La
Nature
Cours
d’agrégation d’Alain Badiou (Ens-Ulm, 2000-2001)
[transcription
par François Duvert]
19.10.2000 2
1ère dialectique : nature et
être. 5
a) différence.......................................................................................................................... 5
b) questions........................................................................................................................... 5
c) réponses............................................................................................................................ 6
2ème dialectique : nature et
essence. 7
a) différence.......................................................................................................................... 7
b) transition vers le sensible................................................................................................... 7
3ème dialectique :
nature-sensible. 8
4ème dialectique : nature-totalité. 11
1ère difficulté :...................................................................................................................... 11
2ème difficulté :..................................................................................................................... 11
26.10.2000 12
a) Pascal 14
b) Sade 14
c) le romantisme français 15
5ème dialectique :
nature-liberté 19
a) différence........................................................................................................................ 19
α) la grâce 19
β) les miracles 20
b) l’exception à la totalité comme source du
sens................................................................ 20
6ème dialectique :
nature-humanité. 21
a) l’humanité comme nature de la liberté............................................................................. 21
α) l’exemple de Rousseau 21
β) le droit naturel 21
b) transition : la synthèse de la nature et
de l’anti-nature (liberté) dans l’humanité est-elle elle-même naturelle ?........................................................................................................................................... 21
7ème dialectique :
nature-surhumanité 22
a) le surhomme comme nature de l’homme......................................................................... 22
b) la nature du surhumain................................................................................................... 22
8ème dialectique : nature-Dieu 22
2.11.00 22
1° Je commence par la publicité. 22
2° Nous reprenons à partir du schéma. 23
6ème dialectique : nature et
humanité 23
7ème dialectique : nature et
surhumanité 24
a) l’homme comme surmontant sa propre nature................................................................. 24
b) homme et surhomme : continuité ou
discontinuité ? (qui est Zarathoustra ?)................... 25
c) homme et surhomme : continuité ou
discontinuité ? (casser en 2 l’histoire du monde).... 26
d) transition......................................................................................................................... 26
8ème dialectique : nature / Dieu 26
a) la nature de Dieu............................................................................................................. 26
α) thèse continuiste de Spinoza 26
β) thèse discontinuiste de Descartes 27
γ) Leibniz comme position intermédiaire 27
3ème moment : interventions 28
Hegel 30
9.11.2000 : Texte de Hegel 32
1° Situation : la question du fondement. 32
2° détour kantien 33
16 novembre 2000 41
1er passage : Monde-Nature. 41
2ème passage : Dieu-Nature. 42
11.01.2000 : Texte de Kant 49
18 janvier 2001 56
Récapitulatif : problèmes de définition. 56
- figure du redoublement :.................................................................................................. 56
- figure de la circularité :..................................................................................................... 57
- figure de l’écart :.............................................................................................................. 58
- figure de l’unité :.............................................................................................................. 59
Questions/réponses 61
Nous allons parler de la nature, 6 leçons sur
la nature. Il y a une chose à laquelle vous pouvez être attentif, qui est cette
sédimentation, cette sémantique singulière qui fait que, ayant traversé les
siècles dans des successives reprises (spéculative, analytique, critique), des
concepts ont des couleurs. C’est à cette exigence que je veux m’attacher, il y
a un retravail sur le concept, de telle sorte qu’on finit par obtenir une
couleur propre des concepts. Il est intéressant de se demander qu’est-ce qu’une
notion devient, comment elle finit par avoir une résonance propre, une
singularité sémantique - presque peut-être comme une poétique abstraite - qui
fait que, quand on dit nature, quand on parle de la nature, ou quand on
détermine ce qu’est la nature, on a affaire à autre chose qu’un mot plastique,
disponible, à un mot vide. On a affaire avec le mot nature à qch qui a
incorporé sa propre histoire à la langue, et singulièrement à la langue philosophique,
et qui n’en est plus séparé. On pourrait parler, de manière kantienne, d’une
pathétique transcendantale des concepts, et pas simplement d’une analytique.
Alors je peux vous dire ce qu’est, pour moi, le mot nature, commencer par là,
quelle est ma propre sensibilité à ce vocable. Cette sensibilité peut varier
selon que vous êtes sensible à telle ou telle irisation. Personnellement, je
trouve que c’est un concept extraordinairement retors, à la fois labile et un peu insaisissable. Il court
dans la pensée, un peu comme dans le jeu du furet, de telle sorte qu’il est
impossible de savoir où il est exactement. C’est cette caractéristique qui me
frappe. Il y a des concepts dont la stabilité spéculative est établie. Si vous
prenez un terme comme transcendantal, celui-ci a un référent historique établi,
c’est un terme technique clair, dont l’histoire est ample et importante, mais
qui n’a pas cette course dans la pensée que peut avoir le mot nature. Il est
retors. Je voudrais dire pourquoi et je voudrais commencer par là.
- quant à sa fonction théorique, dans la tentative d’en faire un concept, de le déterminer dans le
champ théorique : on voit qu’il y a une extra largeur du spectre
interprétatif possible du terme. C’est pourquoi entre parenthèse ce n’est pas
un thème facile, ce n’est pas un thème qui est facile à déterminer. Son indétermination
est très forte. Dans le spectre théorique, on voit au fond que, nature ça peut
se prendre dans une sorte d’extrême tension de caractère ontologique. Ça peut
être pris comme ça, c’est inscrit comme ça.
Référons-nous par exemple à la manière dont Heidegger tente de faire résonner le mot grec phusis comme originaire du mot nature, mais comme originaire raturé et
presque inaudible. Là on voit bien que nature, en tant qu’il remontre vers phusis, au sens que Heidegger donne à cette remontée, fait que ce mot s’inscrit
véritablement dans l’extrême tension de la possibilité d’une pensée de l’être.
Le concept de nature est tiré vers une sorte d’assignation originaire de la
pensée de l’être, et d’avoir par excellence une vocation à cette pensée (phusis doit être entendu comme éclosion, comme venue, comme ouverture première,
comme disposition ou éclosion de ce qui est dans sa propre limite etc..).
Nature est pris dans un champ sémantique où ce qui domine c’est la tension
ontologique.
D’un autre côté, nature va se référer ou
servir de référent à l’effectivité de la science :
les sciences de la nature, et la nature comme règne des lois. Nature va en
venir à désigner ce qui par excellence fait obstacle à l’ontologie, justement.
La nature va en venir à désigner ce qui est notre immédiat irrécusable tel qu’il n’y a pas lieu de
remonter au-delà.
C’est une 1ère tension que je
voulais souligner : si vous prenez nature dans un concept disons
positiviste, au sens large, ou même empiriste ou disons naturaliste, et si vous
prenez nature comme ce qui fait résonner l’originaire phusis tel que peut-être
mythiquement elle désigne l’histoire même de l’être, le mot nature est presque
retourné par rapport à son premier sens. on peut même dire que en un de ses
sens il est ce qui assoit la possibilité de la critique de l’autre sens. Cette
division est essentielle, on va la retrouver tout du long. On peut l’appeler
incertitude théorique de l’idée de nature, du concept de nature. Si bien que il
est vrai que en ce sens, la sémantique du mot nature est en quelque manière une
sémantique complexe ou saturée : c’est la grande complexité de la notion.
Elle a une sémantique saturée : elle balaye au fond le régime général du
il y a, elle est susceptible de se raccorder au régime général du il y a, que
vous preniez ce il y a dans l’instance de la question de l’être, disons-le
comme ça, ou que vous preniez au contraire ce il y a dans la restriction
phénoménale de la loi scientifique. Il est attesté que le mot nature entre en
fonction dans les 2 cas, mais il a des fonctions très opposées, très
disparates.
Pour le dire métaphoriquement, c’est un
concept qui est à la fois maître et serviteur. C’est un concept aristocratique
et c’est aussi un concept de l’humilité. C’est un concept du registre du noble
et du registre trivial. Ce n’est plus seulement l’opposition entre ontologie et
science positive. C’est évident dans la langue courante elle-même : vous
parlez de nature en un sens qui inclut une référence et une inclinaisons
triviale et dans le romantisme, nature est pensé comme le référent noble de
l’art, un lieu de registration d’une donation infinie, il y a un registre du
mot nature qui en fait la figure noble du référent de l’art. Et puis vous avez
aussi l’idée d’une bassesse naturelle, trivialité naturelle, besoins naturels.
La nature désigne la trivialité des besoins et la noblesse infinie de la
notion. C’est retors, il n’est pas facile de se repérer dans une sémantique
aussi explicitement dilatée. C’est dans le registre de la pensée.
- mais nature, c’est aussi en même temps, et
peut-être surtout, un concept normatif, ie un concept
dont le référent est pratique, qui apparaît avec
une particulière force dans les normes, la question de la conduite, la question
de la vie sage.
Aussi bien chez Aristote que chez Epicure,
dans 2 dispositions éthiques très différentes, nature n’en est pas moins le nom
de la norme. Nature est le nom de la norme, c’est
conformément à la nature qu’il convient de disposer sa conduite. Et nature va
désigner, si vous voulez, qch de référentiel pour la sagesse pratique, dans un
régime de la conformité, même si cette question est compliquée :
conformément à la nature, selon la
nature, qu’est-ce que ça veut dire ? En tout cas c’est une disposition
majeure de la philo pratique que de proposer la nature comme norme pratique.
Le problème, c’est que c’est aussi une anti-norme : il y a des thèses selon lesquelles la moralité, par excellence,
c’est ce qui est en discontinuité avec la nécessité naturelle (ce qui est, dira
Kant, supra-sensible), et en ce sens ou bien non-naturelle, ou bien proposant
d’autres sens du mot nature, mais en tout cas pas dans la continuité de ce qui
est immédiatement reçu comme nature.
Nous retrouvons sur le plan pratique cette
extension saturée ou complète que nous avions sur le plan théorique. Sur le
plan théorique, nature était la désignation de l’envoi premier de la pensée de
l’être, et ça désignait aussi le référent sémantique général de la disposition
positive des sciences. C’est la même chose au plan pratique : c’est une
norme pour une région des sagesses, mais c’est aussi une anti-norme, ie c’est ce à quoi la conduite doit faire exception, pour autant que son
référent est naturel. Ce n’est pas seulement Kant : qln qui a disposé la
conduite morale dans une négation de la nature, c’est Sartre. La liberté ne se
ressaisit elle-même que dans sa non-naturalisation. La naturalisation de la
liberté, c’est proprement le mode sur lequel elle se résilie elle-même ou
s’oublie elle-même. Du point de vue du champ pratique : nature peut nommer
la norme, mais aussi ce à quoi la norme peut faire exception.
Finalement, on se retrouve face à 2
problèmes :
- d’où provient cette labilité extrême du
concept de nature ? qu’est-ce que c’est que cette notion pour qu’elle ait
ainsi une sémantique saturée ? quelle en est l’étrange histoire pour
qu’elle en vienne à nommer des entreprises explicitement contradictoires ?
- comment se gouverner dans cette
analytique ? quelles sont les accentuations différentielles majeures qui
permettent de disposer en tout cas la nature dans le maximum de clarté ?
Ce sont les enjeux, modestes, de ces quelques
leçons.
Méthode : aujourd’hui, je vais étudier
les dialectiques constitutives du concept de nature. Dans les 5 autres leçons,
nous travaillerons sur des exemples, sur un certain nombre de définitions
canoniques de la nature dans l’histoire de la philosophie. Avec l’idée de les
inscrire dans l’ambiguïté singulière, et le caractère prodigieusement retors de
la notion. Aujourd’hui ce que je vais vous dire pourrait avoir pour titre les
8 dialectiques du concept de nature, ie le rapport du concept de nature à autre chose que lui-même dans un
cheminement spécifique. Je vous les donne :
- nature et être
- nature et essence
- nature et sensible
- nature et totalité
- nature et liberté
- nature et humanité
- nature et surhumanité
- nature et divinité
C’est ascendant ! Vous imaginez que avec
un programme pareil, c’est la logique du parcours qu’il s’agit et non pas du
détail historique de la question. Ce que je voudrais c’est montrer comment il y
a pertinence à chaque fois, dans ces couples d’opposition, il y a pertinence à
s’interroger sur ce qu’est la nature dans le couple, sur la dialectique qui
l’unit et le disjoint en même temps à l’autre terme, et comment tout ceci
s’enchaîne, et même en un certain sens s’enchaîne circulairement. En fin de
compte, c’est vraiment un exercice de repérage, qui ne fait que déployer ce que
j’ai dit introductivement, à savoir le caractère saturé du terme dans le champ
de la philosophie
Prenons comme point de départ le titre du
poème de Lucrèce. "De natura rerum" :
de la nature des choses. Alors, ce titre au fond pose immédiatement la question
suivante : pourquoi le poème de Lucrèce ne s’appelle-t-il pas « des
choses », mais de « la nature des choses » ? C’est une question, qu’il aurait été intéressant de
poser à Lucrèce. C’est un peu celle que lui pose Virgile, dans le vers
fameux : « heureux celui qui peut connaître les causes des choses ». Virgile dit : heureux cet homme, Lucrèce, qui
connaît les causes des choses. Mais il ne dit pas qu’il connaît la
nature des choses, il dit les causes des choses. Notons ce point, comme si
la nature et les causes, c’était la même chose. Hypothèse que nous croiserons
souvent. Pourquoi pas « de rebus »,
« des choses » ? Est-ce la même
chose ? Ceci requiert que nature des choses et choses ne soient pas
identiques. Qu’y a-t-il d’autre dans la nature des choses que dans les choses ? La réponse ordinaire, c’est que la nature des choses, c'est ce
que les choses sont vraiment (c’est ainsi que Lucrèce
l’entend), par rapport à ce que nous imaginons fallacieusement que sont les
choses, le poème va nous dire ou énoncer ce que les choses sont vraiment. Nous
avons là une acception de nature qui est que la nature d’une chose, quelle
qu soit cette chose, c’est son réel, ce qu’elle est vraiment, et non pas ce
qu’on s’imagine qu’elle est. De ce point de vue là, la nature de la chose c’est
bien son être. On est bien sur nature et être. La nature de la chose désigne ce
que la chose est, et non pas ce qu’elle semble être, ou ce qu’on s’imagine
qu’elle est.
On pourrait dire, 1ère scansion
dialectique, nature en tout cas dans cet exemple (mais dans bcp d’autres)
désigne, en ce sens là, dans cette attaque sémantique, nature désigne quelque
chose qui est l’être même de ce qui est, pour autant qu’on le détermine comme
tel dans la pensée. Le poème de Lucrèce, c’est la détermination pensante de la
doctrine de Démocrite et d’Epicure des choses dans leur être effectif, éloigné de tout imaginaire.
2 questions surgissent à ce moment là :
- pourquoi dans ce cas là dire nature, et
non pas être ? C’est une question qu’on
recroisera souvent. A quel moment est-il stratégiquement requis de dire nature
plutôt que être, ou même plutôt que réel ou que réalité ? pourquoi et à
quel moment faut-il dire nature ? C’est la 1ère question. Sur
la dialectique nature/être, le
point différentiel : d’un côté, la nature c’est l’être, mais d’un autre
côté, le nom nature dit aussi autre chose que être.
C’est la 1ère question.
- s’il y a une nature des choses qui n’est
pas identique à chose (sémantiquement, nature des
choses dit autre chose que chose), ne faut-il pas demander s’il y a une
nature de la nature ? S’il est pertinent, au
regard de l’évidence même de la chose, de demander quelle est sa nature (de
natura rerum), de dire quelle est sa nature, ne
faut-il pas selon le même mouvement de pensée, s’interroger sur l’évidence de
nature en tant que synonyme de être et sur la possibilité de l’existence d’une
nature de la nature. Nature désigne-t-il un degré
d’évidence supplémentaire supérieure à la chose ? c’est un point qui va
courir constamment et qui est le suivant : le mot nature (c’est une de ses
difficultés) est employé pour désigner ce que la chose est vraiment (nous
verrons l’emploi complexe de cette idée, comme dans l’expression de nature
humaine : naturellement, l’homme est une chose, et il y a un dire possible
de cette naturalité de l’humanité). La question est de savoir si ce faisant, en
disant nature, on entre dans un régime de l’évidence ou de la clarification supérieur
à celui dont on part. il faut toujours supposer que quand vous dites nature des
choses, nature vous installe dans la pensée de ce qu’il y a avec une clarté
supérieure. Y a-t-il une nature de la nature ? C’est le problème de la
nature de la nature. ça donnerait une esquisse de récurrence : nature des
choses, nature de la nature, puis
une sorte de récurrence, à laquelle Lucrèce en vérité s’est bien confronté :
la nature des choses ça veut dire atome et vide. Les choses, leur nature c’est
leur reconstruction en terme de vide et d’atomes. C’est bien leur être, en ce
sens. La chose, pour penser cet être, il va falloir assigner cet être en termes
de vide et d’atomes. Il n’y a 2 types d’être : atomes et vide. Une chose
est une production singulière d’atomes dans le vide. L’être de la chose, c’est
atome et vide. On est bien dans une dialectique nature / être. Mais ne peut on
pas poser la question de la nature des atomes, et j’allais dire la question de
la nature du vide. Qu’est-ce qu’un atome ? il va falloir s’expliquer sur
ce qu’est une combinaison d’atomes en tant que c’est une chose. La
question : qu’est-ce qu’un atome, ou quelle est la nature d’un atome,
c’est bien la question : quelle est la nature de la nature, ce n’est pas
le même niveau que qu’est-ce qu’une chose ? qu’est-ce qu’une chose ?
c’est des atomes. Qu’est-ce un atome ? c’est la nature de la composition
même de la chose.
La nature supporte toujours la difficulté de
cette récurrence. Quand vous dites ce qu’est la nature, l’être des choses, la
naturalité de cette nature est aussitôt une question. C’est si compliqué que
chez Lucrèce que il va falloir le
recours à un concept non-naturel pour régler la question de la nature de la
nature. C’est le concept de clinamen. On va être obligé de spéculer sur le
clinamen. C’est une déviation originelle. Le concept de clinamen, lui, n’est
pas naturel, puisqu’il n’est réductible ni au vide ni aux atomes. Lucrèce va
dire : il est hors espace et hors temps. Dans un temps indéterminé et un
lieu insaisissable, le clinamen s’est produit.
C’est pour vous donner un exemple très simple
mais très fort de ce que - récapitulons - lorsque nature signifie l’être vrai
des choses, l’être vrai de ce qu’il y a, vous avez 2 difficultés, 2
problèmes :
1° qu’est-ce que nature introduit
d’effectivement différent, par rapport au niveau des choses, au niveau du il y
a ? C’est la question du régime de clarté.
2° y a-t-il une nature de la nature ?
C’est ce que j’appellerais la question de la récurrence.
La réponse la plus générique à ces questions,
la réponse la plus naturelle, est la suivante :
- la nature de la chose n’est pas autre chose
que la chose (sur l’élément différentiel, ou supplémentaire), mais aussi et en
même temps, elle effectue la pensabilité de
la chose. La nature de la chose, c’est bien son être, mais c’est son être tel
que effectivement pensable, éventuellement scientifique pensable (le régime de
la pensabilité peut varier). C’est la chose elle-même, sa nature. La nature de
la chose, c’est la chose. Mais c’est la chose telle qu’au lieu d’être imaginée,
représentée, elle est connue, pensée (éventuellement scientifiquement connue,
positivement connue). C’est la réponse à la 1ère question.
- la réponse à la 2ème question,
c’est que la nature de la nature, c’est précisément d’être la pensabilité de la chose. Et donc il n’y a pas lieu d’aller plus loin dans la
question de la nature que d’avoir rendu raison de ce que la chose est effectivement
pensée, connue.
Donc là si on suit notre exemple, c’est
exactement l’analyse de Lucrèce (vous trouverez d’autres exemples chez Aristote,
différents mais c’est la même démarche formelle). D’un côté la chose, c’est les
atomes. Il n’y a pas entre elle et sa nature de différence intrinsèque. La
chose n’est pas autre chose que les atomes qui la constituent, 1ère
réponse. Mais quand vous pensez la chose comme conglomérat d’atomes, vous la
penser vraiment. Vous êtes dans la
pensabilité de ce qu’elle est. 2èment, en ce qui concerne les atomes
et le vide, ie la nature des choses, vous n’avez
strictement besoin que de ce qui autorise cette pensabilité. Vous avez
strictement besoin de vérifier qu’avec les atomes et le vide, vous installez la
chose dans la pensabilité scientifique (mais il faut un plus : le clinamen
est exigible ! il y aura un élément non naturel qui va arrêter la
récurrence, mais qui va l’arrêter sur quelque chose qui n’est pas naturel exactement).
La nature c’est la chose elle-même, elle n’est rien d’autre qu’un conglomérat
d’atomes, il n’y a pas lieu de s’interroger au-delà, il faut expérimenter que
ça rend effectivement raison de la chose, que ça en délivre la pensabilité.
La question devient dans ce cas de savoir qu’est-ce
qui différencie la nature de la chose de son essence ? Si c’est ça la réponse, si c’est : la nature de la chose, c’est
la chose telle que ramenée à sa pensabilité naturelle, alors quelle est la différence
entre nature et essence ? C’est notre 2ème question, notre 2ème
dialectique. Vous voyez le mouvement : on a dit nature est largement
synonyme de être, la nature des choses, c’est ce que la chose est, mais ça
introduit ce qu’elle est selon un être naturel effectivement pensable, disposé
et dit, et finalement à ce moment là on peut dire que la nature est ce qui est
désigné traditionnellement comme l’essence. On entendra essence comme ce qui
fait qu’une chose est pensable, en un sens ordinaire mais essentiel. Ce qui
fait qu’une chose est pensable c’est cela qui détermine en elle son
appartenance au royaume des essences. Alors on pourrait dire : la nature
des choses c’est leur essence. Et de fait, le frottement des 2 vocables
traverse l’histoire du mot nature, jusque et y comrpis dans l’ensemble des
spéculations sur la nature humaine. La question de savoir s’il y a une nature
humaine, et la question de savoir s’il y a une essence humaine, ce sont 2 régimes
différents mais qui sont connexes. Qu’est-ce qui fait que nature des choses n’est
pas exactement l’essence des choses ? (puisque essence est précisément le
nom classique donné à la pensabilité de la chose) ?
Qu’entend-on par essence ? L’essence est
ce qui fait qu’une chose est pensable, ce qui détermine qu’une chose appartient
au royaume des essences. On pourrait dire : la nature d’une chose, c’est
son essence. On a un frottement de sémantismes connexes. Qu’est-ce qui fait que
nature dit autre chose que essence la nature n’est pas réductible à l’essence,
ou pas exactement ? C’est compliqué ! Qu’est-ce qui fait que nature
dit autre chose, même s’il y a souvent intrication ou substitution ?
La nature, c’est l’essence, mais dans
l’inséparation radicale de ce dont elle est l’essence. La nature c’est
l’essence mais l’essence donnée dans l’extériorité elle-même, dans l’inséparé
absolu de ce dont elle est l’essence. On pourrait dire
que bien sûr la nature est l’essence, mais la présentation de l’essence, la
présentation de l’essence, c’est l’essence présentée, en tant qu’elle est là,
et pas seulement en tant qu’elle est dans le registre de la pensabilité. Si on
dit la nature des choses, de l’homme, c’est sûr qu’on désigne ce qu’elle est
dans son essence mais on la désigne en tant que le sensible de ce dont il y a
essence fait aussi partie de l’être naturel de la chose, en tant qu'elle
appartient aussi à nature. La nature, c’est l’exhibition de l’essence. C’est
l’essence elle-même, mais telle qu’elle est aussi montrée, exhibée. Ou ?
dans la nature. C’est l’essence telle qu’elle est naturellement là. Ou
l’essence en tant que extérieure, en tant qu’enveloppant si je puis dire
l’extérieur. C’est un des points les plus admirablement traités par Hegel.
Par exemple, chez Hegel : la dialectique
intérieur/extérieur est essentielle, dans la Phéno et Logique, elle touche à ça, elle
touche à la nature et à l’essence. La question que Hegel tente de débrouiller
est : quelle est la naturalité de l’essence elle-même ? Quand, à quel
moment peut-on dire que l’essence est naturellement présente ? A
l’arrière-plan, c’est la discussion du platonisme, de toute doctrine qui
séparerait l’essence. On pourrait dire ça : vous avez recours au concept
de nature quand vous voulez
désigner non pas l’essence, mais l’extériorité de l’essence, sa présence
ou son exhibition effective, son caractère radicalement séparé. Encore une
fois, vous pouvez soit vous référer à la critique hégélienne de la séparation
kantienne. Il faut comprendre le concept : la critique hégélienne de la séparation kantienne,
elle touche à la séparation de l’essence. Vous pouvez vous référer aussi à la
critique aristotélicienne de Platon, qui est une querelle sur l’inséparation de
l’essence.
Il est frappant que ce qui entre en jeu dans
les 2 cas, dans la critique par
Aristote de la théorie platonicienne des Idées, de la critique séparation de
l’essence, ou dans la critique hégélienne de la séparation de la chose en soi,
il est frappant de voir que ce qui
vient sur le devant de la scène, c’est la nature de ce qu’il y a. Comme si la nature à chaque
fois désignait l’inséparation de l’essence elle-même.
Dans ce cas, ça veut dire que nature inclut le sensible lui-même.
Vous voyez bien que dans ce cas, nature inclut
le sensible. Dans un 1er temps, nous avions dit que nature c’est
l’essence, c’est que la chose. Mais là nature ce n’est pas l’essence, c’est
l’être-là de l’essence, ça inclut l’exhibition de l’essence, ça inclut ce qui
se montre. Cette rythmique est essentielle : on se déplace du régime de
l’intériorité (la nature est ce que la chose est dans son intériorité, on
pourrait presque dire dans son intimité essentielle – c’est sa vraie nature),
mais à peine ceci fait, nature est obligée au contraire de reconvoquer
l’extériorité, l’apparence naturelle, la nature comme ce qui se donne, comme ce
qui est là, ce qui est l’effectivité sensible, ce qui se montre. C’est ça aussi
son côté retors. C’est cette oscillation constitutive entre intériorité et
extériorité, entre intimité de l’essence, ce que la chose est vraiment, et ce
que la chose montre qu’elle est, aussi bien, et qui fait aussi partie du
concept de nature. Sur nature et essence, c’est bien de ça qu’il s’agit. Les
lieux spéculatifs nodaux sont la critique de Platon par Aristote, critique de
Kant par Hegel, dans les 2 cas, convoquer la nature comme synthèse de
l’intériorité et de l’extériorité. C’est là qu’on tente de stabiliser la
notion. La nature, c’est à la fois l’essence et la visibilité de l’essence.
Donc il va bien falloir dire qu’il y a quelque chose de la nature qui a à voir
avec le sensible. Nous disons des choses qui en même temps sont des intuitions
courantes. Il va falloir poser la question des liens exacts entre nature et
sensible. Quels sont les liens exacts sensible-nature ?
Pour autant que la nature est autre chose que
l’essence, c’est parce que elle inclut la monstration sensible de l’essence. On
va être conduit finalement à ceci que la nature, c’est ce qu’il y a, c’est ce qu’il
y a sensiblement, ce qui nous est
donné (c’est son acception la plus courante, la plus triviale, et peut-être la
plus difficile), ie ce qui naturellement là. C’est
la totalité du sensible. Dans science de la nature,
c’est bien comme ça que nature est pris. La question devient : qu’est-ce
qui distingue nature de sensible, ou qu’est-ce que nature dit de plus que
totalité du sensible ? Il faut s’engager dans cette dialectique qui est
que si nature ne se distingue d’essence que par l’être-là sensible, alors
qu’est-ce qui fait que l’être là sensible est lui-même autre chose que
nature ? Qu’est-ce qui dans le sensible n’est pas nature ? Si nature
absorbe le caractère immédiat de l’essence, qu’est-ce qui dans nature n’est pas
cela ? C’est une question difficile : qu’est-ce qu’on dit quand on
dit que l’apparence sensible est aussi qch comme la donation d’une
nature ?
C’est intéressant, c’est une parenthèse, de convoquer la classique notion romantique de sentiment de la
nature. qu’est-ce que la nature au sens romantique du terme ? La nature
dans les poèmes romantiques, ou le sentiment de la nature, ou dans les
constructions complexes du romantisme allemande, qu’est-ce que la nature pour
Novalis ? Il faut étudier les textes. Mais de façon un peu générale que
veulent dire les romantiques lorsqu’ils allèguent la nature, le sentiment la
nature, le rapport d’une solitude poétique à la nature ? C’est le
sensible. C’est pour ça qu’elle est immédiatement poétisable. La nature, c’est
un lac, un vallon, une forêt profonde. La nature a des lieux sensibles. Il est
clair que dans la poétisation fondamentale, nature est convoquée comme univers
sensible, et qui plus est, l’univers sensible dans son extériorité la plus
radicale, voire même, voire même dans son indifférence au point de départ,
(l’indifférence de la nature aux avatars et au pathos de la subjectivité.) Le
poète vient au bord du lac et le lac ne se souvient plus de rien, dans son indifférence
temporelle, ou la maison du berger de Vigny,
grands lieux de l’académisme littéraire. Ils désignent quoi ? ils
désignent la nature comme expansion sensible dans l’extériorité indifférente.
C’est ça qui est désigné et saisi poétiquement. C’est ça qui est désigné et
saisi poétiquement. Non seulement nature c’est le sensible, là, mais c’est le
sensible comme figure de l’extériorité, je dirais même que c’est le sensible
quasiment comme non-essence. Basculons : puisque c’est le sensible dans
l’indifférence au sens, l’indifférence à la pensabilité subjective. C’est une
sorte de sensible dont la magnificence, que le poème va chanter, est écartée de
toute essence. C’est une magnificence neutre, une magnificence dont on va se
demander si elle est inhumaine, absolument inhumaine, arrachée à l’essentialité
humaine.
Donc nature en ce sens là devient bien le
sensible dans son extériorité, et l’extériorité est là poussée jusqu’au point de l’oubli de l’essence elle-même.
Nous étions partis du fait que la nature, c’était le sensible de l’essence, et
nous voyons là le point où l’essence n’est plus identifiable. La nature devient le sensible dans son extériorité indifférente.
Le problème à ce moment là est de
savoir comment on s’incorpore à cette extériorité. Dialectique de nature et sensible,
poussé à son terme, est un pb d’incorporation : comment l’essence
va-t-elle revenir à l’extériorité ? C’est ce qui anime la dialectique de
la nature et du sensible ? Comment faire revenir l’essence si la nature
est l’extériorité indifférente du sensible? Sur ce
point, relisez les canons romantiques de la chose, vous verrez que c’est
exactement le pb. Par où passe, vue l’extériorité absolument indifférente du
sensible, renouer l’essence du destin humain et le sensible… ?
- je rappelle que dans la disposition
romantique (Olympio,
maison du Berger, le Lac), la méthodologie réconciliatrice (c’est bien de la réconciliation
qu’il s’agit) va être cherchée du côté d’une théorie de la mémoire (c’est
toi qui dors dans l’ombre – ô sacré souvenir !).
On est dans une théorie de la mémoire qui va se reporter au sensible à l’époque
où il accueillait l’essence, au moment où le sensible était en harmonie
aléatoire avec l’essence, et la mémoire veut reconstruire cette réconciliation
(pour le concours : travailler le lien entre nature et mémoire). C’est un
pb précis : la mémoire n’intervient pas comme « je me remémore l’époque où j’étais bien sur le foin ». C’est plus noble : la mémoire intervient sur un point précis,
qui est méthodologie de réconciliation entre l’essence et l’extériorité
sensible, ou de réconciliation finalement de l’homme et de la nature.
Techniquement, c’est bien que nature ça désigne à un moment donné le sensible
exilé de l’essence, et que mémoire, c’est la voie d’une restitution par rapport
à cet exil.
Je voudrais vous dire que c’est à mon avis au
cœur de l’intuition bergsonienne. De ce point de vue là, je considère que
Bergson est un romantique. Fondamentalement, Bergson est un romantique, au sens
élevé, en ce sens-là. Au sens où finalement, son problème théorique est de ne
pas rester dans l’exil de l’essence, et de montrer comment la totalité sensible
(vie) communique avec le spirituel, dans un dispositif qui est celui de la
mémoire absolue, qui est celui de la mémoire absolue. Il y a une mémoire
absolue où en un certain sens le spirituel et le matériel sont indivis. C’est
la thèse des romantiques français, qui indiquent que la mémoire est ce qui
permet de réconcilier l’essence subjective et l’indifférence sensible. C’est le
sentiment de la nature. Le sentiment de la nature c’est un processus,
c’est pas un état. Dans le romantisme français, singulier sur ce point, c’est
le processus par lequel partant de l’indiff et de l’extériorité sensible, on propose
un renouement ou une réconciliation dont la clé est la mémoire. C’est pour
indiquer l’espace de la dialectique nature et sensible : si on pousse à
son terme, c’est la question de l’extériorité.
Le problème est le suivant : si nature est l’extériorité du sensible, poussée éventuellement jusqu’à la séparation d’avec l’essence (la thèse ou la figure de la nature indifférente), qui n’est que la magnificence sensible, alors quel en est le principe d’intelligibilité ? ou est-ce purement du non sens ?
- jusque à présent, nous disions :
l’intelligibilité de nature vient de ce que en réalité c’est l’essence,
l’essence inséparée ou l’essence exhibée, mais c’est l’essence. Mais si on
pousse la nécessité pour la nature d’être le sensible jusqu’à extériorité
indiff, et-ce que nature reste qch d’intelligible ? quel est le principe
d’intelligibilité de nature prise ainsi, ie séparée de l’essence ? Dans
cette dialectique, nature et sensibilité, vous allez avoir la question de
l’intelligibilité de la nature, éventuellement poussée jusqu’à la question de
son non-sens pur et simple.
Là encore nous avons retournement : nous
suivions la voie que nature était ce à partir de quoi on donnait sens et
connaissance aux choses, mais nature peut aussi vouloir dire l’extériorité
sensible qui la pousse à la séparation d’avec l’essence jusqu’à la rendre
intelligible. Vous allez avoir la
possibilité que la nature désigne une extériorité opaque, une extériorité sans
principe d’intelligibilité immanent. Ceci peut être poussé jusqu’à une vision
noire, comme signifiant la cruauté et la mort. Ce qu’on pourrait appeler la
thèse hyperromantique : là, l’exil est irréparable, et la nature
finalement a son emblème dans la prédation, dans la cruauté. L’impératif
naturel est un impératif de cruauté. C’est une thèse que Sade soutient avec
brio et grandeur : il y a une canonique naturelle de la cruauté. On peut s’appuyer
sur bien des évidences empiriques, ce n’est pas une thèse diabolique ou
originairement perverse. Si vous prenez la nature dans l’extériorité de
l’essence, comme un dispositif neutre et anonyme, ce qu’elle distribue le plus
universellement, c’est la mort (c’est ce dont nous sommes assurés). si vous
isolez cette vision des choses, la nature, par un retournement de signification, nature devient synonyme de mort, de
souffrance, et de cruauté, et d’absurdité, d’absurdité cruelle.
- et pour autant qu’elle a un sens, dans cette
extériorisation menée à son terme, ce sens doit être introduit. Il n’est pas
délivré par la nature soi. Si la nature est poussée jusqu’à l’extériorité
indifférente, elle n’a pas de principe d’intelligibilité en elle-même, car elle
est séparée de l’essence. Ou bien est une absurdité dont l’emblme est la mort,
ou bien elle a un sens, mais le sens est introduit de l’extérieur, il vient du
dehors. Il va falloir relever l’extériorité naturelle que par autre chose
qu’elle-même. Il va falloir que le sens advienne du dehors, ou alors nous
serons dans la figure de la nature
comme mortification cruelle. C’est pourquoi là, se situe un des branchements de
la nature sur la question de la transcendance du sens. c’est toujours quand
vous êtes dans une pbtique de la nature comme la déréliction dépourvue de sens,
que la seule ressource du sens est
la transcendance elle-même (vous reconnaîtrez la méthodologie pascalienne).
L’antinomie véritable sur cette question, c’est Sade et Pascal. C’est un couple
bizarre mais c’est un couple réel. Car en un certain sens, Sade et Pascal ont
le même point de départ, à savoir que ce n’est en tout cas pas dans la nature
que nous allons trouver l’essence bonne de l’humanité. Pascal et Sade sont
d’accord sur ce point. Les descriptions par Pascal de la nature la présentent
comme une extériorité indifférence sensible. L’homme n’est rien. dans ce cas,
il se peut que celui qui a raison soient le libertin. Le libertin a peut-être
raison, n’ayant pas d’autre maxime que le jouir, puisque de toute façon c’est
sinistre et indifférent, puisque la totalité ne nous dit rien. Conséquence que
Sade va en tirer sous la impératif :
être conforme à la nature c’est être dans la cruauté et la mort dans le jouir.
Pascal tire une conclusion opposé, mais comment ? par un saut dans la
transcendance qui dispose Dieu comme sens. C’est la même chose, avec un saut,
une discontinuité de la nature à Dieu, de la nature à Dieu la conséquence n’est
pas bonne. Vous ne pouvez passer à Dieu que parce qu’il y a les Ecritures. La
nature est réellement l’extériorité indifférente. Si vous ne faites pas ce saut
dans la transcendance, vous être livré à l’indifférence de la nature, et ce
qu’il y a de mieux à faire dans ce cas c’est d’être vous-même indifférent. Vous
devez être dans un impératif de la
jouissance sans limites comme impératif.
Le point commun est repérable :
c’est nature est déployée jusqu’à l’extériorité indifférente. Donc là il y a le
nihilisme de la jouissance d’un côté, qui est comme un impératif naturel (mais
voyez, un impératif de l’inintelligible, un impératif naturel de
l’indifférence : être aussi indifférent aux autres que la nature l’est à
nous-mêmes), soit rebondissement vers la transcendance radicale (avec le pari
pour l’infinité divine, étayé par un argumentaire qui est typiquement un argumentaire
non-naturel). C’est en point très remarquable : en dehors de la nature,
pour Pascal qu’est-ce qu’il y a ? En dehors de la nature, il y a le Livre.
L’apologétique pascalienne n’est pas appuyée sur la nature, mais elle est
appuyée sur le livre : il montre que les prophéties, le dispositif de la
rédemption, donnent une intelligibilité qui est tracée, écrite. Cette partie
négligée des Pensées et fondamentale. Le livre c’est quoi ? c’est
exemplairement ce qui n’est pas naturel. C’est un point sur lequel on reviendra
souvent : on s’appuie sur le non naturel, et c’est un livre. Le Livre est
une trace d’intelligibilité. Or, le livre, c’est ce qui n’est pas la nature.
Dans ces théories de la nature comme extériorité, on s’appuie sur le
non-naturel, et le non naturel en dernier ressort c’est un livre, toujours,
ouvrant la voie à l’idée que la seule chose non naturelle c’est le langage.
C’est une intuition pascalienne centrale ce qui nous sauve de la déréliction
naturelle, c’est le livre. Avec le livre nous pouvons déployer un principe
d’intelligibilité. Sade : c’est celui pour qui il n’y a pas de Livre. Il
ne croit pas au livre, bien qu’il n’est fait que ça toute sa vie. Il a écrit le
livre noir de la jouissance, car il n’y avait pas le livre de Dieu.
Mais nature dans les 2 cas c’est la même
chose : c’est ce qui n’a rien à voir avec l’homme. Ce qui le laisse par
csqt soit en proie à sa naturalité obscène, soit en proie au message divin.
Dans les 2 cas, cependant, va se poser le problème de savoir comment ce
dispositif se rassemble. C’est une autre figure de la question de la nature.
Je m’explique. Revenons sur nos 3 exemples transitoire, au point de l’extériorité de la nature : Il y a une thèse selon laquelle la nature désigne l’indifférence absolue à l’essence humaine
- il y a la poésie romantique ou Bergson qui propose une
réconciliation par la mémoire, - il y a Pascal qui contrapose à cela la
certitude du Livre et son tracé signifiant, qui permet de parier pour dieu
- et Sade qui s’installe dans l’impératif
nihiliste de la jouissance.
Nature désigne la registration du sensible
indifférent pour une non-indifférence. Le pb est que ce sensible indifférent
n’est expérimenté comme indifférence que pour une non indifférence. Dire la
nature c’est une extériorité indifférent, ça suppose que vous fixiez ce pour
quoi ou ce pour qui c’est indifférent : l’attribution à l’extériorité
naturelle du pouvoir d’indifférence naturelle ou de cruauté suppose quelque
chose qui soit ce pour quoi, ou ce pour qui il y a indifférence ou cruauté.
Autrement dit, si loin que vous poussiez la doctrine de la nature comme
extériorié sensible, si vous en tirez des csq pasalienne sadienne ou
romantique, quelle que soit cette solution ou cette inscription, vous désignez
un autre pôle que cette extériorité (implicitement ou explicitement). Vous
désignez celui pour qui il y a la question de l’extériorité naturelle. C’est un
point qui lui aussi est adhérent aux dialectiques complexes de la nature, qui
est : si la nature est séparée de l’essence - disons le techniquement
comme ça - si elle est le sensible mais dans sa séparation ultime d’avec
l’essence, dans une indifférence à toute signification, l’existence de la
question de cette indifférence est autre chose que cette indifférence
elle-même, évidemment. Autrement dit, le prédicat d’indifférence suppose le
pôle subjectif de cette indifférence d’une façon ou d’une autre, si non il n’y
aurait rien que cette indifférence. Il ne pourrait pas y avoir le pathos de
l’indifférence. Il y a un pathos de l’indifférence naturelle et pas simplement
le jeu indifférent de l’indifférence. Il y a une question, un problème. Vous
avez une dramaturgie. Nature désigne à la fois au fond l’indifférence du
sensible extérieur, mais aussi la possibilité de questionner cette indifférence
elle-même. Et dans les 3 voies. Même Sade fait de longues argumentations
sur le caractère indifférent et cruel de la nature, de façon à ce que qln en
tire les conséquences ! L’argumentaire est polémique et axiomatique :
on doit tirer des csq de l’indifférence de la nature.
→ le problème surgit aussitôt de savoir qu’est-ce
qui est en exception de cette indifférence, de tls que cette indifférence soit
pour lui une question ?
Si vous voulez pour matérialiser un peu ce
cheminement, si on reprend l’exemple de Pascal, c’est le moment où Pascal doit
désigner la misère de l’homme mais aussi sa grandeur. Le moment où il ne peut
pas être simplement dans l’élément de la misère. Qu’est-ce que la
misère de l’homme sans Dieu ? la misère est l’indifférence absolue de la
nature. C’est les 2 infinis, lisez le texte, c’est un texte admirable sur la
déréliction du sujet humain au regard de l’extériorité l’indifférente, il est
comme un point ou une indiscernabilité essentielle dans l’indifférence
naturelle, dans l’indifférence de l’univers. C’est ça la misère de l’homme.
Mais s’il n’y avait que la misère, il ne serait pas pour l’homme question de sa
misère. L’homme est un roseau le plus faible de la nature mais un roseau
pensant. Ça veut dire quoi ? il est minable, sauf qu’il porte la question
de cette indifférence. Pensant quoi ? qu’il n’est qu’un roseau. La misère
est l’énoncé de la misère, mais l’énoncé de la misère est déjà en excès sur la
misère elle-même.
De même, dans la poésie romantique, le point
du souvenir est en excès sur l’indifférence de la nature. La possibilité
de reconstruire la nature du point de la mémoire excède l’indifférence
naturelle.
Et pour Sade, l’humanité va se distinguer
entre maîtres et victimes, entre seigneurs et victimes (du point de la jouissance).
Le seigneur n’étant rien d’autre que celui qui sait que la nature n’est
qu’indifférence et cruauté. C’est ça qui le constitue comme un aristocrate de
la jouissance. La victime est celle qui croit que la nature est bonne, elle
croit à la bonté de la nature (Justine, persuadée qu’il y a de la bonté quelque
part : elle croit que les gens qu’elle rencontre sont bons, mais pas du
tout ! ce fabliau de Justine se transportant incessamment de sauveteur en
sauveteur est l’histoire de celui qui pense que la nature est bonne. Justine,
c’est une sorte de rousseauisme décalé. Elle croit à la bonté humaine mais elle
tombe sur des gens qui savent que la nature n’est qu’indifférence et cruauté).
Ceci instaure un régime d’exception. L’indifférence égalitaire de la nature
détermine un régime d’exception. Le poème de la mémoire chez les romantiques,
l’élément de grandeur humaine chez Pascal, le seigneur de la jouissance chez
Sade. Il y a donc un régime de l’exception, mais alors : en quel sens
alors nature est-elle totalité du sensible, s’il existe un point de pliure ou
d’exception ? que devient l’énoncé selon lequel la nature voulait dire la
totalité indifférente du sensible ? nous devons nous poser la question,
cette fois, qui est notre 4ème
dialectique : nature et totalité.
La nature est-elle identifiable, c’est un de
ces sens, au grand tout sensible ? la nature comme la grande totalité
sensible ? Et quels sont les rapports entre nature et Tout. Nature veut-il
dire autre chose que totalité, puisqu’il y a semble-t-il un point
d’exception ?
si vous pensez la nature comme la totalité
absolue de ce qu’il y a, c’est son sens de cosmos,
ou éventuellement d’univers, la nature à ce moment là s’objective comme
totalité. Mais si vous la pensez comme totalité, vous allez devoir réduire
l’exception dont on parlait tout à l’heure, l’être pour qui il y a la question
de cette indifférence ou de cette extériorité. Vous voyez : nature ne peut
être que totalité, le grand pan, le cosmos, l’univers, peut-être même ce que Heidegger appelle l’étant en
totalité (c’est là qu’il y a le secret perdu de la nature), c’est le sens
courant du terme, la nature = le tout, que devient dans ce cas l’exception,
l’exception de celui pour qui il y a la question de l’extériorité indifférente
du sensible ?
peut-on penser le tout sans lui donner un sens ? Est-il simplement possible de considérer que l’extériorité sensible indifférente forme un tout, est un tout, est une totalité ?
La dialectique de la nature et de la totalité
va être structurée par ces 2 questions. C’est peut-être un des problèmes les
plus canoniques, c’est l’antinomie cosmosologique dans la CRP, c’est nature pris comme ensemble des phénomènes, au sens de la
totalité. C’est tout ce qui résonne depuis les cosmologies antiques, avec sur
ce point un texte capital par les csq qu’il a eu, qui est le Timée de Platon. Nous commenterons je pense le paragraphe final du
Timée, où Platon prononce l’éloge de la totalité cosmique. Nature prend la
forme de la totalité cosmique comme l’ordonnancement universel du sensible.
Mais il y a 2 questions qui ont travers la
nature comme totalité : que je disais :
1ère question : que devient l’exception de la question ? qui apparaissait
si présente chez Sade, Pascal, les romantiques. Comment l’exception
rentre-t-elle dans le tout ? est-ce qu’elle se laisse totaliser ?
C’est un débat là aussi qui circule entre Kant et Hegel de façon très
vigoureuse, qui deviendra : y a-t-il un statut naturel de la liberté, qch
de ce genre. La totalité est-elle pensable ? Est-ce qu’un tout peut-il
contenir sa question ? est-ce qu’un tout peut contenir la question du
tout ? Comment un tout peut totaliser sa propre question ? Comment la
nature comme tout peut-elle être intérieurement représentée ?
Allégoriquement, ça donne la considérable
tradition, très questionnante à la renaissance, du microcosme. La question du cosmos donne lieu à la question du microcosmos.
Elle touche à la réflexion intérieure de la totalité naturelle : est-elle
représentée à l’intérieur d’elle-même ? A-t-elle un sens ? C’est la
métonymie cosmique, ie l’inclusion dans le cosmos d’une image du cosmos lui-même.
ça revient dans le fil des dialectiques de la nature à se demander, dès lors
que la nature est la totalité du sensible, que devient son témoin. Il n’y a
Nature que quand il y a un témoin de la nature (je prends témoin comme mot
neutre, c’est plus vaste ou plus indistinct que sujet, représentation,
conscience etc …). On ne peut pas se représenter la nature comme totalité
sans se poser aussitôt la question
de son témoin. Qui témoigne ? Si la nature est totalité, où est le
témoin ? S’il n’y a pas de témoin, il n’y a pas de raison de dire nature
plutôt que être. Alors en réalité, vous pouvez dire être ou essence.
2ème question : d’où la totalité naturelle tire-t-elle sa puissance de faire
Tout ? Est-ce que ceci ne suppose pas une signification immanente, une
auto-production du sens qui totalise l’effectivité naturelle ? Ou, pour le dire plus simplement : peut-on maintenir la
thèse de l’indifférence du sensible, tout en déclarant qu’il fait tout, que
c’est une totalité ? Est-ce que dès on déclare « tout », on n’est pas contraint de lui attribuer un sens
immanent ? Est-ce que ça peut être totalité naturelle, est-ce que si la
nature c’est un tout, on n’est pas contraint de lui attribuer un sens
immanent ? Est-ce que vous pouvez déclarer que ça peut être totalement
indifférent et totalisable ? C’est la question du cosmos en son sens
originellement grec. Pour les grecs, on le voit dans le Timée, que si vous faites tout de l’univers, vous lui attribuez une intelligibilité
immanente. La totalisation et la donation de sens, c’est un même mouvement de
la pensée. Les vrais matérialistes ne totalisent pas (ce n’est pas un
hasard ! il n’y a pas un tout chez Lucrèce, il y a un multiplicité de mondes avec des intervalles mystérieux
– il y met des dieux. Mais il n’y a pas de totalisation. C’est une point
important : si nature signifie totalité, est-ce que ça ne veut pas dire
nécessairement que nature est distribution d’un sens, distribution immanente
d’un sens. C’est la question cosmologique proprement dit, la question du
cosmos.
Et finalement les 2 questions vont être liées
(la question de la totalité signifiante et la question
de l’exception) parce que la solution spéculative typique de ce problème (que
vous trouvez dans l’Évolution créatrice, et
chez Hegel) : c’est parce que vous montrez que la totalité est le
déploiement d’un sens que l’homme peut y être placé.
La question de la totalité peut être placé dans la totalité. D’où vient qu’il y
ait une question de la nature dans la nature, d’un côté ? et comment la
nature peut faire tout ? les 2 questions vont fusionner. Il va y avoir une
auto-constitution de la totalité naturelle, qui va inclure le moment de sa
propre question, sous une forme ou sous une autre. C’est pour vous dire à quel
point cette question nature et totalité véhicule sur ses bords le problème de
l’exception d’un côté (qu’est-ce qui fait exception à la nature ? peut-il
y avoir exception ? L’exception hante le problème de la nature :
c’est le non-naturel). Et de l’autre côté la question sens : comment
s’effectue une donation, une construction de sens ?
On a fait 4 dialectiques, il en reste 4, la
semaine prochaine.
Ce que j’avais fait la dernière fois, c’était
une sorte de présentation, de commencement de présentation de ce qu’on peut
appeler les connexions dialectiques du concept de nature. Comment
intervient-il, étant donné que c’est un concept dont la signification est
capable de se retourner entièrement selon les concepts dialectiques auxquels il
se trouve enchaîné. On avait insisté sur son caractère retors. Il est
nécessaire de présenter une sorte d’ordre pbtique qui vous permettra de traiter
de ce concept et de ses connexions dialectiques en prenant garde de traiter du
site de penser où il va se mouvoir, suivant le système dans lequel il se trouve
pris, ou le site de pensée où nature va se mouvoir : la science,
l’idéalisme etc… : il y a une série de nuances de pensées extrêmement
variables rendant difficile le maniement de ce concept.
Pour récapituler tout ça encore mieux, je vous
ai fait un dessin, que je vous donne. Une sorte d’escargot. Avant de reprendre,
quel est le mode d’usage de ce schéma ? Il s’agit de montrer ou de faire
apparaître des occurrences du mot nature qui d’une certaine façon interviennent
de telle sorte qu’elles assurent plus ou moins le passage ou le transit d’une
notion à une autre. C’est l’usage général. C’est pour cela que le mot nature est
répété. A chaque fois la signification du mot nature est modifiée selon le
parcours. Et à chaque fois, le contexte de définition du mot nature se situe
entre les 2 concepts qui constituent le bord de la trajectoire.
A titre d’exemple, je vous le rappelle, que
signifie le segment être-nature-essence ? Il signifie qu’on peut partir
d’une sorte d’identité inaugurale entre nature et être. La nature des chose, au
sens de Lucrèce, ce que j’avais proposé comme exemple. La nature de la chose,
c’est ce qu’elle est vraiment. Par nature, on a l’idée de vérité d’être de la
chose considérée, dont on appréhende la nature. Le pb devient immédiatement
dans ce cas : quel est le rapport entre la nature de la chose et
l’essence, puisque l’essence est chargée de désigner ce qu’elle est en vérité,
ce qu’elle est vraiment ou désignant ce qu’il y a d’authentiquement intelligible.
On va prendre nature à la fois en amont et en aval. Amont : définition
provisoire ou l’identité provisoire à laquelle on l’assigne (par nature de la chose
on entend l’être véritable, l’être natif, l’être originaire), puis en aval on
aune nouvelle possibilité définitionnelle problématique (dans ce cas y a-t-il
réellement une distinction et quelle est-elle entre la nature de la chose et
son essence, qui affirmerait vraiment ou authentiquement ce qu’elle est, ou ce
qui en elle est intelligible ?).
Jae rppelle les 1ère étapes
- 1er rappel : nature peut
être considéré comme un transit entre être et essence, si on prend nature au
sens donné dans l’expression "nature des choses" de Lucrèce. C’était le 1e’ contexte.
- 2ème rappel : si on prend
nature comme signifiant ou comme désignant l’essence de la chose, si la nature
c’est l’essence, alors dans un mouvement d’extériorisation (et plus seulement
son être), alors nature c’est la présentation effective de l’essence de la
chose. Nature peut être pris comme essence mais voudra dire plutôt ce que
l’essence est capable d’être dans son exhibition effective, dans son
effectivité, dans sa présentation. A ce moment là, nature va se tourner vers
sensible comme désignant l’extériorité de l’essence. Vous voyez le rythme c’est
un rythme dont on peut dire que centralement c’est le rythme intériorité /extériorité,
c’est ponctuation pertinente.
Parenthèse :
c’est près de l’usage ordinaire. Nature signifie d’un côté l’extériorité, je
contemple la nature, ce qui est là, le donné, le sentiment naturel, le bon
naturel, environnement naturel. La nature c’est cette extériorité qui
m’accueille en elle, qui me dispose en elle. Et puis nature c’est aussi
l’intériorité maximale : ma nature, l’intimité de ma nature, la nature
humaine, ce que je suis vraiment naturellement. Vous basculez du côté de ce
qu’il y a de plus proche, intime ou d’essentiel. C’est un point important qui
permet d’agencer la plupart des questions sur la nature : il y a une
ambivalence constitutive de ce concept. Nous la ressaisirons dans des contextes
précis. Il y a une ambivalence qui est le mieux nommée par la dialectique
intériorité / extériorité. Nature, c’est simultanément ce qu’il y a de plus
intérieurement constituant de la chose, ce qui est le plus proche de son être
et de son essence, et c’est ainsi le spectacle de l’extériorité, avec l’idée de
sensible. Nature comme dans l’expression nature humaine est l’essence
invariable, et dans la nature au sens de sentiment ou gout, c’est le spectacle
vivant, la donation spectaculaire du il y a. Ce sont ces 2 choses. L’escargot est une possibilité
détaillée des possibilités de ce rythme : il y aura une tension vers
l’intérieur ou tension vers extériorité qui va déployer les significations
dialectiques du mot nature.
La 1ère étape je n’y reviens pas.
la 2nde c’est partant de l’idée que la nature est l’essence, la
chose dans son être authentique, on va se demander ce qui différencie nature de
essence, selon le même protocole dialectique. quelle est la différence
spécifique ? La nature, pour autant qu’elle désigne l’essence, le fait
dans la figure de son déploiement, extériorisation. La nature c’est l’essence
mais dans son effectivité. On va retourner la chose dans son dehors. Dans ce
cas là, c’est une autre polarité c’est le sensible. La nature, c’est le
sensible de l’essence, son propose une formule tendue. Cette 2ème
dialectique va tendre le mot nature entre l’intériorité intelligible maximale
et l’extériorité sensible maximale aussi. Il va en résulter que si vous voulez
appréhender ce qui dans la nature est autre chose que l’essence, c’est du côté
de l’extériorité sensible qu’il faut aller chercher. On pousse au bout le protocole
d’extériorisation. C’est vrai que la nature de la chose c’est en un certain
sens son essence. Si c’est l’exhibition de l’essence, ce qui fonde le mot
nature, c’est l’extériorité sensible. D’où l’identification canonique entre
nature et sensible, si on pousse ce thème de l’identification jusqu’au bout, la
nature devenant l’extériorité comme telle, l’extériorité sensible comme telle.
A chaque fois on essaie d’aller jusqu’au bout du protocole antinomique, qui
définit toujours nature dans une lisière entre intériorité et extériorité. Nous
avons dit : la nature c’est le il y a comme l’extériorité. Si on
radicalise cette thèse, la nature c’est l’indifférence de l’extériorité,
l’extériorité comme extériorité, l’extériorité indifférente, le sensible, tel
qu’il n’a pas d’égard à l’intériorité, le sensible tel qu’il est indifférent à
l’intériorité. On avait donné un certain nombre d’exemples :
- ça veut être Pascal
- ça peut être dans la version noire la
position de Sade
- c’est aussi une position romantisme, ou un
certain romantisme (qui confronte la douleur subjective à l’indifférence de
l’extériorité naturelle).
Je voudrais récapituler les quelques lectures
que ça peut introduire :
- pour le 1er mouvement, j’ai suggéré quand même d’aller voir dans Lucrèce, et dans Lucrèce
peut-être plus généralement dans cette inspiration matérialiste qui prend son
point de départ dans l’idée que l’être est naturel. Que le mot nature est le
mot le plus approprié à désigner l’être comme tel. La nature des choses va être
cherchée du côté en effet de l’identité naturelle. Vous pouvez regarder dans
Lucrèce, et dans la dialectique complète, telle qu’il la propose, de ce que
signifie nature des choses : tout le pb dans le titre est de se demander
quelle différence il y a entre les chose / la nature des choses. Quelle
différence y a-t-il entre parler des atomes et du vide et parler des objets
naturels composés d’atomes. C’est probablement l’illustration la plus frappante
de cette première dialectique.
- dans la 2ème dialectique, je vous avais proposé 3 références. Je les précise un tout petit peu.
Pascal : ce sont les textes sur au fond
l’indifférence primordiale du il y a naturel à la réalité humaine (donc les
textes sur les 2 infinis). Le silence éternel des espaces infinis m’effraie etc… les thèses qui désignent, autour du concept d’infini, qui
désignent l’extériorité absolue de l’être là naturel à l’intériorité de la
question humaine. Vous pouvez revisitez ces textes fameux en tentant d’y faire
résonner l’ambivalence dialectique du mot nature.
En ce qui concerne la position de Sade, c’est une position intéressante car c’est une position maximale. Le
texte canonique est la déclaration de Dolmancé dans la Philosophie dans
le Boudoir. Français encore un effort pour être
républicain. C’est un texte référentiel, un texte
carrefour, un texte dont l’influence sur la modernité est considérable. C’est
quasiment une dissertation séparable, évidemment située entre des épisodes de
combinaisons corporelles variées. Elle est le discours de la pose. C’est
très singulier, c’est vraiment une dissertation d’agrégation : c’est un
texte rhétorique, construit, argumentatif. Il est frappant qu’il n’induise pas
la froideur qu’il devrait produire. Vous pouvez le lire dans l’optique que
je vous dis : quel est concept de nature est à l’œuvre chez Sade ? C’est
central : quelle figure de l’énergie est donnée naturellement ? Avec
cet impératif singulier, qui au fond qu’il s’agit d’être aussi indifférent à
l’autre que la nature nous est indifférente. Finalement, il y a bien une maxime
qui se tire de la nature, qui est une maxime de jouissance, mais une maxime de
jouissance dont le secret est
d’être indifférente. C’est la reconnaissance de l’extériorité du
sensible au sens où le liberté est celui qui est armé de cette indifférence,
qui a au fond le même calme indifférent que la nature tout entière, dans
l’œuvre de la jouissance. Il sera dans l’œuvre de jouissance, mais l’essence
naturelle de ça, c’est finalement l’indifférence. C’est un point qui résonne
avec l’épicurisme mais comme à l’envers : il y a une apathie sadienne, qui
est une apathie naturelle, être indifférent à la souffrance de l’autre, prise comme témoin, indifférence à
la déréliction de l’autre, à son supplice etc… c’est la résonance subjective
d’une indifférence plus vaste qui est l’indifférence de la nature tout entière.
Et donc il s’agit bien d’être naturel, mais comme Sade le remarque, être
naturel est très difficile ! C’est ça le pb. Cette apathie du seigneur de
la jouissance est très rare, elle est difficile à obtenir, il n’y a qu’une
aristocratie de la jouissance qui en est capable. Au fond, on pourrait dire,
c’est le cœur de la difficulté que rencontre Sade, il y a une difficulté
particulière qui est la suivante : tout se passe comme s’il n’était pas
naturel de se comporter selon la maxime de la nature. C’est un point qu’on
retrouve souvent. Il y a une maxime naturelle qui est finalement une maxime de
sang froid et d’indifférence. Bien sûr, il y a le désir, qui est une donnée naturelle.
Mais ce qui fait le sadien, ce n’est pas le désir comme tel, c’est la capacité
à traiter le désir dans l’élément d’indifférence à l’autre. C’est cet élément
d’indifférence qui est naturel. C’est lui qui a comme maxime l’indifférence de
la nature. La complexité ultime, c’est que ça semble très difficile en
réalité d’obéir à la maxime naturelle. Seule une aristocratie de seigneurs en
est capable, la plupart des gens ordinaire sont dans le pathos. Ils passent
leur temps à gémir, à pleurer, à éprouver de la pitié pour les autres, à être
sensible à leurs souffrances etc… ce qui est absolument antinaturel. Finalement
il y a un impératif de la nature auquel il est non-naturel de se soumettre.
C’est pourquoi nous avons affaire chez Sade à une éthique de la jouissance
indifférente, et c’est une éthique aristocratique.
C’est bien pour ça que dans un texte très
controversé et difficile, mais tout de même intéressant, Lacan a tenté une
comparaison entre Sade et Kant. C’est une comparaison dont le point de convergence
est le paradoxe de l’impératif. Comment se fait-il que l’impératif soit un
fait (fait de la raison chez Kant, un fait de la nature chez Sade – c’est
opposé mais c’est formellement symétrique), et que cependant son effectivité
soit absolument improbable ? De même que Kant va
dire qu’il se peut qu’il n’y ait jamais eu d’acte effectivement moral. C’est
d’une improbabilité très grande que l’effectivité de l’impératif. Que l’impératif soit réellement de part en
part la maxime d’une action effective est improbable. De l’autre côté, il y a
aussi une improbabilité très grande à ce qui puisse exister le seigneur de la
jouissance sadien - c’est une
fiction, c’est au lieu du livre, c’est une fiction, et la maxime est naturelle.
Cette symétrie tourne bien autour du mot nature, mais de façon inversée. Du
côté de Kant, qu’est-ce qui se passe ? Au fond on pourrait dire, très
grossièrement : l’improbabilité de l’effectivité de l’impératif
catégorique est l’impro d’un acte dont la maxime soit réellement suprasensible.
Identifions sensible et nature (ce qui en toute rigueur est inexact) on peut
avancer la formule : l’improbabilité d’un acte moral est l’improbabilité
du non naturel. Donc improbabilité d’un acte non pathologique, autonome.
Symétriquement, chez Sade, improbabilité de l’impératif naturel. C’est
improbable tout autant. D’où l’idée que l’improbabilité est celle de
l’impératif comme tel, qu’il soit ou contre naturel, qu’il soit sensible ou
supra-sensible, on aboutit dans tous les cas à une aporie, à une difficulté. Ça
nous ouvrirait à qch qui serait la question qui serait nature et impératif.
C’est une question intrinsèque que la question du rapport entre nature et
impératif. Si nous n’avions que le dispositif kantien, nous pourrions dire : nature et impératif,
c’est une antinomie constituante, puisque l’impératif est en effet référé au
supra-sensible. Il y a une schize entre raison théorique et raison pratique,
c’est le grand couteau kantien qui sépare : l’impératif est originairement
séparé du naturel. Le contre-exemple de Sade semble dire que c’est un tout
petit plus compliqué. Si on tente de bâtir un impératif de la nature (ce qui
est exactement la volonté sadienne), transformer l’impulsion naturelle
elle-même en impératif, transformer le pathologique kantien en impératif (faire
impératif de son désir, transformer la vocation à la jouissance en impératif
pour organiser l’ensemble de son existence). C’est également improbable. A ce
compte, il n’y a pas plus de libertins que de saints, et même encore peut-être
moins.
On peut faire l’hypothèse kantienne de la
disjonction entre impératif catégorique et impératif hypothétique, entre nature
et impératif, et on aboutit à l’improbabilité. Il n’y ait pas sûr qu’il y ait
jamais eu un seul acte moral.
On peut faire l’hypothèse de Sade de la
conjonction absolue, la nature est
la matrice de l’impératif, et on aboutit aussi à une improbabilité.
Du point de vue du 3ème
exemple :
- Tristesse d’Olympio de Hugo
- Le Lac de
Lamartine
- Souvenirs
de Musset
- La Maison du Berger de Vigny.
C’est du solide, mais c’est du bon matériau.
En plus c’est tellement démodé que ça redevient piquant. Si vous prenez ce corpus, topos rhétoriques du romantisme français, vous avez une position
d’indifférence de la nature. C’est bien l’extériorité sensible indifférente,
indifférente en un sens particulier. Indifférente au sens où elle a puissance
d’accueillir le bonheur, puissance d’être homogène à l’amour, c’est de ça qu’il
s’agit, elle a cette puissance d’accueil et de symbolisation de l’amour, mais
elle a aussi puissance de continuer à être sans traces de cela, sans être en
quelque manière marquée elle-même par ce qu’elle a accueilli. On est très
proche de la nature comme indifférence extérieure à l’intériorité, en l’occurrence
intériorité de l’amour. Puis après va se mettre en mouvement une dialectique de
réconciliation entre intériorité et extériorité, dont la clé va être le
souvenir, dont la clé va être une certaine théorie de la mémoire. Là nous
aurions nature et mémoire, ou nature, mémoire et salut, ou réconciliation, ou
rédemption presque. L’un de vous me faisait remarquer la dernière fois que
somme toute, un horizon possible de cela est la théorie platonicienne de la réminiscence.
Il y a un néoplatonisme romantique. Là, ce qui entre en scène, sous le nom de
mémoire ou souvenir comme autre rapport à la nature, certainement peut se
connecter ou se cheviller à la fonction très particulière de la réminiscence
chez Platon (ni dans un cas ni dans l’autre ce n’est pas un souvenir au sens
strictement psychologique, la mémoire a une fonction presque ontologique, c’est
une fonction ontologique, la mémoire c’est ce qui intériorise la nature, ce qui
garde l’extériorité comme intériorité). Nature et mémoire, c’est un thème à lui
tout seul, dont finalement le penseur est Bergson. A la fin des fins, si on
pousse jusqu’au bout le thème de la co-appartenance de la mémoire et de la
figure vitale de la nature, on va trouver Bergson. Bergson est celui qui écrit Matière
et Mémoire, c’est bien ce qui nomme la conception
de Bergson sur la nature, sur l’évolution créatrice, ie sur la nature comme vie.
Donc une gamme de lectures possibles sur ces
dialectiques.
- 4ème rappel : si la nature
c’est l’extériorité indifférente du sensible, quel est en fin de compte son
espace d’existence ? si ce n’est pas l’intériorité ou la conscience, quel
est le mode d’existence de cette extériorité naturelle, son calibrage ?
C’est le Tout, l’extériorité sensible, c’est la donation de la totalité. Pascal,
Sade, romantisme conçoivent la nature comme la totalité, c’est ce à quoi nous
avons affaire dans l’extériorité quelconque. C’est tout ce qui se donne. C’est
la donation comme donation totale. C’est une signification très classique du
mot nature, c’est ce qu’on peut appeler la signification cosmique de la nature.
La nature, c’est la totalité cosmique. La nature, c’est l’Univers en tant qu’il
se déploie et se donne comme totalité. Et donc on va pouvoir dire : la
nature, c’est la donation sensible, c’est la donation sensible en tant que
totalité. Et donc nous disons que c’est le site, c’est le site absolu du il y
a. C’est la belle totalité, au sens antique, c’est la belle totalité cosmique.
Celle-là même dont il est question dans le Timée de Platon (ponctuons la lecture : voyez cette espèce d’exaltation
finale dans le Timée, qui est le
dernier paragraphe, où Socrate dit nous avons fait là, décrit là, montré là
quelque chose de superbe, sur un ton assez exalté : on sent nature, cosmos comme la belle totalité qu’on est fier d’avoir reconstruit, d’avoir
exhibé la nature, d’avoir reconstruit son principe d’intelligibilité).
Parenthèse :
c’est intéressant cette fin du Timée, car
c’est exactement le contraire des conclusions aporétiques d’un certain nombre
des dialogues de Platon. Il y a des dialogues dont la conclusion n’est pas du
tout aporétique mais expressément affirmative. Il y en a en tout cas 2 où c’est
très frappant : le Sophiste et le Timée ne sont pas aporétiques, mais affirmatifs. Le Sophiste se proposer de définir le sophiste. Il termine avec une définition
explicite et détaillée du sophiste. Le Sophiste est un dialogue qui a réussi. L’enjeu était d’identifier le sophiste,
on a réussi. Il a fallu beaucoup ramer : poser le non être, commettre un
parricide à l’égard de Parménide, la définition du pécheur à la ligne, c’est un
caravansérail inouï. C’est peut-être le texte de Platon que je préfère. Vous
êtes dans l’impureté de la philosophie, dans l’ironie absolue (pêcheur à la
ligne, gravité subjective extrême pour parricide Parménide, dans le raffinement
suprême au niveau de la théorie du non-être, des 5 genres etc… et dans ce
sentiment étrange et qui est une sorte de joie particulière qui est le
sentiment de victoire vous avez résolu le problème, le sophiste on sait ce que
sait. On lui a réglé son compte, on lui a réglé son compte conceptuel, puisque
on sait qui il est. Ça entraîne des conséquences un peu noires, plus tard, dans
les Lois : le caractère périlleux des
victoires, c’est leur usage. On est parvenu au prix d’un effort extrême à
l’identifié. Et puisqu’on a identifié, on va pouvoir l’éliminer. On va imaginer
qu’il ne serait plus là, il ne pourrait plus exercer son empire néfaste. D’où
une tonalité sombre, la raison fondamentale ce n’est pas simplement que Platon
était vieux, et que quand on est vieux, la mort n’était pas loin, mais c’est
plus fondamentalement l’héritage étatique du sentiment victorieux. Vous
reprojetez la victoire conceptuelle extraordinaire que vous avez obtenue dans
la réglementation générale (imaginaire, heureusement, mais détaillée). C’est
une victoire que définir l’adversaire. C’est un fil de lecture : à quel
moment Kant définit l’adversaire (le métaphysicien)s, ou Nietzsche. Il y a des
moments de la philosophie où il y a identification de l’adversaire, et ça
entraîne des conséquences redoutables : vous en faites ensuite une
doctrine, une maxime, une loi, vous en tirez les conséquences. Tout ostracisme
commence par la définition. Tout exclusion commence par une définition. Une
fois défini l’adversaire, il faut savoir quel espace lui laisser. Et même si on
va lui en laisser un… Il y a bien des dialogues de Platon conclusifs, dont là
une fin conclusive de Platon, dont le Timée
(conception cosmique de la nature, déployée et reconstruite de bout en bout, et
ça se termine par une sorte de chant de la victoire). On a réussit, on a
vraiment reconstruit et réédifié de bout en bout pour l’essentiel la totalité
cosmique. Fin de la parenthèse.
Nous en étions là : rapports nature /tout.
C’est une acception classique : la nature comme totalité sensible. 2
ordres de questions qui vont nous projeter dans la spirale. Elles sont
apparentées :
- est-ce que le dire du tout fait partie du
tout ? est-ce que l’exposition du tout naturel est elle-même naturelle ?
c’est extériorité intériorité mais là sur le point du dire. Si la nature c’est
la totalité, l’extériorité prise comme totalité, est-ce que l’énoncé ou même la
description de cette totalité est elle-même naturelle, est une partie
composante de la totalité ? ou encore, sous sa 2ème forme, qui
est une forme logique : est-ce que le tout, la totalité naturelle, est
elle-même exhibée par la nature ? est-ce que le tout se montre comme tout
de façon naturelle ? Vous voyez. Même si on interroge ce chant de victoire
finale du Timée, nous avons présenté et
exhibé la totalité naturelle, jusqu’où et dans quelle mesure cette exhibition
de la totalité, cette monstration de la totalité, est elle-même la
totalité ? ça veut dire : est-ce que la totalité se montre comme
totalité ?
Vous voyez bien que là nous sommes au cœur de
la question hégélienne de la nature. C’est aussi une chose que nous essaierons
de traiter sur texte. La dialectique de la nature n’est même pas vraiment
traduit. On ne s’engagera pas sur le passage merveilleux de la déduction des
planètes. Il s’est trompé dans le nombre des planètes du système solaire (il a
déduit le nombre des planètes avant qu’on en trouve une en plus : il y a
parfois des ratés de l’Absolu !). Il a montré qu’en soi et pour soi qu’il
est nécessaire qu’il y ait tant de planètes, mais il y en a eu après en plus.
Quand on s’aventure dans l’exhibition de la totalité, il peut y avoir des
avatars.
Mais si la nature c’est la totalité, la
totalité du sensible, la totalité universelle du sensible, est-ce que la
totalité elle-même fait partie de cette exposition totale du sensible ?
C’est un problème très complexe et très
difficile, parce que il y a à cela des objections logiques. Il y a des objets
logiques à proposer que le tout soit un élément du tout. On les prendra
peut-être pour elles-mêmes, elles sont intéressantes. Ça ne va pas de soi qu’on
puisse considérer que, étant donné
l’exposition de la totalité, la totalité elle-même est montrée dans la totalité.
Logiquement, le tout reste extérieur au tout, le fait que le tout soit un tout
reste extérieur au tout. Il ne lui appartient pas. Grossièrement dit, le tout
n’est pas élément du tout. Ou encore, si vous voulez, l’univers ne peut
s’appartenir à lui-même. Il est donc exposé mais il n’est pas montré.
Là aussi, on aurait une dérive possible, mais
c’est tellement ample que je ne fais que l’esquisser, ce point, cette distinction
entre être exposé et être montré, c’est une distinction fondamentale dans le Tractatus de Wittgenstein. C’est très exactement chez lui le statut du monde, de
ce qu’il appelle le monde. Le monde, je change son vocabulaire mais peu
importe, le monde, c’est l’ensemble de ce qu’il y a, ce dont c’est le cas, mais
l’ensemble des cas n’étant pas un cas, n’est pas dans le monde. Le monde n’est
pas au monde. Ce qui se dira aussi : les limites du monde sont aussi les
limites de mon langage. La dialectique centrale, c’est que le monde n’est pas
au monde, car le monde est en effet la totalité du cas que ça soit, mais la
totalité elle-même n’est pas un cas. Ce que vous pouvez tout au plus faire,
c’est montrer qu’il y a le monde, mais le monde lui n’est jamais montré. Vous
pouvez montrer qu’il y a le monde, mais vous ne pouvez pas faire que le monde
se montre. Donc ça va conduire Wittgenstein dans le Tractatus à poser qu’il y a autre chose que le monde, ce qu’il va appeler
l’élément mystique. L’élément mystique est typiquement cet élément postulé
comme autre que le monde, déjà en somme exigé par l’énoncé qu’il y a le monde,
car l’énoncé qu’il y a le monde n’est pas
mondain, si je puis dire. Vous voyez que c’est la dialectique à laquelle
j’essaie de vous engager ici : si la nature c’est la totalité, alors la
nature comme totalité ne se montre pas dans la totalité. Ça veut dire qu’il y a
quelque chose de non-naturel dans la nature, si la nature c‘est la totalité,
comme la tit ne se montre pas dans la totalité, il y a quelque chose de non
naturel dans la nature. L’idée même de nature n’est pas naturelle. Elle n’a pas
de référent naturel. C’est le mouvement de Wittgenstein dans un autre
langage : il y a un élément mystique car il y a quelque chose de
non-mondain dans le dire du monde. Il y a qch de non naturel dans l’idée de
nature, à savoir la nature comme totalité en tout cas ne se présente pas elle-même,
sauf si on adopte le protocole hégélien. Quel est le projet de Hegel sur
ce point ? c’est de dire que la totalité n’est rien d’autre que la monstration
d’elle-même. C’est l’intuition majeure de Hegel, et la question de Hegel est
directement articulée à la totalité : la nature est un moment, c’est le
moment de l’extériorité. Hegel va pouvoir éviter le dualisme (ce que nous
disions tout à l’heure conduit à un dualisme : il y a autre chose que la
nature, autre chose que le monde) en posant que l’essence naturelle de la
totalité, c’est d’être son propre déploiement, sa propre monstration. La
totalité est exhibition d’elle-même.
Sur ce point, vous pouvez reparcourir 2 ordres
de textes :
- soit en effet le début de la dialectique de
la nature dans l’Encyclopédie
- soit l’entrée en scène du concept de nature
dans la 2ème section de la Logique.
Ce 2ème passage là, nous
l’étudierons ici.
Vous voyez que la thèse hégélienne, si nous
essayons de faire résonner de nouveau le mot nature, ça consiste à
dire que la nature de la totalité, y compris de la totalité naturelle, est
de s’exhiber comme totalité. Il est de la nature du tout, y compris du tout
naturel, d’être auto-monstration, si je puis dire, de sa totalité. Ou encore,
la totalité est en réalité toujours totalisation. Toute totalité est en réalité
un mouvement de totalisation. Ça va donner une définition assez précise de la
nature, la définition hégélienne. La nature c’est quoi ? la nature, c’est
dans la totalisation, le moment de l’extériorité. C’est très technique mais
assez intuitivement saisissable. La totalité est monstration d’elle-même, elle
montre son moment le plus extériorité, quand la totalité est l’extériorité, et
ça c’est la nature. La nature va être appréhendée comme figure de l’extériorité
dans la totalisation. C’est là qu’on va trouver l’extériorité, les planètes,
l’univers, les plantes, les animaux etc.. tout cela implacablement déduit du
mouvement de totalisation, dans son moment d’extériorité. Évidemment, la
question, c’est une tentative héroïque, mais nous la discuterons sur texte.
Vous voyez bien que le grand problème, quand on procède ainsi, quand on propose
cette solution (qui est encore une
fois de résoudre de façon non-dualiste le problème de la totalité, c’est le
programme, contrairement à Kant ou Wittgenstein), le problème c’est d’avoir une
clause d’achèvement. C’est la difficulté. Vous ne pouvez proclamer que le
mouvement est totalisation que si il y a quand même le tout. Sinon qu’est-ce
qui indique que le mouvement est totalisation ? il peut être mouvement
contingent qui déplie une multiplicité indifférente sans totalité. Il pourrait ne pas y avoir le tout. On ne
peut alléguer que le mouvement universel de toute chose y compris de
l’extériorité naturelle est totalisation, que si vous avez un critère
d’achèvement qui vous donne le tout, le tout en tant que totalisation certes,
mais comme totalisation s’achevant elle-même comme tout. Autrement dit, le
problème - si la totalité est totalisation - c’est de savoir comment identifier la totalisation comme
tout, même si c’est un tout en mouvement. Il faut que
vous ayez ce que Sartre (qui a le même pb pour d’autres raisons) appelle une
totalisation totalisée (CRDial). Vous ne
pouvez penser la totalité comme totalisation (1er mouvement), que si
vous pouvez aussi pensez la totalisation totalisée. C’est le problème de la
fin, c’est le problème de la fin, de la clause d’achèvement, quand la
totalisation se ressaisit comme totalisation totalisée. Sinon le mot tout n’a
pas de pertinence, vous ne pouvez pas donner la définition de la nature que je
vous proposais (le moment d’extériorité dans la totalisation). Il va en
résulter que finalement, le vrai concept de la nature, c’est la clause
d’achèvement. Car c’est ça qui
permet de penser la totalité, à la fin des fins.
Donc, en définitive, la nature c’est
l’Absolu. C’est le moment de l’extériorité de
l’absolu. Dans l’escargot, c’est la raison pour laquelle vous avez une
diagonale tirée de la totalité à Dieu. C’est la diagonale hégélienne. Elle se
lit dans les 2 sens : de totalité à Dieu c’est Hegel, de Dieu à totalité,
c’est Spinoza. La diagonale prise vers le haut est hégélienne, prise vers le
bas est spinoziste. On transite par l’être. Spinoza, lui, va dire : Deus
sive natura.
Mais il y a toujours où un moment où Hegel est obligé de dire : la
nature – c’est-à-dire Dieu – en quel sens ? au sens où elle est transit de l’Absolu, dans un 1er
temps vous la définissez comme extériorité de la totalisation mais finalement
elle est transit de l’absolu. Pourquoi ? car on doit avoir une fin, ie un moment où la totalisation est totalisée.
Je fais une petite incise
définitionnelle : en vérité, l’identification de la nature à Dieu a 2 sens
distincts. Je pense qu’elle a 2 sens distincts, étant entendu que ces 2 sens renvoient à la question de la
totalité : si vous identifiez la nature à Dieu, c’est toujours dans une
certaine intuition de la totalité. C’est ce qu’il y a de commun aux 2
identifications. Mais au fond :
- soit on a une totalisation de la divinité : Dieu s’effectue comme tout. Dieu est le nom de l’effectivité du tout, comme production. C’est la signification spinoziste, c’est le 1er sens d e cette identité de Dieu et de la nature. Dieu c’est la nature comme productivité immanente.
- soit on va hausser ou exhausser la nature jusqu’à l’absolu, jusqu’à Dieu, on va absolutiser la nature. On va faire une absolutisation de la nature. C’est le mouvement dialectique. On ne peut penser l’extériorité naturelle qu’en la portant au mouvement de l’absolu lui-même. En fin de compte, vous ne pouvez comprendre les planètes et les astres et les arbres que du point où vous montrez qu’ils sont des moments figures des inclusions dans l’exhaussement ou l’exhaustion vers l’Absolu .
Sur le sujet nature et Dieu, il y a ce double
mouvement :
- d’un côté l’exhaussement absolutisant de la
totalité naturelle, la totalité naturelle comme emblème dialectique de l’absolu
- et la totalité naturelle comme effectivité
de l’absolu, comme productivité immanente, sans exhaussement dialectique
particulier.
On peut le dire simplement de la façon suivante : la nature comme totalité, on peut la considérer dialectiquement ou productivement. Ce sont 2 orientations, du point de vue du concept de nature. Nature peut désigner l’être dialectique de la totalité, vision hegelienne.
Ou nature peut désigner simplement le
caractère productif de ce qui se donne comme tout, la productivité immanente de
la totalité. Si vous procédez dialectiquement, il y a une intelligibilité
intrinsèque de la nature comme tout. Ie la nature a
un sens, elle a le sens qui la relève dans l’absolu. Pour ça il faut qu’elle
ait un sens. Cette question du sens de la nature est fondamentale : la
nature comme totalité extérieure, la nature a-t-elle un sens ? dans la
dialectique oui, elle a un sens qui est d’être le moment de l’extériorité, il
n’y a de sens que dans une corrélation à l’absolu. Si vous concevez la nature
dans le schème de la production immanente, vous n’avez pas besoin que la nature
ait un sens, il n’y a pas nécessairement de sens, elle peut être le libre jeu
de la production, le libre jeu de formes produites dans l’immanence au tout.
Mais il n’y a rien qui exige la relève de cette production par un sens. ou ce
qui est intéressant, c’est que si vous concevez la nature comme un tout,
vous n’avez pas encore pour autant tranché la question du sens. Vous pouvez concevoir la totalité comme concept clé de l’exhibition
naturelle, la question du sens est encore réservée. Vous avez la possible d’une
orientation dialectique qui va exiger que la nature ait un sens, et une
orientation productive immanente qui est esquissée chez Spinoza et entièrement
déployée chez Deleuze, il n’y a pas de sens de la totalité comme telle. Au
contraire, pour autant qu’on dise qch de la totalité comme telle, on dira
qu’elle est chaotique, c’est le chaosmos. Deleuze
l’appelle chaosmos, défigurant le mot cosmos dans la direction du chaos. Nature est un autre nom de la
totalité, on peut l’appeler la vie, aussi, sans qu’il y ait une relève
absolutisante du sens. si vous êtes dans des figures hegelienne ou spinoziste,
la diagonale montre que ça s’arrête là, car il n’y a pas d’autre absolu que la
nature comme totalité. Vous allez relever la nature sans son sens absolutisant
dans un cas et dans l’autre vous allez dire que la nature est la production
immanente de Dieu lui-même.
Si vous n’admettez pas la clause d’achèvement,
le tout exige autre chose que le tout (Kant ou Wittgenstein). Vous n’admettez
pas le court-circuit ramenant de Dieu (Dieu peut se dire la Vie, la Substance,
l’Absolu…), le court-circuit n’existe pas, si vous vous installez dans
l’objection que la totalité est hors d’état de s’exhiber elle-même. Ce qui veut
dire que pour qu’il y ait nature, il faut qu’il y ait du non-naturel. Il n’y a
nature comme totalité que parce qu’il y a du non naturel, à partir de quoi on
peut prononcer la totalité.
Je voudrais dire au passage que c’est un choix
philosophique majeur : ce qui se passe en bas de la spirale est une sorte
de décision latente de la plus grande portée. C’est le moment où vous décidez,
ou pas, dans une philosophie, qu’il n’y a que le tout. Il n’y a que le tout, du
point de vue de la pensée rationnelle, ça entraîne des csq considérable. Si
vous décidez qu’il n’y a que le tout, vous allez être dans un dispositif qui a
2 bords opposés possibles : le bord heglien et le bord
spinoziste, le bord dialectique et le bord anti-dialectique, qui divergent au
point de la totalité naturelle. Hegel et Spinoza sont d’accord pour dire
que la nature comme totalité c’est Dieu, ou l’Absolu, ou que c’est ce qu’il y
a. L’agencement de cet axiome est entièrement différent mais si sont d’accord
sur ce point. Et il y a une décision philosophique autre. Elle peut être
implicite ou explicite) : en philosophie anal, elle est éloignée, presque
invisible quasiment, mais elle est là quand même. Vous avez décidé sur nature
et non nature, qch comme ça, vous avez décidé qu’il n’y avait que la nature,
qu’il n’y avait que le tout en tant que configuration de ce qu’il y a, ou vous
avez décidé qu’il y a autre chose. On peut faire l’hypothèse que Wittgenstein a
décidé dans un sens puis dans un autre sens. Wittgenstein est dualiste dans le Tractatus, puis ensuite ce n’est pas exactement la même registration. Il faut se
documenter sur la nature de cette décision. Elle est organique à toute décision
de pensée, si éloignée que ce soit en apparence. Il y a toujours une décision
là dessus, même implicite, une décision qui distingue, au fond, entre 2 grandes
orientations de pensée, sur la question du tout. La question du tout est bien
en fin de compte la question de la nature, la question de la nature de ce qu’il
y a. Si vous décidez qu’il n’y a que le tout, on va remonter du tout à l’être.
Avec encore une fois à mon sens : soit de manière dialectique à l’absolu,
soit une orientation de type constructiviste (Deleuze) ou productive. Vous
remontez de la totalité à l’être, de la totalité à l’absolu. Sinon, vous allez
poser qu’il est dans la nature de la totalité qu’il y ait autre chose que la
nature. Il est de la nature de la totalité qu’il y ait autre chose que la
totalité. Nature va faire transiter de la totalité à autre chose qu’elle-même.
Le nom traditionnel philosophique de ça, c’est liberté. C’est pour ça que, en
passant, il y a une invalidation de la liberté chez Hegel et Spinoza :
chez l’un comme chez l’autre, ce qu’il y a, c’est la nécessité. Si en fin de
compte la décision fondamentale est celle de la totalité naturelle, la liberté
est une catégorie non valide, ou en tout cas entièrement reconstruite et
subordonnée. Par contre, c’est une catégorie essentielle si vous posez qu’il
est de la nature de la totalité naturelle qu’il y ait qch de non naturel.
Le point où nous en sommes, c’est de dire que
en fin de compte, l’opposition fondamentale qui permet d’élucider le concept de
nature c’est l’opposition de la nature et de liberté, en tant que la liberté
est l’autre de la totalité naturelle ou de la totalité phénoménale.
La nature va donc se trouver dans une
dialectique de l‘intériorité et de l’extériorité qui va concerne la totalité
d’un côté et la liberté de l’autre, la liberté d’abord désignée comme
anti-nature. ça peut se dire de bien des façons ; il y a une histoire
sémantique de la liberté comme antinature. Kant dira supra-sensible, et même
nouménale, et il y a par ailleurs les registrations qui opposeront liberté à
nécessité. Chez Sartre on dira brutalement que liberté c’est le néant etc… dans tous les cas, cette chaîne
nominale désigne liberté comme l’autre de la nature, on désigne la
liberté comme l’autre de la nature en tant que totalité. Il y a une incise dans la totalité naturelle qu’est la liberté. Kant
c’est compliqué, mais comme tout le monde transitera par là, ça n’a pas de
valeur différentielle.
Je vous signale une registration plus ancienne
qui est l’articulation de la liberté au suprasensible dans la modalité de la
grâce : je vous recommande le père Malebranche, dans le traité de la
nature et de la grâce. Le couple, ce n’est pas nature
et liberté, c’est nature et grâce. La grâce est l’autre de la nature. Formellement,
c’est très suggestif. Ça pose la question de savoir : d’où vient la
grâce ? Quel est son régime de distribution ? Comment y a-t-il
superposition et articulation du règne de la nature (comme totalité extérieure,
étendue cartésienne) et de la grâce etc… quelles sont les lois distributives de
la grâce etc… c’est d’une grande richesse à propos du concept de nature. je
vous conseille de passer par là, spéculation philosophique et théologique sur
la nature de la grâce (Pascal).
Une autre entrée que je vous recommande aussi,
c’est la théorie des miracles. Vous pouvez traiter la question de la nature à
partir de la question du miracle. Parce que le miracle par définition, c’est le
non-naturel par excellence, ce qui est en exception de la nature, quelle que
soit la définition de la nature, le miracle c’est ce qui ne peut pas avoir lieu
naturellement. Cette notion est instructive sur la conception de la nature.
Puisque le miracle est ce qui ne peut pas naturellement avoir lieu, autant de
conceptions de la nature, autant de conceptions du miracle. Le miracle va
toujours être instancié ou déchiffré sur fonds de nature puisqu’il est par
excellence le non naturel. Référez vous au texte pascalien sur le miracle
: je rappelle au passage que pour Pascal, le miracle c’est une question
décisive. Comme il le dit lui-même, il hait les douteurs de miracle. Ne pas
croire au miracle, c’est la définition fondamentale du libertins et de l’homme
perdu. C’est intéressant car il y a une haute figure de la rationalité chez
Pascal, y compris dans la conception de la nature. Pascal est un théoricien de
la nature au sens scientifique, c’est aussi physicien. Il est intéressant de
voir comment ce physicien est par ailleurs un théoricien du miracle. On ne peut
pas l’accuser d’être obscurantisme quelconque. C’est un scientifique de haute
volée, un physicien.
Sur ce versant, bien sûr il y a les grandes
dialectique liberté nature chez Kant, mais il y a aussi la registration nature
et grâce, théologique, et la question des miracles : tout ça désigne la
figure de l’exception à la totalité naturelle. Qu’est-ce qui fait exception à
la totalité naturelle ?
Ce qui est intéressant à développer, c’est de
montrer comment, pour tous ces penseurs, ce qui fait exception à la totalité
naturelle, est la source du sens, y compris du sens de la totalité. Si vous voulez comprendre le sens de la totalité et ce qu’il en est
dans cette totalité du destin de l’homme, il faut se situer au point de
l’exception, et pas au point de la totalité.
- Kant en
viendra à dire que le déchiffrement au moins symbolique de la totalité
naturelle se fait du point de la liberté (c’est ce vers quoi vont les analyses
de l’Analytique du sublime). Pour autant que
le spectacle naturel peut avoir une signification symbolique, la signification
symbolique ne se laisse déchiffrer que du point de la moralité.
- pour Pascal, il y a du sens s’il y a un point d’exception à l’ordre naturel, au
point du Livre ou du miracle (il s’agit de 2 choses non-naturelles). Le livre
inscrit les prophéties et leur réalisation, et le miracle qui en atteste.
- même pour Malebranche, finalement, l’ordre de la grâce influe sur l’ordre de la nature.
Finalement, le sens de la nature est délivré à partir de l’anti-nature. C’est
la thèse essentielle.
- même pour Sartre : l’en-soi n’a de sens qu’avec le pour-soi, du point de la
liberté.
Quel que soit le dispositif auquel on se
réfère, quand vous n’êtes pas un philosophe de la totalité naturelle, Spinoza,
Hegel Bergson, vous êtes un philosophe de l’exception à la totalité comme
source du sens, avec des dialectiques du sens extrêmement complexes. Là, ayez
des textes pour vous armer là-dessus : nature prend sens du point du point
de la non-nature. En réalité, le sens immanent naturel est défait. Le vrai sens
vient à la nature de la liberté, ie de ce qui est
en exception de la nature (liberté
est le nom principal, mais vous pouvez subsumer sous ce nom la grâce, miracle,
nouménal…, ce qui est en exception). L’exception à la totalité naturelle, c’est
là qu’est la source du sens.
c) transition
La question revient, la question va revenir de
savoir s’il n’y a pas en fin de compte une nature de la liberté elle-même. Si
la liberté est de part en part la source du sens, et en particulier du sens de
la nature, quelle est la nature de la liberté pour qu’elle puisse être la
source du sens. Si antinaturelle qu’elle soit, il va falloir s’interroger sur
son être, sur son essence, sur son effectivité. Et introduire la thèse qu’il y
a une nature de la liberté…
C’est exemplairement chez Kant : dans un
1er temps vous avez une disjonction radicale entre nature et
liberté, et dans un 2ème temps le problème de la nature de la
disjonction fait retour sur la disjonction elle-même. C’est inéluctable. D’où
la thèse que la liberté elle-même est une nature, de qui de quoi ? celle
de l’homme.
La liberté est constitutive de cette nature
anti-naturelle singulière qu’on appelle l’homme. L’homme est naturellement
libre. L’humanisme, c’est ça, c’est au fond la thèse que l’homme est
naturellement libre, né libre.
cf Rousseau, 1ère phrase du Contrat
Social : l’homme est né libre et partout il est
dans les fers. Vous voyez bien l’inversion
extraordinaire : alors la nature de l’homme c’est la liberté, et ce qui
est non-naturel c’est d’être dans les fers. L’homme est né libre et partout
il est dans les fers : expliquons cette
énigme : comment se fait-il que l’homme est né libre et que partout il est
dans les fers ? Il n’y a une énigme que si on suppose que c’est la liberté
qui est sa nature, et que la
servitude est son anti-nature. Le fait qu’il soit dans les fers n’est pas
naturel : ce n’est ni comme ça, ni pour ça qu’il est né. C’est la
dialectique de l’humanité comme naturalité de la liberté. L’humanité c’est la
thèse de la liberté naturelle. L’humanité est ce qui désigne cet être dont la
nature est la liberté, cet être dont la nature a d’abord été définie comme une
anti-nature. c’est ça l’homme. Le point de départ me semble devoir être
Rousseau : la théorie rousseauiste de ce qui est naturel et non naturel va
entraîner une analytique très compliquée de la liberté chez Rousseau.
Si je propose un texte de Kant, un de Hegel,
le 3ème sera un de Rousseau, on a une origine de la réversion du
rapport origine/liberté. On s’interroge sur : qu’en est-il de cet être
pour lequel la liberté est naturelle et dont c’est la servitude qui est au
contraire l’artifice et le non naturel ? Je propose de désigner cela comme
la figure de l’homme. C’est pour ça que j’ai mis humanité. L’humanité désigne
dans le monde moderne la naturalité de la liberté. L’homme est né libre et
partout il est dans les fers : il faut
l’interroger comme une nouvelle définition de la nature, encore une fois, comme
une nouvelle opération sur le concept de nature.
Peut-être que l’expression qu’on peut
interroger (elle est antinomique à Rousseau) est l’expression de droit naturel.
A bien y réfléchir, comme Rousseau le dit, l’expression de droit naturel, c’est
un oxymore. Par définition, la sphère du droit apparaît justement comme qui
n’est pas naturel. Si vous dites droit naturel, il y a des droits naturels, il
y a des droits de l’homme, il y a des droits naturels de l’homme, certaines
choses qu’on fait aux hommes ne sont pas naturelles, cette sphère-là suppose en
réalité que vous attestiez une naturalité de la liberté. Nous allons avoir
affaire avec la question du droit naturel, la question de sa critique par
Rousseau, la proposition par Rousseau d’un autre rapport entre liberté et
nature. Ce débat est fdtal au 18ème siècle : nous avons ce que
je propose d’appeler le moment de l’humanité quant à la catégorie de nature. Le
moment de la question de la nature humaine, dans sa disposition complexe au
regard de nature d’un côté et de liberté de l’autre. Il y a Hume aussi, bien
sûr. Tout cet espace complexe de pensée du 18ème est centré sur
cette réversion, qui à partir de l’exception à la nature qu’est la liberté la
retourne en nature, en nature comme nature humaine, comme nature de l’homme. Ce
n’est pas un hasard si Kant dit que toutes les questions de la philosophie
peuvent se ramener à une seule qui est : qu’est-ce que l’homme ? A la
fin des fins, c’est la seule question. C’est typiquement 18ème
siècle. L’homme c’est quoi ? on peut le dire anthropologiquement, ou
métaphysiquement : l’homme est un certain rapport, presque indéchiffrable,
entre nature et liberté. Qu’est-ce que l’homme ? c’est ça : qu’est-ce
que ce rapport entre nature et liberté qu’on subsume sous le nom d’homme ?
C’est encore notre question, nous sommes encore sous la juridiction d’une
enquête interminable donnée en ce point de la naturalité possible de la liberté
comme figure générique de l’homme.
Je fais là en 5 min, la prochaine fois nous
terminerons et nous aurons un espace de questions.
Nous terminerons l’escargot. Je termine
simplement de façon absolument allusive. Comment tout cela va se boucler ?
Il va y avoir 2 temps :
Supposé établi le concept d’humanité, de
nature humaine comme une tentative de spécifier la naturalité de la liberté,
alors il va y avoir la question de la nature de cette nature. S’il y a une
naturalité de la liberté, .va faire retour la question de savoir comment
elle s’inclut dans la totalité. La figure vitale de la totalité naturelle, elle
va faire retour en questionnant l’homme du point cette fois de sa naturalité
globale. Si l’homme est une synthèse ou une réversion de nature et liberté,
qu’en est-il alors de la naturalité de cette synthèse elle-même ? c’est
une question très tôt adressée à Kant, déjà par les post-kantiens immédiats.
L’homme est sensible et supra-sensible. Mais quelle est l’effectivité de cette
synthèse entre sensible et supra-sensible ? Où est l’homme dans la
totalité naturelle ? Où est la nature humaine dans la nature comme
totalité ? Qu’est-ce que c’est que la vie de l’homme ? qu’est-ce que
c’est que la nature humaine comme totalité vitalisable ?
D’où Nietzsche : il critique l’humanité
du point de vue de la nature. Il va falloir que l’homme, la figure de l’homme,
supporte à son tour l’épreuve de la naturalité. C’est ce qui va donner chez
Nietzsche la surhumanité. Surhumanité, ça ne va jamais être que l’humanité
revisitée par la nature. C’est très clair chez Nietzsche : c’est
l’humanité mise à la question de sa vraie nature. La surhumanité, c’est ce que
devient l’homme dans la figure de l’intensité naturelle, ou ce qu’il doit
devenir dans la figure de l’intensité naturelle.
Et puis finalement, on aura la question de la
nature du surhumain, puis on arrivera à la question de la nature Dieu. La
biographie de Nietzsche est indicative : pour mener à bien son projet, il
fallait qu’il se représente lui-même comme un dieu. Devenir Dieu. C’est très
compréhensible. Nous restituerons ça du point de la nature. Si le surhomme est
l’homme tel qu’il est surmonté par la nature, par sa propre nature. Le surhomme
est l’homme lui-même tel que surmonté par sa propre nature, en tant que sa propre nature est en
excès sur la figure de l’homme, elle est plus que la figure de l’homme, c’est
plus que l’homme (nous retrouvons le mouvement de l’extériorisation naturelle),
alors il y a à la fin des fins une divinité de la surhumanité ou un devenir
dieu de l’homme comme surhomme, qui est un nouveau nom de la nature elle-même.
Puis nous clôturerons sur l’énoncé Deus sive natura.
Parvenu en ce point, il n’y a plus qu’à dire
que la nature, c’est un autre nom pour Dieu. Là on a terminé. On a terminé,
sauf qu’on peut, nous le verrons à propos de Spinoza lui-même, diviser
complètement cette affaire, nature comme naturante et naturée, activité absolue
et positivité intégrale. Et donc on peut retomber dans la nature comme être. Ce
qui est, je le rappelle, notre point de départ. Ce qui est quand même une
réalisation - assez rare - du retour éternel…
Séance en 4 moments, ou 4 morceaux :
1er morceau : publicité pour
moi
2ème morceau : l’achèvement du
commentaire en survol du schéma
3ème morceau : l’ouverture
d’une discussion
4ème morceau : situation de ce
qui sera le 1er texte, après cette introduction générale, qui est un
texte tiré de la science de la logique de
Hegel.
Je vous distribue quelque chose. Très
rapidement, il y a quelques années, à la demande d’un théâtre, j’avais écrit 34
petites pièces sur des concepts de la philosophie. Ce sont des pièces très
brèves, qui sont toutes construites autour d’une notion, et qui sont soit des
monologue soit dialogue soit 3 perso, pas plus, dans la descendance du théâtre
forain ou de la commedia dell’arte mais qui tente de transmettre qch de la notion concernée. Il y a 34
notions : elles couvrent l’épreuve de dissertation général de l’agrégation
de façon à peu près exhaustive. C’était une 1ère raison de vous les
donner. Au rang 29, vous trouvez la nature, document supplémentaire, puisque la
notion qui nous réunit ici figure dans le recueil. Vous pourrez lire cette
présentation du concept de nature dans un dialogue entre Ahmed et sa père
Fatima qui à sa manière est au fond un commentaire tordu de quelque chose comme
la définition spinoziste de la nature comme puissance. Spinoza posait la
question, qu’il considérait comme inépuisable et énigmatique de ce que peut un
corps ? nous ne savons même pas ce que peut un corps. la question de la
nature comme en définitive nature naturante, ou activité divine. C’est ça qui est
à l’arrière plan. La dernière raison c’est que un certain nombre de ces pièces
vont être jouées en région parisienne ; en janvier. Vous verrez les
concepts en scène. Les comédiens vont en jouer une quinzaine ou une vingtaine.
A chaque représentation, on ne peut en jouer guère plus de 7 ou 8. J’ai vu le
spectacle, qui existe depuis des années, c’est réellement assez drôle. Ce sera
à Montreuil, au centre dramatique national, qui est 26 place Jean Jaurès à
Montreuil, et c’est entre le 5 et le 26 janvier, Ahmed philosophe par les comédiens de la comédie de Reims. Ce sera tournant : vous
pouvez vous informer par téléphone pour savoir quel est le concept, les
concepts jour là, en fonction de vos lacunes !
Voilà la fin du 1er moment qui
était le moment publicitaire. Tout cela existe en livre, je le signale, par
ailleurs j’oubliais le point de publicité le plus important !
Je rappelle brièvement le principe de
cette spiracle, ou escargot : en réalité il s’agit de mettre en scène d’une des
façons possibles (on peut en trouver beaucoup d’autres) la profonde
ambivalence, finalement, du concept de nature, sa scission interne. Qui le
distribue finalement tantôt du côté de ce qu’il y a de plus intérieur, de
l’essence même de la chose, de ce qu’elle est vraiment, de ce qu’elle est
conformément à sa propre nature, mais qui le distribue aussi comme un des noms
de l’extériorité : ce qu’il y a, ce qui est déjà là, ce qui est donné.
Toute l’histoire à mon avis de la notion est commandé par ce mvt complexe qui
la tire tantôt du côté d’un analogue de
l’essence, la détermination de la chose saisie dans sa nature intime, et
dans l’extériorité, voire indifférence, indifférente à toute intériorité en
tant qu’elle est le nom du il y a comme tel. C’est à partir de ça qu’on peut
tenter d’éclairer des notions complexes, nature humaine, état de nature, nature
des choses etc… si vous prenez le stock de ces expressions, vous voyez que
nature est à prendre contextuellement dans l’aspect dominant de sa dialectique
interne qui aurait dit Hegel est la dialectique de l’intérieur et de
l’extérieur, de l’extériorisation de e qu’il y a de plus intérieur ou de plus essentiel.
Le schéma vise à disposer cette ambivalence en disposant nature entre 2 autres
notions, entre 2 concepts majeurs
de la philosophie, en montrant comment nature désigne à la fois désigne
l’intériorité du côté d’un des concepts, et extériorité du côté de l’autre. La
nature est un synonyme de essence dans certains contextes, la chose pensée dans
la vérité de sa nature, et que aussitôt ça va désigner ce qui de l’essence
n’est pas uniquement l’essence mais son extériorisation effective. D’où Il y a naturel, être là, d’où dispo de
nature entre essence et sensible et quelque chose comme son essence mais aussi
et en même temps le mode propre sur lequel s’effectue ou se réalise… le
cheminement général est destiné à présenter ou à illustrer cette complexité en
allant si je puis dire du plus indéterminé au plus singulier. Le plus indéterminé,
l’être, comme 1ère acception du mot nature, et le plus singulier,
Dieu, comme étant susceptible d’être un des équivalents possibles du mot
nature, Deus sive natura (équation qui identifie
Dieu à nature).
Nous avons parcouru ces étapes, pour vous
donner des références, des dialectiques locales, nous en étions du côté de
l’humanité.
Nous avions remarqué que ce qui au fond permet
de définir le concept d’humanité tel qu’il est notamment présent dans la
disposition humaniste de la pensée, c’est finalement de traiter la liberté
elle-même comme constituant la nature de l’homme. L’homme est cet être à qui la
liberté est naturelle. Voilà ce qui est la définition adéquate de l’homme de
l’humanisme. Alors que dans un 1er temps, nous avions vu que liberté
s’opposait à nature, c’est une schize essentielle, règne de la nature, du
phénoménal, du pathologique, est précisément ce qui s’oppose à l’autonomie de
la liberté. C’est frappant : on passe d’un contexte où liberté s’identifie
dans une opposition radicale au il y a radical et à son système de lois, de
nécessité ; à une autre figure où dans ce qu’il en et de l’homme et de
l’humanité, la liberté devient elle-même nature, au 2ème sens du mot
nature, ie devient constitutive de ce qu’il y a d’essentiel à l’humanité comme
telle. La liberté est la nature même de l’homme : il y a réconciliation
dans la catégorie d’humanité entre nature et liberté. C’est ce qui va donner la
dialectique complexe mise en place au 18ème comme dialectique du
droit naturel. Il ne faut pas perdre de vue à quel point c’est une expression
tendue, c’est presque un oxymore. C’est ce que Rousseau lui objecte dès le
début du CS. Si c’est naturel ce n’est pas
de l’ordre du droit. Mais il y a une théorie du droit naturel, adéquate à la
considération selon laquelle la liberté elle-même peut s’appréhender comme
nature, contre quoi Rousseau va se dresser, avec des complications, en posant
que, à proprement parler, la liberté est le résultat d’une convention et non
pas d’une donnée naturelle. Je ne veux entrer dans le détail de ces références.
A ce stade, ce que vous devez lire et méditer, c’est les théoriciens du droit
naturel et Rousseau. c’est ce conflit là qui est constitutif du segment de
nature à liberté. Cet arc est saisi et pensé au 18ème siècle, il est
porté dans l’ordre de la législation, du droit, de la société. Le centre de
gravité à mon sens, c’est la question : qu’est-ce que l’homme ? Même
Rousseau l’entend ainsi : la question est de savoir comment l’homme dans
la figure du citoyen advient en surimposition négative par rapport à l’homme
naturel. Nous sommes bien là dans une problématique qu’est-ce que l’homme en
tant qu’i s’agit de distribuer la notion entre nature et liberté. Il est très intéressant
de voir que, somme tout, a conception humaniste ordinaire, celle qui l’a
emporté, et dans laquelle à vrai dire nous sommes aujourd’hui, est celle qui
pose que l’homme qui dispose de droits singuliers en qui ou pour qui la liberté
est une figure de la nature, être qui est naturellement libre et qui doit être
respecté, y compris dans sa vie naturelle, à ce titre. Les droits de l’homme
c‘est la vie des gens, le respect du corps, fondamentalement, le respect de
l’existence, le respect de la vie. De ce point de vue là, les droits de l’homme
c’est bien les droits de la texture naturelle de l’homme comme vivant. C’est
bien à cela que, quand il est porté atteinte, il est déclaré qu’il y a grave
offense faite aux droits de l’homme. Sévices, meurtre et massacre désignent
dans un 1er temps l’homme comme corporéité naturelle. Une partie des
dh est les droits de cet animal singulier qu’est l’homme qu’il ne faut pas
offenser, maltraiter, tuer etc… sans que quelque chose de son droit soit nié.
Ce droit est un droit du vivant dans un 1er temps. En définitive ce
droit du vivant est aussi et en même temps en droit dont cette vie est porteuse
comme tel. Avec la discussion de savoir dans quelle mesure ça s’étend aux
animaux, aux vivants en général… mais la sphère d’exercice possible du droit naturel,
pourquoi n’est-il pas le droit de tous les vivants ? la discussion montre
bien ce dont il s’agit : quelle est l’étendue du rapport exact entre nature
et humanité.
Et le 3ème terme, c’est la liberté.
Ceux qui soutiennent que l’homme est singulier parmi les vivants, un vivant qui
est naturellement libre, et ceux qui soutiennent que le point principal est la
vie comme tel, et que le droit naturel est un droit de la nature. La nature
comme telle a des droits. Là, même une certaine écologie radicale revient à ça,
la nature comme telle a des droits, et que l’homme comme espèce, comme acteur
naturel, ne doit pas méconnaître, ignorer ou bafouer les droits qui sont non
seulement des droits naturels comme synthèse de nature et liberté mais qui sont
des droits de la nature elle-même. Ceci est un retournement, une fois de plus,
pour en faire la matière et l’agencement et la dramatisation de vos travaux.
Nature est une notion qui ne cesse de se retourner : quand on en vient à
dire que nature est ce au nom de quoi on peut
prononcer des droits, droits de la nature, ou de la terre comme habitat
planétaire de l’ensemble des vivants, par rapport à ce qui est entendu.. ou
même nature et culture, vous avez un retournement. Au fond bien comprendre les
appuis historiques, bien comprendre cette notion de nature, c’est comprendre
pourquoi elle est susceptible de ce retournement. Quitte ensuite à prendre
position sur une stabilisation éventuelle de la notion, la fixation d’un
contexte déterminé etc… mais c’est une opération 2nde. Dans un 1er
temps il faut produire l’intelligence de cette ductilité de la notion de nature
qui fait que véritablement, peut-être plus que n’importe quelle autre notions
philosophiques, est susceptible de
désigner une chose et exactement son contraire. D’en venir à désigner ce contre
quoi dans un 1er temps il avait été identifié et défini. C’est je
crois, quelle que soit la connexion du mot, ce à quoi il faut être attentif.
C’est ce qui va nous mener à nos derniers paliers que j’avais esquissé la
dernière fois et que je vais reparcourir.
Si vous prenez humanité comme synthèse de
nature et de la liberté. A la question qu’est-ce que l’homme vous répondez :
L’homme est cet être tel qu’il appartient à sa nature d’être libre, la question
va surgir : quel est l’être naturel de cette synthèse elle-même ?
C’est la question qui travaille cette définition possible de l’homme comme
synthèse nature et de liberté : quelle est l’effectivité naturelle de
cette synthèse ? qu’est-ce qui atteste, avère dans l’ordre naturel, que
l’homme est synthèse de nature et de liberté ? vous reprenez nature du
côté de l’extériorité. Une fois identifié à liberté, c’est le comble de
l’intériorité, mais une fois mené au comble de l’intériorité, et va resurgir la
signification en extériorité de cette synthèse. Ça va être : qu’est-ce que
l’homme du point de la puissance de la vie ? qu’est-ce que l’homme comme
synthèse pris cette fois comme puissance transitive de la vie générale ?
Au fond si l’homme est synthèse de nature et
de liberté alors il est nécessairement ce qui surmonte à tout instant sa propre
nature. C’est un thème inéluctable. Ce ne peut pas être une synthèse statique
dans laquelle la réversibilité de liberté et nature laisse la nature telle
quelle. L’homme ainsi défini est ce dont la nature est d’outrepasser sa propre
nature. c’est ça être naturellement libre. quel est le statut naturel d’un
outrepasssement de la nature ? c’est la question qui est finalement la vraie
question nietzschéenne. Il y a un point de départ kantien chez Nietzsche :
ce n’est pas de nier qu’on puisse identifier l’homme sous différentes figures
comme complexe de nature et de liberté. Ce n’est pas à ça qu’il en a. L’homme
est ce qui doit être surmonté. Son vrai sens, son sens naturel c’est que
l’homme doit être surmonté. A savoir qu’il n’y a de synthèse liberté et nature
que dans l’outrepassement de la nature elle-même. Donc l’homme en tant que
donnée nature passive est ce qui doit être surmontée. Par conséquent, le destin
véritable de l’humanité, c’est la surhumanité. L’essence de l‘humanité, c’est
la surhumanité. La nature de la nature humaine, c’est d’outrepasser sa nature.
Finalement, la vraie nature de
l’homme comme esprit libre (ou aussi comme volonté de puissance), la vraie
nature, c’est précisément de briser la forme de l’humanité comme telle, de
briser en lui la forme de l’humanité comme telle. C’est ce qui accomplit
l’impératif naturel de l’outrepassement de la nature. L’horizon naturel de l’humanité
c’est la surhumanité. Le matériau référentiel c’est les textes de Nietzsche sur
la surhumanité, peut-être plus précisément un certain nombre de passages de Zarathoustra où est traité ou abordé
la question de la naturalité ou de la non naturalité du passage. Le
mouvement par lequel l’humanité est surmontée dans la surhumanité, quelle en
est la nature ? C’est une question extraordinairement complexe.
J’y consacre une petite parenthèse : le
statut même de Zarathoustra mérite d’être pris en considération. Qu’est-ce que
Zarathoustra au regard des figures possibles de la nature de l’humanité ?
c’est une question dont il faut reconnaître que Heidegger en a eu une prescience
aigue. Je ne suis personnellement pas très séduit pas l’interprétation globale…
je la crois trop restrictive, trop essentialiste, trop unilatérale. Mais il
faut lire le texte de Heidegger qui est le Zarathoustra de
Nietzsche ? C’est incontestablement une bonne
question, une vraie question. On a le droit de la poser : la question qui
est ? est bien une question nietzschéenne. Si on
demande qui est le Zarathoustra de Nietzsche ? on n’est pas en surplomb, on pose à Nietzsche une question
nietzschéenne. Nietzsche ne cesse de dire qu’à propos de pensée, il faut demander
qui ? (méthodologie fondamentale) : quel
type ? quelle figure ? L’analyse d’une pensée se fait toujours en termes
de typologie : qui parle là ? la question
qui ? est une question capitale. Le métaphysicien
du passé c’est celui qui croit pouvoir éviter la question qui ?, qui croit pouvoir évaluer une pensée sans la médiation de la question
qui ? qui est le Zarathoustra de
Nietzsche ? est une bonne question. Si on la
raccroche à notre thème, ici il faut la préciser : qui est le Zarathoustra
de Nietzsche, du point de la question de la nature elle-même ? Où est
Nietzsche quant au mouvement naturel ? qui est Zarathoustra ?
On voit apparaître une hésitation de
Nietzsche, au cœur de certains des problèmes concernant la nature, et qui est
la suivante : est-ce que l’accomplissement de la surhumanité est dans
l’ordre de la continuité naturelle, ou dans l’ordre d’une discontinuité
essentielle ? ça c’est une question que nous pouvons ici reprendre, qui
est la question : l’extériorisation naturelle, le moment de
l’extériorisation naturelle, est-il sous la juridiction de l’essence ? ou
est-elle en vérité un événement, une discontinuité ? L’homme est ce qui
doit être surmonté. L’essence de l’homme, c’est le
surhomme, le surhomme doit venir il va venir. Sa venue (laissons de côté les
complications liées au retour éternel), est-elle ce qui est lisible dans son
absence même, dans l’état naturel des choses ? ou cette venue est-elle à
vouloir de telle sorte qu’en réalité on ait une discontinuité ? Ce point
est au fond : y a-t-il un accomplissement naturel des exigences de la
nature ? Si vous prenez le mot nature au sens de son intimité essentielle,
il prescrit ce qu’est la chose, il dit ce qu’est la chose. La chose est ce qu’elle
est dans sa nature même. Mais si vous prenez nature dans le sens de
l’extériorisation, du dépliement de la chose conformément à sa nature, le pb se
pose de savoir si cette extériorisation est commandée par le 1er
sens du mot nature ou pas. Autrement dit, l’ambivalence du mot nature, qui est
une ambivalence entre intériorisation essentielle et effectivité extérieure (je
le dis en langage hegelien), le passage du 1er sens au 2ème
sens est-il lui-même un passage naturel ? c’est la question la plus dense :
y a-t-il une naturalité de l’extériorisation naturelle de ce qui est la nature
intime d’une chose ? La nature advient-elle naturellement ? c’est
autre chose que les 2 sens du mot. Si vous avez 2 sens vous avez un mouvement
qui fait passer de l’un à l’autre. S’agit-il d’un mouvement naturel ? Ou
s’agit-il d’un mouvement violent (ie non naturel, qui n’est pas conforme à la
finalité de la chose). C’est une
très importante question, déjà grecque : les mouvements de la nature
sont-ils tous naturels ? Aristote va répondre oui, jusqu’à un certain
point. La question pour Nietzsche est très aigue, et c’est elle qui commande la
question qui est Zarathoustra. Zarathoustra annonce la venue du surhomme en
même temps qu’il décrit l’état dernier de l’humanité. Il est à la fois le
polémiste et le psychologue de l’état dernier de l’humanité et le prophète de
la venue du surhomme. Il est donc bien celui qui décrit l’état des choses, y
compris dans son mouvement, ce qui doit être surmonté. Mais à aucun moment il
ne dit qu’il est lui-même le surhomme. A la question qui est le Zarathoustra de
Nietzsche, on ne peut pas répondre : Zarathoustra est le surhomme. C’est
pour ça qu’il aura cette formule très étrange : je suis à moi-même mon
propre précurseur. Qui est Zarathoustra ? Il est
en tout cas son propre précurseur. Donc il est celui qui annonce ce que doit
être son propre mouvement. Mais cette annonce est-elle effective, ie ce qui est annoncé est-il, pour autant qu’il est annoncé, en train de
devenir ? Si c’est le cas, nous aurons une continuité, continuité dont le
signe est que l’annonce est effective. Si ce n’est pas le cas, si Zarathoustra
n’est que, et pour toujours, son propre précurseur, s’il n’advient pas à autre
chose qu’à l’annonce de la surhumanité, cela prouvera qu’il faut une
discontinuité, ie que rien dans ce qu’il y a ne
promet l’effectivité du surhomme. Mais simplement tout indique que l’essence
effective ou la nature effective de l’homme, c’est la surhumanité.
Dans la dernière année, 1888, il faut savoir
que Nietzsche en est venu à privilégier la solution de la discontinuité. On
dit : oui, mais il était déjà bien excité. Je ne crois pas du tout. Je
crois qu’il en est venu là, car la solution de la continuité, telle que Zarathoustra en esquissait le propos, ne l’a pas comblé. L’accélération finale de
la pensée de Nietzsche sur la question de la nature, c’est que ce n’est pas
naturellement que l’humanité est surmontée. Au fond, on peut stagner dans le
dernier homme, on peut s’éteindre. Il y a bien détermination de l’essence
naturelle de l’humanité comme devenir de la surhumanité, sauf que le passage à
la surhumanité n’est pas naturel. La maxime de Nietzsche va être tout autre :
casser en 2 l’histoire du monde. C’est la tache
qu’il se propose d’accomplir personnellement. Casser en 2 l’histoire du monde,
c’est un autre propos. Je le prends pour le sujet qui nous occupe comme
métaphorique, moi je vais casser en 2 l’histoire du monde. Moi, Nietzsche, je
suis un destin, ça veut dire le destin de cette cassure, pas le destin comme
accomplissement naturel de sa propre essence. Je suis le nom de cette cassure
en 2. Là, ça signifie que le destin naturel de l’humanité est la surhumanité
mais que l’advenue de ce destin n’est pas naturelle, mais elle est de l’ordre
du bris, qch doit être brisé. C’est important de méditer sur cet exemple la
grande question de savoir si entre les 2 sens du mot nature, la détermination
d’intériorité et le déploiement en extériorité, le passage est continu ou
discontinu. A mon sens, Nietzsche est passé de l’une à l’autre, il est passé de
l’hypothèse continuiste à l’hypothèse discontinuiste. C’est pourquoi je soutiendrais
que ultimement il a abandonné la thématique de l’éternel retour. Car cette
thématique évidemment était une des manières de désigner ou de construire la
continuité. Voilà pour ce segment là.
Si la surhumanité est le destin essentiel ou
naturel de l’homme, quel est l’horizon de la surhumanité ? qu’est-ce qui
identifie la surhumanité dans son devenir ultra-humain, si je puis dire, d’outrepassement de la nature
humaine ? Evidemment, c’est le devenir dieu de l’humanité elle-même.
Là, on va avoir la question de savoir quelle
est la nature de Dieu. C’est une question très
intéressante. Vous voyez bien que Dieu c’est comme toujours un personnage
conceptuel intéressant sur la question qui nous occupe. Les 2 significations
vont prendre un sens quasiment allégorique :
- d’un côté vous aurez la question proprement
spéculative de quelle est la nature de Dieu ? quelle est si je puis dire
la nature surnaturelle de Dieu ?
- et puis de l’autre côté vous aurez comme
Dieu comme auteur ou comme créateur de la nature. Vous avez comme toujours dans
les débats théologiques des matrices conceptuelles d’une extrême rigueur.
Prenons le pb dont nous parlions tout à l’heure, le passage naturel entre les 2
sens du mot nature. Il est particulièrement aigu pour Dieu : est-il de la nature de Dieu de créer
la nature ? Est-il de l’essence divine d’être en position de création par
rapport à la nature cette fois comme extériorité, comme objectivité naturelle,
comme monde ?
Vous pouvez avoir une thèse selon laquelle la
création de l’univers naturel n’est que l’accomplissement de l’essence
divine : il est de la nature de Dieu de déployer l’univers naturel. C’est
la solution de continuité. Et pour vous avez l’autre solution qui est la
solution de discontinuité : rien dans la nature de Dieu ne commande qu’il
soit créateur de la nature. Les 2 hypothèses sont particulièrement lisibles….
Au fond, l’espace ouvert là, c’est l’espace
couvert entre Descartes et Spinoza si on veut donner un référent simple et
classique. Que vous pouvez revisiter sous cet angle.
La thèse de Spinoza est absolument et
radicalement continuiste. Si vous poussez au bout la thèse continuiste, entre
l’essence de Dieu et l’essence de la nature, s’établit une indiscernabilité.
S’il est de l’essence de dieu d’être créateur de l’ensemble de l’univers
naturel, alors l’univers naturel lui-même est immanent à Dieu. Il n’y a plus de
critère de discernabilité. C’est la thèse immanentiste : Dieu et la
nature, c’est la même chose. L’essence de Dieu, c’est sa puissance. L’essence
de Dieu, c’est la production immanente et incessante d’une infinité d’effets.
La thèse continuiste aboutit à une vision productiviste de Dieu si je puis
dire. Dieu n’est rien d’autre que la capacité à produire en lui-même dans sa propre
substance une infinité de modifications. Vous trouverez chez Spinoza un
argumentaire radical quant à la thèse continuiste entre la nature comme essence
et la nature comme extérioirité. Il a ses noms à lui là-dessus : la nature
comme productivité immanente, il l’appelle nature naturante. La nature comme
effet déployée, comme objectivité produites, la nature comme produit et non
plus comme production, il l’appelle nature naturée. La thèse fondamentale,
c’est que la nature naturante et la nature naturée, c’est la même chose. C’est
la même chose, selon un régime d’intellectualité différent. Vous pouvez prendre
la nature du côté en quelque sorte de l’essence productive de Dieu, puisqu’elle
est cela, à ce moment là vous avez la nature naturante ; vous pouvez aussi
la prendre comme objectivité déployée, et c’est la nature naturée. Mais c’est
la même chose. Nous avons ce qu’on peut considérer comme le point culminant du
rapport continuiste entre les 2 sens fondamentaux du mot nature, Spinoza est
celui qui dans la distinction indivise entre activité et passivité désigne la
continuité maximale concevable entre la nature comme productivité immanente
divine, et la nature comme déploiement de ce qu’il appellera la face totale
de l’univers. La nature, c’est dieu comme production
identique à l’être même, et cette production c’est quoi ? c’est la
totalité de ce qu’il y a. Pris comme production immanente, c’est la nature
naturante, et pris comme extériorité, c’est la nature naturée. C’est l’unité
maximale radicalement conçue des 2 significations constitutives de
l’ambivalence du mot nature. C’est ce qu’on appelle l‘immanentisme de
Spinoza : les 2 sens du mot nature sont
indiscernables, ontologiquement unifiés.
Et puis Descartes, c’est la thèse contraire :
absolument rien de l’essence divine ne permet de soutenir l’intelligibilité de
la création de la nature ; thèse discontinuiste, et si discontinuiste que
Descartes soutient que ce geste créateur doit être incessamment réitérée. C’est
la thèse de la création continuée. Dieu ne cesse de recréer instantanément
l’ensemble de la nature, car précisément il n’y a là aucune espèce de
continuité saisissable. Pourquoi il l’a créée ? Là vraiment, on est dans
la question qu’il importe de ne pas poser ! C’est son affaire. Il y a un
bien moment où l’infinité divine doit s’exhiber comme telle, dans la clarté de
son incompréhensibilité, si je puis dire. Il y a une incompréhensibilité claire
et distincte de Dieu, ce qui n’en fait pas une notion confuse. Le fait qu’on ne
puisse pas comprendre ça
[encore moins l’eucharistie soit dit
en passant, qui pose beaucoup de problèmes : la présence de Dieu dans l’hostie,
lisez les lettres au père Mesland. On éclaire les théories de la nature en
examinant les théories du surnaturel. Les théories du miracle sont de manière
essentielle une théorie de la nature, puisque c’est une théorie de ce qui y
fait exception. Si vous lisez les lettres au père Mesland sur l’eucharistie,
vous serez renseignés sur la conception que se fait Descartes de la nature et
du surnaturel]
S’agissant de Dieu c’est pas la même
chose : il est clair et distinct que nous ne sommes pas en état de
comprendre tout ce qui concerne Dieu. L’idée de l’infini est claire et
distincte, mais l’effectivité de cette idée ne l’est pas. Il n’hésitera pas à
dire que l’idée d’infini est plus claire que celle du fini, mais ça ne veut pas
dire que nous comprenons les desseins de Dieu. Ça a à voir avec la nature de
Dieu pour Descartes, la nature de Dieu est claire et distincte mais incompréhensible
dans son effectivité. Le résultat est que, pour ce qui est de la création
continuée de l’univers, nous n’avons aucune clé d’intelligibilité, en termes de
finalité, de destin etc…, mais ce que nous savons c’est que c’est discontinu pour nous. C’est la thèse opposée à
celle de Spinoza. L’expression de création continuée le montre : le temps
cartésien est un temps discontinu et dans cette discontinuité temporelle se
loge la discontinuité chronique se je puis dire de la création divine. Rien de
la nature de Dieu n’éclaire ce qu’il en est de la création de la nature.
Vous avez là un espace qui est une matrice
extrêmement puissante pour éclairer la question que je crois être la question
la plus délicate de la catégorie de nature, qui est de savoir s’il y a passage
naturel ou non nature entre les 2 sens du mot. C’est une torsion : la
définition permet-elle ou non de penser comme naturel le passage d’un sens du
mot nature à l‘autre ? C’est une grille de lecture. Spinoza et Descartes,
c’est pas la même chose. La définition de la nature comme productivité divine
immanente autorise chez Spinoza à concevoir un passage absolument naturel de la
nature de Dieu à la productivité naturelle et au déploiement de la nature. Par
contre Descartes a une conception totalement extérieure de l’univers naturel,
de l’étendue physique, qui lui interdit d’accéder à une théorie selon laquelle
il y aurait un passage naturel de la création divine à l’univers naturel.
Celui qui est entre les 2, c’est
Leibniz ! Leibniz, malin, est toujours en train de se faufiler entre les
autres. Il est entre les 2, parce que Dieu, il a tous les mondes possibles dans
sa tête, si vous me permettez cette métaphore de la tête de Dieu. Là qu’est-ce
qui se passe, pour la création ? Il fulgure le meilleur des mondes
possibles. C’est dans sa nature, s’il fulgure un monde, de fulgurer le
meilleur. Il ne peut pas faire autrement. On a bien un enchaînement quasi
spinoziste : les contemporains l’ont vu : Dieu, asservi à la nécessité
naturelle immanente, il ne peut pas créer un autre monde que celui qu’il a
créé, puisque c’est le meilleur. Il ne peut pas créer un monde moins bon, ce
serait indigne de son essence. La question est de savoir s’il était de son
essence d’en créer un ? est-il de la nature de Dieu de créer une nature,
de créer un univers ? si oui, alors on est quasiment dans une continuité
spinoziste. S’il est de l’essence de dieu de créer le monde, comme par ailleurs
il est certainement de son essence de créer le meilleur des mondes possibles,
il n’a pas le choix entre plusieurs variantes, et vous êtes dans une continuité
absolue. Il est de la nature de Dieu d’avoir créé ce monde, et la question de
savoir comment il se distingue de ce monde qu’il a créé se pose avec acuité. Et
on est dans le grief de spinozisme.
Leibniz va tenir le cap qu’il n’est pas à
proprement parler de l’essence divine de créer, de fulgurer un monde. Mais
alors il rame ! C’est très difficile, car quand même, quand tous les
mondes sont là, et que le meilleur brille, comment se retenir de donner la petite pichenette qui le fait
fulgurer ? si c’était des mondes minables, d’accord, mais ce n’est pas le
cas. C’est le problème des discontinuistes : qu’est-ce qui, dans la nature
divine, a bien pu l’amener à produire cette chose là ? mais s’il y a le
meilleur, si tout est bien, pourquoi ne pas le fulgurer, pourquoi le
garder ?
Leibniz, comme toujours, a coupé la difficulté
en 2. C’est une solution à de nombreux pb en général. Il a dit : le pb de
la création du monde par rapport à la nature de Dieu, il y en a 2 :
- lui était-il nécessaire naturellement de
créer un monde ?
- lui était-il nécessaire naturellement de
créer ce monde ?
Il a déclaré : je suis discontinuiste sur
la 1ère question et continuiste sur la 2nde. Sinon on
enchaîné Dieu au Styx du destin. Mais s’il en crée un c’est nécessairement
celui-là : une solution composite qui distribue d’un côté la continuité et
de l’autre la discontinuité.
Alors je termine ce parcours du schéma :
en fin de compte, que faut-il retenir qui aura pour vous puissance de mise en
ordre, de la question, quelle qu’en soit la forme ?
Il y a en définitive 3 pb enchevêtrés et liés,
dont tout ce mouvement a été une illustration, et que je résume une dernière
fois, de manière un peu ressassante, qui peut vous servir :
1° il y a une ambivalence constitutive du mot nature. Essayez de trouver vos propres mots. J’ai
proposé intériorité extériorité, mais on peut dire nature naturante et nature
naturée, c’est la même chose. Il y a quantité d’exemples.
2° il y a donc
toujours une question d’articulation de
cette ambivalence. Une question de passage, synthèse, mouvement, ça va dépendre
des contextes (dialectique, non dialectique), mais il y a la question de savoir
comment s’articulent les 2 sens du mot nature. Toute philosophie est marquée
par ce protocole d’articulation. Dans la métaphysique classique, elle est
toujours lisible dans la création du monde par Dieu. Et après, c’est lisible
dans la question de l’homme. Dans la période classique regardez Dieu, dans la
période moderne regardez l’homme.
3° la question
suprême c’est celle de la naturalité ou
non du passage. La question du caractère naturelle
de l’articulation est la question dernière : est-ce naturellement que se
produit dans le dispositif de pensée concerné l’articulation des 2 acceptions
du mot nature ? C’est lisible dans les moments forts d’une philosophie,
dans les moments où elle est en proie à sa difficulté la plus grande.
… affaire à la définition d’un concept, mais à
la question de savoir si cette définition est opératoire quant au concept
lui-même. Est-ce que la manière dont vous traitez le concept de nature est
elle-même naturelle selon votre propre définition de la nature. Si on essaie de
logiciser, c’est des questions très complexes. Logiquement, c’est des questions
d’auto-référence, de façon sous-jacente malgré tout. Comment un concept tombe
en partie sous lui-même. Est-ce que le mouvement ou l’ambivalence du concept de
nature peut être surmonté de façon naturelle ? dans la métaphysique, c’est
qch de l’ordre de l’auto-référence, dont vous savez qu’elle a été et demeure
une question importante en logique formelle.
C’était ce que je voulais vous dire sur le
schéma, et ma foi si vous souhaitez intervenir d’une façon ou d’une autre,
c’est le moment. Après nous allons nous lancer dans des études plus
spécialisées.
Question :
que faut-il entendre par nature dans l’expression les nombres naturels.
Réponse :
la question de savoir ce qu’un mathématicien considère comme naturel est une
question qui quoique malheureusement un peu technique est très éclairante sur
la question qui nous occupe. Vous prenez l’exemple le plus simple, celui de
nombre naturel. Il y a des exemples plus récents et complexes d’un extrême
intérêt : concept de transformation naturelle, la distinction entre des
isomorphismes naturels et ceux qui ne le sont pas. Le mot nature a une
occurrence là où on ne l’attendait pas du tout, pour désigner finalement des
geste de pensée, je les appellerai comme ça, des gestes de pensée qui, aux yeux
du math, selon ses critères à lui, ont une certaine transparence.
Transformation naturelle, ou isomorphie naturelle, ça désigne une opération,
une correspondance, une fonction qui par rapport à la situation de pensée des
objets en cause a une sorte de transparence particulière. Je ne vais pas
m’engager dans des considérations trop technique. Qu’est-ce qui est considéré
comme naturel est instructif sur ce qu’il faut entendre par nature.
Sur les nombres naturels c’est un peu
différent. Ils sont dits tels car tout se passe comme s’ils étaient, dans
l’ordre du nombre, ce qui est donné avant la math elle-même. Naturel prend à
l’intérieur des mathématique un sens pré-mathématique : les nombres
entiers sont une donnée, qui est la donnée élémentaire du compte, de l’activité
de compter. En ce sens on enregistrera que ce n’est pas une élaboration
artificielle de l’espace mathématique constitué, mais pour le mathématicien,
quelque chose qu’il traite, fondamental pour lui, presque de l’ordre d’une
donnée antérieure à son activité. Naturel est pris en ce sens là. Si on
voulait, historiquement on peut renvoyer ça à la crise des irrationnels et à
l’origine grecque de la question. Puisque ça a été une thèse pythagoricienne
que la nature elle-même était nombre. On a au moins une tentative spéculative
d’identifier la nature à la numéricité. Il a été soutenu que la pensée de la
nature c’était de découvrir sa numéricité sous-jacente, qu’elle était tissée
par le nombre. C’est la na nature qui est nombre, et puis nombre signifiait
nombres entiers ou rapports de nombres entiers, donc ce qui est appelé rationnels.
Mais vous le savez la question de la mesure de la diagonale du carré a
contraint à introduire d’autres nombres. Et au fond très vite ces nb ont été
considérés eux comme moins naturels que les autres. On les a appelés
irrationnels, ce qui est le mettre très loin de la nature, stt chez les grecs.
A ce moment là, naturel est considéré dans la rétroaction de artificiel :
comme il y a des nombres très peu naturels, alors les anciens nombres sont
devenus plus naturels. Ils ont été naturalisés depuis une mise en ordre de plus
en plus axiomatique et artificieuse. C’est un bon topos, il est monnayable,
utilisable. Le naturel en mathématique est tout à fait intéressant.
Question :
la naturalité de la spirale elle-même ?
Réponse :
Elle va dépendre elle aussi d’un concept de la nature permettant d’interroger
la naturalité de ce mouvement. En réalité il faudra répondre que la naturalité
de ce cheminement, s’il y en a une, est une - comment l’appeler ? Il y a 2
manières de répondre à votre question :
- on peut tenter de dire : si ce schéma a
quelque chose de naturel dans
l’exposition du mot nature (est-il approprié à l’exposition du mot nature), on
peut faire une réponse qui dirait oui si on assume de bout en bout que nature
est un opérateur dialectique, si on en donne une interprétation semi-hégélienne.
Après tout, on va de l’indéterminé absolu (être) à la singularité absolue
(Dieu). Le mouvement peut être considéré comme hégélien. Mon escargot est un
escargot hégélien un peu trafiqué, ça relève d’une conception de ce type
là : intériorisation extériorisation, dans une ligne qui va de
l’indéterminé à l’absolu. C’est la ligne hegelienne constante.
- on peut avoir une thèse pragmatique
différent : on peut dire aussi que sa seule naturalité est didactique, de
transmission. La naturalité du schéma c’est sa valeur agrégative. C’est
l’interprétation basse ! mais c’est une naturalité aussi : il y a une
naturalité pragmatique du schéma. Naturalité ne veut pas dire vérité ou
adéquation conceptuelle. C’est une bonne façon de disposer le concept de nature
au regard de sa disposition contradictoire.
Voilà les 2 lectures possibles.
Question :
Réponse :
Hegel est continuiste, absolument.. Le texte que nous allons expliquer est de
Hegel, pour Hegel la nature c’est l’extériorisation, et cette extériorisation
est elle-même une production nécessaire. Il est absolument de l’essence de
l’essence de se manifester. C’est le thème hégélien fondamental. La nature
comme extériorisation intégrale est perte de soi dans l’extériorité du concept
mais est aussi et en même temps un accomplissement de son essence. C’est une
continuité disposée avec des questions très compliquées sur le terme final. Le
problème chez Hegel, c’est qu’il tente de mettre à la fin ce que Spinoza met au
début. Les textes de Hegel sur Spinoza disent expressément ça : Spinoza,
c’est bien joli mais il n’a pas pu inscrire dans sa propre construction le
moment de la conscience de soi, le moment productif du connaître comme tel. Il
y a quelque chose qui n’est pas
donné dans l’Éthique c’est la possibilité de
la genèse de l’Éthique elle-même. Il faut
que le mouvement de production naturelle de l’essence rende raison de son
propre mouvement. Hegel, c’est un tour de plus dans la continuité, sauf qu’il y
a un problème sur la fin, sur pourquoi et comment ça s’achève, à quel moment et
comment il se fait que c’est achevé, pb que n’a pas Spinoza, pour qui c’est
toujours déjà là.
C’est pour ça que je proposais de dire que la
ligne pointillée du schéma, si vous la prenez dans un sens du haut vers le bas
c’est Spinoza, et dans l’autre sens, du bas vers le haut c’est Hegel. Pour
Spinoza il y a d’abord l’absolu, dieu, et puis la totalité, c’est la production :
totalité c’est nature naturée et dieu c’est nature naturante. Hegel veut en
venir à la singularité divine, qu’il appelle l’idée absolue, et pour ça il faut
exhausser la totalité elle-même. Qu’est-ce qui prouve qu’on est arrivé ?
C’est d’une grande difficulté : vous devez parvenir à l’absolu. Nature va
prendre des sens différents : pour Spinoza nature c’est dieu même, avec distinction
formelle naturante naturée, tandis que pour H nature c’est le moment de
l’extériorité.
Question :
Réponse :
la discontinuité ou la continuité va être liée au statut même primordialement
accordé au concept de nature dans la philosophie dont il s’agit à la théorie de
la totalité, de la multiplicité, de l’extériorité, ça va être très variable. Je
ne prétends pas pratiquer l’exhaustion des significations. Ce qui va conduire à
des thèses de continuité ou discontinuité va être lié….ça va aboutir à la
question du rapport entre l’un et le multiple, à la fin des fins. Le concept de
nature est toujours distribué entre la multiplicité et l’un. On peut nommer son
ambivalence de bien des façons, intériorité extériorité nature naturante /
nature naturée mais aussi l’un et le multiple. Le moment de l’extériorité c’est
le moment de la diversité : il y a l’extériorité, la multiplicité pure, la
dissémination. Et nature c’est ça, et c’est aussi l’un de cela, la puissance
d’intériorité une de cette dissémination. Le rapport entre l’un et le multiple
est une précondition fdtale de la question de savoir quel va être le concept de
nature et donc en définitive du pb de savoir s’il va y avoir continuité ou discontinuité
dans la conception générale de la vérité. Qu’est-ce que le mot nature soutient
sur la vérité, ça va se jouer sur continuité discontinuité. Les théories
discontinuistes soutiennent que entre vérité et nature il y a un écart, alors
que les théories continuistes inscrivent le déploiement naturel dans l’étayage
ou le mouvement de la vérité elle-même. Quelque chose comme ça.
Question :
Réponse :
il faut qu’il y ait, pour que la surhumanité advienne, dans l’humanité, une
brisure. Comme elle ne se produit pas de manière immanente, il faut en effet quelque chose comme un choc, un heurt, une
scission incalculable. C’est pourquoi, dans le moment même où N disait qu’il
allait casser en 2 l’histoire du monde, il annonce à ses correspondants abasourdis
qu’il va y avoir des guerres comme on n’en a encore jamais vu. Ce mot guerre
consonne avec ce que vous dites : ce n’est pas dans l’auto-accomplissement
d’une essence vitale de l’humanité que la surhumanité va advenir, mais dans un
heurt interne ou un conflit incalculable que va surgir la possibilité d’une
brisure.
Q : Nietzsche
matérialiste ?
R : c’est une
thèse qui éradique absolument tout finalisme de l’essence. On y
reviendra : de façon sous-jacente, il y a la question du rapport entre
nature et finalité, c’est le biais le plus usé de tous. Si la nature accomplit
son extériorisation ou son déploiement sous l’injonction de sa propre
intériorité, alors quand même ça veut dire qu’il y a une finalité naturelle. Si
vous appelez matérialisme le renoncement à la finalité, alors effectivement la
contingence des guerres, des heurts et des chocs va décider en lieu et place
d’un accomplissmeent immanent plus ou moins finalisé. La thèse continuiste est
toujours plus ou moins finaliste. Le génie de Spinoza c’est de tenter une
continuité non finalité, c’est pour ça qu’il est obligé de postuler une
immanence absolue. C’est difficile à penser.
Rien d’autre pour l’instant ? En
attendant je vous distribue le texte de Hegel.
C’est un texte somme toute didactique de
Hegel : il nous sert de transition assez convenable entre les
considérations structurales générales que je vous ai proposées jusqu’à présent
et les enquêtes plus fines et plus spécialisées sur la dialectique du concept
de nature.
Je le situe, simplement. On fera l’explication
détaillée la prochaine fois.
Ce texte se situe dans le 2ème livre de la SdL, ie dans le livre consacré à l’essence. On ne va pas faire du hégélianisme
sophistiqué mais il faut se souvenir que la logique de Hegel comporte 3
mouvements : 1° l’être, 2° l’essence, 3° le concept. Quand on dit section
1 du 2ème livre, c’est le début du livre
consacré à l’essence.
Etre, essence, concept, c’est le déploiement
général : ce texte vient dans un développement concernant l’essence qui
est un développement sur la notion de fondement. Je ne vais pas vous restituer pas l’ensemble de la dialectique de
l’essence, qui est très complexe, mais il n’est pas particulièrement surprenant
que dès le début de la logique de l’essence on soit amené à s’interroger sur la
catégorie de fondement, en tant que une des dimensions possible de l’essence,
c’est d’apparaître comme le fondement de ce dont elle est l’essence. L’essence
en tant qu’elle est le fondamental de la chose dont elle est l’essence va
ouvrir la dialectique du foncement. Le moment de l’essence, c’est le moment de
l’intériorisation, évidemment : être, être là et la ressaisie intérieure
de l’essence et le développement complet qui va être le concept effective, et
dans l’essence on interroge la question du fdt, de façon classique :
l’essence est-elle dans la chose ce qui en fonde l’identité véritable ? et
si l’essence d’une chose peut être dite en fonder l’identité véritable, alors
il faut s’interroger sur le fdt.
La 1ère distinction que fait Hegel
c’est entre le fondement formel et ce qu’il appelle l’indication des fondementréel.
Il y a une opposition formel / réel qui vient s’ajuster à la dialectique du
fondement. Là aussi on a 3 temps : fondement formel, fondement réel,
fondement complet.
- que signifie fondement formel ? Le fondement formel, c’est au fond ce qui saisit l’essence sans
tenir compte de ce qui dans la chose n’est pas son essence. L’essence opère
comme un fondement purement formel, quasiment au sens de l’isolement ou de la
séparation de la forme chez Aristote, qui est à l’arrière plan de cette
discussion. Autrement dit, si vous saisissez l’essence dans la séparation de la
matière (dit Aristote) ou de la diversité concrète (dit Hegel), vous avez un
fondement mais un fondement purement formel. Si vous dites : c’est un
chat, c’est une désignation formelle aux yeux de Hegel, une fonction formelle
de l’essence de la bête que vous avez devant vous. Voyez bien ce que veut dire
fondement formel : c’est l’essence prise en séparation d’avec ce dont elle
est l’essence. Si vous dites c’est un chat c’est vrai mais ce n’est que
formellement vrai. Vous ne dites rien de la singularité concrète devant vous.
Vous diriez la même chose sur les choses différentes. C’est la forme. C’est ce
qui définit le formel : au regard de singularités différentes, vous
prononcez la même chose, à savoir la forme, ce que ces choses différentes ont
en commun.
- Hegel établit le moment du fondement réel : il faut indiquer tous le éléments réels pour que le fondement
soit réellement un fondement. Il faut dire c’est un chat, mais il est blanc, et
roux il est petit, c’est un mâle etc…. il va falloir indiquer, et ces choses là
sont aussi des fondements puisque l’enjeu est de penser la singularité. Penser
la singularité c’est un cheminement, vous voyez comment il se distribue
là : dans un 1er temps, j’aborde la singularité selon sa forme,
je vais désigner sa nature comme essence formelle, puis après je vais basculer
dans l’autre sens : je n’ai rien dit de la singularité, si je veux fonder
la singularité, ce qu’il importe c’est de dire, d’indiquer les fdts réels, ce
qui le constitue vraiment.
- et puis ensuite Hegel va montrer que ni l’un
ni l’autre n’autorise la pensée de la singularité : dans un cas vous êtes la pure forme, dans
l’autre vous êtes la dispersion des matière. Dans les 2 cas vous manquez la
singularité qui suppose l’articulation intrinsèque des 2 dimensions. Classique
exercice dialectique.
Le passage que je propose est une remarque
(les remarques sont des passages didactiques, explicatifs, c’est pas dans le
corps des énoncés dialectiques). Les remarques chez Hegel c’est comme les
scolies chez Spinoza. Il y a une remarque sur les mathématiques de 150 pages
(c’est plus long que l’Ethique). Les
remarques c’est pas des éléments accidentels, au point que je conseille
quelquefois de ne lire que les remarques, ça en donne une vision plus
pertinente peut-être que de suivre le ressassement dialectique. Là c’est une
remarque, et c’est une remarque didactique destinée à faire comprendre qu’en
réalité le fondement réel, indiquer les fondements réels, est tout aussi formel
que le fondement formel. C’est ce que veut éclaircir cette remarque. Quand vous
dites « il est roux, il est petit, il est né avant-hier », c’est
aussi formel que quand vous dites « c’est un chat ».
A l’arrière plan c’est une polémique contre l’empirisme. C’est quelque chose qui veut montrer que
l’empirisme est en réalité un formalisme (ce ne sont pas les mots mais c’est
l’enjeu). Indiquer le fondement réel, c’est la position empiriste. Isoler le
fondement formel c’est la position dogmatique. La position dogmatique et la
position empiriste sont l’une et l’autre des formalismes. C’est la dernière
phrase « ………………….. tout autant un formalisme que le fondement
formel lui-même». Du point de vue des enjeux
polémiques, cette remarque est
destinée à établir qu’il n’y a pas plus de vérité réelle dans l’empirisme
descriptif qu’il n’y en a dans le dogmatisme formel, platonisant (j’extrais ou
j’isole la forme). C’est très intéressant de voir que l’orientation de la
polémique consiste à montrer que les 2 sont un formalisme. Ce n’est pas que les
2 sont des empirismes. L’empirisme lui-même est un formalisme, l’empirisme dont
l’activité consiste à dire « il faut fonder ça de façon réelle etc… »,
c’est un formalisme.
C’est là qu’il va donner comme exemple la
nature, et il va prendre la nature dans 2 corrélations. Nous retrouvons une
autre mouture de l’escargot ! La nature va se retrouver coincée entre 2
concepts : d’un côté le monde, et de l’autre Dieu.
1ère partie du texte : la
nature comme fondement du monde.
2ème partie du texte : Dieu
comme fondement de la nature.
Vous avez nature au milieu, la relation de
fondement, Dieu comme fondement de la nature, et la nature comme fondement du
monde. C’est ça qui va être l’enjeu de ce
passage :
- l’enjeu pour Hegel c’est de montrer qu’en
matière de fondement, l’empirisme est tout aussi formel que le formalisme
- l’enjeu pour nous, c’est d’éclairer cette
double corrélation : nature dans son rapport à monde (question de cours,
sur laquelle il faut être équipé) et puis Dieu et nature. Ce qui est
intéressant, on en restera là pour aujourd’hui, c’est que Hegel va proposer de
dire qu’il y a une symétrie. Quand on pense la nature comme fondement du monde,
la relation est la même que quand on pense Dieu comme fondement de la nature.
Au milieu du texte : « c’est la même relation ». La thèse de Hegel, éclairée par la question très importante de
la philosophie de la nature, la thèse de Hegel, dont on repartira, est la
suivante : le rapport de fondement de Dieu à la nature, c’est la même
relation que le rapport de fondement de la nature au monde. C’est cette
relation, cette même relation, qu’il faut que nous tentions d’éclairer et à
partir de là d’éclairer le mot nature lui-même.
Ce n’est pas un texte qui expose la conception
hégélienne de la Nature (comme ceux que l’on trouve dans l’Encyclopédie, dans
les sections initiales de la nature), mais c’est une tentative pour disposer le
concept de nature dans son ambivalence, ou sa tension propre. Là il le fait se
façon assez indirecte, en intercalant le concept de nature entre celui de Dieu
et celui de monde. Le point central du texte, et sa difficulté propre, c’est
de proposer l’idée que le rapport entre nature et monde, la relation entre
nature et monde est analogue dialectiquement, ou représente un schème
dialectique identique à celui existant entre Dieu et nature. De dieu à nature, puis de nature à monde, nous avons à peu près la
même relation formelle, et cette relation touche en définitive à la question du
fondement.
Avant d’entrer dans le texte, je voudrais
faire 2 choses :
Je voudrais rappeler e que j’avais dit la
dernière fois.
1° qu’est-ce que le problème du fondement pour
Hegel, pour l’intelligibilité du concept.
2° faire un détour kantien, car sur les
concepts en jeu, le triplet Dieu nature monde, l’horizon de référence évident
concerne certains passages dans la dialectique dans la CRP
Le fondement est pour Hegel un moment de la
dialectique de l’essence.
Je rappelle que la logique de Hegel comporte 3
grands moments, qui sont
- l’Etre
- l’Essence
- et le Concept.
Et le problème du fondement est intérieur au
développement de la question de l’essence, sous la forme suivante : on
appelle fondement l’essence pensée dans son rapport à ce dont elle est
l’essence (c’est ce moment que pour toutes sortes de raisons Hegel appelle
réflexif), qui détermine le fondement comme un moment de l’essence, c’est le moment
où l’essence va se donner dans un rapport essentiel à ce dont elle est
l’essence, et non pas simplement dans sa séparation.
Vous voyez comment ça s’articule à ce qe nous avons déjà dit ; le pb de la différence entre l’essence et
ce dont elle est l’essence, et de l’ identité entre l’essence et ce dont elle
est l’essence, intervient à propos du concept de nature. Car le concept de
nature dans une de ses acceptions est au voisinage complexe de l’essence :
entre la nature d’une chose et la chose (titre de Lucrèce : de natura
rerum), quelle est la différence entre la chose
et la nature de la chose ? qu’est-ce que la chose saisie dans son être naturel
ou dans sa naturalité ? en quel sens la naturalité de la chose est ou
n’est pas la même chose que la chose.
Une des acceptions du mot nature est ce que
Hegel va installer sous le nom de problématique du fondement (quel est le
rapport entre une chose et son essence). Ça se dira aussi le rapport entre le
fondement le fondé, quelle est la relation entre ce qui fonde et ce qui est
fondé ? Là encore, le rapport en quelque manière entre l’actif et le
passif, c’est finalement aussi une dialectique essentielle du mot nature,
peut-être est-ce Spinoza qui l’a le mieux résumée en distinguant nature
naturante et nature naturée. Nature naturante et nature naturée : c’est
explicitement dans l’identité de la nature, elle-même identique à dieu, qu’on a
une distinction purement formelle actif-passif. La nature peut être prise
productivement ou créativement, ou activement, tantôt l’angle producteur,
productif, tantôt l’angle sous l’angle du résultat, comme produit, constitué,
créé. Il est vrai qu’on a de bonnes raisons de considérer qu’entre la question
de la nature et celle du fondementil y a analogie formelle très forte : ce
n’est pas un hasard si Hegel en vient à parler dans cette remarque de la nature
daà propos de ce système de rapport entre le fondement et le fondé, ou entre le
passif-actif dans l’acte de fondation. Dans la capacité fondatrice, il y a une
relation, qui est le la relation entre ce qui fonde et ce qui est fondé. On va
voir ce qu’il en est à ce propos de la nature.
C’était pour situer cette remarque de Hegel
dans le mouvement du texte.
Nature monde d’un côté et monde nature de
l’autre vont être pris comme exemples de cette relation. C’est
l’architecture - simple - du texte :
On a 2 exemples de la relation
fondement-fondé.
1er exemple : la nature
comme fondement supposé du monde.
2ème exemple : Dieu comme
fondement supposé de la nature.
ce sont 2 exemples de cette relation immanente
du fondement entre ce qui fonde et ce qui est fondé.
C’est ici que pour éclairer ce dont il s’agit,
il faut remonter provisoirement à Kant. C’est évidemment dans une référence
kantienne que assez naturellement Hegel en vient à prendre justement ces
exemples là. Il y a bcp d’exemples possibles de la relation immanente entre le
fondementet le fond, mais c’est sur l’horizon de la réflexion kantienne que ces
exemples surgissent de façon naturelle. Kant traite de façon systématique,
longuement, de cette double relation supposée entre dieu et nature d’un
côté et nature et monde de l’autre : il s’agit de 2 passages cruciaux dans la Dialectique
Transcendantale.
- commençons par une excursion de ce que Kant
entend par le rapport nature-monde. Vous trouvez les références dans le
chapitre 2 de la Dialectique Transcendantale,
dans la 1ère section qui est appelée Système des idées
cosmologiques. C’est là que Kant va introduire,
comme détermination essentielle, la distinction entre nature et monde. Je vous
lis passage, il faut bien l’entendre, car ce qui importe, et ce qui va importer
aussi à Hegel, dans ce passage du rapport entre nature et monde, ce qui importe
c’est la question de l’identité et de la différence. En quel sens nature se dit
du monde ? En quel sens nature n’est effective que comme monde ? En quel sens, cependant, nature et
monde ont-ils des significations différents ? Avant la problématique du
fondement, on est dans la question identité et différence entre monde et nature,
ce que Hegel va ressaisir ou redéployer à sa manière. Kant dit ceci :
« nous avons 2 expressions, monde et
nature, qui sont quelquefois prises l’une pour l’autre ». Donc 1ère indication : dans un certain langage
courant, nature et monde sont substituables. Kant va introduire une
discrimination. Il continue : « La première, monde, signifie l’ensemble mathématique de tous les phénomènes, et la totalité de leur synthèse en grand
aussi bien qu’en petit, ie dans le développement progressif de cette synthèse,
aussi bien par assemblage que par division ».
Donc monde, totalité des phénomènes, aussi bien par agrégation macroscopique,
si je puis dire, que par division microscopique. C’est donc cette totalité dans
sa double dimension d’agrégation universelle et de division infinie, que l’on
nommera du nom de monde. Retenons en réalité comme pertinente et suggestive la
désignation de monde comme catégorie mathématique au sens de Kant (ie qui s’oppose à dynamique). Le monde est une totalité statique, c’est
la nature comme tout en soi. Ou, on pourrait dire dans un lexique contemporain,
c’est l’ensemble de phénomènes naturels, les phénomènes naturels pris comme
ensemble, comme multiplicité indifférente au mouvement, aux lois et au devenir.
« Ce
même monde s’appelle nature en tant
qu’il est considéré comme un tout dynamique : on n’a point égard ici à l’ agrégation dans l’espace et dans le
temps pour la réaliser comme unité, mais à l’unité dans l’existence des phénomènes". Que dit-il ?
Dans un 1er temps, monde et nature,
c’est la même chose, si je puis dire (car chose est interne à ce dont il
s’agit), mais c’est la même chose vu mathématiquement d’un côté, et vu
dynamiquement de l’autre. C’est relativement clair. On appellera monde la
totalité pure des phénomènes, on appellera nature cette même totalité ressaisie
comme totalité dynamique, ie avec le système
général des lois de son devenir propre. Mais quel est ce même ? Voilà la question délicate, et
exemplaire de toute investigation de la nature. Quel est ce "même" qui se dit soit mathématiquement, soit dynamiquement ? soit
comme monde, soit comme nature ? dans le texte de Kant monde désigne un
des sens du monde et la chose vue de 2 côtés. on appellera nature ce même
monde, on appellera le monde mais vu dynamiquement. Le monde est pris ici en 2
sens c’est la difficulté : il est pris dans un 1er temps comme
signification mathématique des phénomènes. Puis il est pris dans un 2ème
temps comme la chose qui peut se dire tantôt math tantôt dynamiquement, comme
nature. Il y a une double occurrence de monde : il se dit mathématiquement
et dynamiquement, et quand ça se dit math ça se dit nature. C’est l’énigme de
même, puisque sa désignation fait problème.
On attendrait un 3ème terme, dont
on dirait que quand il est pris mathématiquement il s’appelle monde, et quand
il est pris dynamiquement qu’il s’appelle la nature. Ce 3ème
terme c’est l’ensemble des phénomènes. Il n’a pas de
nom particulier. C’est là que Kant va faire une remarque fondamentale, d’une
extrême complexité, qui est que ce 3ème terme, l’ensemble des
phénomènes, ce n’est pas une agrégation spatiale ou temporelle, mais une
unité d’existence des phénomènes. C’est les
phénomènes appréhendés dans leur existence, dans leur existence si je puis dire
pure, dans leur exister pur. Comme si d’une certaine façon il était quand même
fait là allusion à la totalité phénoménale comme totalité non encore ordonnée
encore par l’Esthétique Transcendantale, on n’a pas
égard ici à l’agrégation dans l’espace ou dans le temps. Totalité des phénomènes
n’est pas totalité dans l’espace et dans le temps au sens de ce qui est
constitué ou perceptible qui n’est pas encore constituée dans l’expérience.
C’est une totalité d’existence. Et donc, ce 3ème terme, j’emploie
ici une métaphore, ce 3ème terme est en quelque manière quelque
chose comme l’être de la totalité phénoménale, son exister, son exister, mais
être n’est pas ici pris au sens de chose en soi, c’est l’être du phénomène
comme phénomène (c’est assez voisin, malgré tout, si vous me permettez ce
court-circuit historique brutal de ce que dans son contexte à lui Heidegger
appelle l’étant en totalité : pour Heidegger aussi, l’étant en totalité,
ce n’est pas l’être, ça demeure dans l’espace de l’étantité). Il y a qch
d’analogue ici, qui est que au fond on ne peut construire l’opposition nature-monde,
ou la distinction nature monde, qu’en se référant à une totalité phénoménale,
qui d’une certaine façon est la totalité phénoménale comme telle,… et non pas
expérimentable, qui d’une certaine façon est la totalité phénoménale comme
telle, dans son exitse phénoménal, et non pas dans son caractère expérimentable
selon les catégories de l’espace et du temps. C’est quelque chose formel, ce n’est pas une donation
dans l’expérience, cette totalité n’est pas donnée dans l’expérience. Il n’y a
pas d’expérience de la totalité phénoménale, et certainement de la totalité
phénoménale prise dans son agrégation universelle et sa division infinie. Il
n’y a pas d’expérience de ça, mais il n’y en a pas non plus d’intuition intellectuelle.
En ce sens, je dis que c’est un terme formel. Ce terme forme, cette idée de la
totalité, Kant l’appelle l’existence. Kant introduit dans son lexique le mot
d’existence. Ça nous amènerait à dire ceci, en commentaire de ce passage (c’est
prospectif, développez le pour votre propre compte) que pour distinguer
nature et monde, il faut se référer à l’existence, ou introduire la catégorie
d’existence, au regard de la totalité phénoménale comme telle, la totalité
phénoménale supposée inexpérimentée, et inexpérimentable,donc donnée comme pur exister formel. Pourquoi il faut introduire la
catégorie d’existence ? Il faut nécessairement l’introduire car monde et
nature sont 2 modalités de l’existence de la totalité phénoménale. Nature et
monde ça désigne 2 modes différents d’existence de la totalité phénoménale :
- le mode d’existence mathématique, qui est en quelque manière l’existence totalisée, simplement, et ça
c’est le monde, la totalité des phénomènes comme addition de l’exister pur sans
considérations des lois ou d’une dynamique du devenir. C’est une 1ère
manière opur la totalité phénoménale d’exister.
- 2ème manière d’exister, qui est
son mode d’existence dynamique : cette
fois on prend en compte ou on saisit l’inflexion, le devenir et le système
général des lois de ce devenir dynamique.
Ce passage est complexe, mais il en faut
retenir une chose : il y a toujours un moment dans la construction du
concept de nature, où vous avez affaire au rapport entre existence et
totalité. Quel rapport entre existence et totalité
désigne ou instruit le mot nature. C’est le dispositif kantien pour distinguer
Nature et monde. Nature et monde, c’est 2 modes formels de l’exister de la
totalité phénoménale, c’est pourquoi il dira : là nous avons égard à
l’unité dans l’existence des phénomènes. L’existence des phénomène est une
catégorie remarquable : c’est l’être du phénomène comme phénomène, et ça
n’a rien à voir avec le noumène, l’en soi. On peut poser la question non
seulement de l’être du phénomène, mais la question de la phénoménalité en tant
qu’elle existe. C’est de ça qu’il est question dans la nature : il est
question de l’exister du phénoménal dans ses modalités possibles. Kant fait un
choix, il assigne nature à la modalité dynamique de l’exister de la totalité phénoménale.
Par contre, si vous avez affaire simplement à la totalité de cet exister, alors
vous direz que c’est le monde.
Cette convocation de l’existence, je voudrais
montrer comment elle fonctionne aussi chez Hegel. Pour ça, je suis obligé de
refaire une situation du texte, et de vous donne un aperçu du plan de la
dialectique hegelienne par rapport à la remarque que nous allons commenter.
La Théorie de l’essence dans la Logique de
Hegel est divisée en 3 sections. La liste des concepts est importante :
nature-monde-existence-totalité. L’argumentaire est structuré par ces
catégories. Il y a 3 sections :
- 1ère section : l’essence
en tant que réflexion, et plus précisément l’essence
en tant que réflexion sur elle-même.
- 2ème section : elle
s’appelle le phénomène.
- 3ème section : elle
s’appelle l’effectivité.
Réflexion, phénomène, effectivité :
derrière le jargon, c’est assez simple, c’est un plan passe-partout que
vous pouvez adopter pour une question relative à la nature, à savoir:
- réflexion :
la nature comme intimité ou proximité avec soi-même de la chose (la nature de
la chose c’est ce qui lui est propre : agir conformément sa nature,
conformément à ce qu’on a de plus
propre ou de plus essentiel il fait ça car c’est sa nature : la nature
comme le propre…). C’est en tant que réflexion sur soi-même. Nature en un de
ses sens désigne l’intériorité maximale de la chose dans sa conformité à son
être essentiel.
- phénomène :
renversement, la nature désigne l’extériorisation phénoménale dans son
déploiement sensible effectif. Vous avez le 2ème sens
dialectiquement retourné du mot nature qui fait passer de ce qu’elle a de plus
propre, à au contraire ce qui de la chose est le manifesté. Vous passez du
propre à la sa manifestation. Comme nature désignait intimité et manifestation
sensible, ou intériorité maximale et l’extériorité comme telle. 1er
temps : réflexion sur soi-même, le propre, 2ème temps :
phénomène
- effectivité : unité de l’intérieur et de l’extérieur, c’est la nature comme
concept achevé, ou comme concept complet. C’est le problème du passage du 1er
sens au 2ème sens. Avec la question de savoir dans quelle mesure ce
passage est lui-même naturel ? Si la nature se prend à la fois du côté de
l’essence et du côté de l’extériorité, qu’y a-t-il de naturel dans le passage
de l’un à l’autre ? C’est contenu dans la question de l’effectivité :
l’effectivité, c’est le moment où ce qui est donné dans l’intimité et dans
l’extériorité phénoménale s’avère une seule et même chose, ce qui est
déployé.
C’est le cadre général.
Il est intéressant d’examiner les
sous-sections, nous allons nous rapprocher de Kant :
- 1er temps : le temps de la
réflexion sur soi-même, le temps du propre, va se donner sous 3 figures, que
Hegel nomme successivement l’Apparence, la Détermination, et le Fondement. L’essence en tant
que réflexion sur elle-même se donne successivement comme l’Apparence, la
Détermination, et le Fondement. Je n’entre pas dans l’exégèse de cette
triplicité (comment se fait-il que la réflexion commence par l’apparence ?
réponse : car il y a un moment de l’immédiat du propre, c’est ce qui se
donne dans l’apparence du propre, dans la singularité en tant qu’elle
apparaît). On commence par l’apparence, ensuite cette apparence se détermine,
elle advient réellement à sa singularié, puis qui touche à son fondement. Notre
texte est à la lisière de l’essence comme réflexion et l’essence comme
phénomène.
- 2ème temps : celui de la
phénomène, se donne lui aussi sous 3 figures.
Le 1er temps, c’est l’Existence.
le 2nd est le Phénomène
le 3ème est ce que Hegel appelle le
Rapport Essentiel.
C’est la Dialectique du Phénomène :
existence, phénomène et rapport essentiel. Vous voyez donc que, juste après le
fondement, dans lequel nous allons avoir la remarque qui constitue la substance
de notre texte, vient l’Existence. En définitive, la question du rapport entre
ce qui fonde et ce qui est fondé ne se règle que dans l’existence, que pour
autant que la chose existe. On a une proximité avec Kant, une proximité un peu
retournée, un peu biaisée avec Kant.
Ce que dit Kant : si on veut en venir au
concept de nature dans sa distinction avec le monde, il faut convoquer
l’existence. Vous ne pouvez concevoir l’unité et la différence entre monde et
natue que du point de l’existence du phénomène en totalité.
Hegel : On ne peut comprendre la question
du fondement qu’à partir de la question de l’existence.... Le rapport entre
fondementet fondé n’est intelligible et clarifié que par la modalité de
l’existence. Et cette existence est bien celle de la totalité, exactement comme
pour Kant. Car le chapitre sur l’Existence commence par cette sentence
magnifique : « tout ce qui est, existe ».
C’est quand Hegel se hausse jusqu’à des énoncés présocratiques. Tout ce qui est
existe. C’est la maxime de l’existence. Tout de suite après, Hegel va en venir
au phgénoène. « tout ce qui est, existe » :
l’exister, c’est l’exister du tout, et pour autant que c’est l’exister de tout,
alors c’est le phénoménal comme tel, c’est ce qui va construire et délivrer la
phénoménalité.
Une des grande différence entre
Kant-Hegel : ce qui souvent chez Kant vient avant vient après pour Hegel.
Kant va dire : il y a l’exister de la tot phénoménale et là
distinguer nature et monde. Hegel distingue le fondement et le fondé et ça
donne l’exister de la totalité phénoménale. Il y a un retournement de l’ordre
conceptuel. Ce qui nous intéresse ici, c’est que tout ça gravite autour de la
question : "qu’est-ce qu’exister pour la totalité ?". Comment la question du phénomène
est-elle liée à la totalité et aux modalités d’existence de la totalité ?
c’est une chose dépliée par Kant et récupérée, ressaisie par Hegel. Nature
vient là, nature vient dans l’espace conceptuel qui inclut l’exister, totalité,
phénomène. C’est vrai pour Kant et Hegel. Finalement, nature, c’est un
indicateur conceptuel pour savoir ce que veut dire et comment se nomme et se
pense l’existence de la totalité phénoménale. L’existence de la catégorie
phénoménale exige ou requiert la catégorie de nature, dans sa tension propre,
c’est en partage chez Kant comme chez Hegel.
C’était la 1ère grande ponctuation,
sur l’arrière-plan kantien du texte de Hegel, sur monde et nature.
Sur Dieu et nature, nous avons aussi un
horizon kantien fondamental : dans la 6ème section Dialectique Transcendantale, ie le texte qui s’appelle De l’impossibilité de la preuve
physico-théologique. La preuve physico-théologique,
c’est une preuve qui lie immédiatement la question de la nature à la question
de Dieu (grosso modo, la preuve
physico-théologique, c’est la preuve par les merveilles de la nature. je reviendrai
sur ce point. c’est un point intéressant, le motif des merveilles de la nature, pour l’élucidation de ce qui
est pensé sous le nom de nature). l’ordre est tel, il est si admirable etc…
qu’il y en a forcément un auteur transcendant. Je n’insiste pas là-dessus. La
preuve physico-théologique est
distincte de la preuve cosmologique. Comme son nom l’indique, la preuve
cosmologique a essentiellement affaire à la question du monde. La preuve
physico-théologique a essentiellement affaire avec la question de la nature.
Cette distinction kantienne entre monde et
nature, qui renvoie à l’exxistence de la totalité des phénomènes, qui renvoie à
la question de l’opposition entre mathématique et dynamique, elle organise en
réalité le système des preuves distinctes de l’existence de Dieu, ou la
distinction fondamentale entre preuve cosmologique et preuve
physico-théologique, examinée en dernier..
Je rappelle que Kant ordonne preuve
ontologique, preuve cosmo, physico-théologique : la physico-théologique renvoie
à cosmo, et la cosmo renvoie à l’onto. En réalité, il n’y a qu’une seule preuve
valide, c’est l’argument ontologique car il est implicitement contenu dans les
2 autres. Preuve physico-théologique : c’est de la nature qu’il s’agit, de
la totalité phénoménale dynamique, ie du spectacle de la nature : c’est
pour ça que c’est les merveilles de la nature, les agencements extraordinaires
de la dynamique naturelle. C’est bien de ça qu’il s’agit dans l’argument
physico-théologique. Kant va nous dire que cette preuve physico-théologique
s’appuie sur l’expérience des choses du monde présent, sa nature et son
ordonnance. Le point de départ de la preuve, c’est l’expérience des choses du
monde présent, sa nature et son ordonnance, et de cette nature et de cette
ordonnance, on va passer à la conviction de l’existence d’un être suprême. Il
va y avoir dans le pur spectacle expérimenté de la nature et de l’ordonnance du
monde de quoi forger cette conviction de l’existence d’un être suprême.
Il y a un point intéressant, et délicat et en
chicane : quelle est la différence finalement entre la preuve cosmologique
et la preuve physico-théologique ? ie la preuve fondée sur le concept
monde de monde, et la preuve fondé sur le spectacle de la nature. c’est très
proche : l’expérience des choses du monde présent, on retrouve
l’amphibologie du mot monde, le monde est convoqué dans cette preuve
physico-théologique. Il vient étayer l’argumentation en faveur de l’existence
divine. quelle est la différence finalement entre la preuve cosmologique étayée
sur le monde et la preuve physico-théologique étayée sur la nature ?
- dans la preuve cosmologique, le référent reste indéterminé. Le point de départ n’est pas
l’expérience. Ce n’est pas l’expérience des choses du monde. La preuve
cosmologique prétend conclure de l’existence indéterminée du monde à
l’existence de Dieu. Monde, là, est une totalité mathématique indéterminée,
dans l’argument cosmologique. L’argument consiste en gros à dire : s’il y
a un monde, alors il y a un créateur du monde, un principe nécessaire, on
remonte de la contingence à la nécessité etc… je ne donne pas le détail de
l’argument, que vous devez connaître. Ce qui m’intéresse, c’est ceci :
dans l’argument cosmologique, il n’y a pas d’expérience déterminée des choses.
Il y a appui pris sur le concept indéterminé de monde, sur le concept
indéterminé de totalité mathématique des phénomènes, de totalité phénoménale
mathématiquement conçue. Donc l’argument cosmologique réellement n’entre pas
encore dans la question de nature, au sens de Kant. Il est réellement
cosmologique mondain : il n’a pas besoin de l’expérience des choses du
monde, et de leur devenir, et de leur spectacle, et de leurs lois. Il a besoin
en réalité du pur concept de monde comme totalité mathématique.
- par contre l’argument
physico-théologique est enraciné dans
l’expérience, dans l’expérience de quoi ? l’expérience de la nature et de
l’ordonnance du monde. On passe du monde à la nature du monde. Mais la remarque
qu’il faut faire c’est que pour passer du monde à la nature du monde, vous
devez passer de l’indétermination à la détermination. Vous devez passer du
concept indéterminé de monde comme totalité mathématique indéterminable
supposée à une détermination expérimentable des choses dynamiques… dans leur
agencement merveilleux, et admirable. Mettons ça dans un coin, comme une pierre
d’attente.
Il y a dans le dispositif kantien des preuves
de l’existence de Dieu la conviction que nature renvoie à ce qui du monde est
expérimentable. ça s’appuie sur les choses du monde, l’ordonnance dynamique du
monde, la singularité merveilleuse du monde. Donc ce qui est physique dans
physico-théologique, ce qui relève de la science de la nature, ou de la
connaissance de la nature, renvoie nécessairement à une expérience constituée
et déterminée, et non pas à la figure abstraite ou formelle de la totalité
mathématique des phénomènes. Il faut donc, pour accéder à la nature proprement
dite, quelque chose de plus que l’existence en son sens générique ou formel (la
totalité phénoménale). Il faut cette fois une expérience (une expérience, ce
n’est pas simplement l’existence, c’est pour Kant des objets, et les lois ou les relations de ces objets, des
relations transcendantalement constituées entre ces objets). Ça ouvre une
piste, un élément d’investigation, une hypothèse excédant un tout petit
peu le texte kantien mais suggéré par le texte, qui est que au fond, il y
aurait une solidarité organique, dans le concept de nature, entre existence (comme référent formel indispensable : nature est la totalité
formelle existence, c’est le moment comme dit Hegel où tout ce qui est existe, où on prend je
dirais tout ce qui est en tant qu’il existe – vous pensez tout ce qui est, mais
en temps qu’il existe) et il y aurait par ailleurs un élément d’expérience, distinct, lui, où se donnerait la singularité naturelle, et non pas
simplement la nature. Ie où se donnerait cet
élément que nous n’avons pas encore fait rentrer en ligne de compte, mais qui
est un concept clé, où se donnerait l’élément de contingence du déploiement
naturel (ie ce qui ne peut être attesté dans aucune
expérience, ce qui n’est en aucune manière conceptuellement déductible ou
supposable, mais qui ne peut être que rencontré : l’élément du spectacle
de la nature). Vuos voyez : c’est ce qu’il a d’intéressant dans l’argument
des merveilles de la nature, à l’arrière-plan.
Sur ce point, il y a un petit élément
historique qu’il faut avoir présent à l’esprit. Il y a eu au 18ème
siècle une reviviscence de l’argument physico-théologique. Cet argument a si je
puis dire repris du poil de la bête au 18ème siècle en accompagnant
l’investigation scientifique. Il y a eu, pour discipliner et faire face à la
mode de la science expérimentale (ce qui caractérise le 18ème c’est
une sorte fétichisation de la science expérimentale, et finalement l’empirisme
lui-même s’articule sur ce point), pour escorter ce point il y a eu une apologétique des merveilles de la
nature. En particulier, vous en trouvez trace dans le texte de Kant, les
observations microscopiques la découverte des dispo cellulaires amibiens etc…
le fait que dans une goutte d’eau vous trouvez finalement tout un monde. Tout
ça a été récupéré repris réarticulées dans l’élément de la preuve
physico-théologique. C’était des découvertes : la preuve a repris une
nouvelle intensité de la preuve à raison de ce qui était découvert
d’improbables. Ce n’est pas un argument tourné vers la nécessité. son espace
propre est la contingence de la singularité naturelle, mais tourné vers la prolifération
inouïe et totalement improbable de l’univers naturel tel qu’on l’observe, tel
qu’on le rencontre. Le mot rencontre me paraît juste : on tombe sur ces
choses là sans en avoir l’idée ou la prescience. Il ne faut pas sous-estimer
l’importance et l’impact qu’on eu les observations microscopiques : on
était dans la découverte de l’invisible. Ce n’était plus le voir élémentaire.
Le voir élémentaire a été un
vecteur philosophique essentiel pendant des siècles. Métaphore du voir,
intuition, coup d’œil, le voir élémentaire du sensible et le voir intelligible
est essentiel dans l’histoire de la philosophie. Or le microscope change le
voir plus encore que le télescope : le télescope agrandit ce qu’on voit,
tandis que le microscope fait voir ce qu’on ne voit pas. C’est autre chose.
C’est un objet philosophique considérable. ça change la nature : la nature
n’est plus à la mesure de la visibilité. C’est comme s’il y avait dans la
nature une prolifération immanente insoupçonnée, mais qu’on découvre quand même.
Vous en avez une trace chez Kant quand il dit la nature c’est le monde par
agrégation mais aussi par division. Cet élément de division infinie
articulé là soigneusement avec l’opérateur du microscope, à la place du concept
de nature, comme incluant une démesure par rapport au voir ordinaire. La
nature, ce n’est pas simplement ce qu’on voit, ie
la disposition du sensible, c’est peut-être plus encore ce qu’on ne voit pas
dans ce qu’on voit. Ce qui est caché, mais effectivement là, dans la part
invisible du voir. Et l’argument des merveilles de la nature change un peu de
sens avec le microscope. Il change un peu de sens, parce qu’il met l’accent
cette fois non pas tant sur l’ordonnance que sur la prolifération : il y a
plus dans la nature que ce que notre voir n’en suppose ou n’en enregistre.
C’est ça le mouvement réel qui conduit à l’idée d’un principe suprême. Principe
suprême qui serait au fond celui qui voit tout, celui qui a la puissance
microscopique du voir. Par ailleurs il sera créateur, mais le mouvement de la
pensée qui fait qu’on remonte de la prolifération naturelle à l’idée d’un
principe suprême, quand il est pris au 18ème dans l’élan admirable
de la science ex, du microscope, des dissections…. C’est l’idée qu’il y a certainement un autre œil que le
nôtre, même agrandi prolongé perfectionné par le microscopie…il y a une
infinité qui soit se prolonger à l’infini. Et ce débordement du voir ordinaire
est le ressort des nouvelles preuves sur les merveilles de la nature. La
merveille est moins ordonnancement que l’infinité. La merveille de la nature,
c’est son infinité latente. L’idée de Dieu devient l’idée de celui pour qui
cette infinité latente est patente, celui qui est à la mesure de cette
infinité. C’est pourquoi en fin de compte c’est dans son principe un argument
leibnizien. L’ontologie est leibnizienne : série phénoménale infini, il
doit bien y avoir une raison, au sens mathématique. Tout ça est à l’arrière
plan et de Kant et de Hegel. J’y insiste, car il faut entendre par preuve
physico-théologique non pas tant une preuve qui remonte de l’ordre au
principe d’ordre (c’est plutôt la preuve cosmologique), mais une preuve qui
argumente de l’excès sur l’ordre. En tirant un peu les choses, c’est le
contraire : ce n’est pas tant l’idée de l’unité totale du monde qui est au
départ, que l’idée que ce qui apparaît comme monde est creusé par des labyrinthes
infinis qui requiert une intelligibilité autre que
celle dont nous sommes capables, comme le microscope l’a prouvé. Il est vrai
dans ce cas que Dieu va apparaître comme fondement. Non pas tant comme créateur
que comme raison suffisante de tout cela. Comme ce qui, quelque part, indique
qu’il y a un ordre de cet excès lui-même, ou un ordre de cette prolifération
naturelle. Il va donc être le fondement de la nature. il va être plutôt pensé
comme fondement que comme [simple créateur d’un ordre] Dieu est ce qui, eu
égard à la complexité, est la simplicité requise du fondement qui nous échappe
et qui est requis.
C’est une question de savoir pourquoi se pose
la question du fondement de la nature. Au vrai, c’est l’énigme essentielle de
notre texte. Parce que il semble bien que dans un 1er temps ce soit
la nature elle-même qui soit fondement (ce que dit Hegel : c’est le
fondement du monde). Pourquoi ce qui est le nom du fondement devrait-il être
fondé à son tour ? pourquoi y a-t-il la question d’un fondement de la
nature ? Si la nature était un ordre auto-suffisant, on n’aurait pas
besoin d’un fondement, peut-être aurait-on besoin d’un créateur ou d’un
démiurge, mais pas d’un fondement. Exemple : Timée de Platon. Il n’y a pas de fondement du cosmos. Démiurge n’est pas le
fondement du cosmos, mais le fabricateur. Il est transcendant. Le monde a une
âme, il est son propre fondement (d’où le motif de l’âme qui désigne ça). Le démiurge
commence par fabriquer l’âme du monde. Il y a un changement, qui est parallèle
à l’opposition que fait Kant entre l’argument cosmologique (qui est grec), et
l’argument physico-théologique qui (bien qu’il soit ancien) est moderne, un
argument rénové par les sciences expérimentales, argument transformé car les
merveilles de la nature ne sont pas les mêmes qu’avant. On en connaît beaucoup
d’autres, et beaucoup plus. Ce n’est que dans ce 2nd cas qu’on a besoin
d’un fondement. Pourquoi ? parce la nature n’est plus un ordre cosmique
(comme dans le 1er argument), mais la nature c’est une prolifération
merveilleuse, labyrinthique, un excès phénoménal qui requiert d’être fondé. Au
demeurant, Kant va dire : ça ne prouve pas, ça, qu’il faille un créateur
transcendant. Tout au plus en effet ça prouverait qu’il faut qu’il y ait quelque
chose qui met tout ça en ordre. Mais qu’il y ait quelque chose qui met tout ça
en ordre, ce n’est pas équivalent
au fait d’avoir un principe suprême de l’exister du monde.
Ce que je voulais en retenir, c’est finalement
que derrière l’opposition
monde-nature, nous pouvons trouver un changement de sens du mot nature. En
vérité, je dirais volontiers que la conception cosmique de la nature (telle
qu’elle est par exemple à l’œuvre dans le Timée de Platon, et peut-être encore présente dans le Traité du Monde de Descartes), cette conception cosmique est une conception qui d’une
certaine façon montre l’auto-suffisance naturelle du monde. Et qui d’une
certaine manière ne distingue pas vraiment nature et cosmos. Le cosmos, c’est
l’effectivité de la nature, ce n’est pas autre chose. Par contre, nature,
dans la preuve physico-théologique, ou dans l’argument des merveilles de la
nature, c’est autre chose. C’est autre chose, car dans ce cas, effectivement,
ça dit autre chose que monde. ça dit qu’il y a dans la puissance dynamique,
proliférante, et créatrice de la nature, un excès irrattrapable sur tout ordre
cosmique. La nature si vous me permettez une image,
c’est plutôt les souterrains du monde, ce qui du monde excède le voir
élémentaire que nous en avons. C’est ce qui fait que le monde est bien autre
chose que le monde (c’est ça la nature, Kant va dire que c’est la dynamique, ie
idée de l’excès sur la totalité). Ou à l’idée de l’excès de la totalité sur
elle-même, que le dynamique phénoménale est en excès sur la totalité
représentable cosmiquement. Il ne faut pas s’étonner si tout ça conduira
finalement à Kant à des méditations sur le sublime, sur ce qu’il en est de la
sublimité du phénomène naturel. La sublimité du phénomène naturel, c’est ce qui
en lui est de l’ordre d’un excès irrécusable, quelque chose dont le spectacle
qui nous écrase, nous humilie, nous rappelle notre insignifiance. C’est la
frappe du sublime. Cette idée de la frappe sublime est déjà présente déjà de façon limitée
dans la distinction entre les 2 preuves, entre monde et nature et dans la
manière dont la conception dynamique de la nature se donne quelque chose qui
est en excès sur le monde comme totalité mathématique.
Le dernier point introductif, c’est à propos
d’une distinction que Kant va introduire, qui est la distinction forme-matière
(qui va nous permettre de penser ce qui est en jeu dans cet excès naturel). Je
vous lis un bref passage, où se récapitule la critique que Kant va
faire de l’argument : « suivant ce raisonnement la finalité et
l’harmonie de tant de disposition de la nature ne prouverait que la contingence
de la forme mais non celle de la matière, ie celle de la substance du monde. Il
faudrait en effet pour établir ce dernier point ». nous démarrons
par : de quoi s’agit-il dans cette considérations de la prolifération des
formes naturelles ? de quoi s’agit-il quand nous avons sous les yeux le
spectacle microscopique de l’excès indéfini de la nature, lorsque nous voyons
tant d’organismes, que nous les voyons se reproduire, qu’ils obéissent à leur
finalité etc… ? ça, c’est la contingence inépuisable du spectacle naturel.
C’est la contingence du côté de la multiplicité injustifiable du côté pour
notre raison simple. Ça c’est la contingence de la forme. Retenons ce
point : dans l’argument sur les merveilles de la nature, ce qui est
touché, c’est la contingence de la prolifération formelle, mais ça ne touche
pas la question de la matière, ou de la substance du monde.
Parenthèse : c’est compliqué de savoir ce
qu’est ici que la substance du monde, ce n’est pas la substance de la nature.
ça nous entraînerait trop loin.
« pour établir ce dernier point [pour
établir la contingence de la substance du monde et pas seulement la contingence
des formes proliférantes de la vie ou de la nature] il faudrait prouver que les
choses du monde sont par elles-mêmes et suivant des lois générales impropres à
un tel ordre et une telle harmonie si elles n’étaient pas même dans leur
substance le produit d’une sagesse suprême ».
Il est important de faire intervenir cette
distinction, dans la question de la nature, entre forme et substance. C’est ce
point que je voudrais isoler. Partons de notre intuition microscopique :
nous sommes saisis du spectacle insondable des merveilles de l’harmonie et e la
corrélation de tout ça, et nous sommes hors d’état d’en découvrir le fondementou le principe de raison. Mais
ceci ne concerne que la multiplicité des formes, ça ne concerne pas la matière.
Ce que Kant dit, c’est : les merveilles de la nature, macro et micro,
c’est une prolifération formelle sur fond d’une matière. Le spectacle de cela
nous donne bien la contingence des formes, mais pas la contingente de la
matière que ces formes informent. Si on voulait prouver la contingence de la
matière, il faudrait prouver que substantiellement, jusque dans leur substance, jusque dans leur
identité d’être, les choses sont inaptes à produire ce spectacle. Ce ne serait
que là qu’on atteindrait une contingence radicale. Mais une contingence de
quoi ? Qu’est-ce que la
matière ? Là, je fais l’hypothèse que la matière, c’est l’exister de la
chose. Qu’ont toutes ces choses du spectacle de la nature en commun ?
c’est de participer de l’existence phénoménal. Quand nous les rencontrons nous
rencontrons leur exister. Nous constatons leur existence. Kant dit
que : si vous voulez finalement aboutir à Dieu créateur, vous devez non
seulement prouver la contingence de ces formes (amibes et grenouilles etc…),
mais vous devez aussi établir la contingence substantielle de l’exister de
ces formes, et montrer que cet exister est par lui-même impropre à produire ces
formes dans son propre mouvement.
Ce qui nous intéresse en profondeur, c’est
qu’il y a une distinction qui affecte le mot nature, et qui affecte le mot
nature au sens suivant : est-ce que par nature il faut entendre la
prolifération ou la forme générale des choses (ie
les distinctions, la multiplicité phénoménale des formes), ou est-ce que nature
ça enveloppe l’exister phénoménal comme tel ? Quand on dit qu’il y a une
contingence de la nature (ce qui est le ressort de la preuve c si contingent
qu’il faut une nécessité et cette nécessité c’est dieu), est-ce qu’on la limite
à la contingence des formes (il est contingent qu’il y ait des grenouilles,
amibes, de serpents… : il faut que qln détienne l’intelligibilité du fait
qu’il y a tout ça), ou est-ce que c’est aussi le fait que l’exister pur de tout
cela, son exister phénoménal, ne peut pas en rendre raison ? Alors il y a
une contingence substantielle et pas seuelment une contingence formelle. Ça
concerne le mot nature ; est-ce que le mot Nature est une désignation des
dispositions formelles, ou est-ce que le mot nature enveloppe le rapport entre
l’exister de ces formes et ces formes ? ce point est pbtiquement capital : Est-ce que par nature on
entend au fond un protocole descriptif (nature, ce serait comme dans l’histoire
naturelle, ie la narration des formes du vivant ou de l’inerte, la narration de
la totalité phénoménale, le parcours, le récit de la multiplicité des formes
naturelles), est-ce que c’est ça nature ? ou bien est-ce que nature ça
enveloppe l’exister de tout ça, la totalité phénoménale comme existence dans
son rapport à ses formes ? est-ce que nature c’est le rapport entre
l’exister et les formes de l’exister ? C’est bien ce que va soutenir Kant.
Kant soutient qu’il faut entendre par nature le rapport dynamique entre
l’exister et les formes de l’exister (et pas simplement la totalité des
formes). C’est pourquoi si vous vous contentez de totalité des formes, vous
parlez du monde, vous ne parlez pas de la nature. vous restez dans une pensée cosmologique).
Nature, c’est le rapport entre l’exister des formes et les formes
elles-mêmes. Et la contingence doit envelopper la contingence de l’exister
lui-même, ce que Kant va appeler contingence substantielle et pas seulement
formelle.
L’argument physico-théologique ne vaudrait que
si on établissait la contingence au 2ème sens. la contingence de la
nature en tant que contingence de l’exister et des formes de l’exister. Si ce
n’est pas le cas, si on ne prouve pas ce point là, la preuve pourrait donc
tout au plus « démontrer un architecte du monde, qui serait toujours
très limité par les aptitudes de la matière qu’il travaillerait, mais non pas
un créateur du monde auquel tout serait soumis ».
Si la contingence de la nature ne signifie pas la contingence de l’exister
substantiel de la nature, alors on prouve quoi ? on prouve juste le Timée de Platon, ie qu’il y a un démiurge. C’est tout ce qu’on prouve :
un architecte du monde. Mais si on prouve un architecte du monde, il est
empêtré dans la matière qui lui préexiste, il est limité par cette matière, et
il n’est pas le créateur du monde. Vous voyez que le rapport Dieu-Nature, si
nature est purement formelle (si nature, c’est les formes de l’exister
phénoménal), c’est un rapport artisanal de fabrication, architecte du monde,
c’est un rapport démiurgique. Vous n’avez pas un Dieu, vous avez un démiurge.
Parenthèse :
est-ce que chez Platon, le démiurge est embarrassé comme le dit Kant, par la
matière ? oui absolument. Il est absolument embarrassé d’une double façon,
que je vous rappelle :
1° pour créer l’Ame du monde, il doit
mélanger le Même et l’Autre. Le cœur de la nature,
ou le cœur dus il y a mondain c’est d’être arrivé à mélanger le même et
l’autre. Platon précise bien que l’Autre n’aime pas être mélangé, il ne veut
pas. Comment procède le démiurge ? le démiurge procède de force, dit Platon.
Qu’est-ce que ça veut dire exactement ? C’est le moment où la fable prend
le relais du concept. Si vous voulez un monde, il faut mélanger le même et
l’autre. C’est une idée magnifique. Si vous voulez un monde, il faut mélanger
le même et l’autre, et Platon a bien vu ça ! Mais l’Autre n’aime pas ça,
il faut l’y contraindre : qch d’extérieur résiste à l’action démiurgique.
On n’est pas dans la création toute-puissante du Dieu chrétien. Il est décrit
comme qln en train de faire se tambouille. Il mélange de force. Il faut vaincre
une résistance.
2° il y a cette histoire obscure de la cause
errante : il y a quand même une matérialité
ultime qui est présupposée. C’est une sorte d’embarras, dit Platon, il y a une
matérialité qui n’est pas résorbable dans la planification idéale du démiurge.
Platon a la conscience très aigue qu’il y a un reste de la rationalité du
monde, qui est l’errance de la matière comme telle, l’errance du passif pur. Si
construisez un monde selon l’Idée, il faut bien qu’il soit autre que l’Idée.
S’il est autre que l’idée, il y a quelque
chose en lui de cette altérité. C’est la cause errante. Si par nature on
entend les formes de la vie, de la nature, du sensible, et seulement ça, alors
vous aurez une démiurgie créatrice au mieux, et cette démiurgie créatrice sera
aux prises avec une résistance inerte, qui est ce que Kant appelle la matière,
la substance. A relire le Timée, c’est
exact. Si la nature est un agencement formel…, mais le prix payé est que vous
avez inertie irréductible. La nature c’est finalement la composition d’un
principe idéal et d’une résistance, et un point de fabrication qui est un point
de force, de violence, un point de forçage. Il a fallu forcer l’idée à se tenir
dans la matérialité. L’allégorie de ça chez Platon, c’est le mélange du même et
de l’autre. Ce serait à la fin des fins sa propre définition de la Nature. c’est
homogène à celle de Kant. La nature chez Platon c’est quoi ? c’est le cosmos,
et sa généalogie est donnée dans le Timée. En fin
de compte, d’où ça résulte, le cosmos ? De son âme, c’est l’âme du monde,
et c’est le mélange du Même et de l’Autre. La nature, pour Platon, c’est le
mixte du même et de l’autre. Figure qui a qch d’hegelien.
Kant objecte que la nature ne peut pas être
cela, ce n’est pas ça, sauf si on n’a que le démiurge (mais le démiurge est
incommensurable à l’intention de la preuve, qui est de nous donner le Dieu
chrétien, le démiurge est insuffisant). Si on veut le Dieu chrétien, il faut
partir de la nature en un autre sens, et nature en un autre sens ça inclut la
matière, la substantialité, ça ne la laisse pas en reste passif ou résistance
inerte. Ça l’absorbe, ça l’inclut. La vraie question est celle du rapport
dynamique entre la substance et de ses formes. La contingence de la nature est
la contingence de cela, pas seulement a contingence des formes.
Si je traduis de façon empirique en merveilles
de la nature : il faut partir, non seulement du fait qu’il y a des grenouilles
et des serpents (si vous partez de ça, vous aurez au mieux un démiurge), mais
il faut partir du fait que la substance naturelle dans son dynamisme est telle
qu’elle est foncièrement inapte, quel que soit le registre de nécessité qu’on
envisage, à produire les grenouilles et les serpents, à produire la diversité
des formes.
Nous avons une querelle sur le mot nature (qui est peut-être épocale, ce qui s’est passé entre les grecs et le
17-18ème siècle) : est-ce que la nature c’est la totalité
formelle ? ou est-ce que la nature c’est l’exister lui-même dans son
déploiement formel et dans le rapport à son déploiement formel ? La
question du Dieu dont on a besoin dans les 2 cas est profondément transformée.
Cela aboutit à un ensemble conceptuel
complexe, qui comprend Monde-Nature-Dieu, sans doute, mais qui finalement pose
en réalité la question de l’existence dans son rapport à la distinction entre
monde et nature. C’est le cœur de la question : où est l’exister du point
de vue de l’opposition monde / nature, le monde étant au fond la conception
cosmique de la nature, et la nature désignant la conception dynamique du monde.
Les 2 termes n’abordent pas l’exister de la même manière. C’est pour ça que
finalement, la question est vraiment de savoir ce que veut dire tout ce
qui est existe. Est-ce que ça a un sens ? ça veut
dire : tout ce qui est est dans une forme d’existence, car exister c’est
exister avec sa forme propre, singularité, c’exister dans la diversité. Tout ce
qui est existe, la totalité existe dans la diversité. La nature veut dire
ça : pourquoi la totalité de ce qui est existe dans la diversité ?
C’est la question de la nature. La nature, c’existence de la totalité dans la
diversité, c’est le tout ce qui est, en tant qu’il se manifeste comme diversité
formelle. Alors c’est là que effectivement il va y avoir un problème de
substance et de forme, de matière et de forme. La tension du concept, ça
va être : d’un côté il y a l’exister en totalité. L’existence en totalité,
comme le dit Kan, c’est la substance du tout. On ne peut pas parler de nature
si on ne parle pas de la totalité phénoménale. Il y a quelque chose qui est une matière, mais matière
veut dire l’existence comme telle dans son indétermination. C’est la cause
errante, dans l’indétermination existentielle pure, ça existe comme totalité
phénoménale. Il y a ça, et il y a la diversité des formes, ie les merveilles de
la nature, les lois physiques, la prodigieuse diversité des formes. Et nature
ça pense le lien, sinon c’est un mot inutile. Si vous ne parlez que de la
diversité des formes, vous pouvez parler de monde. Si vous avez en tête la
totalité diversifiée et mathématique des formes, c’est le monde. Si vous ne
parlez que de l’exister en totalité, c’est la substance, la matière, ou
l’indéterminé. Vous n’avez pas besoin de nature si vous pensez les 2 versants
séparément. L’exister pur comme matérialité de tout, c’est le substantiel la
matière, l’indétermination de ‘exister comme tel. de l’autre côté, si vous prenez la diversité comme telle, c’est
le monde, ou au mieux les choses du monde. Donc il faut bien que nature désigne
la relation des 2, que ça enveloppe dynamiquement l’exister de la totalité
phénoménale et la diversité proliférante des formes. Si nature désigne ce
lienentre exister en totalité et la diversité des formes que se pose la question :
1° du rapport de la nature au mode ? (nature étant le lien entre diversité
mathématiques des phénomènes et l’exister pur de ce qu’il y a, en tant qu’il y
a c’est la nature, qui s’effectuera comme monde. donc fondement du monde).
2° il faut savoir comment s’opère le
passage : d’où vient la puissance de la nature ? comment la nature
peut envelopper l’exister dans la diversité des formes ?
problématiquement, ça va être le rapport de la nature à Dieu). Qu’est-ce qui
fonde la nature comme puissance ?
Il est donc cohérent dès Kant que nature
vienne se loger entre Dieu et monde, du point de vue de la disposition conceptuelle.
Reste à éclairer pourquoi, et avec quelles intentions, Hegel soutient que c’est
la même relation. Ie
que la relation de Dieu à la nature et de la relation de la ntaure au monde,
c’est la même relation. C’est une chose qui doit être éclairée pour elle-même.
Et qu’est-ce que c’est que cette même relation ? nous le verrons la
prochaine fois.
Nous finirons les 11 et 18 janvier : la
séance de la semaine prochaine est déplacée et en quelque sorte redoublée.
Aujourd’hui notre enjeu est l’élucidation du
texte de Hegel, comme texte concernant le concept de nature. je vais en donner
une version simplifiée. Je reviens sur ce qui a été dit la semaine dernière,
j’en donne une version simplifiée. La semaine dernière nous avons tenté de situer
le texte de Hegel sur l’horizon de Kant. Nous avons examiné dans la CRP
- examen dans CRP
de la question monde-nature.
- __________________________ nature-Dieu.
→ je coupe court vers les conclusions, c’est
labyrinthique. C’est un fil conducteur de Kant et …..
Il s’agit d’un passage tiré de la dialectique
à propos de la preuve cosmologique et des antinomies de la cosmologie.
Qu’avons-nous dégagé de ce que dit Kant ? Nous avons dégagé 2 points, on
peut ramener à 2 points :
1er point : si on veut comprendre la distinction entre monde et nature, ou
même pour formuler cette différence, nous dit Kant, il faut un 3ème
terme, et ce 3ème terme, c’est l’unité totale de l’existence
des phénomènes. Il faut que la totalité phénoménale,
prise dans son existence, soit assumée. Avec cette difficulté, que je rappelle,
que cette totalité phénoménale, Kant l’appelle aussi le monde (il y a une
amphibologie sur le monde, mais laissons ça de côté). Ce 3ème terme
touche à l’existence de la totalité des phénomènes, et c’est à partir de là
qu’on peut distinguer monde et nature.
2ème point : il faut introduire un critère de délimitation entre le concept
de monde et le concept nature. Ce critère, appliqué au 3ème terme,
donne la distinction conceptuelle entre monde et nature. Ce critère, c’est la
distinction entre mathématique et dynamique. Entre
un concept mathématique et un concept mathématique. Autrement dit, le monde et
la nature, c’est le 3ème terme - donc c’est la même chose (chose est
presque une métaphore) - à savoir la totalité existante des phénomènes. Mais ça
s’appelle monde quand cette totalité est appréhendé mathématiquement, et ça
s’appelle nature si c’est appréhendé dynamiquement (c’était le noyau du 1er
passage examiné : un 3ème terme et un critère, pour distinguer
monde et nature, qui aboutit à un monde comme totalité mathématique, donnée, ou
statique ; et nature, si on prend le point de vue dynamique, la nature du
point de vue de son mouvement, de ses lois, de son destin).
Retenons-en un concept de la nature. Qu’est-ce
que la nature ? La nature, c’est l’existence phénoménale prise en
totalité, et examinée ou pensée dynamiquement.
Donc vous voyez, la nature c’est bien tout ce qui existe, pour autant
qu’existence ici signifie l’existence phénoménale, ie l’existence du phénomène
comme phénomène. Nous avions dit, au passage, ça éclaire que Hegel mette la
question de la nature sous le signe de la formule : "Tout ce qui
est, existe". En vérité, nature, même pour Kant,
c’est bien cela : c’est tout ce qui est, en tant qu’il existe
phénoménalement. C’est bien le tout de ce qu’il y a phénoménalement, envisagé
du point de vue dynamique.
Ce passage se trouve dans la critique par Kant
de l’argument physico-théologique quant à l’existence de Dieu. Là aussi, nature
va intervenir : argument physico-théologique, ça veut dire argument qui
remonter de la nature à Dieu. Il part de la physique, de la nature, et il faut
remonter à la nécessité de l’existence d’un Dieu créateur. C’est l’argument
fameux au 18ème des merveilles de la nature, du spectacle des merveilles
la nature au 18ème siècle comme témoignage de la nécessité de la
transcendance divine.
Là, ce qui nous a intéressé, c’est la
nécessité d’une distinction à faire, qui est cette fois la distinction
entre forme et matière. La nature même va se
prendre, là, selon la forme ou selon la matière. L’argument physico-théologique
doit être envisagé sous double point de vue. Cest le ressort de la critique de
Kant. En gros, Kant dit : l’argument vaut pour la forme, mais pas pour la
matière (ou alors on a un démiurge comme architecte ou artisan, et pas à un
Dieu conçu comme créateur). c’est étayé sur la distinction entre forme et
matière. De quoi s’agit-il ? Il va falloir distinguer dans le spectacle de
la nature, dans les merveilles de la nature entre :
- d’un côté, l’agencement, la forme, la
prolifération des formes, la finalité, la collection des êtres vivants, etc… et
on va reconnaître que tout cela, en effet, est en excès en tout cas les
hypothèses de la pensée, ou en tout cas en excès sur un strict mécanisme, en
tant que spectacle, en tant que donation d’excès proliférant des formes,
organisations et finalité. Cela c’est la merveilles des formes. C’est le
spectacle, physiquement frappant, de l’agencement des formes naturelles.
- il va falloir distinguer cela, la ou les
formes, de la matière dans l’intuition. Du fait que cela est. Cela est pour phénoménalement,
pour l’expérience. D’une certaine façon c’est l’idée profonde : c’est de
nouveau l’existence qui est convoquée. Knat dit que bien sûr dans la nature il
y a le spectacle admirable des formes proliférantes, de la vie, des spectacles
sublimes, même éventuellement de l’éclat naturel etc… il y a tout cela, et tout
cela crée l’admiration légitime de la pensée, ça l’incline vers l’idée d’une
toute-puissance. Kant dit : cet argument, il faut le respecter, il est
ancien, il exprime au fond une certaine piété naturelle. C’est un argument qui
est un argument est moralement respectable ! C’est une chose, mais
l’existence phénoménale comme telle, ce qui est appelé l’existence phénoménale
en totalité, ou l’unité de l’existence des phénomènes, en tant qu’existence,
n’est pas touchée par cette considération. Donc le fait qu’il y a cela doit
être distinguée des formes de cela. La matière de l’intuition n’est pas
dissoute dans la considération de ses formes. Il y a une matière, il y a le il
y a. il y a le il y a phénoménal. Si vous voulez prouver un dieu créateur, vous
devez considérer que la nature c’est aussi et peut-être surtout le il y a
phénoménal et pas exclusivement l’agencement frappant de ses formes. Sinon, on
peut éventuellement prouver l’existence de ce que Kant appelle un architecte du
monde, mais vous ne prouverez même pas l’existence d’un créateur de la nature.
Vous aurez un architecte du monde, mais pas encore un créateur de la nature. Et
même un créateur de la nature, dit Kant, ne serait pas suffisant pour le dieu
de la religion. Mais même ça on ne l’a pas dans l’argument physico-théologique
réduit à la considérayion des formes
→ finalement, il y a de commun aux 2 textes le
moment où le maniement du mot nature exige la considération de l’existence phénoménale
comme telle, pas simplement de ses formes, pas simplement de sa totalité math
pas seulement de son élan dynamique, mais de son il y a considéré comme tel.
Avec ce point que ce il y a n’est pas la question de la chose en soi, ce n’est
pas la question de la réalité nouménale. C’est la question du il y a du
phénomène en tant que phénomène. C’est cela qui est appelé existence. Il s’agit
bien de l’existence, et pas de l’être, pour autant que existence désignera la
manifestation de l’être (et non pas son identité qui nous inaccessible). il ne
s’agit pas de la réalité nouménale dans la totalité phénoménale, c’est bien de
la totalité des phénomènes en tant qu’il y a totalité des phénomène. C’est
pourquoi il y a dans ces spéculations kantiennes ou post-kantiennes sur la
nature, il y a quelque chose comme
une méditation sur l’existence en tant qu’elle est autre chose que l’essence,
l’être, la chose en soi etc… il y a une méditation sur l’existence en tat
qu’elle est existence du phénoménal comme tel, en tant que existence du déploiement
du phénomène. Nature c’est cela aussi, c’est l’existence en tant que
déploiement de la phénoménalité, et ça accroche bien sûr les formes, les agencements,
les merveilles, mais ça accroche le fait qu’il y a cette totalité phénoménale.
Donc quelque chose qui touche au fond au fait que la nature, c’est une donation
d’existence. Une donation agencée, formalisée, organisée, mais c’est une
donation d’existence. Cette donation d’existence est donation d’existence d’une
diversité phénoménale. C’est axial chez Hegel : il y a une diversité
phénoménale qui est donnée comme telle, et la donation de la diversité est
autre que les formes de la donation (le fait que le divers apparaît, qu’il soit
donné, n’est pas immédiatement la même chose que les formes et l’agencement).
C’est une intuition kantienne profonde. Elle est à l’œuvre dans des opérations
conceptuelles simples. Elle à l’œuvre dans la distinction monde / nature et
elle est à l’œuvre dans la critique de l’argument physico-théologique, ie dans
le rapport Dieu-nature. si vous examinez monde / nature et Dieu / nature, ce
que vous trouvez, c’est la question l’existence de la diversité comme telle, de
la diversité phénoménale. C’est un élément essentiel de la considération de
l’être naturel.
Pour conclure sur cette brève incise
kantienne : si on tendait un peu les choses, on pourrait dire que pour
Kant, la nature, c’est l’existence comme dynamique (combinaison des 2
remarques).
- la nature, c’est le il y a phénoménal,
l’existence comme telle, le fait que ce qui est apparaît phénoménalement dans
l’expérience, qui ne nous donne pas son être mais qui donne l’être de son
apparaître, le fat que ce qui apparaît apparaît.
- pour que ça soit nature, il faut que ça soit
saisi dynamiquement.
Si convient d’appeler existence, au moins
provisoirement, la phénoménalité comme telle, le phénomène non dans sa
constitution transcendantale mais en tant que phénomène, on dira que la nature
c’est l’existence pour autant qu’elle est dynamique, sen tant qu’on la pense dans
des catégories dynamiques. Donc finalement la nature c’est le devenir de
l’existence ou l’existence comme devenir, avec ses lois, ses formes etc…
L’existence dans la tension dynamique de sa perpétuation. C’est la stabilité
dynamique du phénomène en tant qu’il existe là dans l’expérience. C’est ça qui
est la naturel, qui est la nature.
C’est pourquoi ça touche bien à "tout
ce qui est, existe" (qui est la formulation hégélienne).
Mais c’est vrai pour Kant "tout ce qui est, existe", puisque la chose apparaît. Son phénomène ce n’est pas elle.
Elle apparaît, et inversement ce qui apparaît est (reportez-vous à ce passage
fondamental de la CRP, qu’il est intéressant de relire à la lumière de ce que
nous disons ici, qui s’appelle la réfutation de l’idéalisme : c’est fdtal. C’est le passage où Kant affirme si je puis dire
qu’il y a bien un être du phénomène, qu’il y a bien quelque chose et non pas
rien).
Je fais une incise formelle : Kant y
tient tant – démo anti-berkeleyenne, anti-idéalisme pereptif – qu’il l’appelle
un théorème, il lui confère une dignité mathématique. Il considère que c’est
une démonstration, il considère qu’il donne une preuve. Preuve de quoi ?
de quelque chose d’important ? c’est la preuve du il y a, qu’il ne peut y
avoir une phénoménalité de l’objet sans que en effet il y ait chose en soi.
Inconnaissable sans doute, mais quant à son être attestée ou avérée par voie de
la preuve. C’est un argument ontologique, c’est un argument qui conclut à
l’être, qui conclut à l’être effectif de l’objet. Là il y a ailleurs ce que
Kant aurait dénoncé comme grand ton dogmatique (théorème). C’est un grand ton
dogmatique. Pourquoi il prend le grand ton dogmatique ? parce qu’on est
dans un moment de la CRP où la question de
l’existence précisément va s’avérer décisive. Je soutiens que la vraie question
de la dialectique transcendantale dans son ensemble, c’est celle de
l’existence. Pas simplement la question de la réfutation des preuves de Dieu,
pas seulement de savoir si le monde est fini ou infini. C’est
l’existence : que pouvons-nous en penser ou en dire ? c’est donnée à
travers l’existence de Dieu, du monde, de l’âme. Mais à travers cela, ce qui
importe, c’est : quelle est la doctrine de l’existence ? cette
question de l’existence, elle ne se résorbe pas dans celle de l’être, chose en
soi etc… La réfutation de l’idéaliste va consister à dire : en tout cas il
y a, il y a la chose, il y a vraiment. On ne sait pas ce qu’il y a, mais on
sait qu’il y a. On le sait parce qu’on le démontre : c’est un théorème. Il
y a. La question est : qu’est-ce que c’est que exister, au regard du fait
qu’il y a ? qu’est-ce qu’exister, est-ce la même chose que il y a ?
Quel est le rapport entre l’être et l’existence, entre la pensée et
l’existence ? C’est le champ de la Dialectique. Nature est le nom dynamique de l’existence, ce n’est pas un nom de
l’être (nom de l’être : ça peut être Dieu ou le noumène ou suprasensible).
On ne peut complètement comprendre ce dont il s’agit que si on suit un peu les
chicanes de la dialectique kantienne de l’existence dans sa différence avec
l’inconnaissabilité de l’être. L’évidence de l’existence par rapport au
caractère inconnaissable de l’être, c’est une tension qui joue dans le problème
de la nature.
Venons-en au texte de Hegel. Hegel va
donc reprendre à nouveaux frais les 2 questions nature et monde, et nature et
Dieu. Il va montrer que au fond, c’est le même rapport. Le rapport de la nature
au monde pose le même type de question à la pensée, finalement, que le rapport
de Dieu à la nature. Au fond, ce texte va légitimer le rapprochement des 2
passages de Kant que nous avons opéré : il va falloir savoir, là aussi,
comment opère la question 3ème terme. 3ème terme que
Hegel va appeler la liaison : comment et où opère le 3ème terme
dans la modalité de la liaison ? Nous allons y venir de façon méthodique.
Pour Hegel, je le redis une dernière fois, le
rapport nature / monde ou le rapport Dieu / nature, au stade où on en est dans
la Logique, ce sont 2 exemples de la
question du fondement. Ce sont 2 rapports, nature / monde et Dieu / nature, ce
sont des rapports entre ce qu’on suppose être le fondement et ce qui est fondé.
Ce rapport va aussitôt poser - ça va être le fil conducteur de tout le passage
- le problème de l’identité et de la différence entre le fondement et le fondé
(c’est patent aussi chez Kant : la question est de savoir quelle est
l’identité et la différence entre nature et monde, en un certain sens c’est la
même chose, le 3ème terme, l’existence phénoménale, et en un autre
sens c’est pas la même chose, distinction entre math et dynamique). Hegel
reprend cette même question dans son appareillage propre. Quel va être le mouvement ?
Quelle différence des 2 § sur nature et monde et sur Dieu nature ?
La thèse de Hegel s’articule de la façon
suivante : si on dit qu’une chose est le fondement d’une autre, on affirme
d’abord, du point de vue de la pensée, leur identité. C’est la 1ère assertion. On affirme leur identité
pourquoi ? parce si vous dites : « la nature est le fondement
du monde » (ce qui revient à dire, si on remonte
à Kant : le dynamique est toujours le fondement du mathématique, le
devenir est le fondement de l’identité), un état du monde n’est qu’un résultat
de la nature. Le monde comme totalité à un moment donné n’est qu’un résultat de
la dynamique naturelle. Nature est le fondement du monde. Kant en serait
d’accord. Si on dit ça, on dit que le monde, c’est la nature. Le monde, c’est
un moment de la nature. Mais il n’y a rien d’autre dans le monde que la nature.
C’est une assertion d’identité. De même, si vous dites que Dieu est le
fondement de la nature, ça veut dire que l’essence même de la nature, en
définitive, c’est le geste créateur de Dieu, c’est Dieu lui-même. Ce n’est pas
intelligible autrement. Donc dans un 1er temps, déclarer le fondement,
c’est déclarer l’identité. ça parce que le fondement est l’opération de
venue à l’être du fondé. Fondement en un sens dynamique : ce n’est pas une
séparation essentielle interne, c’est la dynamique de venue à l’être de la
chose qui est fondée. Dire que la nature est le fondement du monde, c’est dire
que la nature est cette puissance immanente qui se déplie comme monde. Quand
vous dites Dieu est le fondement de la nature, ça veut dire que Dieu est cette
puissance qui fait que il y a nature, qui fait que la nature advient comme il y
a, comme existence. Dans les 2 cas, fondement ça veut dire ce qui fait venir à
l’existence, c’est pour ça que c’est fondement. C’est ce par quoi dynamiquement
advient l’existence de ce qui est fondé, la nature c’est la puissance qui fait
que quelque chose comme un monde
existe. Et dieu est ce qui fait que quelque chose comme une nature vient à exister. Le fondement c’est
la dynamique de l’existence. C’est l’originarité dynamique de ce qui vient à
exister. Vous comprenez que une existence ne peut être fondée que si vous
pensez comment elle vient à exister. C’est un point qui va roder dans les théories
de la nature : la nature est
toujours pensée comme la puissance qui fait exister. C’est pourquoi la gde question de la nature est sa capacité
créatrice. Créatrice, ça veut dire que la nature, c’est la matrice de
l’existence, ce qui fait advenir de l’existence, une dynamique de l’existence.
C’est en tant que telle qu’elle peut être dite fondement du monde (vous avez
des intuitions de ce type chez Bergson : l’Evolution Créatrice, c’est aussi une intuition de cela ; le titre lui-même est le
déploiement de : c’est intuitionner la nature au moment même où elle fait
advenir de l’existence, mais pas de façon séparée, mais de façon immanente).
C’est la nature comme fondement : quand vous avez Dieu comme fondement de
la nature, cette puissance de la nature n’est elle-même venue à être que par la
puissance divine. Vous attribuez à Dieu l’originarité de toute venue à
l’existence de tout ce qui existe. Vous lui attribuez la venue à l’existence de
cette puissance d’existence qu’est la nature ? Quand vous passez de nature
et monde à Dieu et nature vous ne faites que reculer d’un cran dans la capacité
dynamique de l’existence, ie le fondement de ce qui
existe.
Je fais une incise qui vous orientera vers
d’autres lectures et d’autres réflexions : est-ce que l’existence implique un
fondement ? C’est une thèse particulière. C’est une thèse qui au fond est
le choix philosophique de l’idée de nature comme idée vectrice. Si nous avons
raison, après Kant, Hegel, et beaucoup d’autres, de penser que la nature est la
dynamique de l’existence, ou l’existence pensée dynamiquement, ça veut dire que
nature nomme bien quelque comme le fondement de l’existence. Nous sommes
d’accord, ie quand une chose est éclairée par sa venue à l’existence. On peut
appeler naturaliste au sens large toute théorie de l’existence qui la déclare
fondée, en ce sens là, qui renvoie à une puissance formatrice de l’existence
elle-même (même si cette existence est phénoménale, peu importe). Cette
puissance formatrice de l’existence est un des concepts de la nature. A quoi
s’oppose la thèse selon laquelle l’existence est infondée. C’est une
autre thèse, une autre option. C’est exemplairement la thèse de Sartre :
l’existence est infondée. Il va le dire de bien des façons : l’existence
précède l’essence, pas d’essence fondatrice de l’existence. Il va dire l’existence
est liberté pure : ascendance fichtéenne. Ou il va dire : l’existence
est néant. Vous dites l’existence est infondée : il n’y a pas
d’intelligibilité de l’existence en tant qu’elle vient à jour. Il n’y a pas ce
protocole dynamique d’intelligibilité naturelle de l’existence. Ce sont des philosophies
anti-naturaliste, qui passent leur temps à dénigrer le concept de nature.
Sartre a horreur de la nature, cf la racine de marronnier. Les descriptions
littéraires attestent l’horreur de la nature, dont la racine est de tenir aussi
radicalement que possible le caractère infondé de l’existence. Il y a quelque chose de cet ordre chez Kierkegaard. Ie
la thèse selon laquelle il n’y a pas de naturalité de l’existence comme telle.
Vous voyez c’est pour constituer cette question. Vous voyez à quel point est
importante la question nature et existence) quel point cette convocation sourde
et permanente de l’existence dans et à travers la catégorie de nature
Pour Hegel, la logique fondatrice est assumée.
Il y a une intelligibilité de l’existence, l’existence est une catégorie de la
logique, et nature peut parfaitement désigner ce mouvement dynamique de
fondement de l’existence en tant qu’existence du monde. Si on attribue la
capacité de fondement à Dieu, il est le fondement en puissance de la puissance
de la nature elle-même. On décale juste d’un cran la puissance d’existence ou
de venue à l’existence. C’est le 1er temps de l’analyse hégélienne
: quand on dit cela, c’est une thèse d’identité entre fondement et fondé, parce
que tout l’être du fondé est dans le fondement, puisqu’il est le fondement de
l’existence. On va dire : ce qui se trouve nommé nature est une chose
avec le monde, et le monde rien que la nature elle-même. Ou comme fondement, Dieu est le fondement de la nature, elle
contient cette essence en elle et elle est quelque chose d’identique à elle.
Évidemment aussitôt, cette thèse d’identité se
renverse en différence : s’il n’y avait
pas différence, il n’y aurait pas fondement. Le fondement n’est fondement qu’en
tant qu’il n’est pas absorbé ou dissous, résorbé dans le fondé. Il faut bien
pouvoir penser à part le fondé, à un moment quelconque. L’identifier comme ce
qui est fondé dans la relation de fondement. Il y a donc quelque chose du monde
qui est autre que la nature, et il y a quelque chose de la nature qui est autre
que Dieu. C’est inéluctable. Ça nous intéresse beaucoup, parce que la question
est de savoir qu’est-ce que cette altérité ? Si on dit : il y a autre
chose dans le monde que cette puissance formatrice, à savoir la nature, c’est
quoi cette autre chose ? C’est là que revient 3ème terme. Revient le
3ème terme qui va supporter la différence fondement et du fondé. De
même, si on se demande ce que la nature a d’autre que Dieu, quelle est la
différence entre la nature et son créateur tout-puissant, il va falloir
convoquer un terme discriminant qui est autre chose pour identifier le fondement
comme tel, et pas en tant que réductible au fondé (l’argument montre qu’il y a
une lisibilité de Dieu dans nature comme étant une création divine). Il faut
qu’on puisse différencier le fondement du fondé.
Si le fondement et le fondé sont
indiscernables, en réalité vous êtes dans la thèse de l’infondé ! vous
n’avez plus aucune facteur d’intelligibilité du fondé par son fondement si en
définitive vous ne pouvez distinguer fondement et fondé. Pour revenir à la
question de l’existence : si vous commencez à dire que la nature est une
puissance d’existence et que vous ajouter qu’entre l’existence et la nature il
n’y a aucun moyen de distinguer, vous revenez à la thèse que l’existence, c’est
infondé. La relation de fondement, ou de, exige dans un 1er temps
d’enregistrer l’identité dynamique et dans un 2nd temps la
différence math. La différence dans la chose même. Il se peut que le monde soit
formé par la puissance de la nature. dynamiquement il est la nature. mais en
lui-même, pensé comme ce monde à ce moment là, il faut qu’il soit différent de
la nature. on peut utiliser le lexique de Kant : l’identité dynamique doit
être contrebalancée par la statique mathématique (Kant). …………..Vous ne pouvez
pas dire que le monde est la nature même si dynamiquement il n’est rien d’autre
que la nature. la même chose va se dire pour Dieu. Si ……………nature est Dieu, il
n’en reste pas moins que cette existence n’est pas non plus celle de Dieu. Vous
voyez bien que ce qui va faire intervenir la différenciation ne peut pas être
la puissance dynamique. Dès que vous êtes dans la puissance dynamique, c’est
indiscernable. C’est une grande question. Elle travaille toutes les questions
de la nature de Platon à Deleuze : à quel moment la puissance créatrice
se distingue-t-elle de ses résultats ? Dès
Platon, cette question est présente dans le Timée, cette question est présente sous la forme de l’obscure question de la
matière, chaos, de la cause errante, qui fait qu’il y a quelque chose dans le cosmos qui est autre que
l’activité formatrice du démiurge. La puissance formatrice intelligible du
démiurge, ….mais qu’à un moment donné elle ne puisse pas être totalement
identique au résulta car il y a quelque chose d’autre. Platon est presque au bord de dire que c’est irrationnel.
Au point où nous en sommes, si la puissance formatrice ne peut pas être
discernée de ce qu’elle forme alors on est dans l’infondé et
l’inintelligible. si on veut
garder l’intelligibilité, il faut garder la différence du résultat et du
processus. penser autre chose.
Exemples :
- Différencier l’actuel de l’actualisation,
bien que l’actualisation soit la totalité de l’essence de l’actuel, c’est le
virtuel. Maison ne peut pas dire le virtuel ne soit rien que ce qui a été
actualisé. Il y a une relation dissymétrique d’identité et de différence qu’il
faut élucider, qui est au cœur des problèmes compliqués de la question de la
nature.
Comment va répondre Hegel ? Chez Kant
c’est le moment où intervient la matière. S’il n’y avait que la forme, ce
serait transparent. Mais il y a la matière, il y a le il y a. Il y a la
résistance de l’existence. Il y a qch d’intrinsèque dans le fait d’exister qui
résiste à la puissance formatrice comme telle, qui ne se dissout pas en elle.
Hegel introduit 2 critères : qu’on retrouve tout au long de la
Logique :
- premièrement, le critère de la diversité
- deuxièmement le critère de la détermination.
Ce sont les 2 critères conceptuels que Hegel
introduit afin de pouvoir distinguer entre la dynamique du fondement de la
réalité du fondé. Je dis fondement fondé mais ça peut être plus général :
afin de distinguer entre l’essence d’un processus et la figure de son résultat.
Par csqt, la façon de distinguer entre la nature et le monde, ou entre
l’activité formatrice ou créatrice de Dieu et la nature. Il faut les préciser
un peu :
- diversité :
c’est ce qui n’est pas résorbable dans l’identité. Il faut qu’il y a une
diversité du monde qui n’est pas résorbable dans la puissance formatrice de la
nature. Bien que dynamiquement, d’un bout à l’autre de cette diversité, il n’y
ait que cette puissance formatrice. Mais la diversité en tant que diversité
vous ne pouvez pas la résorber dans la puissance formatrice naturelle.
Autrement dit, d’un côté, le monde n’est rien d’autre que le résultat d’un
processus naturel, comme processus unificateur. Il n’y a rien d’autre dans
l’existence même du monde que la puissance formatrice de la nature. D’un autre
côté, la diversité de ce monde, tel qu’il est, ne se laisse pas penser à
intégralement à partir de la puissance formatrice de la nature : il y a un
reste.
C’est intéressant de voir que ce reste (dans
le Timée aussi, c’est une problématique du
reste) ce reste, là, c’est la contingence de la diversité. Il y a une
contingence de la diversité mondaine, au regard de l’intelligibilité de la
puissance naturelle. C’est la 1ère figure du reste, le 1er
nom du reste : diversité. Chaque fois que Hegel parle de diversité, c’est
pour pointer un moment de contingence dans la dialectique. Chaque fois qu’on
donne une puissance formatrice unifiante et que ce qu’elle unifie doit être
distingué comme diversité, cette diversité est contingente. Ça nous amène à
ceci que dans nature, dans le mot nature, il faut concevoir qu’il y a la
question de la contingence du multiple comme résultat. Si transparente que vous
rendiez la puissance formatrice de la nature, il demeure que la multiplicité du
résultat est marqué par un élément de contingence.
- détermination :
c’est le 2ème critère. Voyez le début du texte : « de
telle sorte que la nature est plus l’indéterminé ou au moins…. qu’à
la nature, pour qu’elle soit monde, s’ajoute encore de l’extérieur une
pluralité de déterminations ». Dans le 1er
cas le critère, c’est un et multiple (le fondement naturel du monde c’est
l’identité du monde, et cette identité est l’identité d’une multiplicité
contingente). Dans le 2nd cas c’est le rapport de l’indétermination
à la détermination : la puissance formatrice est l’indéterminé, la nature
comme telle est l’indéterminé. Il n’y a que l’indéterminé, mais cet indéterminé
s’effectue dans des déterminations, dans une pluralité de déterminations. Ce
monde, il est le résultat d’une puissance naturelle indéterminé, mais est une
collection de déterminations d’objets singuliers. C’est la question du
caractère indéterminé de la puissance naturelle, ce que Deleuze appelle
"la puissante vie inorganique", la vie avant les organes, la vie avant les déterminations
(avant n’est pas chronologique), la puissance vitale dans son indétermination
qui s’effectue dans une multiplicité d’effectuations vivantes. C’est une
intuition bergsonienne fondamentale aussi : l’élan vital, la nature c’est
l’élan vital. Mais la réalité existentielle de l’élan vital c’est la
réalisation des êtres vivants. C’est le modèle de l’idée d’une puissance
formatrice vitale et entièrement indéterminée mais qui est fondement, qui est
création, et l’effectuation de cette indétermination dans un réseau de
déterminations singulières (dont l’espèce est le paradigme le plus évident,
c’est la vie se réalisant dans la multiplicité déterminée d’espèces vivantes,
c’est le modèle sous-jacent dans la dialectique particulière du rapport entre
la nature et ses résultats). C’est la vie inorganique (Deleuze), ou l’élan
vital (Bergson), ou dans le lexique de Hegel, c’est le fondement indéterminé.
Et de l’autre côté vous avez au contraire la pluralité de déterminations et de
singularités.
Les 2 critères de différenciation du
résultat mondain de l’activité naturelle :
- un multiple
-
déterminé indéterminé.
Il en va de même pour nature et Dieu :
"La nature ne se trouve par conséquent pas connue à partir de Dieu
comme du fondement car ainsi il ne serait que son essence universelle qui ne la
contient pas comme essence déterminée … ".
la nature vous ne pouvez pas la connaître par rapport à Dieu. Ce qu’on peut
connaître par rapport à Dieu, c’est qu’il y a une nature, bien sûr. Le fait
qu’il y a une nature renvoie à la puissance de Dieu. Mais cette nature dans sa
détermination intrinsèque, vous ne le pouvez pas. vous ne pouvez pas la
connaître uniquement à partir de son fondement. Va jouer le rapport entre
l’indétermination du geste créateur divin par rapport au monde déterminé qu’il
crée. C’est l’énigme propre de Dieu qui est : quel est le rapport entre le
fait que Dieu créée le monde, et créée ce monde ? Hegel dit qu’on peut penser
le fait qu’il a créé le monde, mais
ça ne renseigne pas sur pourquoi c’est ce monde. Entre le le et le ce, il y a
un rapport d’indétermination (détermination).
Dans les investigations concrètes, c’est
un guide que se demander quelles sont les parts respectives de la détermination
et de l’indéterminé : ça peut ensuite s’élaborer rapport entre
forme-matière, rapport entre puissance et existence, que nous avons esquissé
conceptuellement. La racine la plus profonde, que Hegel pointe très bien, c’est
la question du rapport de l’indéterminé au déterminé.
Nature a toujours été historiquement d’un côté
une grande puissance indéterminée qui forme le sensible, qui en est l’unité
d’existence, qui rend raison de son unité d’existence. La nature c’est le
principe générique du il y a sensible, ce que Hegel appelle le fondement malgré
tout. C’est la désignation du spectacle du sensible dans sa donation, dans sa donation
effective (ça désigne ça, la nature, donc qch d’absolument indéterminé). On
sait que chez les romantiques, le sentiment de la nature, c’est le sentiment de
l’indéterminé. Ça commence avec Rousseau, avec Rêveries d’un promeneur
solitaire, Rousseau au bord de la rivière fait une
expérience extatique. La nature annule la conscience réfléchie, la nature opère
comme une dissolution du soi. C’est la description littéraire de la nature
comme ressource de l’indéterminé. Le côté extatique ou fusionnel de
l’expérience que Rousseau raconte est proprement l’origine d’une littérature du
sentiment de la nature comme expérience de l’indéterminé, comme par csqt
dissolution des limites du moi, effraction et dissolution des limites du moi.
Vous trouvez des traces de ça jusqu’aux expériences extatiques proustiennes. La
nature, c’est la puissance d’indétermination en un certain sens immanente à
toutes choses. On prendre les choses les plus naturelles, les plus
naturelles : eau, air, la stupeur maritime, que n’importe qui éprouve
quand il est effondré sur la plage en train de cuire… on est dans une
expérience métaphysique de l’indétermination naturelle, si on veut ennoblir
cette expérience ! On peut la décrire autrement qu’un avachissement
misérable, on peut lui donner sa chance. Somme toute ce dont il s’agit là,
c’est l’expérience dont la mer est l’emblème spécial. Le spectacle marin est
particulièrement porteur de cette suggestion de l’indétermination : la
mer la mer toujours recommencée, dit Valéry, c’est le
toujours recommencé de l’indétermination naturelle.
- mais la Nature, c’est aussi l’investigation
au comble des déterminations singulière. L’histoire naturelle, comme histoire
des différences au contraire. Là c’est plutôt les musées, le museum d’histoire naturelle, où on voit que il y a 400 000 espèces de
coléoptères différents, avec un débordement de contingence absolue. Avec des
gens qui sont contents d’en trouver un de plus ! ils sont allés en Guyane,
dans des conditions dramatiques, et sont contents d’en trouver un nouveau avec
un point noir de plus sur sa carapace ! C’est ça aussi la nature. Penser
la nature, c’est penser quel rapport il y a entre ça, le point supplémentaire
sur le coléoptère, et puis l’expérience extatique de l’indéterminé fusionnel
avec la puissance formatrice générique de la nature. nous pouvons partir de ces
expériences, nous connaissons l’une et l’autre, nous sommes requis par
l’expérience de l’indétermination et aussi par la chasse à la différence qui
nous fait nous promener dans le zoo, regardant les cornes extravagantes du
cervidé. Mais c’est la même chose ! C’est la nature, mais c’est la nature
d’un côté en tant que fondement, d’un autre côté en tant que fondé, d’un
côté en tant qu’indétermination
d’un autre côté en tant que comble de la détermination, d’un côté en tant que
dynamique d’un autre côté en tant mathématique. Il faut penser que c’est bien
la même chose qui est appelée nature, finalement.
La finalité de la leçon d’aujourd’hui est de
donner une définition de nature. Ce texte est un des plus difficile de toute
l’histoire de la philosophie. je ne prétends pas venir à bout de toutes les
difficultés. C’est un texte extra compliqué et retors au sujet du concept de
nature.
On va en venir au texte d’un peu loin d’abord.
Je voudrais rappeler le contexte.
L’idée directrice de ces leçons, le principe
régulateur, c’est que nature est un concept intrinsèquement dialectique, un
concept dont l’unité est problématique, un concept habité ou construit sur une
tension. Cette tension, c’est la tension entre la nature comme nom de ce qui
est donné comme tel, ce qui est là, ou, plus phénoménologue, nature comme un des
noms du il y a, de son déploiement, de la donation, dans sa présence
explicite : l’extériorité du il y a dans son extériorité native, (1er
usage du mot) ; et en même temps nature désigne le comme pouvoir de
donation, l’activité de donation, l’énergie de donation, et pas simplement ce
qui est donné comme tel, ie
l’essence invisible de la visibilité, l’essence active du déploiement.
Nature c’est au fond le visible comme tel, le
déployé visible, le sensible comme tel, mais aussi et plus profondément la possibilité
du visible comme tel (quelque soit le registre de la possibilité : en
termes d’acte, de puissance, d’énergie) y compris de façon sordidement
pragmatique, vous avez intérêt à regarder comment cette tension opère. Donc de
voir l’acceptions passive et son acception actives, et leur articulation. Le
cœur de la question de la nature, c’est l’articulation intelligible entre le
donné et la donation, quelque
chose comme ça. Une philosophie singulière, quand elle parle de la
nature, est une élaboration de cette tension ou un dépliement de cette tension,
selon d’autres concepts. Il va falloir introduire d’autres concepts pour nommer
la tension du concept de nature. je cite 3 exemples de registration de la nature dans
des discursivités philosophiques établies :
- ça va fonctionner selon l’acte et la
puissance chez Aristote.
- nature naturante / nature naturée chez
Spinoza, la figure la plus explicite de la tension. Actif et passif sont
clairement désignés sous le mot nature.
- virtuel / actuel chez Deleuze.
Je prends vous voyez un exemple antique, un
classique et un contemporain.
Ceci aboutit à ce que nature soit
toujours pensée à la jointure de 2 autres concepts, il y a une topologie qui
fait que nature opère à la jointure (ce n’est pas une propriété accidentelle ou
contingente, c’est la situation discursive du concept). C’est ce que j’avais
proposé dans le schéma de l’escargot : comment nature intervient à la
jointure de tout un schéma conceptuel. Tout était en rappel.
Nous pouvons reprendre cette question en
disant ceci : nature est un opérateur synthétique dans la discursivité
philosophique, c’est un opérateur de synthèse. Nature désigne une opération
synthétique de l’intelligibilité, précisément car nature subsume la liaison en
tension immanente. Nature nomme la synthèse de cette tension. Spinoza : la
nature qui n’est pas autre chose que Dieu nomme la tention entre nature
naturante et naturée, activité et passivité. C’est une propriété générique du
mot nature.
On pourrait montrer qu’il 3 modalités de
synthèse :
- la synthèse peut être conçue comme
rassemblement (nature comme totalisation)
- la synthèse peut être conçue comme un
passage (la nature est extériorisation)
- la synthèse peut être conçue comme création
(la nature est vie, vitalité, énergie créatrice).
Totalisation, extériorisation, création, ce
sont un peu les 3 modalités fondamentales de nature comme opération synthétique.
Vous reconnaîtrez au passage des philosophies différentes selon les cas
(Spinoza, Hegel, Bergson / Deleuze)
Kant : dire que la nature est un
opérateur synthétique. Qu’est-ce que Kant ? Kant, c’est le penseur de la
possibilité de la synthèse. Fondamentalement c’est ça : s’il y a un
philosophie pour que la question de la synthèse est organisatrice chez lui.
Kant est paradigmatiquement le
penseur de la synthèse, de la possibilité de la synthèse.
Parenthèse : il faut bien comprendre que
pour Kant, la question de ce qui est purement analytique est réglée depuis toujours.
C’est une conviction très importante. Le purement analytique n’est pas une question
car la logique pure est achevée depuis Aristote. Et en ce sens, la question du
purement analytique est une question close, en tout cas en droit. Il n’y a pas
de progrès à attendre sur la question des jugements analytiques car la
codification formelle de ces jugements analytique est réglée. Ça se donne sous
la forme de l’énoncé de Kant qu’il n’y a eu aucun progrès en logique formelle depuis
Aristote.
Le dogmatisme c’est quoi ? c’est ceux qui
croient qu’on peut légiférer synthétiquement par purs concepts. Il faut partir
de là : les questions analytiques ne sont plus en droit des questions, et
la question… on peut légiférer synthétiquement par pur concept. Ce qui aligne
le synthétique sur l’analytique, le dogmatisme c’est capturer indûment la synthèse
par l’analyse. En réalité le jugement qu’il porte sur la tradition est
double : la pensée analytique a trouvé ses assises chez Aristote, et la
métaphysique dogmatique croyant pouvoir légiférer synthétiquement par concepts
analytiques, aligne le synthétique sur l’analytique et fait comme si le
synthétique était réglé dans l’espace du concept. Kant : non, il y a une
discontinuité essentielle entre analytique – synthétique. Tout prend son départ
dans la question de la synthèse. C’est une question en discontinuité avec ce
qui est déjà réglé, il y a disjonction synthèse – analyse. Dogmatisme est
ce qui n’a pas pris cela en compte, il n’a pas pris en compte la disjonction.
Il faut isoler la question de la synthèse comme question. C’est le geste
primordial. …..
Kant est donc celui qui va examiner la
question de la synthèse comme telle, donc les conditions de possibilité de synthèse.
C’est le noyau absolu de l’entreprise. comme vous le savez, la caractéristique
de Kant est de déclarer qu’il y a 2 conditions de la synthèse :
- une condition matérielle, ou
réceptive : il faut qu’il y ait de l’intuition sensible. On ne peut pas
légiférer synthétiquement par purs concepts, il faut que quelque chose de réceptif intervienne,
l’intuition sensible
- une condition formelle et organisatrice :
c’est le système du transcendantal.
→ isolement du synthétique condition de
possibilité de la synthèse, disjonction avec l’analytique. et système de double
condition : du copté de la réception, du côté de la spontanéité
organisatrice du transcendantal.
Tout ça aboutit à quoi ? tout ça aboutit
à quelque chose qu’on va appeler
l’expérience en tant qu’activité de l’entendement, et ce qui se donne dans
cette activité va être appelé objet. on va en venir à la nature. Vous voyez le
cheminement, il faut se souvenir du chemin. Isolement de la question de la synthèse,
discontinuité avec l’analytique, double condition de possibilité du côté de la
réception et de l’activité spontanée organisatrice et dispo de la question dans
les modalités de l’expérience et de l’objet ; L’expérience désignant le
champ général de l’activité cognitive. L’objet désignant le ce qui se donne, ce
qui apparaît dans ce champ.
Qu’en est-il de la nature dans cette
disposition ?
Je vais synthétiser : nature va
s’inscrire dans une distinction très délicate qui touche directement à la question
de la synthèse. Une fois constitué le champ de la question, l’expérience et
l’objet, la question de la synthèse est active. Il y a une distinction décisive
dans la construction du concept de nature : c’est la distinction entre la
liaison et l’unité. Cette distinction est une question qui touche à "qu’est-ce
qu’une synthèse ?",
qu’est-ce que le synthétique. Le synthétique c’est ce qui lie et aussi ce qui
fait un. Il y a synthèse quand il y a une liaison, et quand il y a une unité
dans la liaison. Il faut distinguer la question de la liaison et la question de
l’unité, subsumées sous le nom de synthèse.
Permettez moi une intervention
narcissique : dans Court Traité d’Ontologie Transitoire, il y a un texte sur Kant, l’ontologie soustractive de Kant. Le texte prend son départ dans un texte à la fin de l’Analytique des
concepts, que vous devez entendre dans sa complexité. "La
liaison est la représentation de l’unité synthétique du divers. La
représentation de cette unité ne peut donc pas résulter de la liaison, mais
plutôt, en s’ajoutant à la représentation du divers, elle rend d’abord possible
le concept de la liaison". Je vous le relis, car
c’est assez tarabiscoté.
Ça veut dire quoi ? ça veut dire que pour
qu’il y ait synthèse, il faut qu’il y ait liaison et représentation de l’unité
dans la liaison. Qu’est-ce que c’est qu’une liaison, que la liaison entre 2
représentations ? puisque la liaison est représentation d’unité, donc
l’unité est présupposée pour identifier la liaison. On ne peut tirer l’unité de
la liaison puisque vous ne pouvez vous représenter une liaison que comme une
unité. Nous avons une analyse ce que c’est qu’une synthèse ! si on
analyse, on voit que les composante d’une synthèse, c’est liaison et unité. Ce
qui est originaire, c’est l’unité, comme possibilité de représentation de la
liaison. La possibilité de la représentation de la liaison suppose la donation
d’une unité originaire.
Pour le dire dans un langage qui n’est pas
celui de Kant, il faut qu’il y ait une instance de l’Un, il n’y a synthèse des
représentations que s’il y a une instance de l’Un. Et cet instance de l’un
n’est pas le système des catégories (le système des catégories c’est le système
conceptuel des liaisons). S’il faut l’Un pour penser la liaison ou se
représenter la liaison, l’Un n’est pas réductible au système des catégories.
Vous ne pouvez pas tirer l’un de la liaison car vous ne pouvez vous représenter
la liaison que comme forme d’unité. L’analyse de la synthèse montre qu’il y a
une originarité de la puissance d’unité sur la liaison phénoménale. Le système
des catégories n’est pas le dernier mot de la question de la synthèse. On ne
peut pas répondre à la question de la liaison uniquement avec les catégories.
S’il n’y avait que les catégories, la liaison resterait indéterminée. Il faut
une instance d’unité qui n’est pas réductible aux catégories. Cette instance de
liaison ? Kant l’appelle l’aperception originaire. L’aperception
originaire, c’est l’instance de l’Un qui raccorde toutes mes représentations à
une unité a priori de la liaison.
Il y a une chose qu’il faut retenir :
sans l’hypothèse de l’aperception originaire, de l’instance de l’un, vous
auriez des phénomènes, des représentations, mais - et c’est le point clé – vous
n’auriez pas d’objets, vous n’auriez pas de représentation de la liaison comme
unité. L’aperception originaire est liée à la question de la forme originaire
de l’objet. Si on n’avait que le système des catégories, on aurait des
représentations liées mais vous n’auriez pas d’objets. Objet est un corrélat de
l’instance de l’Un. L’objet c’est quoi ? c’est ce qui fait un, ce qui
compte-pour-un dans l’expérience. Comme le dira Kant : "L’unité
transcendantale de l’aperception est celle par laquelle tout le divers donné
dans une intuition est réuni dans le concept de l’objet". L’aperception originaire, c’est la question de l’unité de
l’objet, qui est elle-même une question différente de celle de la liaison des
représentations. La synthèse exige une liaison des représentations, la liaison
est par dans le système catégoriel, mais ce n’est pas encore l’unité de
l’objet, qui est l’aperception. Nous voyons bien comment se raccordent liaison,
unité, expérience, objet. En définitive, nous sommes au seuil de la question de
la nature, le problème ultime de la question de la synthèse est de savoir
qu’est-ce qui fait un dans l’expérience ? la synthèse n’est pas simplement
la liaison dans la représentation, la liaison ne fait pas un. Ce qui fait un,
c’est l’objet, et la condition de l’objet, c’est l’unité de l’aperception et pas
le système tabulaire des catégories. La question de l’objet est la question de
l’instance de l’Un, non pas la question de la liaison.
Comment s’introduit la nature ? quelle va
être la place de la nature dans ce dispositif ? l’angle d’attaque est
singulier et passionnant :
La nature, ça va être nommée quand l’instance
de l’Un entre en relation avec le temps. C’est la connexion aperception
originaire et forme a priori du temps. on pourra presque dire que la nature,
c’est la temporalisation de l’objet dans son accord à l’aperception originaire.
Mais il faut ajouter que cette corrélation entre aperception originaire et
forme a priori du temps va concerner quoi ? Elle va concerner l’existence
des objets. La nature est référée à l’existence des objets, et pas à leurs
caractéristiques accidentelles. Comment Kant construit-il le concept de
nature ? il y a 3 opérateurs : le temps, l’existence, l’instance de
l’Un. Ce sont ces 3 opérateurs, le reste étant donné, le concept de nature ca
concerner l’un le temps et l’existence. On peut donc donner une définition
provisoire de la nature, à confronter avec celle du texte : la nature
c’est l’unité d’existence des phénomènes dans le temps. Examiner ça ce qu’est
l’unité d’existence des phénomènes dans le temps, c’est ce qui identifie la
nature.
Avant d’en venir au texte, je voudrais faire 2
remarques conclusives de ce vaste préliminaire, qui sont intéressantes, même
latérale :
- le concept de nature est un concept
temporel, et pas spatial. C’est intéressant, parce que c’est l’ouverture d’une
grande lignée de temporalisation si je puis dire du concept de nature. de ce
point de vue là d’ailleurs, très étrangement en apparence, Bergson et Deleuze
sont dans cette lignée, dans la descendance de Kant sur ce point très
particulier qui est que l’essence intime de la nature, c’est le temps, et non
pas l’espace. Nature, c’est un concept temporel, guidé par l’analyse du temps.
- comme la nature est l’unité d’existence des
phénomènes dans le temps, il n’y a qu’une nature. Il va de soi dans la
construction du concept de nature qu’il n’y en a qu’une nature. La question de l’unité ou de la pluralité
de la nature est une question passionnante. Est-ce qu’il va de soi que nature
veut dire qu’il y a une nature ? Kant tranche cette question dans la
construction du concept, en tant que corrélation de l’un du temps et de
l’existence, il ne peut y avoir qu’une nature.
On va voir comment cela est récapitulé dans la
définition que Kant donne de la nature.
Situation du texte, dans ce maquis extraordinaire.
En mon temps, j’assistais à un cours au Collège de France sur la CRP où
Gueroult disait que c’est un chantier, Kant multiplie les indications d’ordre
car il ne cesse de ressaisir un ordre défait : il n’a cessé de déplacer
des matériaux, à laisser en suspens des choses, insérer des matériaux venant
d’ailleurs.
- Analytique Transcendantale, divisée en
analytique des concepts et analytique des principes (l’analytique Concept
culmine dans la table des catégories, puis l’aperception originaire).
- Analytique des Principes : le texte
n’est pas dans l’analytique des concepts, donc nature n’est pas un concept, au
sens de la table des concepts, c’est pas comme causalité. C’est la question des
principes, donc des règles a priori.
L’analytique des principes est divisée en
3 :
En 1er lieu, il y a le Schématisme
(comment on raccorde les concepts à l’intuition, ça se raccorde par un schème).
Ça commence abruptement, la simplicité est relative !
En 2ème lieu, il y a le Système des
Principes de l’Entendement Pur,
En 3ème lieu, il y a Phénomène –
Noumène.
Notre texte est dans la 2ème
question, il est extrait du Système des Principes de l’Entendement Pur.
- Système des Principes de l’Entendement Pur
est lui-même divisé en 3 :
Il y a les axiomes de l’intuition
Il y a les anticipations de la perception
Il y a les analogies de l’expérience
Notre texte est dans les analogies de
l’expérience. Il y en a 3 !
- Analogies de l’Expérience (la 1ère,
la 2ème, la 3ème).
Notre concept de nature vient à la fin, après
la 3ème Analogie (dans un commentaire final des 3 analogies). Il est
donc, pas un concept mais une règle synthétique, il est juste avant la fin de
l’Analytique Transcendantale, avant la distinction phénomène noumène, à la fin
de l’Analytique des Principes. Il vient après la machinerie de l’analytique
transcendantale : table des concepts, et règles a priori. Il la suppose
tout entière. C’est ce que je voulais indiquer par cette situation. Concepts et
systèmes des règles a priori rendant possible l’exp. C’est donc bien un
Opérateur synthétique, et c’est formellement indiqué par la situation de la
définition de la nature dans l’architecture.
Qu’est-ce que c’est, les analogies de
l’expérience ? que nous disent les 3 analogies ? Vous savez ça par
cœur. Les 3 analogies de l’expériences sont organisées à partir d’une
analytique du temps. Elles concernent la dimension temporelle de l’existence,
du point de vue de ce que Kant va appeler les modes du temps. il y a des modes
du temps. Grosso modo, les analogies de l’expérience, c’est quoi ? c’est
ce qui fait fonctionner l’instance de l’Un dans les différents modes du temps.
c au niveau du raccord entre unité et temps selon l’existence que ça va se
jouer…. Ça revient à la question : qu’est-ce que c’est qu’un objet dans le
temps ? ça traite de la question de l’objet du point de vue du
temps : qu’est-ce un objet dans temps ? un objet, c’est le problème
de l’unité, pas seulement celui de la liaison. Vous traitez : à quelles
conditions y a-t-il des objets dans le temps ? nature c’est lié et
introduit par cette question : à quelles conditions y a-t-il des objets
dans le temps ? et dans
les différents modes du temps ? il y a 3 analogies car il y a 3 modes du
temps. Quels sont ces modes du temps ? c’est la théorie kantienne du
temps. Nous avons une analyse du temps, elle préfigure de nombreuses analyses
ultérieures y compris la théorie de l’extatique temporel de Heidegger est dans
la filiation de l’analyse kantienne. Il y a 3 modes que sont la permanence, la
succession, la simultanéité. Il va y avoir 3 analogies, 3 manières d’assurer a
priori l’existence des objets dans le temps :
- selon la permanence : ça va donner la
permanence de la substance (1ère analogie de l’expérience)
- selon la succession : ça va donner la
liaison causale des représentations dans le temps, les représentations
sont causalement liées (2ème
analogie)
- selon la simultanéité : ça va donner
l’interdépendance universelle de toutes les substances (3ème analogie).
Tout cela est destiné à garantir la question
de l’Un dans le temps. l’Un substantiel de permanence de la substance, l’Un de
la liaison dans la succession, l’un de la totalité dans la simultanéité. Nous
retrouvons ce que nous avons dit.
Prenons la succession comme mode du
temps : que va dire l’analogie ? il est nécessaire que 2 représentations soient causalement
liées. Ce n’est pas qu’elles soient causalement liées qu’elles ;.. mais la
nécessité de la liaison assure la causalité. C’est la distinction entre unité
et liaison. Il est possible que… que si 2 représentations sont causalement
liées. On ne tire pas du concept de nécessité du concept de causalité :
….le concept causalité assure la liaison, mais ne dit rien sur cette nécessité
(quand vous ajoutez à la liaison la question de la nécessité de la liaison,
vous passez du problème de la liaison au problème de l’unité). Analogie va
raccorder le temps de la succession à l’aperception originaire, à l’instance de
l’un. Il va y avoir unité, et donc objet d’expérience, pour autant que dans la
succession, la liaison causale va être nécessaire. Cela va assurer l’unité de
l’expérience, ie la possibilité de l’objet dans le temps. voyez pourquoi il
faut une analytique des principes : parce que seuls les principes
raccordent la question de la liaison à celle de l’unité. Sinon vous n’auriez
pas synthèse. La question synthèse ne serait pas réglée. La Synthèse n’est
pas la question de la liaison mais de l’unité de la liaison. La nécessité de la
liaison seule assure l’unité et donc la lie à l’aperception originaire. La question
fondamentale des analogies est donc : comment l’instance de l’Un opère
dans le temps, la succession, la simultanéité, la permanence ? Il faut mobiliser
la machinerie transcendantale, mais selon la nécessité de l’un, ie selon la
connexion à l’Un (c’est différent de la capacité à lier le divers). La
synthèse ce n’est pas la liaison du divers. La liaison est condition de la
synthèse mais ce n’est pas suffisant. Il faut aboutir à l’objet pour la
synthèse. Pour l’objet il faut … que l’unité représenté de la liaison. Le
problème est particulièrement aigu dans le temps. Dans le temps, par exemple
dans la succession : qu’est-ce qui assure l’Un ? C’est la nécessité
de la liaison, qui fait que je ne puisse pas me représenter le successif autrement
que lié. Mais que je ne puisse pas me représenter le successif autrement que
lié ce n’est pas contenu dans le concept même de liaison). Il faut une règle
originaire qui est l’analogie de l’expérience. La question de la nature va
intervenir dans la connexion Un-Temps.
2 remarques pour conclure cette
introduction :
- l’Un, c’est l’aperception originaire. "Ma
connaissance, ie mon unique connaissance".
- temps : il n’y a qu’un temps. il n’y a
qu’un temps. C’est peut-être le point le plus faible et le plus difficile,
cette thèse qu’il n’y a qu’un temps. c’est la doctrine de l’un du sujet T comme
tel.
On a ultimement pour Kant 2 appuis sur
l’Un : il y a une connaissance unique (l’aperception originaire), et un
seul temps. Nature est le lien organique entre ces deux, entre mon unique
connaissance et le fait qu’il n’y a qu’un temps.
Tout ceci dit, on peut aborder le texte
proprement dit comme synthèse :
………………………………………………………………………………………………
c’est une synthèse de ce que j’ai tenté de
vous dire ? c’est un texte très ramassé et difficile, une synthèse de
l’ensemble du chemin kantien. La nature est la présentation de la synthèse
elle-même. Nature, c’est le nom ultime de la synthèse. Comme c’est la question
originaire du chemin, c’est une récapitulation. Ou plus précisément le fait que
tous les phénomènes résident dans une nature et doivent y résider, ça c’est une
nomination de la synthèse. Autrement dit, nature c’est le nom de ceci que il y
a des objets (unité dans la synthèse). Aucune…….. entre l’assertion les phéno
résident dans une nature et ……… nature désigne qu’il y a des objets, unité dans
la synthèse. C’est l’au-delà de la liaison, ce qui dans la synthèse est plus
que la liaison mais unité de la liaison donc nécessité de la liaison. D’où le
fait que le texte commence par la nécessité. « par nature nous entendons
l’enchaînement des phéno … » Nature c’est les phénomènes dans leur
liaison nécessaire. On a l’impression que nature va se contenter de liaison.
Mais le mouvement du texte : la nature a besoin d’unité, qui n’est pas dans
la figure de la liaison seule. Basculer dans unité après s’être donnée dans la
liaison. Ce qui va servir de lien entre la liaison du début du texte et l’unité
fin du texte, c’est la questions des lois nécessaires. La nécessité de la
liaison c’est autre chose que la liaison. On ne peut se contenter de la
liaison : les règles nécessaires, la nécessité de la liaison va faire
passer de la liaison à autre chose que la liaison. Que la nature soit liaison,
c’est d’accord, mais ce n’est que pour autant que cette liaison est nécessaire.
La suite est l’investigation de cette nécessité.
….. il va montrer que la nécessité de la
possibilité de la liaison ne peut être trouvée de façon empirique. Si la nature
est la nécessité de la liaison, le concept de nature dépend de lois a priori.
……
nous avons une transition qui est que
nature ne désigne pas quelque chose de l’expérience, mais ça désigne quelque
chose de la possibilité de l’expérience. En ce sens, nature c’est du côté de
l’a priori. (d’où la fin : "tous les phénomènes doivent être dans une nature" : ce n’est pas un énoncé empirique
c’est un énoncé transcendantal). Nature est du côté de la poss de l’exp et pas
du côté de l’exp, en dépit du fait que le début démarre doucement. On a une
subversion du point de départ : nature va devenir un concept T profonde,
qui nomme lien a priori un – temps (absent au début). Il faut remonter aux lois
originaires d’après lesquelles l’exp devient possible. C’est les analogies de
l’expérience.
"Lois originaire = analogies de
l’expérience". La nature c’est le problème des
analogies. Ce sont nos analogies qui présentent l’unité de la nature. « ..
exposant rapport du temps…. » nous avons le cœur : c’est là que se construit le concept à partir
des analogies. Les analogies c koi ? c’est le rapport du temps à l’unité
de l’aperception. Nature nomme le lien de l’un au temps, qu’est-ce qui fait un
dans le temps ? la nature est le rapport du temps à l’unité de
l’aperception.
On voit se faire le cheminement de la
construction synthétique du mot nature comme étant lui-même une synthèse. Une
synthèse a priori de quoi ? une synthèse a priori de l’unité de
l’aperception et du temps. En schématisant, c’est l’unité du je et du
temps (je T vide) : le je qui n’es rien d’autre que le je = je, sans
contenu intuitionnable, qui assure formellement l’unité de l’expérience, en tant que l’expérience est mon
unique expérience. Nature devient la synthèse du je pur et du temps, des modes du temps.
« ;;;;;;;;;;;;; » Si nature c’est unité de l’aperception dans son rapport
au temps, on peut aussi dire que nature, c’est la présentation temporelle des
objets. Si vous vous souvenez que objet c’est l’instances de l’Un dans la synthèse.
La liaison n’est que liaison des phénomène. J’y insiste : il n’y a des
objets que s’il y a plus que la liaison. Pour objet il faut autre chose que la
liaison, comme la nécessité. La liaison assure la phénoménalité de
l’apparaître, et pas son objectivation. L’objet est plus que le phénomène.
Nature nomme le déploiement de l’objectivité
(la possibilité des objets) dans le temps. « ;;;;;;;;;;;;; » Sans ça,
il n’y aurait ni unité de l’expérience, ni détermination des objets. L’unité de
l’expérience et la détermination des objets ; c’est la même chose (pas la
mêe chose que le fat que les phénomènes sont liés). Nature : c’est l’unité
de l’expérience, ie la possibilité des objets, ie l’objectivité dans le temps.
Nous avons finalement une définition
complexe mais claire de la nature, qu’on pourrait récapituler de la façon
suivante : la nature, c’est l’objectivité, en tant que est temporelle. Il
faut ajouter encore une question : de quoi y a-t-il objectivité, quand
cette objectivité est temporelle ? qu’est-ce qui est affecté de temporalité ?
L’objectivité en tant que temporelle, c’est l’objectivité de l’existence du
phénomène (ce n’est pas l’objectivité de sa signification, de son contenu, de
sa particularité). « Par nature, nous entendons l’enchaînement des
phénomènes, quant à leur existence ». Il faut
donc compléter un peu notre définition : la nature, c’est l’objectivité de
l’existence dans le temps. Finalement, la nature, c’est l’existence dans le
temps sous la forme de l’objet, ou possibilité de l’existence dans le temps
sous la forme de l’objet. Qu’il y ait des objets comme existence dans le temps,
voilà ce qu’est la nature.
Il ne serait donc pas entièrement illégitime
de dire, pour revenir à mon introduction générale, que pour Kant la nature,
c’est bien la donation des objets, en tant que donation temporelle et en tant
que donation d’existence (ce n’est pas une donation de contenu déterminé ou
d’empiricité immédiate). Comme dit Kant, le temps est ce qui prend en lui
toute existence. C’est de l’existence qu’il s’agit dans cette corrélation au
temps. il y a cet élément de donation qui fait que nature est du côté de l’a
priori (pas du côté de l’empirique), et qui est du registre de la donation
d’existence, pour autant qu’elle est de la forme de l’objet, dans le temps. Ce
qui marque le côté transcendantal de cette donation, le fait que nature n’est
pas du côté du donné empirique mais du côté de la donation transcendantale,
c’est que nature est un concept nécessaire. C’est l’énoncé fondamental :
"Tous les phénomènes résident et doivent résider dans la nature". une obligation de cet ordre est nécessairement transcendantal.
Ceci insique que Nature est donc du côté de la constitution transcendantale de
l’expérience, en tant qu’elle désigne la résidence de la donation objective
dans le temps, d’une façon obligatoire, du côté de la description
transcendantal.
Voilà l’essentiel du texte.
Je voudrais conclure par 2 ou 3
remarques.
- quelle est la dialectique du mot nature pour
Kant, ici ? je crois que la dialectique fondamentale, c’est en réalité
bien le paradoxe du rapport de l’unité et du temps. C’est ça que nature
traite : l’un et le temps. qu’est-ce que la mise à l’épreuve de l’un par
le temps ? le temps est-il compatible avec l’Un ? cf Héraclite :
il y a une mise à l’épreuve de l’Un par le Temps (par la succession).
Nature au fond est le moment où se récapitule la solution kantienne de ce
problème, à savoir l’efficacité de l’unité dans le temps lui-même. Ie le
maintien de l’unité de l’expérience, bien qu’elle soit temporelle de part en
part. La question de comment l’un traverse-t-il l’épreuve du temps ? veut
dire : comment se fait-il que des objets puissent être temporels ?
qu’est-ce que l’objet dans le temps ? L’objets dans le temps il est
inscrits dans l’unité d’une nature. Le fondement de la réponse c’est les
analogies de l’expérience. Si on cherche la dialectique fondamentale du mot
nature, c’est le rapport entre un et existence, sous l’emblème ou sous le signe
de l’objet, lui-même traité dans son rapport à l’existence.
- quelle est la force de cette
construction ? A mon avis, la grande force de cette construction, c’est de
rendre raison de la représentation scientifique de la nature au régime de lois
nécessaires, en se posant la question, si je puis dire, de la nécessité de la
nécessité. Ce n’est pas simplement un compte-rendu des liaisons nécessaires,
c’est pas simplement montrer ou prodiguer la nécessité des liaisons, c’est
s’interroger sur la nécessité de cette nécessité pour qu’il y ait expérience.
Ça c’est la gde force de cette conception de la nature, qui est de ne pas la
dissoudre dans la seule nécessité des liaisons. Que veut dire penser la
nécessité des liaisons phénoménales ? c’est penser la nécessité, penser la
nécessité de cette nécessité, il qu’il y a unité de cette liaison, c’est penser
la nécessité de cette nécessité. A partir de Descartes, la nature va être
interrogée du point de vue de la question des lois, les lois de la nature.
c’est bien la question de la nécessité de la liaison qui est le fil conducteur.
Kant : il renvoie cette question à la nécessité de la nécessité de la
liaison comme condition de possibilité de l’expérience. Il n’y a expérience,
objet que si on élucide la nécessité de la nécessité.
- quelle est la difficultés ou le point
sensible de cette affaire ? A les yeux, le point sensible se trouve du
côté de l’axiome de l’unité du temps. Il n’y a qu’un temps. il est l’opérateur
de poss du sensible comme tel, mais même là l’énoncé ne va pas de soi. Il dit
il n’y a qu’un temps donc les "Divers temps doivent être subsumés sous
un temps unique". Le problème de l’unité, c’est
aussi le problème de la pluralité, qui est laissé de côté. Ça produira des
difficultés dans le rapport de la pensée de Kant à l’histoire : la
séquentialité, la pluralité des temps historiques etc… D’où problème dans le
traitement de l’histoire. On peut ouvrir à l’hypothèse qu’il y a une
pluralité de temps.
Comment se développer la difficulté dans le
rapport à la nature ? L’analytique du temps est peut-être insuffisante.
L’analytique du temps, c’est le divers du temps. Le divers du temps, pour Kant,
se réduit à la permanence, la succession et la simultanéité (3 analogies).
C’est peut-être une analytique pauvre. Ça ne rend pas justice à la pluralité
intrinsèque du temps autant qu’il le faudrait. Kant ouvre à une analytique du
temps (idée qu’il y a des modes du temps, une pluralité de temps…). il y a un
temps, mais à l’intérieur il y a des modes du temps : il y a une
pluralité. Mais elle n’est pas poussée assez loin. Il y a peut-être plus que 3
temps, et peut-être qu’il y a une pluralité temporelle supérieure à celle de
ses modes. Les indications phénoménologiques du temps sont chez Kant trop
scolastiques. Cette théorie des modes du temps est scolastique.
C’est la question du rapport de Kant à
l’héritage. Par exemple, il y a une faiblesse de Kant dans son rapport à la
logique, pas de progrès depuis Aristote (thèse controuvée historiquement),
c’est le moment où Kant entérine la tradition (comme la fin de la
logique : là aussi il s’est planté). Dans sa théorie du temps il entérine
aussi la tradition. Si la phénoménologie du temps était plus pluraliste,
quelles seraient les conséquences sur le concept de nature ? C’est le
problème de son unité qui se trouve atteint : l’idée que tous les
phénomènes prennent place dans une nature. Ça, c’est soutenu par l’unité de
l’aperception + il n’y a qu’un temps (qui n’est pas représentable comme
tel : n’est représentable que la liaison). Ce qui se laisse représenter,
c’st les liaisons et pas le temps lui-même.
Mais s’il y a plusieurs temps, et si certains
sont représentables (conscience intime du temps), alors la thèse de
l’obligation d’une nature devient elle-même précaire. Peut-être faut-il
ouvrir à la thèse que même si nature est un opérateur synthétique, il n’est pas
sûr qu’il y a forcément qu’une seule nature. ça va dépendre de la
phénoménologie du temps. A la semaine prochaine, pour une synthèse terminale.
Pour cette dernière leçon sur le concept de
nature, je vous propose 3 segments un peu hétéroclite :
1° à titre récapitulatif je proposerai quelque chose sur la difficulté de définition du
concept de nature, quelques développement sur la nature et protocole de
définition, peut-on réellement définir la nature ?
2° un exercice concernant la tentative de
définition des multiplicités naturelles, qui m’est propre : l’important
est de montrer comment ça illustre la difficulté particulière pour définir ce
qui est naturel, ou la nature. ça se finira sur une chicane entre la nature et
ce qui est naturel.
3° un temps de discussions ou de questions
Montrer qu’il y a une difficulté singulière dans le problème de la définition de la nature, ou de la proposition d’une définition de la nature. Je vais vous proposer 4 difficultés spécifiques concernant la question de la définition de la nature. Je les nomme :
- la figure du redoublement
- la figure de la circularité
- la figure de l’écart
-la figure de l’unité
le point de départ de cette difficulté, c’est
qu’on peut entendre et qu’on entend généralement par nature d’une chose ce
qu’elle est en elle-même ou par elle-même, ie ce
qu’elle est dans la supposition d’une donation de son être non encore altérée
par des incidences extérieures justement à cette nature. c’est une définition
vague mais qui est un peu le fond définitionnel. La nature d’une chose, c’est
en fin de compte son être propre, mais son être propre pris dans son immanence,
dans son mouvement propre, non encore contaminé, corrompu ou altéré par quelque
chose qui serait justement extérieur à cette naturalité constitutive. Par exemple,
c’est très frappant dans la thématique de la nature humaine. Pour autant qu’on
suppose qu’il y a une nature humaine, c’est un élément qui identifie un être de
l’homme, un être générique de l’homme, antérieurement à ce qui l’en écarterait.
La nature humaine, c’est une sorte de fond donné. Cette idée de dination est
une bonne … C’est le donné primordial, relativement à telle ou relle
singularir.
Par csqt, la nature d’une chose, dans ce cas, c’est sa définition, ce qui permet d’accéder
à son être le plus propre, ou à sa donation originaire non encore déformée, ou
aliénée. par démarcation avec une éventuelle altération ou aliénation (même quelqu’un
d’aussi éloigné du naturalisme que Marx soutient qu’il existe une nature
générique de l’humanité aliénée, contaminée, déterminée. Ça se déploie à partir
de la supposition d’une nature cf Manuscrits 1844).
Du coup, l’identification de la nature d’une chose c’est en un certain sens une
seule et même chose que sa définition. … définir c’est situer sa nature. c’est
ce qui situait toujours la nature entre l’être et l’essence. La nature est ce
qu’on chose est dans le mouvement de sa donation 1ère, et ce qui
l’identifie. La nature vient s’intercaler entre l’être (comme donation 1ère)
et l’essence (comme définition). C’est une des acceptions fondamentales que de
s’intercaler entre être et essence. Ni exactement être, donation générale, ni
exactement essence… Moment où l’être se noue à l’essence (dans sa singularité).
C’est bien ça qui supporte la définition. Donc si finalement la nature d’une
chose est donnée dans sa définition, à supposer que sa définition soit
possible, définir la nature c’est un peu comme définir la possibilité de la
définition. Nous avons déjà croisé cette difficulté. Il y a dans le projet de
définir la nature quelque chose qui touche aux conditions de possibilité même
de la définition. Si vous définissez ce qu’est une nature ou la nature, vous
êtes dans l’espace de…. Quelque chose comme définir la définition.
Entre définition et défini, il y a un rapport particulier quand il s’agit de la
nature. la nature autorise la définition, mais là c’est ce qu’on essaie de
définir, de donner sous une forme définie. Mais le défini de la nature, c’est
la définition. Il y a toujours, quand on traite de la nature, la question de la
définition mais la question de la définition de la définition. Il y a d’autres
figures du redoublement : Kant : nature, c’est moins la nécessité que
la nécessité de la nécessité. La nécessité seule est insuffisante (il faut un
redoublement, il faut en venir à la nécessité de la nécessité).
Par conséquent, nature, c’est quelque chose qui est engagé dans la théorie de
la définition. Autrement dit, toute définition véhicule une théorie ce que
c’est que la nature d’une chose définie. Il n’y a pas de définition sans
théorie implicite ou explicite de ce que c’est que la nature d’une chose, la
chose à définir. De sorte que si vous cherchez à définir la nature, vous avez
une figure de redoublement : c’est définir la définition. Il y a une
difficulté spécifique. En réalité, c’est un mode d’examen possible des
définitions de la nature par les grandes configurations philosophiques. La
question se pose de savoir quel est le rapport entre la définition de la nature
et la nature de la définition. Dans qu’est-ce que définir, il y a une … la nature
dune chose, la visée intentionnelle de la définition. Je redis que cette figure
du redoublement, il y en a d’autres, qui gravitent autour (comme nécessité et
nécessité de la nécessité)
elle est apparentée mais un peu différente.
Pour une définition, à supposer que vous entrepreniez de définir la nature, il
faut d’autres thèmes, d’autres notions. Vous allez identifier ce qu’est la
nature à l’aide d’autres concepts que celui de nature. il y a une grande
variabilité de ce recours, mais il est inévitable. La question qui se pose
est la suivante : ces autres concepts dont vous allez vous servir dont
définir la nature, peuvent-ils être soustraits à la question de leur régime
naturel, à la question de leur propre nature, à la question de leur insertion
dans la naturalité ? Là, c’est une question apparentée, qui engage dans
des voie de circularité. Si vous vous servez de tel ou tel concept pour
identifier la nature, omment allez-vous soustraire ces concepts à des
considérations sur leur être naturel ou leur fonctionnement naturel ?
Je donne un exemple : la question de la
définition de la nature chez Aristote. Je ne la prends là que dans son arête.
Pour l’essentiel, au début de la Physique : Aristote entreprend de définir
la nature à partir de l’étude des catégories de changement et de mouvement. La
nature est une catégiorie du mouvement, du changement, des différentes espèces
de changement : translation (lieu), mais aussi la génération et la corruption.
Vous avez une tentative d’identification de la nature à partir de la pensée du
mouvement, dans une acception large. Et cependant, on va avoir la distinction
entre mouvement naturel et mouvement violent ie non-naturel. le mouvement
naturel est le mouvement par lequel un corps se déploie vers son lieux
naturels, A quoi s’opposeront les mouvement violent, non naturels, par quoi un
corps est écarté de son lieu naturel). Vous voyez le problème : il y a la
question de savoir ce qui est naturel dans l’identification même de ce qui est
naturel. Si ce qui est naturel est identifiable par la question du mouvement,
le mouvement est identifiable par ce qui en lui est naturel ou ne l’est pas.
l’identification de la nature est circulaire au sens où elle fait retour sur
elle-même. Le mouvement désigne la sphère de la pensée de la nature mais il
faut désigner dans le mouvement ce qui appartient à la nature et ce qui est
violent, en écart. Il y a toujours un moment où il fau que le concept
identifiant soit soumis à l’examen de sa naturalité.
Je prends un 2ème exemple :
Nietzsche. Pour Nietzsche, toute identification est une évaluation (on a dit
interprétation). Le concept clé de l’évaluation est le concept de valeur. La
valeur est associée ou attribuable à une force. Et la nature de toute
évaluation est vitale, l’essence naturelle de l’évaluation, c’est la puissance
de la vie comme telle (dans sa dimension active ou dans sa dimension réactive).
Toute identification est une évaluation, et toute évaluation est vitale.
Finalement, on peut soutenir que la nature
d’une chose (la nature d’un type), elle se donne bien dans la corrélation vitale
affirmative propre qui constitue sa généalogie. On voit bien que en définitive,
nature est renvoyée comme identifiant la vie. La puissance de la vie est ce qui identifie dans chaque
type sa nature propre, ie la possibilité de son évaluation. Tout ceci aboutit à
la question : quelle est la nature de la vie ? Comment se fait
l’évaluation de la vie elle-même ? L’évaluation des types vitaux se fait
selon la vie, mais comment se fait l’évaluation de la vie ? Quel est le
principe d’évaluation de la valeur de la vie ? La réponse de
Nietzsche est explicite : la valeur de la vie ne peut pas être
évaluée. C’est un énoncé essentiel de l’ontologie de N : il n’y a pas
d’évaluation de la vie, car c’est la clé de toute évaluation. La valeur de la
vie est laissée en suspens. Pourquoi la clause de fermeture est si
importante ? Pourquoi la vie est non-évaluable ? Parce que la vie
c’est précisément la clé de toute évaluation. C’est l’énoncé par lequel Nietzsche
arrête la circularité concernant la nature. A la question éventuellement
circulaire de comment évaluer la vie quand toute évaluation est vitale ? Nietzsche
répond : il n’y a pas d’évaluation possible, la valeur de la vie restera
non-évaluée. Vous voyez que dans ce cas, point remarquable qui n’est pas propre
à Nietzsche, vous introduisez au cœur de la nature de l’indétermination,
quelque chose de la détermination va être laissé en suspens. Inévaluable, c’est
l’indétermination. Le fonds dernier est inévaluable. C’est le principe de la
circularité : quel est le principe naturel de ce qui sert à identifier la
nature ?
Vous avez 2 voies là-dessus :
- soit on assume la circularité, comme
Aristote (le mouvement identifie la nature, et il y a des mouvements naturels
et d’autres non)
- soit on a un énoncé d’interruption, comme
Nietzsche, ie quelque chose qui arrête la circularité en un point conceptuel
déterminé. Le point d’arrêt pour Nietzsche, c’est la vie. La vie pour Nietzsche
est soustraite au régime d’identification, la vie est ce qui ne sera pas
évaluable. Si elle pouvait être évaluée, on aurait un cercle complet. Voilà
pour la 2nde difficulté
on va prendre un autre point de départ, qui
est le suivant. Une définition, quelle qu’elle soit, a une puissance différentielle,
sinon elle n’a aucun intérêt. Elle doit distinguer le défini de ce qui n’est
pas lui, d’une manière ou d’une autre. Il y a toujours une visée différentielle
de l’opération de définition. Donc si vous entreprenez de définir la nature,
vous allez identifier ipso facto ce qui n’est pas nature (même pour Spinoza :
il se peut que le non-naturel soit néant, mais même cette conclusion est une
identification). Dans le cas particulier de nature, on dira que tout définition
de la nature produit la place – éventuellement vide – du non-naturel. Disons-le
comme ça. De ce qui est non naturel, de ce qui est hors-nature (même si on ne
met rien à cette place, on a toujours une place produite, même si elle est
déclarée vide). La question est alors : quelle est la provenance du
non-naturel, de ce qui est hors nature ? Quel est le régime de pensée qui
aborde la question de la place du non-naturel, place construite par la
définition de la nature ?
Exemple : Kant dit par nature j’entends
la liaison nécessaire des phénomènes. Sera non-nature ce qui n’est pas au régime
de la liaison nécessaire. Y a-t-il quelque chose qui n’est pas au
régime du non nécessaire ? Oui, la liberté, qui relèvera de la raison pure
pratique etc… Le simple fait de définir la nature comme espace des liaisons
nécessaire, vous fixez ce qui déroge à cette définition. Vous voyez comme la
définition commande non seulement le défini et cette place extérieure, ie
certains prédicats de ce qui peut être non naturel, en l’occurrence non
nécessaire, non réglé par la nécessité. Kant esquisse une théorie de la liberté
comme non nature, comme non nécessité Comment se construit cet écart ?
quelle est la généalogie, la provenance le type de pensée de l’écart ainsi
constitué entre la nature au régime de sa définition et la place de ce qui est
non naturel ou hors nature ? Comment se construit cet écart ? Cet
écart suppose que l’on accepte originairement qu’il puisse y avoir une place
pour le non nature, pour le surnaturel, ou pour le suprasensible. Y a-t-il une
naturalité de cet écart ? vous ne pouvez empêcher le retour de la
généralité retorse du concept de la nature ! La question de la naturalité
n’est pas la question de la non nature. Avec la définition de la nature on
constitue une place, éventuellement vide, pour la non-nature. Le problème n’est
pas tant la nature du non-naturel que la nature de l’écart entre naturel et
non-naturel (Spinoza : Dieu est ce qui ne laisse hors de soi aucune
possibilité de remplacement d’une place, toute place est intradivine, ie
intranaturelle). Ce qui est une question inévitable, c’est la naturalité de
l’écart, puisqu’il est créé par la définition même de la nature. Qu’est-ce qui
dans la nature telle que vous la définissez autorise de façon intérieure qu’il
y ait écart entre nature et autre chose que nous laissons pour l’instant
indéterminé ? Autrement dit, y a-t-il une trace dans la définition de la
nature de la nécessité qu’il y ait écart entre la nature et autre chose
qu’elle-même ? Exemple : c’est ce qui rôde dans la distinction
aristotélicienne monde sublunaire – monde supralunaire. Les distinctions de cet
ordre sont corrélée à la question de l’écart de ce qui n’est pas (c’est une
question interne à question de la nature). c’est la question de savoir dans
quelle mesure il est interne à la nature et à sa définition de supporter un
écart avec ce qui n’est pas elle. Kant ne cesse de revenir sur cette question.
A certains égards, c’est sa question. CRP : noumène et phénomène, raison
pure théorique et raison pure pratique. L’organisation interne de la pensée
kantienne est de penser ce qui dans la détermination de la nature supporte ou
rend possible la trace de la non nature. il ne peut s’empêcher de rêver qu’il y
ait qch de synthétique là dedans, qui prendra la forme de la symbolique…. Si on
creuse un peu, vous pouvez mettre au travail l’idée que le concept de nature
est tel que savoir quel rapport il soutient avec ce qui n’est pas elle, est une
question interne à la construction du concept même de nature. c’est propre au
mot nature. Nature, à raison de son intercalation dans les dialectiques philo,
supporte nécessairement la question de l’écart.
Ce serait trop long à détailler, mais je vous
propose une piste : je pense qu’il n’y a que 2 voies de traitement,
peut-être 3.
- une voie dualiste, qui est de registrer
l’écart entre nature et non nature comme une disposition fondamentale de l’être
lui-même. A partir du concept de nature, elle organise l’écart naturel entre ce
qui relève de la prédication naturelle et ce qui n’en relève pas.
- une voie dialectique : la voie qui fait
de l’écart un moment, le moment d’une synthèse possible (en gros, Platon, Hegel).
- il y a une voie surnuméraire, qui est de
tenter de nommer le non-écart, ie il n’y a pas d’écart. Il faut éviter l’écart,
écarter l’écart. C’est la tension de pensée, comme celle de Spinoza, ou celle
de Deleuze. On pourrait presque définir ces pensées comme des pensées qui
tentent de s’installer dans la pensée de la nature en évitant la position d’un
écart, et qui donc vont répudier
non seulement le dualisme, mais la dialectique. La dialectique est un
adversaire de Deleuze. Pourquoi ? Dialectique est une solution au problème
originaire de la nature écartée du non-naturel. Deleuze veut une immanence
radicale, donc une nature sans écart. Ça aboutit à quelle conclusion inéluctable ? A ceci que il ne faut
donc pas définir la nature. La nature, c’est ce qui est soustrait à la
définition. Dès que vous avez une définition, vous avez un écart, même si c’est
une place vide. La thèse est que nature est ce qui n’est pas autorisé d’une
définition. Ça veut dire que nature, c’est au fond ce qu’on pourrait appeler un
mot primitif. Vous allez vous en servir comme un opérateur, mais il ne sera
jamais thématisé dans des définitions. Toute définition est idéaliste. Définir
est un idéalisation fallacieuse de l’immédiateté naturelle et de son immanence.
Il faut s’interroger sur les tentatives de définition comme prise de position
sur la figure de l’écart. Ce sont des pensées qui appellent à une construction
particulière de la pensée où il y a des mots primitifs (j’appelle mot primitif
un mot qui avaleur opératoire pour la pensée et qui n’est pas saisissable dans
le champ de la définition, un opérateur singulier mais non défini).
elle est apparentée à la précédente mais un
peu différente. Le problème est cette fois le suivant : nature est un des
noms de l’immanence. Nature, c’est ce qu’il y a, mais pris dans l’intériorité
de son mouvement. Depuis toujours, c’est ça, nature, c’est déjà ça chez
Aristote. C’est ce qu’il y a, mais en tant qu’appréhendé dans l’immédiateté de
son mouvement propre. Donc une définition de la nature, suivons ce fil, c’est
une définition de ce qui est pensable du mouvement propre de ce qui est, qch
comme ça. C’est une définition non pas de ce qui est, mais une définition qui
atteindrait l’immanence de ce qui est, le principe de son déploiement. La
naturalité, c’est ça. Une chose est dans son mouvement naturel quand elle se
déploie suivant le mouvement propre de son être.
Mais alors, la question est alors de savoir
comment on nomme le résultat, ie l’actualité du il y a comme résultat de son mouvement propre, ou comme découpe de son
résultat. Est-ce que ceci est soustrait à la définition de la nature ? si
la nature c’est le mouvement propre, que dire du résultat ? C’est le
problème de Spinoza : nature naturante - nature naturée. Il y a 2 faces
d’une même chose, la face active ou productive, et la face passive du résultat.
Chez Deleuze, c’est virtuel / actuel. L’essence de la vie naturelle, c’est la
virtualité. Ce qu’il y a, c’est le mouvement d’actualisation. Quel rapport avec
l’essence de la nature ? SI l’essence est actualisation, qu’est-ce que
l’actuel ? est-ce une partie morte de la nature ? est-il comme une
face de mort ? Si la nature est activité, qu’est-ce que la
passivité ?
De même chez Nietzsche : c’est la
question du rapport exact forces réactives – forces actives. L’essence de la
vie c’est l’affirmation. Quel rapport à la vie affirmative au réactif, le
mortifère, le ressentiment, la culpabilité etc…
Si on dit que la nature, ultimement, c’est le
principe du mouvement propre des choses, alors comment registrez-vous le
résultat de ce mouvement ? ie sa figure de production dans la modalité du
produit de la production ? est-ce que ceci n’aboutit pas à toujours
scinder le concept de nature ? Ie d’avoir 2 faces, et pas une
seule ? Activité / passivité,
ou actuel / virtuel, ou nature naturante / nature naturée, ou actif / réactif
etc.. Ou même, du mouvement et repos, dès Aristote. Par exemple, prenons le…….
principe d’inertie possible : vraie nature du corps c’est quand il est au
repos, dans son lieu naturel. S’il doit le rejoindre, c’est qu’il l’a quitté.
Nature est-ce le mouvement, même naturel, ou la nature dans son essence intime,
est-ce le repos ? Et on a la discussion sur le mouvement circulaire, le 1er
moteur immobile etc… Le mouvement suppose qu’on s’en est écarté).
Problème : quel est le sort fait à
dualité presque irrémédiable du concept de nature, qui en fin de compte est
traversé par l’opposition de l’actif et du passif. C’est la question de l’unité
du concept : est-il unifiable, ou toujours dualité ? Le 2 est à
l’œuvre, même et surtout dans les pensées non-dualistes. Le 2 est un 2 opératoire.
Exemple : Spinoza et Deleuze sont catégoriquement non-dualistes dans la
compréhension primordiale qu’ils se font de l’âtre, mais concept la nature est
dans une schize. Elle n’est pas ontologique, il y a une univocité de l’être,
mais c’est un dualisme opératoire qui traverse concept de nature et en constitue
la pertinence.
Toute définition supposée du concept de nature
doit résoudre ces 4 problèmes. Une philosophie tente de résoudre ces 4
problèmes d’un seul coup. Elle tente de donner une formulation une la solution à ces difficultés d’un seul
mouvement. Nature c’est vraiment un opérateur à vocation synthétique.
Aujourd’hui, où en sommes-nous, de ce point de
vue ? la question de la nature est-elle une question philosophique aujourd’hui ?
Je donne juste une esquisse. Une caractéristique contemporaine, c’est que la
science a abandonné tout projet de ce genre (OK, il y a une équivoque aux XVIIème,
XVIIIème, peut-être même XIXème : équivoque en
appui. Il y a une complémentarité sciences-philosophie). Nature n’est pas
d’aucune façon un concept de la science contemporaine. Dans son développement
effectif, c’est un concept entièrement dissous. Même les sous-concepts sont
dissous : matière n’est plus un concept stable ou un opérateur
significatif, et vie lui-même est un opérateur indistinct, au fond depuis la biochimie.
Même les sous-espèces de nature sont éliminées en tant qu’opérateurs internes.
Matière et vie ne sont pas des opérateurs internes de l’activité scientifique
contemporaine. On est renvoyé à autre chose que cet espace-là pour identifier
ce qu’est la nature. Avant, la philosophie accompagnait la science sur cette
question, et elle avait intériorisé le compagnonnage. Aujourd’hui, nous n’avons
pas de compagnonnage de cet ordre. Hypothèse : peut-être faut-il sacrifier
le concept, si la séquence d’accompagnement est révolue ? Sa consistance
est incertaine.
Il faut remarquer que le concept est distribué
ailleurs que dans la science. Où ? A mon sens, il 2 autres
distributions :
- il a une distribution poétique ou artistique
(
- il a une distribution politique, ou
éthique
Il se peut que le concept ait changé de
système de conditions. Après avoir été dans un compagnonnage avec la science et
singulièrement la physique, il accompagne autre chose. Il faudrait prospecter
sur les usages contemporains poétiques du référent naturel. La nature dans
l’art ou le poème, c’est quoi ? depuis l’esthétique classique, ça
fonctionne. Mais dans la période moderne, elle fonctionne de 3 façons,.
- la nature comme réserve poétique, répertoire
comparatif, ce qui est sa réserve aussi d’intemporalité. C’est un point très
important : si vous nommez les montagnes, la mer c’est ce par quoi vous
projetez une actualité possible dans l’intemporalité. C’est une ressource
possible.
- la nature comme lieu ou comme site pour le
sujet. C’est un lieu possible de confrontation subjective ou de mesure de
sujet. Exemple : la nature peut désigner la permanence indifférente de
l’être par rapport à la subjectivité souffrante (topos romantique). Ou bien elle
peut au contraire désigner le lieu de l’extase (Rêveries de Rousseau, des
textes de cet ordre. Elle peut avoir bien d’autres figures. C’est sa fonction
de lieu référentiel pour les configurations subjectives.
- la nature désigner une sorte de perte obscure,
quelque chose de toujours raturé, devenu obscur, ou perdu, et dont il y a un
deuil essentiel.
Ça commence assez tôt : Mallarmé dit
« La Nature a lieu, on n’y ajoutera pas ». la nature, c’est un
avoir-lieu désormais sans vertu, c’est une chose à laquelle on n’est plus
accordé de façon créatrice. C’est sa signification la plus forte : c’est
quelque chose comme "il n’y a plus de nature".
quand vous dites ça, vous prononcez en même temps une sorte de mélancolie ou le
stoïcisme. Vous êtes dans le deuil prononcé de ce n’avoir plus lieu.
Donc je dirais que :
- la nature absentée de la science
- dans mais le poème ou dans l’art, la nature
est prononcée dans son absence. dans la poésie, sourdement, depuis le
post-romantisme, ou après le symbolisme, c’est une absence qui se dit comme
absence. C’est une absence qui se dit comme telle. Elle est présente dans
l’efficace de son absence : c’est la métaphore d’une perte, ou d’un
délaissement. Si on construit une définition de la nature à partir de la poésie
contemporaine, ce qu’on va trouver est dans le registre du manque. Je ne
cherche pas une définition, mais ça ne sera pas une positivité affirmative. Ça
ouvrirait un développement sur le thème : la nature comme nom de ce qui
fait défaut. Si la nature nomme ce qu’il y a, il y aurait l’avatar dernier
comme ce qui fait défaut, de ce qui s’est retiré, est absent. La nature non
plus comme ’exaltation, mais plutôt comme deuil.
La nature dans la politique, comme référent
écologique : la nature est identifiée dans la rétroaction de la technique.
Il existe une identification collective, politique, sociale, de la nature, qui
est dans la rétroaction de la technique. Est nature ce qui mérite d’être
protégé de la technique. C’ets la définition. Est nature ce qui peut venir à cette place d’avoir à être protégé de
la technique. La nature est définie comme une réserve. Ça se solde par des
réserves. Vous mettez la nature en réserve, dans des réserves. Prenez les réserves
naturelles : nature est dans les parcs… elle est artificielle, c’est un
décret de mise en réserve de ce qui est à protéger rétroactivement de l’excès
techinque. Nature est un protocole de limitation, c’est une limitation de
l’entreprise technicienne (industrielle, financière etc...)
Conséquence en philosophie : la nature
est définie comme l’espace de la réserve. Vous voyez en quel sens : ce qui
peut être réservé, et préservée, et qui doit l’être, de la rétroaction
technicienne). Ça incut des choses énormes. Par exemple : la question du
caractère naturel de reproduction de l’espèce humaine. Faut-il préserver
certains aspects considérés comme naturel de la reproduction de l’espèce
elle-même ? ou la question des clônes. Je ne vais pas rentrer dans des
questions de société. C’est la définition de ce qui est naturel qui travaille
dans cette affaire. Ce qui est mobilisé, c’est bien l’horreur éthique qu’il y
aurait à touchern à quoi ? à toucher à la nature humaine etc… La nature
est définie comme l’espace de réserve. Il faut une clause de réserve dans le
déchaînement des possibilités de la puissance technique. C’est un principe de
limitation, ou de restriction de l’entreprise technicienne universelle.
Je conclurai donc en disant qu’il y a une
triple négation du concept de nature dans le monde contemporain :
1° il y a son absentement scientifique. Qui
est une des formes du déliement ininterrompu entre science et philosophie.
nature servait de catégorie tampon entre science et philosophique. Au fur et à
mesure que le déliement s’accentue, la catégorie ne fait plus tampon. ce qui ne
veut pas dire qu’il n’y a pas de catégories tampons. Il n’y a plus de jonction
avec la nature quand le déliement s’organise et continue.
2° il y a une prosopopée de l’absence dans
l'art ou dans le poème (c’est différent du simple absentement).
3° politiquement, il y a une réserve. Une mise
en réserve.
A supposer que la philosophie maintienne cet
opérateur synthétique, eh bien elle le fera dans des conditions d’abord du
délaissement scientifique. Au point que la science apparaître comme une
anti-nature, et pas du tout comme son exploration. On en est au point où il
faut mettre la nature en réserve de la science. Délaissement scientifique, mais
aussi conditions de précarité esthétiques et politiques : c’est dans les
conditions d’absence et de la réserve là aussi le négatif prédomine.
Résoudre ces 4 difficultés du concept de
nature, et les résoudre c’est
proposer une philosophie de la nature, une voie sur ces 4 difficultés,
faire cela, c’est suprêmement difficile aujourd’hui. Car on est dans des
conditions de délaissement scientifique et de précarité politique. La
question est de savoir si le mot nature a terminé sa carrière spéculative.
Faut-il dire, comme Mallarmé, que la nature, ça a eu lieu et on n’y ajoutera
pas. On n’y ajoutera pas, ça veut dire : on n’aura plus rien à en dire à
proprement parler. C’est réellement une question posée.
Et contre cela, je ne vois guère de réellement
actif que le maintien de nature comme mot primitif, ouvert, et en partie
indécidé (c’est la voie deleuzienne). Ça demeure un opérateur synthétique
majeur (sous le nom de vie ou même de désir) mais au prix d’une renonciation
explicite à toute définition. Donc dans le statut d’un mot primitif ouvert.
Ouvert à quoi ? ouvert à une nouvelle situation de la nature sur ce point.
Je sacrifie la partie 2, est-ce qu’il y a des
questions ?
Question :
est-ce qu’elle est vraiment absente de la science (cf vulgarisateur) ?
Réponse :
La vulgarisation c’est le nouveau présenté dans une figure de la
rhétorique ancienne. C’est tenter de présenter un état nouveau de la dispo
scientifique dans des connexions ou une rhétorique qui relève de l’état
antérieur de la transmission. On ne transmet pas le nouveau comme tel, sauf aux
scientifiques. On serait dans un abrupt de la transmission qui la rendrait
impossible. La science fait totalement l’économie même de son
auto-représentation comme nature. même dans la cosmologique ou la théorie de
quanta, on n’a pas le mot nature.
Question :
polémique des années 20 ?
Réponse :
dans les années 20, c’est encore un opérateur. Prenez les réticences de
Einstein devant les quanta, c’est une représentation de la nature qui est à
l’œuvre, d’ailleurs kantienne. S’il n’y a pas de nécessité ce n’est pas naturel
(Dieu ne joue pas aux dés etc…). … La science s’oriente vers la conviction…
pluralisme effectif. A chaque échelle sera attenant… plus de place réellement à
cette totalisation minimale que désigne le mot nature. c’est un processus qui
n’est pas achevé, mais le processus en cours est l’absentement progressif des
opérateurs de jonction avec la philosophie. ça affecte nature, mais aussi matière
et vie. Dire que la biologie est la science des processus vivants va devenir
indéchiffrable. Vie sera absenté de la biologie. Ça laisse la philosophie au
regard de ces catégories là dans un assez grand orphelinat, qu’on sent monter.
La forme empirique est l’incertitude de détermination totale des commissions
d’éthique. Tout ce qui peut se faire se fera. Les opérateurs sont des
opérateurs philosophiques délabrés : nature humaine, respect de l’homme
etc… tout ça n’a plus de connexion interne ou en pensée avec la science. La
difficulté n’est pas qu’il y a des méchants techniciens et des bons éthiciens.
La manière de se représenter la normativité de tout cela, qu’est-ce qui est
acceptable inacceptable touche au mot nature, ie un respect de la nature, des
espèces animales, de la nature humaine, mais ces opérateurs ne sont plus réellement
connectés à la science. La question de savoir comment les arbitrages sont réels
est compliquée. Il y a une déshérence du mot nature qui est désappropriée à la
science…… c’est disjoint. C’est une situation qui à l’égard du mot nature est
une situation nouvelle.
Badiou : je
vais vous poser une question, alors ! Nature est-ce que c’est un opérateur
de pensée qui vous sert, qui nous dit quelque chose, et comment ? c’est une hypothèse qui rôde :
nature soit désormais un mot sacrifié, qui ne soit plus que le nom d’une
défensive (défensive de ce qu’on met péniblement en réserve du déchaînement
technique, ou en réserve éthique…). Imaginons ça, que nature ne soit plus
qu’une défensive par rapport à
autre chose. Et que pour cette raison il est dévitalisé philosophiquement. Il
n’a plus de puissance active. Non seulement il ne rend plus possible une philo
de la nature (H) mais même un usage argumenté du mot nature dans l’espace
philosophique.
… catégorie du loisir, mise en réserve du
temps ? est-ce qu’elle a eu lieu, simplement ? il faut retrouver une
connexion entre les études de philosophie et le réel des choses. Le mot de
nature sert encore à qch, au moins dans le champ de transmission de la chose.
Est-ce que l’un de vous plaiderait pour un usage renouvelé du mot nature ?
Intervention : ……
Réponse :
sauf que là vous traitez un point intéressant, mais là intervient de manière
essentielle la question de l’infini. Le point c’est que la question de savoir
si l’univers est infini etc… le mot infini n’est pas présent dans
l’organisation scientifique contemporain. La cosmologie n’est pas cosmologie de
l’infini, on suppose très communément que l’univers est plutôt fini. Chez
Spinoza l’opérateur causal est un opérateur de connexion fondamental : une
chose singulière est défini à partir de là…. Vous avez l’indication de niveau,
niveau modal, les passions. Spinoza dispose encore d’opérateurs conceptuels
synthétiques un peu plus élaborés que simplement l’infinité de la substance. Ça
on ne l’a pas dans le dispositif scientifique contemporain. Il faut affronter
l’idée que ce dispo travaille contre l’héritage selon laquelle la physique
serait la science de la nature. hypothèse que la physique est une
déconstruction de la catégorie de nature. je pense que la biologie
contemporaine est une déconstruction de la catégorie de vie. Les catégories
dont on se sert pour normes les pratique scientifique sont les catégories que
la science déconstruit. Par exemple, sur les clones, toute une branche déconstruit
la catégorie d’identité. ce n’est pas un problème de normativité mais de
connexion : la norme doit avoir un régime de connexion avec ce qu’elle
norme. Quel est le schème de la norme ? commet se connecte-t-elle à ce
qu’elle norme ?
Par exemple, il y a l’impératif catégorique de
Kant. Mais il faut un schème minimal de l’efficience d’où la théorie du
respect, schème de la loi dans l’action.
On a le même problème : la question non
pas quelle est la norme mais quel est son schème. Normes : quelles
sont-elles, mais surtout quels sont les schèmes qui les relient à leurs
objets ? Comment opèrent-elles ? Les normes sont des vieille
catégorie philosophique qui ont servi interface science / philosophie (comme
vie, matière, nature, causalité). Elles pouvaient servir de norme car elles
étaient des schèmes de connexion philosophie / science. Elles intervenaient
dans la représentation que les scientifiques se faisaient de la science
elle-même. Ces catégories sont délaissées ou absentées par la science, de façon
telle que la normativité qui continue à utiliser ces catégories est dépourvue
de schème. Elle est en disconnexion de ce qu’elle prétend normer. La question
n’est même celle de la validité de la norme, qui sont des options philosophiques
ou religieuses. Nouvelles discussions, connexions, avec ce qu’elle prétend normer.
Pour trancher sur la nature, les mère porteuse, les clones… vous tranchez avec
des catégories philosophico-éthique. Mais quel est le degré de connexion entre
ces cat et l’espace du dvp impavide et irrépressible de la science sur ces
questions ? dans les conditions actuelles, l’impératif technique
l’emportera. Tout ce qu’on peut faire, on le fera. C’est une annonce. C’est pas
avec des catégories épuisées qu’on arrêtera quoi que ce soit ?
Rappel : la nature comme mise en réserve
est un concept nouveau. Qui accepte que nature soi en rétroaction de la technique.
Le concept est limité et nouveau. Peut-être peut-il se connecter à la science,
en posant les conditions scientifiques de la mise en réserve. le concept de
réserve a commencé avec les indiens. Début de l’écologie : idée que la
naturalité doit être préservée dans la figure de la réserve ; concept de
réserve = plus esthétique, éventuellement politico-éthique. Appui sur des
considérations de paysage et d’environnement. Qu’est-ce que
l’environnement ? Il faut du naturel
dans l’environnement : c’est une thèse nouvelle (pourquoi
faudrait-il du naturel ? C’est quoi, du naturel artificialisé par la
réserve ?). Environnement = nom donné à la nature dans la rétroaction de
la technique. Il faut qu’il reste un peu de ce qu’il y avait avant. Délabrement
du concept de nature.
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