François Nicolas Ma femme a 3 enfants d'un premier mariage : Simon 17 ans, Paul 15 ans et Andréa 9 ans. De mon côté, j'en ai également 2 d'un premier mariage : Guillaume 18 ans, Bruno 13 ans. Il y a 1 an, on a décidé de compléter la collection d'un dernier bébé, une fille de préférence puisque je n'en avais pas. Et nous voilà avec des triplés, Louis, Marc et Inès. Dès la première échographie, le médecin nous a annoncé la nouvelle. On a éclaté de rire. On ne s'y attendait pas du tout (Les triplés sont spontanés). J'ai le sentiment que soit on éclate de rire, soit on éclate en sanglots. On a refusé toute réduction du nombre de foetus. On avait décidé dès le départ qu'une naissance allait arriver dans la famille. On n'allait pas, ensuite, faire le tri, en se disant : je veux bien 1 enfant, mais pas 3, comme on pourrait se dire : je veux bien un beau brun, mais pas un mongolien, un bec de lièvre, une fille... Les problèmes A cette époque, chaque famille vivait séparément, dans son propre appartement. Même avec la naissance du bébé, on ne pensait pas changer notre manière de vivre. Mais avec 3 bébés, ça devenait différent. On a choisi de déménager dans le plus grand des appartements ; et on a aussi décidé de se marier. On ne croit pas au mariage, mais administrativement, ça nous sécurisait. C'était une décision en cas d'éventuels problèmes à l'accouchement. On a donc véritablement recomposé une nouvelle famille. Ce changement n'était pas simple à nos âges. J'avais 50 ans, et ma femme 38 ans. Habituellement, à cet âge, on se met à profiter du temps libre, d'une plus grande aisance financière. C'est sûrement mon vieux penchant anti-conformiste. Les aînés Guillaume, mon aîné, a peut-être été le plus inquiet. Il a 18 ans, il devait sentir que c'était à son tour d'être père. Il a trouvé à un moment, qu'à mon âge, c'était de la folie de reconstruire une nouvelle vie, mais ça n'avait finalement pas grand chose à voir avec les triplés. Aujourd'hui, il est lui aussi très fier, il voit qu'effectivement, ça comporte beaucoup d'inconvénients au quotidien, mais finalement, lui n'a que les avantages. ( Guillaume et Bruno habitent la moitié de la semaine chez leur mère ). Le papa C'est très difficile pour le papa de devoir s'occuper des bébés. Avec un seul enfant, la mère fait face ; mais avec des multiples, c'est chacun dans le même bateau, et tout le monde doit s'y mettre. Je trouve que les problèmes ne sont pas pour les enfants, mais pour les parents. (sauf si les bébés sont malades, mais les nôtres étaient en pleine santé) Pour ma part, j'ai l'impression que l'épreuve croît au fur et à mesure. J'en attendais l'inverse. Dans ma tête, le plus dur allait survenir dans les premiers temps (les biberons de nuit, les nourrissons qui pleurent...) En fait, aussitôt qu'un tunnel est franchi, on s'enfonce dans un autre. Je n'ai pas de mot pour nommer notre quotidien. Le plus proche serait pour moi de dire que cela ressemble à une guerre. A cause de l'urgence, qui fait que chaque moment est lourd de tensions, et que l'esprit n'a jamais le temps de se préparer à d'autres présents. Les soucis sont immédiats. Et chaque moment porte le sentiment qu'il s'y joue une survie. C'est " à la guerre comme à la guerre ". Tout cela me semble plus dur pour le papa, parce qu'il n'a pas l'intuition du bébé, comme l'a la maman. Je ne dis pas qu'un homme n'est pas capable de donner le biberon, ou de changer le bébé. Mais j'ai tendance à penser que ma femme comprend mieux les bébés que je ne les comprends. Je perçois ça quand je l'entends les appeler " mon bébé ", alors que je n'emploie jamais ce terme. Pour moi, c'est " mon fils ", ou " ma fille ". Et quand l'un d'entre eux pleure, je n'arrive pas à comprendre pourquoi. Je me tourne vers ma femme pour lui demander ce qu'il a , alors que l'inverse n'arrive jamais. Elle possède donc, en tant que mère, une intuition que je n'ai pas. La solution la plus simple est donc que la femme s'occupe des bébés. Mais dans le cas de naissances multiples, le père a un rôle forcément plus important. Et ça devient difficile à gérer. Je comprends que certains couples ne résistent pas. Nous, c'est vrai qu'on avait de l'expérience avec nos aînés. Ca a dû nous aider. Propos recueillis par Catherine Sambardier |