texte de Hegel

Attention : il n’est pas question de la conception hegelienne de la Nature, mais c’est une tentative pour disposer ce concept dans son ambivalence, indirectement, en l’intercalant entre celui de Dieu et celui de monde. Idée : la relation nature-monde représente un schème dialectique identique à celui existant entre Dieu et nature. Il y a la même relation formelle qui touche à la question du fondement.

 

Situation : la question du fondement.

Le fondement est pour Hegel un moment de la dialectique de l’essence. Logique = Etre-Essence-Concept. Le problème du fondement est intérieur au développement de la forme de l’essence. Fondement : c’est l’essence pensée dans son rapport à ce dont elle est l’essence (il s’agit d’un moment réflexif), et non dans la séparation. Différence, et identité entre l’essence et ce dont elle est l’essence. La nature est au voisinage de l’essence.

→ qu’est-ce qu’une chose saisie dans sa naturalité ? C’est le rapport à la chose même. Ça = problématique du fondement (rapport d’une chose et de son essence), ie rapport fondement-fondé, ce qui fonde-ce qui est fondé, l’actif et le passif (Spinoza : nature naturante-nature naturée : identité de la nature, mais distinction formelle actif-passif. Tantôt l’angle producteur, productif, tantôt l’angle produit, constitué, créé). Il y a analogie de la question de la nature et de la question du fondement chez Hegel : Hegel parle de la nature dans le passif-actif du fondement, dans la relation active à l’essence.

 

Architecture :

On a 2 exemples du fondement-fondé.

1er exemple : la nature comme fondement supposé du monde.

2ème exemple : Dieu comme fondement supposé de la nature.

 

Détour kantien :

Kant est un horizon à la fois évident et implicite. Le Kant de la Dialectique Transcendantale. Kant traite de cette double relation supposée : il s’agit de 2 passages cruciaux dans cette Dialectique.

-       Excursion dans le rapport nature-monde : chapitre 2, Dialectique 1ère section = Système des idées cosmologiques. Introduction d’une détermination essentielle comme la distinction nature-monde. Ce qui importe, c’est la question de l’identité et de la différence : en quel sens nature se dit comme monde, et en quel sens ont-ils des sens différents ? Kant : nous avons 2 expressions qui sont quelquefois prises l’une pour l’autre, qui sont substituables dans la langue courante.

Monde = ensemble mathématique de tous les phénomènes, et la totalité de leur synthèse en grand comme en petit, ie le développement progressif de cette synthèse, aussi bien par assemblage que par division. Monde comme catégorie mathématique (s’oppose à catégorie dynamique, le monde est une totalité statique, un tout en soi, un ensemble de phénomènes naturels, une multiplicité indifférente aux lois et au devenir). Ce même monde s’appelle nature en tant qu’il est considéré comme un tout dynamique : "on n’a point égard ici à une agrégation de temps, mais à l’unité dans l’existence des phénomènes".

1er temps : le monde et la nature, c’est la même chose, vu mathématiquement d’un côté, dynamiquement de l’autre. Il y a juste un changement de point de vue, avec ou sans prise en compte du devenir. Quel est ce "même" qui se dit soit mathématiquement, soit dynamiquement ? Nature = monde vu dynamiquement. Monde = sens mathématique des phénomènes. Le  "même" est pris tantôt mathématiquement, tantôt dynamiquement.

→ il y a un double sens, une énigme du même : sa désignation fait problème. On atteint un 3ème terme quand on dit que mathématiquement on a le monde, et dynamiquement la nature. Ce 3ème terme = l’ensemble des phénomènes. Kant : ce 3ème terme – fondamental – n’est pas une agrégation spatiale ou temporelle, mais l’unité des phénomènes appréhendée dans leur existence. Allusion à la totalité des phénomènes non ordonnée encore par l’Esthétique Transcendantale, qui n’est pas encore constituée dans l’expérience. Ce 3ème terme = quelque chose comme l’être de la totalité phénoménale, son exister, l’être du phénomène comme tel (voisin de l’étant en totalité de Heidegger : pas de l’être, qui demeure dans l’espace de l’étant). On ne peut construire la distinction nature-monde qu’en se référant à la totalité phénoménale comme telle, totalité qui n’est ni donnée dans l’expérience, ni expérimentale. Il n’y a pas d’intuition intellectuelle possible : c’est un terme formel. Cette totalité = l’existence. Donc : pour distinguer nature et monde, il faut se référer à l’existence au regard de la totalité phénoménale inexpérimentée, inexpérimentable. Il faut nécessairement l’introduire car le monde et la nature sont 2 modalités d’existence de la totalité phénoménale (mode d’existence mathématique : l’existence totalisée, mode d’existence dynamique : le système général des lois). Il faut retenir, dans la construction du concept de nature, qu’il y a toujours un moment où le rapport existence/totalité des phénomènes est convoqué pour instruire le concept de nature. Nature et monde = 2 modes formels de l’exister phénoménal, du phénomène comme tel (et pas du noumène : il n’est pas question de l’être du phénomène, mais de l’exister du phénoménal dans ses modalités possibles. Kant assigne la nature à la modalité dynamique de l’exister phénoménal).

Comment cette convocation de l’essence marche aussi chez Hegel ? Structuration nature-monde-existence-totalité ?

 

Contexte et Plan de la Logique de l’Essence

Théorie de l’essence en 3 sections.

-       1ère section : l’essence en tant que réflexion sur elle-même.

-       2ème section : le phénomène.

-       3ème section : l’effectivité.

  c’est simple, c’est passe-partout : - la nature comme intimité avec soi-même de la chose (ce qui lui est propre : agir selon sa nature, suivre son propre etc… c’est sa nature…). L’intériorité maximale de la chose en conformité à son être essentiel.

                                                            - l’extériorité phénoménale dans son déploiement sensible effectif = le phénomène. Ce qu’elle a de plus propre, c’est sa manifestation. On pense l’extériorité comme telle.

                                                            - unité de l’intérieur et de l’extérieur : la nature comme concept achevé, complet. Problème du passage du 1er au 2ème sens. Est-il naturel ? Si la nature se prend comme essence et extériorité, comment s’effectue le passage ? L’effectif est l’unité des 2 pour Hegel.

Examen des sous-sections :

-       1er temps : celui du propre, se donne sous 3 figures. L’Apparence, la Détermination, et le Fondement. L’immédiat du propre, la singularité en tant qu’elle apparaît, et ce qui touche à son fondement. Notre texte est à la lisière de l’essence comme fondement et phénomène.

-        2ème temps : celui de la manifestation, se donne lui aussi sous 3 figures. L’Existence, le Phénomène, le Rapport Essentiel. C’est la Dialectique du Phénomène. Juste après le Fondement, vient l’Existence. Le rapport entre ce qui fonde et ce qui est fondé ne se règle que dans l’existence ! On a une proximité biaisée avec Kant. Kant : si on veut distinguer nature et monde, il faut convoquer l’existence. On ne peut concevoir l’unité nature-monde que du point de vue phénoménal, de l’existence de la totalité. Début de l’Existence (Hegel) : tout ce qui est, existe. L’exister, c’est l’exister du tout, et c’est ce qui construit la phénoménalité. Différence Kant-Hegel : ce qui pour Kant vient avant vient après pour Hegel. Hegel distingue le fondement et le fondé et donne l’existence à la totalité, Kant part de la totalité d’où la distinction monde et nature. Tout ça gravite autour de la question : "qu’est-ce qu’une totalité ?". Comment la liaison est-elle dépliée par Kant et récupérée par Hegel ? Nature vient dans l’espace conceptuel de l’exister, de la totalité, du phénomène. Nature = indicateur conceptuel pour dire comment se nomme l’existence de la totalité des phénomènes. Ça exige la catégorie de nature, chez Kant comme chez Hegel.

 

Détour kantien :

- Excursion dans le rapport Dieu-nature : 6ème section Dialectique Transcendantale = De l’impossibilité de la preuve physico-théologique. C’est une preuve qui lie la question de la nature à celle de Dieu (motif des merveilles de la  nature). La preuve physico-théologique (question de la nature) n’est pas identique à la preuve cosmologique (question du monde). La distinction monde-nature renvoie à la totalité des phénomènes, à l’opposition mathématique-dynamique, et organise 2 preuves distinctes de l’existence de Dieu. (Kant : en réalité, il n’y a qu’une seule preuve valide, c’est l’argument ontologique implicitement contenu dans les 2 autres !). Spectacle de la nature : ses merveilles, l’agencement extraordinaire de la dynamique naturelle. On s’appuie sur l’expérience des choses du monde présent, sur sa nature et son ordonnance, et de là on passe à la conviction de l’existence d’un être suprême. On a de quoi forger cette conviction.

Attention : différence entre la preuve ontologique et la preuve physico-théologique (le monde est convoqué dans la preuve physico-théologique. Il vient étayer l’argumentation en faveur de l’existence divine).

Dans la preuve cosmologique, le référent reste indéterminé, le point de départ n’est pas l’expérience. Dans cette preuve, on conclue de l’existence indéterminée du monde à son auteur. On remonte de la contingence à la nécessité. Il n’y a pas d’expérience déterminée des choses. Appui pris sur un concept indéterminé du monde, mathématiquement conçu. Donc l’argument cosmologique n’entre pas dans le concept de nature, il est mondain : il n’a pas besoin de l’expérience, des lois ou du devenir du monde.

Dans la preuve physico-théologique, on est enraciné dans l’expérience de la nature et de l’ordonnance du monde. Pour passer du monde à la nature du monde, on passe de l’indétermination à la détermination. L’indéterminé devient un déterminé dynamique. Conviction que nature renvoie à ce qui du monde est expérimentable, à la singularité merveilleuse du monde. Ce qui est physique renvoie à une expérience constituée et déterminée, et non à une totalité abstraite ou formelle de l’ensemble des phénomènes. Pour accéder à la nature, il faut quelque chose de plus que l’exister : l’expérience (des objets + des lois entre ces objets). Hypothèse : il y aurait une solidarité organique dans le concept de nature entre l’existence (référence indispensable) – tout ce qui est en tant qu’il existe – et un élément d’expérience où se donnerait la singularité naturelle, et pas seulement la nature, où entre l’élément de contingence du déploiement naturel (il n’est pas conceptuellement déductible, il ne peut être que rencontré : spectacle).

Exemple : XVIIIème siècle. On assiste à une reviviscence de l’argument physico-théologique avec l’investigation scientifique. C’est la mode de la science expérimentale, avec une articulation à l’empirisme, couplée à une apologétique des merveilles de la nature. Les observations microscopiques etc… sont réarticulées à cette preuve. Nouvelle intensité de la preuve par des découvertes improbables, on n’est pas tourné vers la nécessité, mais vers la prolifération inouïe de l’univers naturel tel qu’on le rencontre. Il ne faut pas sous-estimer les observations microscopiques : elles permettent de découvrir l’invisible. Le voir élémentaire = vecteur philosophique essentiel pendant des siècles. Le microscope change le voir : il fait voir ce qu’on ne voit pas. Il change la nature : elle n’est plus à la mesure de la visibilité. Il y a une prolifération insoupçonnée. Nature = monde par agrégation/division infinies avec l’opérateur du microscope, inclure la démesure par rapport au voir ordinaire. La nature, ce n’est pas ce qu’on voit dans la disposition du sensible, c’est ce qu’on ne voit pas dans ce qu’on voit. L’argument est infléchi par le microscope. L’accent est mis non plus sur l’ordonnance, mais sur la prolifération : il y a plus dans la nature que ce qu’on en voit. Conduit à l’idée d’un principe suprême qui voit tout, avec la puissance microscopique du voir. Il  a certainement un autre œil que le nôtre. Ce débordement du voir ordinaire… Merveille = infinité latente. Dieu = celui pour qui cette infinité latente est patente, Dieu est à la mesure de l’infinité.

 preuve physico-théologique : on ne remonte pas de l’ordre vers le principe d’ordre, on remonte de l’excès à son principe. Le point de départ : ce qui apparaît comme monde est creusé comme un labyrinthe infini, qui requiert une intelligibilité autre que celle dont nous sommes capables. Il y a un ordre de cet excès : c’est le fondement de la nature. Dieu = ce qui, eu égard à la complexité, est la simplicité requise du fondement. Pourquoi se pose la question du fondement de la nature ? Il semble que la nature soit fondement ; pourquoi le nom du fondement devrait-il être fondé à son tour ? Si nature = ordre auto-suffisant, on a besoin d’un créateur, pas d’un fondement. Exemple : Timée. Il n’y a pas de fondement du cosmos. Démiurge = fabricateur transcendant. Le monde a une âme, il est son propre fondement (d’où le motif de l’âme qui désigne ça). L’argument cosmologique est grec, l’argument physico-théologique est moderne, rénové par les sciences expérimentales. Alors on a besoin d’un fondement : nature n’est pas un ordre cosmique, mais une prolifération, un excès phénoménal qui requiert d’être fondé. Kant : ça ne prouve pas qu’il y ait un créateur transcendant. Le principe suprême de l’exister n’est pas un principe de mise en ordre. Derrière l’opposition monde-nature, changement de sens du mot nature. La conception cosmique de la nature, dans le Timée et chez Descartes, montre l’auto-suffisance du monde : pas de distinction nature-cosmos. Le cosmos est l’effectivité de la nature. Dans l’argument physico-théologique, la nature est autre chose, elle dit autre chose que le monde. Elle dit que dans la puissance de la nature, il y a un excès irratrapable sur l’ordre cosmique. La nature est le souterrain du monde, le monde est autre chose que la nature (dynamique !). Il y a une dynamique en excès sur la totalité représentable cosmiquement. Sublimité du phénomène naturel. C’est de l’ordre d’un excès dans le spectacle rappelle notre insignifiance, nous écrase (la frappe du sublime dans CFJ).

 

Kant : distinction forme-matière (pour penser ce qui est en jeu dans l’excès naturel).

La contingence de la prolifération formelle n’est pas la question de la matière ou de la substance du monde. Il est important de faire intervenir cette distinction dans la question de la nature. Incapacité à découvrir le principe de raison dans la multiplicité des formes : prolifération formelle contingente sur fonds de matière (que les formes informent). Si on veut prouver la contingence de la matière, il faut aller plus loin. Qu’est-ce que la matière ? Là, la matière, c’est l’exister de la chose. Kant : pour aboutir à Dieu, prouver la contingence formelle : contingence substantielle de l’exister. Cette distinction affecte le mot nature : est-ce que la nature = prolifération ou formes générales des choses, ou l’enveloppe de l’exister phénoménal comme tel ? Quand on dit contingence de la nature, dit-on limiter à la contingence des formes (présences d’amibes, de serpents…), ou dit-on que l’exister phénoménal ne peut en rendre raison ? Nature = désignation des dispositions formelles, protocole descriptif, ou bien l’exister de tout ça dans le rapport aux formes de l’exister. Kant : nature = rapport dynamique entre l’exister et ses formes (et pas la totalité des formes, qui est le monde). Nature : exister des formes et les formes elles-mêmes.

→ l’argument physico-théologique ne vaut que si on établit la contingence au second cas. Preuve : dans le cas où la contingence est limitée à la forme, on a tout au plus démontré l’existence d’un architecte du monde limité par la matière où il travaille, mais pas celle d’un créateur. On prouve juste le Timée. Rapport Dieu-Nature : si la nature est formelle (de l’exister phénoménal), on a un rapport artisanal de fabrication, pas un Dieu. Le démiurge est embarrassé par la matière :

- il doit mélanger le Même et l’Autre pour créer l’Ame du monde. Or, l’Autre n’aime pas du tout être mélangé : le démiurge procède de force, dit Platon.

- la cause errante : matérialité ultime présupposée. Embarras, matérialité non résorbable. Il y a un reste de la rationalité du monde, un passif pur. Si construire le monde suivant une Idée, il est autre que l’Idée ! On a une démiurgie créatrice au mieux, aux prises avec une résistance inerte : le démiurge fait du mieux qu’il peut. Kant : résistance = matière (//Timée). Si la nature = agencement formel, prix payé = inertie irréductible. Nature = composition idéal-résistance, avec un point de forçage pour la mise ensemble. Nature chez Platon = cosmos dans la généalogie du Timée, cosmos = âme du monde, avec le mélange du Même et de l’Autre. La nature, c’est ce mixte.

Kant : il objecte que la nature, ce n’est pas ça, sauf si on n’a que le démiurge (incommensurable à l’intention de la preuve). Si on veut le Dieu chrétien, il faut partir de la nature comme matérialité, et pas comme reste. Question : rapport dynamique de la substance et de ses formes (contingence de l’ensemble). Il faut partir, non seulement du fait qu’il y a des grenouilles et des serpents, mais du fait que la substance est inapte à produire la diversité des formes, au registre de la nécessité.

Querelle sur le mot nature (épocale ?) : nature comme totalité formelle, ou l’exister lui-même dans son déploiement formel (transformation de la preuve). Monde-Nature-Dieu, mais pose la question de l’existence dans son rapport au monde et à la nature, le monde étant une conception cosmique de la nature, la nature étant le dynamisme du monde. Question : tout ce qui existe, est-ce que ça a un sens ? Tout ce qui est est dans une forme d’existence, l’exister est dans la diversité. La nature = cette question. L’existence de la totalité dans la diversité, le tout ce qui est en tant qu’il se manifeste comme une diversité formelle. Alors problème matière-forme : d’un côté l’exister en totalité, la substance du tout, la matière dans l’indétermination existentielle pure, de l’autre la prodigieuse diversité des formes. Nature pense le lien, monde = seulement formel, substance = exister, matière, indétermination. Il faut penser les 2 versants ensemble, c’est ce que requiert une pensée de la nature. La nature désigne la relation, l’enveloppe dynamiquement totalisée de l’exister phénoménal et la diversité proliférante des formes. Question : quel est le rapport nature-mode ? (nature = lien donc fondement du monde). Comment s’opère le passage, d’où vient cette puissance d’envelopper l’exister dans des formes ? (= rapport nature-Dieu). C’est cohérent dès Kant que la nature se loge entre Dieu et le monde. Reste à éclairer pourquoi Hegel soutient que c’est la même relation.

Date inconnue.

Situation du texte de Hegel sur l’horizon de Kant :

-       examen dans CRP de la question monde-nature.

-       __________________________ nature-Dieu.

→ c’est labyrinthique. Passages tirés de la Dialectique Transcendantale.

 

1er passage : Monde-Nature.

2 choses sur monde et nature :

1)    si l’on veut comprendre la distinction monde-nature, il faut un 3ème terme = l’unité totale de l’existence des phénomènes. Il faut que soit assumée cette totalité unifiée de l’existence. Difficulté : ça = aussi le monde.

2)    Il faut introduire un critère de délimitation entre monde et nature. Ce critère, c’est la distinction entre mathématique et dynamique. Le monde et la nature, c’est la même chose, à savoir la totalité existante des phénomènes. Cette totalité s’appelle plutôt monde quand elle est appréhendée mathématiquement, et plutôt nature quand elle est appréhendée dynamiquement (mouvement, lois, destin).

→ nature : c’est l’existence phénoménale prise en totalité pensée dynamiquement. Tout ce qui existe pour autant que l’existence = l’existence phénoménale. Eclaire que Hegel dise : "Tout ce qui est, existe". La nature, même pour Kant, c’est tout ce qui est en tant il existe, envisagé du point de vue dynamique.

 

2ème passage : Dieu-Nature.

Critique de la preuve physico-théologique. Intervention de la nature : pour remonter de la nature à Dieu, nécessité de l’existence d’un Dieu créateur. Argument du spectacle de la nature au XVIIIème siècle.

→ nécessité d’une distinction entre forme et matière. La nature se prend selon la forme ou suivant la matière : il y a un double point de vue. L’argument vaut pour la forme, et pas pour la matière (ou alors on a un démiurge comme architecte, et pas un Dieu créateur). Distinction dans le spectacle entre formes et matière : les merveilles de la nature d’un côté, l’agencement, la finalité, la collection de vivants, la profusions des collections, et tout ce qui est en excès sur un strict mécanisme. En tant qu’excès, cela = merveilles des formes. D’un autre côté, il faut distinguer la matière dans l’intuition. OK, il y a le spectacle des formes proliférantes, le sublime naturel, qui crée l’admiration de la pensée, qui l’incline vers l’idée d’une toute-puissance. Or l’unité de l’existence, en tant qu’existence, n’est pas touchée. La matière de l’intuition n’est pas dissoute dans ses formes. Il y a là, il y a là du phénoménal, et pas seulement l’agencement frappant de ses formes. Sinon, on peut seulement prouver l’existence d’un architecte du monde, et pas l’existence d’un créateur de la nature.

→ finalement, il y a de commun aux 2 textes le moment où le maniement de la nature exige la considération de l’existence du phénoménal comme tel. Ce qu’il y a n’est pas la chose en soi, mais la réalité du phénoménal (ce n’est pas du nouménal). Il s’agit de l’existence, en tant que manifestation de l’être (pas d’identité). Méditation sur l’existence en tant qu’autre chose que l’être etc… mais en tant que déploiement du phénomène. Accroche formes, agencements. Quelque chose qui touche au fait que nature = donation d’existence d’une diversité phénoménale qui est donnée comme telle, et qui est autre que les formes de la diversité (ce n’est pas immédiatement la même chose que les formes et l’agencement). A l’œuvre dans la distinction monde-nature et la rapport Dieu-nature.

 

Conclusion sur Kant : pour Kant, la nature, c’est l’existence comme dynamique (combinaison des 2 remarques). Si l’existence est la phénoménalité comme telle, la nature est l’existence en tant qu’on la pense dans des catégories dynamiques. Nature = l’existence comme devenir, existence dans des tensions dynamiques de sa perpétuation. Touche à  "tout ce qui est, existe". C’est vrai pour Kant : la chose apparaît, ce qui apparaît est (cf réfutation de l’idéalisme : il y a bien quelque chose et non pas rien, Kant y tient tant – contre Berkeley – qu’il l’appelle théorème, il lui donne la dignité d’une démonstration, de la preuve. Preuve du il y a, qu’il ne peut y avoir une phénoménalité sans chose en soi : c’est attesté par la voie de la preuve. Argument ontologique : conclut à l’être effectif de l’objet, grand ton dogmatique). Moment de la CRP où la question de l’existence s’avère décisive. Question fondamentale de la dialectique transcendantale : celle de l’existence. Que pouvons-nous en penser ou en dire ? Pensée à travers celle de Dieu, du monde, de l’âme. Elle ne se résorbe pas dans celle de l’être, chose en soi etc… On ne sait pas ce qu’il y a, on sait qu’il y a (théorème). Qu’est-ce qu’exister au regard du fait qu’il y a ? Rapport être-existence, pensée-existence ? C’est le champ de la Dialectique. Nom de l’être = l’existence (et pas Dieu ou le noumène). Evidence de l’existence par rapport au caractère inconnaissable de l’être.

 

Hegel : il reprend les 2 questions nature-monde et nature-Dieu.

Il veut montrer qu’il y a le même type de rapports entre les 2 couples. Il va légitimer le rapprochement opéré par Kant : comment opère le 3ème terme ? Pour Hegel, c’est la liaison, c’est dans la liaison qu’il opère. Pour Hegel, les rapports nature-monde et nature-Dieu sont 2 exemples de la question du fondement. 2 rapports entre ce qu’on suppose être le fondement et ce qui est fondé. Ce rapport va aussitôt poser le problème de l’identité et de la différence entre le fondement et le fondé (patent chez Kant : nature et monde). Mouvement et différence des 2 § ? La thèse de Hegel s’articule comme ça : si on dit qu’une chose est le fondement d’une autre, on affirme leur identité du point de vue de la pensée. Si la nature est le fondement du monde (Kant : le devenir fonde l’identité, dynamisme fonde math), le résultat de la nature, c’est l’état du monde. Le monde, c’est la nature, un moment de la nature. Si Dieu est le fondement de la nature, ça veut dire que l’essence de la nature) le geste créateur de Dieu lui-même, ou Dieu lui-même.

→ déclarer le fondement, c’est déclarer l’identité. Fondement : opération de venue à l’être du fondé, la dynamique de cette venue. Nature = puissance immanente qui se déploie comme monde. Dieu = cette puissance qui fait que la nature advient comme existence. Fondement = ce qui fait venir à l’existence, ce par quoi advient l’existence, la dynamique de l’existence, l’originarité dynamique de ce qui vient à exister. La nature est pensée comme la puissance qui fait exister le monde. Problème de capacité créatrice : matrice de l’existence, en tant que telle fondement du monde (cf Bergson : l’Evolution Créatrice. Déploiement de Bergson : intuitionner la nature au moment où elle fait advenir de l’existence de façon immanente). Attribuer à Dieu l’originarité de la venue à l’existence de tout ce qui existe. Passer de nature-monde à Dieu-nature = reculer d’un cran dans la capacité dynamique de l’existence.

Attention : est-ce que l’existence implique un fondement ? Choix philosophique de l’idée de nature comme vecteur. Si nature = existence pensée dynamiquement, elle nomme quelque chose éclairé par sa venue à l’existence. Naturaliste = toute théorie de l’existence qui la déclare fondée. Il y a une puissance formatrice de l’existence. Thèse opposée : existence infondée. Sartre : l’existence est infondée (néant, liberté pure). Pas d’intelligibilité de l’existence en tant qu’elle vient à jour. Tenir ce caractère infondé de l’existence. Kant : pas de naturalité de l’existence comme telle. Rapport nature-existence crucial ! Pour Hegel, la logique fondatrice est assumée. Il y a une intelligibilité de l’existence. Si on attribue la capacité de fondement à Dieu, on décale juste d’un cran la puissance d’existence. Identité : l’être du fondé est dans le fondement. Ce qui se trouve nommé nature = le monde.

 

La thèse de l’identité se renverse en différence : le fondement n’est tel qu’en tant qu’il n’est pas absorbé ou dissous dans le fondé, l’identifier comme ce qui est fondé dans la relation de fondement. Il y a quelque chose du monde autre que la nature, et quelque chose de la nature qui est autre que Dieu. Qu’est-ce que cette altérité ? S’il y a autre chose dans le monde que cette puissance formatrice, c’est quoi ? C’est le 3ème terme qui vient supporter cette différence fondement-fondé. Idem pour Dieu-nature. Nécessité de convoquer autre chose pour identifier le fondement comme tel, et pas en tant que réductible au fondé (lisibilité de Dieu dans nature = spectacle).

Attention : si le fondement et le fondé sont indiscernables, on a la thèse de l’infondé ! Question de l’existence : si la nature est une puissance d’existence et qu’elle est aussi l’existence, c’est infondé. La relation de fondement exige d’enregistrer l’identité et la différence. L’identité dynamique doit être contre-balancée par la statique mathématique (Kant). Idem pour Dieu. Si nature = Dieu, son existence n’est pas celle de Dieu. Ce qui fait intervenir la différenciation n’est pas la puissance dynamique. A quel moment la puissance créatrice se distingue-t-elle de ses résultats ? (Timée : matière, chaos, cause errante. Puissance formatrice intelligible du démiurge, mais il y a quelque chose d’autre). Pour garder l’intelligibilité, il faut penser autre chose.

Exemples :

-       l’essence de l’actuel, c’est le virtuel pour Deleuze.

-       pour Hegel, 2 critères = diversité + détermination pour distinguer la dynamique du fondement de la réalité du fondé. Pour Kant, il faut l’intervention de la matière, la résistance dans l’existence, quelque chose d’intrinsèque dans le fait d’exister est irréductible à la puissance formatrice.

Hegel : il faut distinguer l’essence d’un processus et la figure de son résultat (nature-monde, Dieu-nature). Distinction par diversité et détermination :

- diversité : ce qui n’est pas résorbable dans l’identité, dans la puissance formatrice de la nature, bien qu’il n’y ait que cette puissance. Mais la diversité en tant que telle ne s’y laisse pas résorber. D’un côté, le monde n’est rien d’autre que le résultat d’un processus naturel, comme processus. D’un autre, la diversité de ce monde ne se laisse pas penser à 100% par la puissance formatrice de la nature : il y a un reste. Problématique du reste = contingence de la diversité mondaine au regard de l’intelligibilité de la puissance naturelle. 1er nom du reste = diversité. Pointer la contingence dans la dialectique. Dans nature, il faut concevoir qu’il y a la question de la contingence du multiple comme résultat.

- détermination : la puissance formatrice est l’indéterminé, et s’effectue dans une pluralité de déterminations. Le monde est le résultat d’un processus indéterminé (Deleuze : "puissante vie inorganique", d’avant les organes, puissance vitale qui s’effectue dans une multiplicité d’effectuations vivantes). Modèle de l’idée d’une puissance formatrice vitale et indéterminée → dans un réseau e déterminations singulières (dont l’espèce est le paradigme). Elan vital = fondement indéterminé inscrit dans une pluralité de déterminations de singularités.

2 critères de différenciation : la détermination et la diversité. "La nature n’est pas connue à partir de Dieu comme fondement etc… ". Ce qu’on peut connaître par rapport à Dieu, c’est qu’il y a une nature. Mais dans sa détermination intrinsèque, le rapport à Dieu n’est pas suffisant. Rapport au fait que Dieu créée le monde, et créée ce monde : l’un ne renseigne pas sur l’autre, il y a un rapport d’indétermination (détermination). Dans investigations : guidé par le fait qu’il y a des parts respectives du déterminé et de l’indéterminé : forme-matière, puissance-existence.

- Nature a toujours été d’un côté une grande puissance indéterminée qui forme le sensible, qui rend raison de son existence, principe générique du il y a, désignation du spectacle du sensible dans sa donation effective (indéterminé chez les romantiques). Rousseau : rêveries, la nature opère la dissolution du soi, ressource de l’indéterminé fusionnel, expérience de la dissolution des limites du moi. Jusqu’à Proust. Puissance d’indétermination immanente à toutes les choses, expérience extatique.

- Nature, c’est aussi l’investigation au comble des déterminations. Histoire naturelle, museums, contingence absolue. 400 coléoptères, et on est content d’en trouver un de plus avec un point noir de plus. Chasse à la différence. Même chose ! Nature en tant que fondement-fondé, indétermination-détermination, dynamique-mathématique. Penser que c’est bien la même chose qui est appelée nature.

17.01.2001

3 segments :

- récapitulatif sur la difficulté de définition du concept de nature

- tentative de définition des multiplicités naturelles

- questions

 

Récapitulatif : problèmes de définition. Montrer qu’il y a des difficultés dans la définition de la nature. 4 difficultés spécifiques : la figure du redoublement, la figure de la circularité, la figure de l’écart, la figure de l’unité.

-       figure du redoublement : on entend par nature d’une chose ce qu’elle est en elle-même ou par elle-même, ie ce qu’elle est dans la supposition d’une donation de son être non encore altérée par une incidence extérieure à cette nature. Nature = être propre pris dans son immanence, son mouvement propre, non encore contaminé, corrompu ou altéré par quelque chose d’extérieur à sa naturalité constitutive. Exemple : notion de nature humaine. Identifie l’être générique de l’homme antérieurement à ce qui l’en écarterait. La nature d’une chose, dans ce cas, c’est sa définition, ce qui permet d’accéder à son être le plus propre, par démarcation avec une éventuelle altération ou aliénation (Marx : il existe une nature générique de l’humanité aliénée, cf Manuscrits 1844). Du coup, l’identification de la nature d’une chose coïncide avec sa définition. Situe toujours la nature entre l’être et l’essence. La nature vient s’intercaler entre l’être (comme donation 1ère) et l’essence (comme définition). Moment où l’être se noue à l’essence (dans sa singularité). Si la nature d’une chose est donnée dans sa définition, définir la nature = définir la possibilité de la définition elle-même. Il y a dans le projet de définir la nature quelque chose qui touche à la possibilité même de la définition. Définir la définition. Entre définition et défini, rapport particulier en ce qui touche la nature. Le défini de la nature = la définition. Il y a toujours la question de la définition + la question de la définition de la définition. //Kant : nature = nécessité de la nécessité. La nécessité seule est insuffisante (il faut un redoublement, un autre).

→ nature = engagée dans notre théorie de la définition. Toute définition véhicule une théorie sur la nature d’une chose définie (théorie implicite ou explicite). Définir la nature, c’est définir la définition. Examen possible des définitions de la nature : rapport entre la définition de la nature et la nature de la définition.

 

-       figure de la circularité : pour une définition, il faut d’autres thèmes, notions. Identifier la nature à l’aide d’autres concepts que celui de nature : grand choix possible selon les philosophies. Question : ces autres concepts utilisés peuvent-ils être soustraits à la question de leur régime naturel, de leur propre nature, de leur insertion dans la naturalité ? Comment soustraire ces concepts à des considérations sur leur être ou leur fonctionnement naturel ? Exemple : définition de la nature chez Aristote. Début de la Physique : on définit la nature à partir des catégories de changement et de mouvement. Différentes espèces de changement : translation, génération, corruption… Et cependant, distinction mouvement naturel-mouvement violent, ie non-naturel ! (mouvement naturel vers des lieux naturels, mouvement violent s’écarte du lieu naturel). Problème : la question de savoir ce qui est naturel dans l’identification de ce qui est naturel. Si ce qui est naturel, c’est le mouvement, la distinction est toujours reconduite et déplacée. C’est circulaire ! Mouvement : désigne la sphère de pensée de la nature + soumis à la distinction naturel-non-naturel qu’il est censé fonder (on trouve des mouvements violents). Le concept identifiant est toujours soumis à l’examen de sa naturalité. Exemple : Nietzsche. Toute identification est une évaluation (interprétation). Le concept clé de valeur est attribuable à une force. La nature de toute évaluation est vitale, attribuable à la puissance de la vie comme telle (active ou réactive). Finalement, la nature d’une chose (d’un type), elle se donne bien dans la corrélation vitale qui constitue sa généalogie. La nature est renvoyée comme identifiant la vie,  la vie identifie dans chaque type sa nature propre et donne la possibilité de son évaluation. Renvoie à la question : quelle est la nature de la vie ? Comment se fait l’évaluation de la vie ? Quel est le principe d’évaluation de la valeur de la vie ? Nietzsche : la valeur de la vie ne peut pas être évaluée ! (car c’est la clé de toute évaluation). Pourquoi la clause de fermeture est si importante : la vie est non-évaluable ? Parce que c’est précisément la clé de toute évaluation. Nietzsche arrête la circularité concernant la nature. Comment évaluer la vie quand toute évaluation est vitale ? La valeur de la vie restera non-évaluée. On introduit au cœur de la nature de l’indétermination, quelque chose de la détermination est laissé en suspens. Le fonds dernier est inévaluable. 2 voies au principe d’identification : soit on assume la circularité, comme Aristote, soit on a un énoncé d’interruption, comme Nietzsche, ie quelque chose qui arrête la circularité en un point conceptuel déterminé. La vie pour Nietzsche est soustraite au régime d’identification, la vie est non-évaluable.

 

-       figure de l’écart : une définition a une puissance différentielle. Elle doit distinguer le défini de ce qui n’est pas lui. Visée différentielle. Donc identifier le règlement de ce qui n’est pas nature (Spinoza : le non-naturel = néant). Dans le cas particulier de nature, la définition produit la place – éventuellement vide – du non-naturel, de ce qui est hors-nature. On a toujours une place produite, même si elle est déclarée vide. Quelle est la provenance du non-naturel ? Quel régime de pensée aborde la place du non-naturel ? Exemple : Kant. Nature = liaison nécessaire des phénomènes. Non-nature, c’est ce qui n’est pas au régime de la liaison nécessaire. Y a-t-il quelque chose de ce régime ? Oui, la liberté, la raison pure pratique etc… La définition commande le défini + la place extérieure. Comment des prédicats non-naturels, non-touchés par la nécesité, sont-ils possibles ? Théorie de la nature est toujours une théorie de la non-nature, ie théorie de la liberté (Kant). Comment se constitue l’écart entre la nature et la place du non-naturel (vide ou non) ? Comment se fait la construction ? Suppose que l’on accepte originairement qu’il puisse y avoir une place pour le surnaturel, pour le suprasensible. Y a-t-il une naturalité de cet écart ? Retour généralité retorse de généralité de la nature ! La définition de la nature constitue une place pour la non-nature. Le problème n’est pas tant la nature du non-naturel que la nature de l’écart entre naturel et non-naturel (Spinoza : toute place est intradivine, ie intranaturelle), la naturalité de l’écart, puisqu’il est créé par la définition même de la nature. Qu’est-ce qui autorise l’écart entre nature et autre chose d’indéterminé ? Autrement dit, y a-t-il une trace de la définition de la nature dans cet écart ? Exemple : distinction aristotélicienne monde sublunaire – monde supralunaire. La distinction est corrélée à la question de l’écart (interne à question de la nature). Dans quelle mesure il est interne à la nature de supporter un écart avec ce qui n’est pas elle. Le concept de nature soutient un rapport avec ce qui n’est pas elle, rapport interne à la construction du concept même de nature. Piste : 2 voies de traitement, peut-être 3. Une voie dualiste : registrer cet écart comme une disposition fondamentale de l’être lui-même. Organise l’écart naturel entre ce qui relève de la prédication de naturel et ce qui n’en relève pas. Une voie dialectique : on fait de l’écart le moment d’une synthèse possible (Platon, Hegel). 3ème voie : nommer le non-écart, ie il n’y a pas d’écart. Ecarter l’écart (Spinoza, Deleuze). Pensées qui tentent de s’installer dans la pensée de la nature en évitant la position d’un écart, d’où répudiation de la dialectique et du dualisme. Pourquoi ? Dialectique = solution au problème originaire de la nature écartée du non-naturel. Il ne faut donc pas définir la nature. La nature, c’est ce qui est soustrait à la définition, c’est ce qui n’est pas autorisé d’une définition. C’est un mot primitif, un opérateur jamais thématisé dans des définitions. Définir = idéalisme fallacieux. Il faut s’interroger sur les tentatives de définition comme prise de position sur la figure de l’écart. Appelle la construction d’une pensée où il y a des mots primitifs (valeur opératoire pour la pensée + pas saisi dans le champ de la définition).

 

 

-       figure de l’unité : nature = un des noms de l’immanence, ce qu’il y a, mais pris dans l’intériorité de son mouvement. Ce qu’il y a, en tant qu’appréhendé dans l’immédiateté de son mouvement propre. Donc définition de la nature = définition de ce qui est pensable du mouvement propre de ce qui est. La définition atteint l’immanence de ce qui est, le principe de son déploiement. Naturalité = c’est ça. Le mouvement naturel quand il le déploie suivant le mouvement propre de son être. Une question est alors difficile : comment nommer le résultat, l’actualité du résultat, sa découpe, comme résultat du mouvement propre ? Est-ce soustrait à la définition de la nature ? C’est le problème de Spinoza : nature naturante - nature naturée. 2 faces d’une même chose, la face active productive, et la face passive. C’est le problème de Deleuze : virtuel – actuel. L’essence de la vie naturelle, c’est la virtualité. Ce qu’il y a, c’est un mouvement d’actualisation. Qu’est-ce que l’actuel ? Face de mort. Si nature = activité, qu’est-ce que la passivité ? Nietzsche : rapports forces réactives – forces actives. Essence de la vie = affirmation ! Si on dit que nature, ultimement, c’est le principe du mouvement propre des choses, alors comment registrer le résultat de ce mouvement, ie sa figure de production dans la figure du produit de la production ? (principe d’inertie possible : vraie nature = repos pour Aristote. Nature = mouvement, même naturel, ou repos ? Le mouvement suppose qu’on s’en est écarté). Problème : sont fait à dualité presqu’irrémédiable du concept traversé par la scission activité/passivité. Concept toujours unifiable, ou toujours dualité ? Le 2 est à l’œuvre, surtout dans les pensées non-dualistes ! Exemple : Spinoza et Deleuze non-dualistes, mais concept scission. Univocité de l’être + dualisme opératoire dans le concept de nature.

 

Toute définition supposée du concept de nature doit résoudre ces 4 problèmes. Une philosophie tente de résoudre ces 4 problèmes d’un seul coup. Donner formulation + solution à ces difficultés d’un seul mouvement. Nature = concept à vocation synthétique.

 

Aujourd’hui, où en sommes-nous ?

→ la science a abandonné tout projet de ce genre (OK, XVIIème, XVIIIème, peut-être même XIXème : équivoque en appui. Complémentarité sciences-philosophie). Nature n’est pas un concept de la science contemporaine, le concept a été dissous. Même matière n’est plus un opérateur significatif, et vie est un opérateur indistinct depuis la biochimie. Même les sous-espèces de nature sont éliminées en tant qu’opérateurs internes. On est renvoyé à autre chose que cet espace-là pour identifier ce qu’est la nature. Avant, la philosophie accompagnait la science sur cette question, et la science avait intériorisé le compagnonnage. Aujourd’hui, tout ça est fini. Hypothèse : faut-il sacrifier le concept ?

Attention ! Le concept est distribué ailleurs que dans la science ! 2 autres distributions :

-       une distribution poétique (prospecter sur les usages contemporains du référent naturel).

-       une distribution politique.

  

→ le concept a changé de système de conditions. Il accompagne autre chose que la science.

 

 

La nature dans l’art ou le poème : fonctionne dans 3 façons depuis l’esthétique classique.

-       la nature comme réserve poétique, répertoire comparatif, réserve d’intemporalité. L’actualité de la nature n’est possible que comme intemporalité.

-       La nature comme lieu ou comme site pour le sujet. Lieu possible de confrontation subjective ou de mesure de sujet. Exemple : nature désigne la permanence indifférente de l’être par rapport à la subjectivité souffrante, ou bien comme lieu de l’extase (rêveries de Rousseau) etc… C’est lieu référentiel pour des configurations subjectives.

-       La nature comme une perte obscure, quelque chose de toujours raturé, dont il y a un deuil essentiel, toujours perdue. Exemple : Mallarmé. La Nature a lieu, on n’y ajoutera pas : avoir-lieu sans vertu, on n’est plus accordé à la nature de façon créatrice. Quelque chose comme "il n’y a plus de nature". On prononcer la mélancolie ou le stoïcisme. Deuil prononcé de ce n’avoir plus lieu.

 

 

Donc : la nature absentée de la science ; la nature prononcée dans son absence dans la poésie, l’art, après le symbolisme. Absence se dit comme telle. Présente dans l’efficace de son absence : c’est la métaphore d’une perte, d’un délaissement. Si on a une définition de la nature à partir de la poésie contemporaine, c’est dans le registre du manque, pas de la positivité affirmative. Développement sur le thème : na nature comme nom de ce qui fait défaut, de ce qui s’est retiré, est absent. Ce n’est pas de l’ordre de l’exaltation, mais plutôt de celui du deuil.

 

 

La nature dans la politique comme référent écologique : la nature est identifiée dans la rétroaction de la technique. Est nature ce qui mérite d’être protégé de la technique. Place d’avoir à être protégé de la technique. Définie comme une réserve ! Exemple des réserves naturelles : nature est dans les parcs… Pb : dans les parcs, la nature est entièrement artificielle, il y a dénaturation de la mise en réserve de ce qui est à protéger rétroactivement de l’excès technique. Nature = protocole de limitation de l’entreprise technicienne.

Conséquence en philosophie : nature est définie comme l’espace de la réserve (ce qui peut et ce qui doit être préservé de rétroaction technicienne). Exemple : question du caractère naturel de reproduction de l’espèce humaine. C’est la définition de ce qui est naturel qui travaille dans cette affaire. Horreur éthique du toucher à la nature etc… Il faut une clause de réserve dans le déchaînement de la puissance technique. Clause de limitation, restriction de l’entreprise technicienne.

 

→ triple négation du concept de nature now :

-       absentement scientifique. Déliement ininterrompu science-philosphie (ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de catégories tampons). Pas de jonction avec la nature quand le déliement s’organise et continue.

-       Prosopopée de l’absence dans l'art ou dans le poème (c’est différent du simple absentement).

-       Réserve politiquement. Mise en réserve.

A supposer que la philosophie maintienne cet opérateur synthétique, elle le fera dans les conditions du délaissement. Scientifique : science = anti-nature, et pas du tout son exploration. Conditions de précarité esthétiques et politiques : négatif prédomine dans l’absence et dans la réserve. Résoudre ces 4 difficultés du concept de nature = proposer une philosophie de la nature, c’est suprêmement difficile aujourd’hui. Question : le mot nature a-t-il terminé sa carrière spéculative ? La nature, ça a eu lieu et on n’y ajoutera pas, comme dit Mallarmé : on n’aura plus rien à en dire à proprement parler. Contre cela, réellement actif que le maintien de la nature comme mot primitif, ouvert, indécidé (voie de Deleuze). Opérateur synthétique au prix d’une renonciation explicite à toute définition : Deleuze, c’est un malin, il avait bien compris tout ça.

Vulgarisation : dire le nouveau dans la figure de la rhétorique ancienne ! On ne transmet pas le nouveau comme tel. Nature = défensif (réserve, éthique…), c’est un mot qui est en fait sacrifié. Il est dévitalisé philosophiquement. Notal ? Qui est-ce ? Catégorie dont on se sert pour normer la pratique scientifique = une catégorie que la science déconstruit ! (nature, vie, identité). Pb de connexion : la norme doit-elle avoir un régime de connexion avec ce qu’elle norme ? Exemple : impératif catégorique de Kant. Il faut un schème minimal de l’efficience d’où… schème du respect de la loi. Normes : quelles sont-elles, mais surtout quels sont les schèmes qui les relient à leurs objets ? Comment opèrent-elles ? Normes : vieille catégorie philosophique pour interface science-philosophie (comme vie, matière, nature, causalité). Norme car schème de connexion philosophie-science. Nouvelles discussions, connexions, avec ce qu’elle prétend normer. Trancher nature, mère porteuse, clône… Rappel : le concept de réserve a commencé avec les indiens. Début de l’écologie : idée que la naturalité doit être préservée dans la figure de la réserve ; concept de réserve = plus esthétique, éventuellement politico-éthique. Appui sur des considérations de paysage et d’environnement. Qu’est-ce que l’environnement ? Il faut du naturel  dans l’environnement : c’est une thèse nouvelle (pourquoi faudrait-il du naturel ? C’est quoi, du naturel artificialisé par la réserve ?). Environnement = nom donné à la nature dans la rétroaction de la technique. Il faut qu’il reste un peu de ce qu’il y avait avant. Délabrement du concept de nature.

 

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