mamuphi
mathématiques - musique – philosophie
(org. M. González, G. Laplante-Anfossi,
F.
Nicolas)
Le séminaire se tient à
l’Ircam (1 Place
Igor Stravinsky, 75004 Paris), normalement en salle
Shannon.
Entrée
libre dans la mesure des places disponibles.
Une
diffusion simultanée est assurée sous Zoom.
***
Saison 2023-2024
Pour cette vingtième saison, le laboratoire mamuphi se déploie en :
· Un séminaire
avec des raisonances et retentissements
- mathématiques
- musicaux
- autres
- philosophiques
· Un atelier
· Une école
· Des rencontres
|
(10h-13h) |
(14h30-17h30) |
14
octobre 2023 |
Atelier Les équations abéliennes |
Ivan Marin |
18
novembre 2023 |
Pierre Carré |
Matt
Earnshaw et Thomas Holder |
16
décembre 2023 |
Éric Brunier |
Le Tango (C. Ruiz, A. Schwarz, L. Lévy-Bencheton et Y. André) |
13
janvier 2024 |
École Abel et Arnold |
Grégory Panosyan |
3
février 2024 |
Rencontre Faire face au nihilisme ? |
|
4 mai
2024 (salle
Stravinsky) |
L’oratorio Petrograd 1918 (François Nicolas et Jean Seban) |
|
25 mai
2024 |
Matías
Tripodi |
Jean-Pierre Marquis |
***
Pour tout contact :
–
Martin González : martin.gonzalez
[at] irt-systemx.fr
–
Guillaume
Laplante-Anfossi : glaplanteanfossi
[at] gmail.com
–
François
Nicolas : fnicolas [at] ircam.fr
***
Samedi 14
octobre 2023
François Nicolas – Atelier [1] sur les
équations abéliennes [2]
© É. Thomas, 2023
Résumé • Diapositives
• Vidéo
Ivan Marin - Remarques
sur le système ontologique et logique d’Alain Badiou [3]
***
Samedi 18
novembre 2023
Pierre Carré - De la bibliothèque à la partition, devenir d’un objet-trouvé mathématique dans Pithoprakta [a] de Iannis Xenakis [4]
© É. Thomas, 2023
Matt Earnshaw et Thomas Holder – Warlpiri [b] kinship from a neo-Riemannian point of view [5]
***
Samedi 16
décembre 2023
Éric
Brunier : Vers une théorie des couleurs [6]
Diapositives
• Exposé • Vidéo
Yves André : Une invitation au Tango [7]
Céline Ruiz et Alejandro Schwarz : Une brève introduction au tango [8]
Léon Lévy-Bencheton : Le Tango, une chanson à texte poétique qui se danse ? [9]
***
Samedi 13
janvier 2024
Martin González : La raison topologique (V.I. Arnold) du théorème d’impossibilité d’Abel [10]
Grégory Panosyan : Gilles Deleuze et la
Jurisprudence, au prisme de Lautman, Riemann et Weierstrass [11]
***
Samedi 3
février 2024
Rencontre
franco-tunisienne : Faire face au nihilisme ?
(org. H. Ben Charrada, F. Nicolas, A. Rallet et R. di Stefano)
·
François
Nicolas : Qu’est-ce qu’un point à tenir ? [12] :
le point de l’amour entre un homme
et une femme
Diapositives
• Texte • Vidéo
·
Alain Rallet
et Rudolf di Stefano : Défier le nihilisme ? [13]
· Hayet Ben Charrada : Le
point de la Tunisie à la croisée des langues : le tunisien, le français et
l’arabe
· Reine Cohen : Le point de l’énonciation dans la
psychiatrie
· Valérie Lozac'h-Legendre :
Le point de l’école comme possible lieu d’émancipation
· Guillaume Nicolas : Le point de
l’architecture vernaculaire ?
Diapositives
• Texte • Vidéo
· Gabriel… : Le point de
l’étude pour la jeunesse intellectuelle d’aujourd’hui
***
Samedi 4
mai 2024
Petrograd
1918 (F.
Nicolas) & Cantus Firmus (J. Seban)
© É. Thomas, 2024
· Projection du film Cantus firmus
(2024 ; 25 mn)
Diffusion
de l’oratorio Petrograd 1918 (2021 ; 80 mn) :
1. Nuits de Petrograd (15 mn)
2. Soulèvements (13 mn)
3. Paroles (12 mn)
Partition
• Diapositives
• Vidéo 1
·
Suite de la diffusion de Petrograd 1918
4. Longue marche (18 mn)
5. Aube (16 mn)
6. Postlude (6 mn)
Nouvelle
projection de Cantus firmus
***
Samedi 25
mai 2024
Matías Tripodi - Sur le tango. Écrire et
interpréter : signes, expériences, représentations. [14]
Jean-Pierre Marquis - Capturer,
sonder et mettre à l’œuvre les formes conceptuelles en mathématiques [15]
Références :
D. Ellerman 1
et 2
• Vidéo
***
Principes de l’atelier mamuphi
1
Cet
atelier est disposé sous l’axiome d’une « égalité des intelligences »
qui, selon la thèse de Joseph Jacotot (1770-1840) interprétée par Rancière dans
Le maître ignorant (1987), pose en substance que toute production de
pensée est intelligible par n’importe qui, pour peu bien sûr qu’il veuille se
donner la peine de se l’approprier.
2
Cet
atelier est l’affaire de mathématiciens aux pieds nus :
mathématiciens non-professionnels, amateurs de la pensée mathématique, qui
l’étudient très lentement, en évitant que son indispensable formalisation ne se
replie en un formalisme clos sur lui-même, et mesurant ainsi patiemment chacun
de leurs pas formels à différentes interprétations.
3
Les
théories mathématiques ici examinées sont susceptibles de trois types
d’interprétation : intra-mathématique (du type interprétation
géométrique d’une formalisation algébrique), intra-scientifique (du type
application aux sciences physiques) et extra-scientifique
(interprétation plus intellectuelle, vers des domaines non scientifiques,
structurés autour de procès explicitement subjectifs, d’un type qu’on nommera raisonance
pour indiquer le travail ici de résonance entre raisons disparates).
4
Le
troisième type d’interprétation – la raisonance donc - constitue la
motivation essentielle de cet atelier. Sa mobilisation pour comprendre
et par là apprendre les jeux formels de la mathématique reste motivée
par des enjeux outrepassant ceux de la mathématique : il s’agit de
tracer des diagonales interprétatives qui circulent librement (de
manière non strictement applicative) des mathématiques vers des domaines
(artistiques, militants et philosophiques…) dont la rationalité propre diffère
de celle, démonstrative, des mathématiques.
5
Ce
type de diagonale fait alors cheminer la lumière mathématique (vers des
domaines qui en sont spontanément séparés) selon une lumière rasante
(quand celle des applications est zénithale) qui révèle les reliefs par
des ombres portées (indiquant corrélativement ce qui, du domaine
considéré, n’est pas mathématisable).
6
L’évaluation
d’une telle diagonale dépendra alors d’une fécondité de l’imaginaire
ainsi levé (imaginaire dont le nouage à une symbolisation inattendue vient
ombrer quelque réel insaisissable) sans strictement se mesurer, comme dans les
logiques applicatives, à l’exactitude des enchaînements formels.
7
Pour
engager tout ceci, il importe préalablement de sélectionner soigneusement la
théorie mathématique susceptible d’une telle lumière rasante sur des enjeux
qui l’outrepassent. En effet, rien là de mathématiquement nécessaire s’il est
vrai que toutes les théories mathématiques n’ont pas, au même degré, un tel
potentiel de raisonances par ombres et lumières au-delà de leur univers
propre.
François Nicolas – Atelier
sur les équations abéliennes
Après avoir démontré l’insolubilité algébrique de l’équation
quintique générale (1824-1826), Abel examine (1828-1829) les conséquences algébriques
de la résolubilité pour les équations irréductibles, dégageant ainsi les
propriétés spécifiques de ce que Kronecker appellera (1853) « les
équations abéliennes ».
L’enjeu de cet atelier sera de s’approprier cette théorie en
dégageant, par contrepoint de l’approche galoisienne (1831), ses possibles
enjeux intellectuels (ses « raisonances ») en termes de composition
des collectifs tant musicaux que militants.
Ce faisant, on s’intéressera à la dialectique de la définition
et de l’identification nominale qui conduit en particulier à discerner le cas,
finalement le plus général, d’innommables parfaitement définis.
Ivan Marin - Remarques sur le système ontologique et logique d’Alain Badiou
Je passerai en revue divers aspects du
système ontologique et logique qu’a construit Alain Badiou, en lien serré avec
des théories mathématiques, la théorie des ensembles et celle des catégories,
dans les trois tomes de son triptyque L’être et l’événement.
Je mettrai ensuite en question
l’utilisation qu’il fait de ce que l’on appelle en théorie des ensembles
l’axiome d’existence de cardinaux dits "inaccessibles", dont il fait
une sorte de fil d’Ariane parcourant ces trois volumes.
On terminera par une analyse de ce que
cette mise en question à la fois apporte et retire à l’articulation logique du
système philosophique.
Pierre Carré - De la bibliothèque à la partition,
devenir d’un objet-trouvé mathématique dans Pithoprakta de Iannis Xenakis
Largement commentées par Xenakis et ses exégètes, véritable cas
d’école de l’application d’un modèle extra-musical à la composition dans
l’avant-garde d’après-guerre, les célèbres mesures 52-59 de Pithoprakta
puisent leur matérialité dans la théorique cinétique des gaz de
Maxwell-Boltzmann. Toutefois, cet emprunt cache en réalité une pratique bien
plus nuancée que celle présentée par le compositeur, ce que révèle un examen
approfondi de différentes sources issus du fonds d’archives Xenakis. Nous
proposerons donc une analyse détaillée de ces quelques mesures à partir d’un
triple éclairage croisé : celui de la bibliothèque du compositeur et de
ses carnets d’esquisses ; celui de la partition publiée ; et celui du
premier chapitre de l’ouvrage théorique Musiques Formelles dans lequel Xenakis expose ses outils
compositionnels.
À partir d’une confrontation critique entre la pratique du
compositeur et son discours théorique, nous verrons ce que l’analyse de
l’artisanat mathématique révèle des processus compositionnels chez Xenakis, et
par là même interroge le statut des emprunts musicaux à des modèles
scientifiques.
Matt
Earnshaw et Thomas Holder - Warlpiri
kinship from a neo-Riemannian point of view
We give an overview of the tradition of
mathematical anthropology that originated with Lévi-Strauss’ structuralist
approach to kinship (Lévi-Strauss/Weil 1949, Courrège 1966, Lawvere/Schanuel
1997). Focusing on the kinship system and culture of the Warlpiri people from
Australia (Meggitt 1962, Laughren 1982, Glowczewski 1987, Lucich 1987) as a
running example will allow us to bring out parallels with recent developments
in transformational music theory.
Éric
Brunier - Vers une
théorie des couleurs
Delacroix
dans son Journal
appelait à « l’entente de la couleur dans la peinture » selon la
double contrainte d’un principe harmonieux des couleurs entre elles (d’une
interaction immanente des couleurs) et de l’accident créé par la lumière qui
bouleverse cette harmonie mais crée du relief. Il remarquait bien ainsi que la
couleur en peinture s’avère contradictoire avec les théories qui avaient alors
cours, celles de Newton et de Goethe, puisque le tableau moderne les tient pour
unies, alors que l’idéologie de l’époque, d’accord avec les principes classiques,
les considère opposées.
Fidèle à
l’exigence de Delacroix, il s’agira donc d’une part d’exposer ce qui peut
paraître contradictoire entre Newton et Goethe, d’autre part de tenter de
formuler une théorie des couleurs propre à la pratique des peintres.
Yves
André - Une invitation au Tango
Au vu
des archives, les contacts de l’Ircam avec le tango ne semblent guère franchir
les bornes du répertoire « classique » d’évocations et de réminiscences,
souvent réduit à des compositions pour piano solo.
À
l’occasion de la vingtième saison du séminaire mamuphi, il nous a paru
intéressant d’organiser une rencontre entre l’Ircam et le tango authentique,
avec ses trois composants indissociables : la danse, la musique et la
poésie
- en
compagnie de Céline Ruiz, danseuse professionnelle de tango, d’Alejandro
Schwarz, compositeur et guitariste de tango, et de Léon Lévy-Bencheton,
écrivain, traducteur et chanteur de tango, organisateur de milonga.
Céline
Ruiz et Alejandro Schwarz - Une brève introduction au tango
Cette
danse qui cumule les oxymores : extrêmement raffinée mais venant des
bas-fonds, fascinante de sensualité mais extrêmement codifiée ; cette
danse qui jaillit du « corps-accord » de l’abrazo
(l’enlacement) ; qui interprète toutes les nuances d’une musique et non
pas un simple rythme ; mais qui l’interprète en restant improvisation
permanente, tissée à deux dans une écoute réciproque de chaque instant.
Ensemble,
Céline R. et Alejandro S. nous proposent une brève introduction à cette danse
et à sa musique : ni tout à fait conférence, ni concert ni démonstration,
mais présentation exemplifiée, suivie – ce serait le sens qu’ils souhaitent
donner à cette rencontre – d’un vrai dialogue avec les Mamuphiques, illustré
d’exemples.
Léon
Lévy-Bencheton - Le Tango, une chanson à texte poétique qui se
danse ?
Le Tango est une musique populaire dansée, surgie en
quelques décennies (1850 à 1930 pour l’essentiel) dans le prolongement d’une
immigration massive.
L’objectif de cet
exposé est de montrer que cette culture populaire urbaine du Rio de la Plata,
après des débuts focalisés sur la danse, au demeurant dans des lieux mal famés
(notamment à Buenos Aires), a donné naissance à un véritable genre de chansons à
texte d’un niveau poétique et musical remarquable, créées par un petit nombre
de poètes et musiciens de haut niveau, et interprétées par des chanteurs et
chanteuses d’exception, en premier le légendaire Carlos Gardel, le plus souvent
avec des arrangements et accompagnements d’orchestres magistraux, œuvres
d’anthologie qui sont encore chantées et dansées de nos jours dans le monde
entier.
L’exposé
introductif sera illustré par une promenade
thématique à travers une dizaine de tangos d’anthologie : le thème, les
paroles dans les deux langues, écoute d’une interprétation historique, chant
par le conférencier d’une ou deux strophes en français (ses propres traductions
« chantables ») en live sur des playbacks de guitare.
Martin González : La raison topologique (V.I. Arnold) du
théorème d’impossibilité d’Abel
Pendant l’année scolaire 1963-1964, V.I.
Arnold s’attaqua à expliquer le théorème d’impossibilité d’Abel à des étudiants
du secondaire. Il approcha le problème géométriquement en renversant la
question à poser : au lieu d’étudier ce que regroupe l’ensemble des
solutions, il construira une fonction multivaluée F d'une variable complexe
avec autant de valeurs-images qu’il y a de solutions. À cette fonction
multivaluée, il associera une surface (justement dite de Riemann car elle est
faite de coupures décidées en des points dits de ramifications, notions
évoquées par Riemann dès sa dissertation inaugurale de 1851) qui revêt le plan
et dont l’étude topologique des monodromies dévoilera la preuve
d’impossibilité d’Abel.
L’approche d’Arnold nous dit plus que ce que
les preuves d’Abel nous disent. Non seulement elle exclut de nouvelles
fonctions à être candidates-solutions d’une équation algébrique mais elle
montre que l’argument d’impossibilité est de nature fondamentalement
topologique : aucune fonction dont la surface associée a même
type de branchement topologique que celle de F n’est résoluble
algébriquement.
Dans cette école, nous présenterons
l’arithmétique géométrique élémentaire qui opère dans cette approche d’Arnold
du théorème d’Abel et nous éluciderons quelques interprétations
intra-mathématiques (théorie des obstructions et des singularités) ainsi qu’extra-mathématiques
que cette approche autorise.
Grégory Panosyan : Gilles Deleuze et
la Jurisprudence, au prisme de Lautman, Riemann et Weierstrass
La jurisprudence est dans un sens large la coutume des
tribunaux créée pour résoudre un problème juridique nouveau. Chez Gilles
Deleuze, la jurisprudence exprime, grâce au soutien serré des mathématiques,
les problèmes que le droit rencontre. Règle immanente et réfléchissante au sens
kantien, la jurisprudence chez Gilles Deleuze nécessite toutefois un juge
immanent pour conserver toute sa pertinence, juge qui appartient au milieu
considéré, autrement dit juge intrinsèque au milieu jugé.
La jurisprudence est dans son mécanisme la manière
pour le droit de se singulariser. « Invention du droit » selon
les termes de Gilles Deleuze, elle peut être utilisée dans d’autres domaines,
en particulier, comme nous y invite Gilles Deleuze, en politique dans le
traitement des situations révolutionnaires. Il est par conséquent important en
2024, au regard d’un capitalisme mondialisé et très gravement inégalitaire, de
s’intéresser au lien unissant l’œuvre de Gilles Deleuze et le concept de
jurisprudence.
Le droit n’est pas qu’un habillage de soutien du
capitalisme, une superstructure du capitalisme en terme marxiste – même si
cette lecture est évidemment pertinente et très actuelle. C’est la force de
Gilles Deleuze de s’être aperçu dès 1953 dans Empirisme et Subjectivité, de la positivité du droit, de l’aspect créateur de
la jurisprudence et de son utilité pour le groupe, indépendamment d’une forme
capitaliste que le groupe pourrait prendre. Le droit et la jurisprudence n’ont
pas toujours été capitalistes. Il n'y a pas de raison qu’ils le restent - c’est
un point très important. Alors que la norme juridique se définit essentiellement comme règle de conduite et que fondamentalement « la discipline
est la seule arme de ceux qui n’ont rien » (A. Badiou), il nous faut nous intéresser de près à cette source
normative révolutionnaire telle que pensée par Gilles Deleuze.
François
Nicolas : Qu’est-ce qu’un point à tenir ?
L’enjeu sera de clarifier ce que point à
tenir veut dire.
On y procèdera en avançant dix caractéristiques
formelles du type subjectif de point qui va nous occuper aujourd’hui. On
examinera ces caractéristiques à la lumière des mathématiques – celles de
l’analyse complexe (Cauchy-Weierstrass), de la théorie des topos (Grothendieck)
et de la géométrie différentielle synthétique (Lawvere) - et à l’ombre de la
philosophie (celle de Badiou dans Logiques des mondes).
Précisons :
à proprement parler, une telle formulation ne se déduit aucunement des
mathématiques et de la philosophie mais son déploiement peut se clarifier et
s’assurer en s’y adossant.
1.
Un point, au
sens moderne, a une intériorité et une épaisseur ; il n’est
donc plus, comme le point classique (euclidien), sans dimension. [Grothendieck…]
Un point moderne est doté
d’une composition interne.
2.
Un tel point
est constitué par l’espace particulier (la situation, le monde)
dont il va devenir le point ; il n’est donc plus constituant d’un espace
abstrait général comme l’était le point classique (euclidien).
Tout point moderne est point
d’un espace préalablement donné dont il procède.
3.
Un tel point émerge
d’un « intérieur », de « son » intérieur (ou
micro-situation incluse dans l’espace de départ) comme une sorte de limite
« consciente » d’un mouvement brownien infinitésimal et
« inconscient » (d’un microscopique « voisinuage »),
comme l’extrémité affleurante d’un iceberg. [Lawvere…]
Le point moderne est une
pointe, faisant percée exceptionnelle dans la régularité de l’espace dont il
procède.
4.
Le type de
point qui nous occupe s’affirme comme un point de vue, c’est-à-dire
comme point couplé à un vecteur : comme micro-flèche précisément localisée
dans l’espace concerné.
Dans notre acception, un tel type de
point est subjectivement investi. Ce faisant, il mute d’une existence objective
dans l’espace (la situation, le monde) concerné à une ek-sistence
subjective qui se tient (sistere) au-delà (ek) de cette existence objective en l’excédant de manière immanente.
5.
Ce faisant, un
tel type de point engage de strictes alternatives : celle de ses
existence et ek-sistence effectives et celle du sens de son vecteur. [Badiou…]
Un tel type de point est un point de
bifurcation subjective, de décision binaire.
6.
On fait sien un
tel type de point – ce point devient « son » point - en s’embarquant
avec lui (pour intervenir dans la situation donnée selon la prescription
formulée par ce point) et non pas en prétendant le maitriser selon quelque
examen objectif en surplomb de la situation concernée.
Un tel type de point, qui sollicite
l’engagement d’un sujet, constitue une cause subjective.
7.
Tenir ce point
comme « son » point initie une dynamique : celle de le
faire travailler dans la situation qui l’a constitué. Le tenir ne consiste donc
pas à y camper, s’y retrancher ou s’y fortifier mais à se déplacer dans la
situation concernée selon la direction localement prescrite par son vecteur initial
en sorte de tracer un parcours que le point n’aura pas prédéfini mais qu’il
saura « inventer » au fur et à mesure de son travail en situation. [Cauchy-Weierstrass]
Un tel type de point est un point
d’intervention orientée, non pas selon un but a priori auquel parvenir (à
proprement parler, on ne sait où l’on va même si l’on sait parfaitement dans
quel sens on avance) mais selon une direction engageant le mouvement.
8.
Rétroactivement,
le parcours tracé selon ce point sera l’enveloppe des points de vue (des
« vecteurs ») successivement soutenus, pas après pas, dans la
situation.
Tenir son point – autrement dit
« tenir bon » dans la situation concernée - se mesurera au
parcours qui aura été ainsi tracé.
9.
Tenir son point
de proche en proche autorisera de relier deux localisations
spatio-temporelles distinctes et initialement disjointes (dans la situation
concernée) selon un même fil rouge, un même fil conducteur.
Tenir son point pourra ainsi
ambitionner de constituer une région, orientée selon une même idée
directrice : celle que le point aura indiquée à l’entame et que son trajet
aura inventivement et souplement matérialisée.
10.
Arriver à
produire un tel type de région constituera alors une victoire subjective
contre le confinement (i.e. l’enfermement dans un « agir localement »
ayant renoncé à toute véritable ambition globale) et matérialisera une
espérance : le point, ainsi tenu d’un bout à l’autre de la région qu’il
aura inventée, matérialisera en effet la promesse matérialiste que ce parcours
(régional) pourra être inventivement prolongé à
échelle globale du monde concerné.
Un tel type de point, d’origine
infinitésimalement locale, s’avère ainsi la chance, subjectivement offerte,
d’ek-sister dans une situation donnée en ambitionnant légitimement une
transformation globale de cette situation : en l’étendant, par adjonction
d’une nouvelle région matérialisant le travail persévérant et créateur d’une
idée, à portée d’ensemble, courageusement soutenue d’un bout à l’autre de cette
région.
Au total, l’ek-sistence subjective
ainsi engagée par ce type de point en situation reposera sur le courage de tenir
bon sur son point !
Alain
Rallet et Rudolf di Stefano : Défier le nihilisme ?
Cette journée constitue le prolongement de rencontres ayant
eu le même objectif et tenues en Tunisie, à Nabeul début mars 2023. L’enjeu
commun de ces rencontres : que dire, comment se positionner et que faire
face à l’emprise du nihilisme contemporain ?
Chacun fait chaque jour l’expérience
douloureusement ressentie de cette emprise. Chaque jour apporte en effet son
lot de dévastations subjectives. Le nihilisme n’est plus seulement un horizon
philosophique ; c’est aussi une expérience vécue face à un déferlement
d’événements négatifs mettant en question jusqu’au destin de l’humanité :
pandémie, destruction de la planète par une course sans fin au profit, guerres
locales annonciatrices d’une guerre mondiale entre puissances, bouleversements
géopolitiques, politiciens courant sans tête, inégalités croissantes… Dans ce
contexte menaçant, le nihilisme prospère, faute d’une capacité politique
collective à formuler et mettre en œuvre une voie émancipatrice.
Le nihilisme prospère sous deux formes repérées
par Nietzsche. La forme passive du nihilisme (ne rien vouloir) a pour ressort la simple survie animale, se
contenter de l’existant, de ce qu’il y a, en faisant le gros dos dans les
tempêtes sans même forcément y croire. La forme active (vouloir le rien) a pour ressort la
fascination pour la destruction, la guerre, l’anéantissement et la jouissance
morbide qui peut en être tirée. Quelle que soit sa forme, le nihilisme
entretient une méfiance généralisée dans la capacité de l’humanité à dépasser
ses instincts primitifs, à construire une puissance collective émancipatrice.
Il n’est cependant pas possible aujourd’hui de
mener un combat global contre lui : cela impliquerait une force collective
qui fait aujourd’hui défaut depuis les échecs des politiques émancipatrices au
siècle dernier. D’ailleurs le déferlement nihiliste n’a été rendu possible qu’à
raison de ces échecs.
Cela ne nous condamne pas pour autant à
l’impuissance et à l’inaction.
« Tenir à distance le nihilisme »,
« faire un pas de côté » désignera alors une position
subjective se tenant hors de l’emprise du nihilisme, capable pour cela de
reconstituer, pas à pas, point après point, les perspectives d’une confiance
retrouvée dans l’humanité à partir de déclarations singulières, inventives,
subjectivement enracinées dans la vie de ceux qui les énoncent.
L’enjeu sera ici, non pas de formuler quelques
principes généraux, mais d’assumer, dans une situation donnée, une prise de
position subjective faisant l’objet d’un engagement prolongé, tenant
courageusement à distance les impasses du renoncement, du « à quoi
bon ? », développant pour cela concrètement l’image
d’alternatives possibles à l’existant, même si ces possibles apparaissent
minuscules au regard du paysage dévasté du monde contemporain : il n’y a
pas de petites victoires dans un monde accablé par le nihilisme. Car la force
de telles prises de position est de pouvoir être reconnues par d’autres, non
pour qu’ils fassent la même chose mais pour qu’à leur tour ils soient
encouragés, soit à manifester leur propre point subjectif dans le domaine et la
situation qui sont les leurs, soit à partager le ou les points qu’ils tiennent
déjà.
Notre objectif n’est donc pas de constituer un
« programme » qui serait l’addition de tous les points subjectivement
tenus mais de créer autour d’eux un réseau d’amitié et de fraternité qui
travaille à se connaître et se reconnaître en acquérant une confiance mutuelle.
L’enjeu est ainsi de constituer une confiance collective qui permette de passer
de la grandeur de l’isolement, la grandeur de celui qui, dans son travail, dans
son art, dans son activité scientifique, dans ses relations, dans sa vie
quotidienne et ses passions, tient la force affirmative d’un point - et il y en
a beaucoup, nous le savons -, de passer donc de cette grandeur à l’émergence
d’une force collective qui, certes, ne sera pas immédiatement capable de
transformer la situation générale mais qui saura cependant se dresser comme
force subjective, capable de déminer en quelques points l’atmosphère plombée du
nihilisme ambiant, de secouer cette ambiance mortifère.
Ce faisant, il s’agit de projeter cette force
commune en inspirant une confiance collective au travers des exemples
pratiqués, des exemples limités et circonscrits certes mais forts d’une
modestie créatrice et de son potentiel émancipateur.
Linguiste et
danseur de tango d'origine argentine, Matías Tripodi est un artiste pluridisciplinaire et chercheur. Son
travail interroge fondamentalement les liens entre le langage et la danse, la
transmission et la création, le tango et d'autres disciplines.
Il est diplômé
de l'Université de Buenos Aires. Il a collaboré, entre autres, avec le Tanztheater Pina Bausch, avec la compagnie Les Choses de
Rien, avec les danseurs de l'Opéra de Paris et avec le Ballet de l'Opéra
national du Rhin. Avec ce dernier, il a créé plusieurs œuvres chorégraphiques,
dont une version de María de Buenos Aires d'Astor Piazzolla et Horacio
Ferrer.
En 2016, Matías Tripodi a publié en France
son Essai sur un système de notation du mouvement pour le tango, un
système d'écriture chorégraphique unique en son genre. Ce projet a été le point
de départ d'une série de réflexions entre le tango et le langage qui l'ont
conduit à une réflexion philosophique sur la danse, son actualité et son
avenir.
Dans cette
conférence, Matías Tripodinous
montrera le tango sous un autre angle, en apportant un regard théorique et
créatif sur ses possibilités.
Dans
cette conférence, je veux montrer comment la théorie des catégories capture,
sonde et révèle des formes conceptuelles abstraites en mathématiques. Je me
concentrerai sur les implications épistémologiques de ces forces de la théorie,
en particulier comment l’universel et le singulier s’articulent dans ce cadre.